Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20010316

Dossier: 2000-2533-GST-I

ENTRE :

9034-3252 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la " Loi ") par laquelle le ministre du Revenu national (le " ministre ") a demandé à l'appelante un montant de taxe nette de 3 291,28 $, plus l'intérêt couru calculé à compter de la date de la cotisation ainsi qu'une pénalité de 446,85 $.

[2]            La preuve a révélé que le montant de 3 291,28 $ correspond au total des crédits de taxe sur les intrants attribués à l'appelante pour la période allant du 25 avril 1996 au 31 mars 1999. L'appelante ne conteste pas que ces crédits de taxe sur les intrants ont été demandés à l'égard de la fourniture d'une habitation (dans un immeuble résidentiel de 18 appartements) par bail. Bien qu'une telle fourniture constitue une fourniture exonérée en vertu de l'article 6 de la partie I de l'annexe V de la Loi, l'intimée soutient que l'entreprise exploitée par l'appelante n'est pas une activité commerciale au sens du paragraphe 123(1) de la Loi et, par conséquent, ne donne pas le droit à des crédits de taxe sur les intrants conformément au paragraphe 169(1) de la Loi. L'intimée a également imposé des pénalités aux termes de l'article 280 de la Loi. Les dispositions pertinentes sont ainsi rédigées :

SECTION I

DÉFINITIONS ET INTERPRÉTATION

123. (1) Définitions - Les définitions qui suivent s'appliquent à l'article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

" activité commerciale " Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

                a) l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

                b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l'exception de quelque projet ou affaire qu'entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l'affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

                c) la réalisation de fournitures, sauf des fournitures exonérées, d'immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu'elle accomplit dans le cadre ou à l'occasion des fournitures.

" fourniture exonérée " Fourniture figurant à l'annexe V.

Sous-section b

Crédit de taxe sur les intrants

169. (1) Règle générale - Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d'une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu'elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l'importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable :

A x B

où :

A             représente la taxe relative à la fourniture, à l'importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable;

B :           

                                [...]

                               c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l'a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

280. (1) Pénalités et intérêts - Sous réserve du présent article et de l'article 281, la personne qui ne verse pas ou ne paie pas un montant au receveur général dans le délai prévu par la présente partie est passible de la pénalité et des intérêts suivants, calculés sur ce montant pour la période commençant le lendemain de l'expiration du délai et se terminant le jour du versement ou du paiement :

                a) une pénalité de 6 % par année;

                b) des intérêts au taux réglementaire.

ANNEXE V - FOURNITURES EXONÉRÉES

(paragraphe 123(1))

PARTIE I - IMMEUBLES

6. La fourniture :

                a) d'un immeuble d'habitation ou d'une habitation dans un tel immeuble, par bail, licence ou accord semblable, en vue de son occupation continue à titre résidentiel ou d'hébergement par le même particulier dans le cadre de l'accord pour une durée d'au moins un mois [...].

[3]            Mme Dobrila Solunac-Milic, qui a témoigné pour l'appelante, a déclaré qu'elle a été informée au téléphone par un représentant de Revenu Canada (à présent l'Agence des douanes et du revenu du Canada) qu'elle devait produire les déclarations de taxe sur les produits et services (" TPS ") à l'égard de son entreprise de location. Par conséquent, elle a présenté une demande d'inscription le 10 mai 1996 sur laquelle elle a indiqué qu'elle souhaitait que l'inscription aux fins de la TPS prenne effet le 25 avril 1996. Elle a également indiqué sur la demande, déposée comme pièce A-1, que l'activité commerciale principale de l'appelante était la " gestion immobilière ". Personne ne lui a dit, et elle n'en était pas au courant, que la location d'habitations ne constituait pas une activité commerciale. Le 14 mai 1996, Revenu Canada a fait parvenir à l'appelante une lettre confirmant le numéro d'inscription aux fins de la TPS. Cette lettre précisait que l'appelante s'était vu assigner une période de déclaration trimestrielle et que sa première déclaration de TPS et une somme de TPS nette payable devaient couvrir la période du 25 avril 1996 au 30 juin 1996.

[4]            L'appelante a par la suite produit des déclarations trimestrielles indiquant qu'aucune TPS n'était recouvrable (sauf une fois, par erreur), mais demandant des crédits de taxe sur les intrants relativement à la taxe payée en ce qui concerne toutes les fournitures utilisées dans le cadre de l'exploitation de son entreprise. Les crédits de taxe sur les intrants demandés ont tous été attribués à l'appelante jusqu'à ce que la cotisation du 1er septembre 1999 exige que l'appelante rembourse les crédits de taxe sur les intrants qui lui avaient été attribués à tort.

[5]            Mme Solunac-Milic soutient qu'elle a agi de bonne foi pendant toute cette période et qu'elle n'arrive pas à comprendre pourquoi le ministre a attendu trois ans pour l'informer, au moyen d'une cotisation, du fait qu'elle avait demandé à tort des crédits de taxe sur les intrants. Elle affirme qu'elle communiquait occasionnellement avec des fonctionnaires de Revenu Canada afin de s'assurer que les déclarations de TPS de l'appelante étaient correctement produites.

[6]            Selon les dispositions de la Loi, il est clair que l'appelante n'avait pas droit à des crédits de taxe sur les intrants. Le propriétaire d'un immeuble à usage d'habitation qui exploite une entreprise de location d'appartements à des locataires est un fournisseur de fournitures exonérées et une telle entreprise n'entre pas dans le cadre de la définition d'" activité commerciale ". Il n'existe pas de droit à des crédits de taxe sur les intrants à l'égard de fournitures taxables acquises dans le cadre d'une entreprise de location (voir La Reine c. 398722 Alberta Ltd., C.A.F., no A-706-98, 11 mai 2000 (2000 G.T.C. 4091)).

[7]            La cotisation est par conséquent bien fondée pour ce qui est de la taxe nette imposée et des intérêts afférents, qui sont le résultat inévitable de l'assujettissement majoré à la taxe. Toutefois, pour ce qui est des pénalités imposées en vertu de l'article 280 de la Loi, elles sont susceptibles de faire l'objet d'une défense de diligence raisonnable (voir Canada (Procureur général) c. Consolidated Canadian Contractors Inc., [1999] 1 C.F. 209 (C.A.)). La diligence raisonnable est le soin qu'une personne raisonnable exerce afin de respecter la Loi.

[8]            Dans l'affaire Pillar Oilfield Projects Ltd. c. La Reine, C.C.I., no 93-614(GST)I, 19 novembre 1993, à la page 11 ([1993] G.S.T.C. 49, à la page 49-7), le juge Bowman a déclaré ce qui suit :

[...] Comme je l'ai mentionné ci-dessus, la bonne foi dans le contexte d'erreurs commises involontairement n'équivaut pas à la diligence raisonnable. Cette défense exige la preuve positive que toutes les précautions raisonnables ont été prises pour qu'aucune erreur ne soit commise.

[9]            Le juge Bowman a ajouté à cet égard dans l'affaire Wong (E.) c. La Reine, C.C.I., no 94-2918(GST)I, 9 janvier 1996, à la page 17 ([1996] G.S.T.C. 73, à la page 73-5) que :

[...] Elle ne requiert ni la perfection, ni l'infaillibilité. Elle requiert toutefois plus qu'une demande de renseignements fortuite auprès d'un fonctionnaire du ministère du Revenu.

[10]          Et plus récemment, il a déclaré dans l'affaire 1036705 Ontario Ltd. c. La Reine, C.C.I., no 1999-2532(GST)I, 15 août 2000 ([2000] G.S.T.C. 73) au paragraphe 20 que :

[...] La diligence raisonnable n'est pas la même chose que la simple bonne foi. Je ne pense pas qu'un appel téléphonique à un fonctionnaire du ministère du Revenu dont on ne connaît pas le nom, à qui on aurait posé quelques questions vagues et générales et qui aurait donné des réponses tout aussi vagues et générales équivaut au type de diligence raisonnable requis pour éviter la pénalité imposée en vertu de l'article 280. Le problème concernant le genre de demande de renseignements qui a manifestement été fait dans ce cas-ci est que je doute que M. King ait vraiment su quelles questions poser. M. King a présenté certains éléments de preuve pour démontrer que, parfois, des réponses générales de fonctionnaires à des questions vagues sont moins que satisfaisantes. C'est évident. Je doute que l'on ait vraiment besoin d'éléments de preuve à l'appui d'une telle proposition. Cependant, la diligence raisonnable exige plus que de simples demandes de renseignements.

[11]          Dans toutes ces affaires, la Cour n'avait pas tendance à conclure qu'un contribuable a fait preuve de diligence raisonnable lorsqu'il n'avait fait que de simples demandes de renseignements auprès du ministère du Revenu national. Après un examen minutieux, je suis d'avis qu'en l'espèce, la preuve ne révèle pas que l'appelante a fait tout ce qui pouvait raisonnablement être exigé d'elle afin de respecter la Loi. En effet, il paraît que Mme Dobrila Solunac-Milic n'a pas dévoilé tous les renseignements pertinents au ministère du Revenu. Elle s'est contentée de poser des questions au sujet des obligations relatives à la TPS de l'appelante à l'égard de la gestion immobilière sans préciser que celle-ci exploitait une entreprise de locations d'habitations. En réalité, elle ne semblait pas préoccupée par le fait que l'appelante a demandé des crédits de taxe sur les intrants pendant la période en litige, même si elle savait que l'appelante n'avait pas à percevoir de TPS auprès de ses locataires, ainsi que le montrent les déclarations trimestrielles produites par l'appelante pendant toute la période.

[12]          Dans les circonstances, compte tenu du fait que l'appelante a demandé des crédits de taxe sur les intrants en sachant qu'elle ne percevait pas de TPS de ses locataires, je suis d'avis qu'elle aurait dû consulter des professionnels bien informés au sujet de la question de la taxe sur les produits et services ou donner des renseignements plus précis aux fonctionnaires de Revenu Canada (à présent l'Agence des douanes et du revenu du Canada) de façon à avoir une meilleure idée des obligations relatives à la TPS de l'appelante.

[13]          Le fait qu'il ait fallu trois ans au ministre pour s'apercevoir que l'appelante avait demandé à tort des crédits de taxe sur les intrants ne change en rien le devoir de l'appelante de s'assurer que des erreurs n'ont pas été commises. Par conséquent, je conclus que l'appelante n'a pas fait preuve de diligence raisonnable et que les pénalités doivent être maintenues.

[14]          L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de mars 2001.

" Lucie Lamarre "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 20e jour de septembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2533(GST)I

ENTRE :

9034-3252 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 9 février 2001 à Ottawa (Ontario), par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Représentante de l'appelante :     Dobrila Solunac-Milic

Avocat de l'intimée :                   Me Benoît Denis

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise pour la période du 25 avril 1996 au 31 mars 1999, dont l'avis est daté du 1er septembre 1999 et porte le numéro H990143, est rejeté.


Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de mars 2001.

" Lucie Lamarre "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de septembre 2001.

Martine Brunet, réviseure


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.