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Date: 20011023

Dossier: 2000-3942-EI

ENTRE :

9043-5066 QUEBEC INC. (VOYAGE VASCO CENTRE-VILLE),

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifsdu jugement

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1]            L'appel en l'instance a été entendu à Montréal (Québec), le 12 juin 2001.

[2]            Dans une lettre datée du 22 juin 2000, le ministre du Revenu national (le " ministre ") informait l'appelante que Sergio Poblete, le travailleur, avait occupé un emploi assurable d'avril 1998 au 15 janvier 1999, étant donné l'existence d'une relation employeur-employé entre le travailleur et l'appelante.

[3]            L'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi se lit en partie comme suit :

                                5. (1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a)                    l'emploi exercé au Canada pour un pour plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

[4]            Il incombe à l'appelante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que le ministre a commis une erreur de fait et de droit dans sa décision. Chaque affaire doit être tranchée en fonction des faits qui lui sont propres.

[5]            Pour arriver à sa décision, le ministre s'est fondé sur les allégations de fait suivantes, qui ont été admises ou niées par l'appelante :

[TRADUCTION]

a)              l'appelante a été constituée en société le 12 novembre 1996; (admise)

b)             l'appelante exploitait une agence de voyage sous la raison sociale Voyage Vasco et Voyage Vasco Centre-Ville; (admise)

c)              en avril 1998, le travailleur a été engagé par l'appelante comme représentant commercial; (niée)

d)             le travailleur travaillait uniquement au lieu d'affaires de l'appelante; (niée)

e)              le travailleur avait un horaire préétabli; il travaillait de 9 h 30 à 18 h 30 du lundi au vendredi et de 11 h à 14 h le samedi; (niée)

f)              l'appelante supervisait le travail du travailleur; (niée)

g)             l'appelante prenait en charge tous les frais de bureau du travailleur; (niée)

h)             l'appelante payait les primes d'assurance responsabilité du travailleur; (niée)

i)               tout le matériel dont le travailleur avait besoin était fourni par l'appelante; (niée)

j)               l'appelante payait le travailleur à commission; (admise)

k)              l'appelante et le travailleur se partageaient à égalité les commissions réalisées sur les ventes suivant la décision de l'appelante; (admise)

l)               les frais de publicité, de stationnement et de poste du travailleur lui étaient remboursés en partie par l'appelante; (admise)

m)             le travailleur n'avait aucun risque de perte; (niée)

n)             le travailleur a été licencié après qu'il eut demandé de devenir un employé. (niée)

[6]            L'appelante a été constituée en société le 12 novembre 1996 et exploitait une agence de voyage sous la raison sociale Voyage Vasco et Voyage Vasco Centre-Ville.

[7]            Du mois d'avril 1998 au 15 janvier 1999, le travailleur a travaillé pour l'appelante comme représentant commercial. Les représentants de l'appelante, qui sont mari et femme, exploitaient l'entreprise. À leurs dires, le travailleur s'est présenté à leur bureau et leur a offert ses services comme représentant commercial. Il était censé être un agent externe travaillant à domicile.

[8]            Avec le temps, le travailleur en est venu à travailler au bureau de l'appelante, qui a mis une table, un téléphone et un ordinateur à sa disposition en plus de lui fournir le stationnement. Le travailleur devait payer son propre téléphone cellulaire ainsi que ses frais de publicité.

[9]            Le bureau était ouvert de 9 h à 17 h du lundi au vendredi et de 10 h à 15 h le samedi. Le travailleur soumettait à l'appelante les factures sur lesquelles était indiquée la raison sociale de celle-ci et ces factures devaient être approuvées par le gérant de la société. La commission faisait l'objet d'une entente entre le travailleur et l'appelante selon le montant des factures et elle était calculée par l'appelante.

[10]          Si les représentants de l'appelante ont affirmé que le travailleur pouvait travailler ailleurs, pendant toute la durée de la période pertinente, il a travaillé exclusivement pour l'appelante. Les représentants ont déclaré que le travailleur devait payer lui-même ses primes d'assurance responsabilité. Le travailleur a toutefois déclaré qu'il n'avait pas souscrit d'assurance responsabilité personnelle.

[11]          La distinction entre un contrat de louage de services et un contrat d'entreprise est une question de droit et de fait.

[12]          Un contrat de louage de services est un contrat en vertu duquel une partie, c'est-à-dire le serviteur ou l'employeur, convient, pour une période déterminée ou indéterminée, à temps plein ou à temps partiel, de travailler pour l'autre partie, c'est-à-dire le maître ou l'employeur. Un contrat d'entreprise est un contrat aux termes duquel l'une des parties convient d'assurer un service particulier à l'autre partie.

[13]          Un contrat de louage de services ne prévoit généralement pas l'exécution d'un travail particulier; il envisage plutôt que le serviteur mettra ses services personnels à la disposition du maître pendant une période donnée. Un contrat d'entreprise prévoit habituellement l'exécution d'une tâche ou d'un travail particulier et n'oblige généralement pas l'entrepreneur à assurer les services personnellement.

[14]          Pour déterminer s'il y a contrat de louage de services ou contrat d'entreprise, il faut examiner l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations.

[15]          Dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N. [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025), la Cour d'appel fédérale a énoncé quatre critères permettant de distinguer le contrat de louage de services du contrat d'entreprise, à savoir : le contrôle exercé par l'employeur, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice ou les risques de perte et l'intégration de l'employé dans l'entreprise de l'employeur.

[16]          L'avocat du ministre a affirmé que, du mois d'avril 1998 au 3 juin 1998, l'emploi exercé par le travailleur n'était pas assurable parce qu'il n'existait pas de relation employeur-employé entre le travailleur et l'appelante.

[17]          Par conséquent, la Cour se penchera sur la période du 4 juin 1998 au 15 janvier 1999 pour établir la relation contractuelle qui existait entre l'employeur et l'employé.

Le contrôle

[18]          Les contrats avec les clients portent la signature du travailleur et de l'un des représentants de l'appelante. Ils ont été conservés par la payeuse. Le travailleur a travaillé dans le bureau fourni par l'appelante de sorte qu'il y avait supervision immédiate. L'appelante était en mesure d'exercer un contrôle sur le travailleur. Le contrôle était suffisant pour conclure à l'existence d'un contrat de louage de services.

Les instruments de travail

[19]          L'appelante a fourni un bureau, une table, un téléphone, un ordinateur et un stationnement au travailleur, ce qui permet d'établir l'existence d'un contrat de louage de services. Le fait que le travailleur a assumé ses erreurs et a payé ses frais de carburant ne revêt aucune importance aux fins de déterminer la nature du contrat.

Chances de bénéfice ou risques de perte

[20]          Les éléments de preuve n'ont pas permis d'établir qu'il y avait des chances de bénéfice ou des risques de perte pour le travailleur. Il était payé à commission, ce qui n'empêche pas de le considérer comme un employé.

Intégration

[21]          Le travailleur était identifié à l'appelante du fait qu'il travaillait dans son bureau et qu'il se servait de son matériel et de son papier à lettre. Il avait été engagé pour une période indéterminée et non pas pour une période particulière ou pour un travail particulier. Les éléments de preuve ne permettent pas d'établir que le travailleur pouvait embaucher une autre personne pour faire le travail. En ce qui concerne ce critère, le travailleur a été embauché en vertu d'un contrat de louage de services.

[22]          Les intentions des parties entrent parfois en ligne de compte, mais la Cour doit examiner l'ensemble des éléments qui entrent dans le cadre des opérations pour établir la nature du contrat.

[23]          Compte tenu de l'ensemble des circonstances, la Cour conclut que le travailleur exerçait un emploi assurable et qu'il existait une relation employeur-employé entre le travailleur et l'appelante pendant la période allant du 4 juin 1998 au 15 janvier 1999.

[24]          Par conséquent, l'appel est admis et la décision du ministre est modifiée en tenant compte du fait que le travailleur a exercé un emploi assurable du 4 juin 1998 au 15 janvier 1999.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'octobre 2001.

"J.F. Somers"

J.S.C.C.I.

Jurisprudence

Orton v. The Minister of National Revenue (1974) N.R. 9

Pouliot Assurances Inc. c. M.R.N. [1986] A.C.I. no 419

Keith McDonald Realty Ltd. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) [1992] A.C.I. no 310

Avondale Stores Ltd. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1997] A.C.I. no 1343

Erin Mills Coiffures Ltd. (Nino d'Arena Hair Design c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) [1999] A.C.I. no 147

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2000-3942(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                                              9043-5066 Quebec Inc.

                                                                                                            (Voyage Vasco Centre-Ville) et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                                Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                             le 12 juin 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                                                  l'honorable juge suppléant J.F. Somers

DATE DU JUGEMENT :                                                               le 23 octobre 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                                                          Tak Waz Fong (représentant)

Avocat de l'intimé :                                                      Me Vlad Zolia

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Étude :

Pour l'intimé :                                                                 Morris Rosenberg

                                                                                       Sous-procureur général du Canada

                                                                                       Ottawa, Canada

2000-3942(EI)

ENTRE :

9043-5066 QUEBEC INC. (VOYAGE VASCO CENTRE-VILLE),

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 12 juin 2001 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge suppléant J.F. Somers

Comparutions

Représentant de l'appelante :                          Tak Waz Fong

Avocat de l'intimé :                                        Me Vlad Zolia

JUGEMENT

          L'appel est admis et la décision du ministre est modifiée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'octobre 2001.

"J.F. Somers"

J.S.C.C.I.


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