Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980401

Dossier: 97-158-CPP

ENTRE :

FLEETWAY CONSULTING SERVICES INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs de l'ordonnance

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Par cette requête, l'intimé demande qu'un appel interjeté en vertu de l'article 28 du Régime de pensions du Canada (la " Loi " ou le " RPC ") soit rejeté pour le motif que l'appelante n'en a pas appelé d'abord au ministre du Revenu national (le " ministre ") pour demander que soit reconsidérée l'évaluation, comme l'exige le paragraphe 27(2) de la Loi.

[2]            Pour faciliter la compréhension de l'analyse qui suivra, je reproduis maintenant les paragraphes 27(1), 27(2), 27(3), 27(4), 27(5) et 28(1) de la Loi :

27(1)        Lorsque se pose la question de savoir si, selon la présente loi, une personne est tenue de verser une cotisation à titre d'employé pour une année ou à titre d'employeur à l'égard d'un employé pour une année, ou quel doit en être le montant :

a)             l'employé, l'employeur ou le représentant de l'employé ou de l'employeur peut, au plus tard le 30 avril de l'année suivante, demander au ministre de prononcer un arrêt à cet égard;

b)            le ministre peut, de sa propre initiative, en décider à tout moment.

(2)            Lorsque le ministre a évalué le montant payable par un employeur aux termes de la présente loi, l'employeur ou son représentant peut, dans les quatre-vingt-dix jours de l'envoi par la poste de l'avis d'évaluation, en appeler au ministre pour demander que soit reconsidérée l'obligation de verser un montant ou le montant ainsi évalué.

(3)            Lorsqu'une question mentionnée au paragraphe (1) doit être arrêtée par le ministre :

a)             par suite d'une demande faite par un employé ou son représentant, le ministre avise l'employeur en cause ou son représentant;

b)             par suite d'une demande faite par un employeur ou son représentant, le ministre avise l'employé désigné dans la demande ou son représentant;

c)              de sa propre initiative, le ministre avise l'employeur ou son représentant et tout employé qui peut être concerné par l'arrêt ou son représentant;

d)             par suite d'un appel aux termes du paragraphe (2), le ministre avise tout employé qui peut être concerné par l'arrêt ou son représentant,

de son intention d'arrêter la question et il fournit à ces personnes l'occasion de lui transmettre des renseignements et de formuler des observations en vue de sauvegarder leurs intérêts.

(4)            Les demandes visant l'arrêt d'une question ou les appels en vue de la reconsidération d'une évaluation par le ministre sont adressés au chef des Appels d'un bureau de district du ministère du Revenu national et sont livrés à ce bureau ou y sont expédiés par la poste.

(5)            Saisi d'une demande ou d'un appel aux termes du présent article, le ministre arrête, avec toute la diligence voulue, la question soulevée par la demande ou annule, confirme ou modifie l'évaluation, ou fait une réévaluation, et il en avise dès lors tout employé intéressé ou son représentant ainsi que l'employeur ou son représentant.

      [...]

28(1)        Un employé ou un employeur visé par l'arrêt du ministre ou par sa décision sur l'appel que prévoit l'article 27, ou son représentant, peut, dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle l'arrêt ou la décision lui est communiqué, ou dans le délai supplémentaire que la Cour canadienne de l'impôt peut accorder sur demande qui lui est présentée dans les quatre-vingt-dix jours, en appeler de l'arrêt ou de la décision en question auprès de cette Cour en envoyant un avis d'appel dans la forme prescrite par courrier recommandé au greffe de la Cour.

[3]            Aux fins de la requête, une déclaration sous serment a été déposée par Mme Ginette Murray. Mme Murray a également fait une déposition orale. Mme Murray est agent des litiges à Revenu Canada. Elle a dit qu'aucun arrêt n'avait été prononcé par le ministre en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi. La seule chose qui ait été faite, c'est l'établissement d'un avis d'évaluation en date du 25 mars 1997 (pièce R-1). On n'en a pas appelé au ministre concernant cet avis d'évaluation comme l'exige le paragraphe 27(2) de la Loi. Pour ce qui est de la Loi sur l'assurance-chômage (parfois appelée ci-après la " LAC "), le processus d'appel avait été mené à terme. Le 6 février 1997, on en avait appelé au ministre concernant la décision no 10-96-1480 en date du 29 novembre 1996. Cette décision concernait uniquement l'assurabilité de l'emploi exercé par M. Hung Tong du 15 avril au 30 août 1996. La décision et l'appel au ministre ont été déposés sous la cote R-2.

[4]            Une déclaration sous serment a été déposée par Mme Bernice Marien à l'appui de l'appelante (l'intimée à cette requête). Mme Marien a témoigné à l'audience. Elle est comptable agréée et est associée fiscaliste principale dans un cabinet d'experts-comptables. L'appelante avait retenu les services de ce cabinet pour qu'il l'aide à déterminer le statut de M. Hung Tong, c'est-à-dire, à déterminer si ce dernier était un employé ou un travailleur autonome. Mme Marien a dit qu'elle avait eu une conversation téléphonique avec un certain M. Stewart de Revenu Canada le 5 mars 1997. M. Stewart lui avait dit qu'il s'était vu confier la tâche d'établir une évaluation en vertu du RPC ainsi qu'en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage. Mme Marien a également témoigné que, durant leur conversation, M. Stewart n'avait jamais dit qu'il y avait un processus d'appel distinct en vertu du RPC. La pièce R-1, soit l'avis d'évaluation en date du 25 mars 1997, inclut en fait les deux montants dans le même document. Dans des entretiens ultérieurs que Mme Marien avait eus avec M. Stewart ou d'autres représentants du ministre, jamais on ne l'avait avisée qu'il y avait un processus d'appel distinct sous le régime de chacune des deux lois.

[5]            M. John Fleck, qui est ingénieur et président de l'appelante, a également déposé une déclaration sous serment en réponse à la présente requête. Lui et son épouse, soit la vice-présidente de l'appelante, avaient rencontré M. Stewart le 12 mars 1997. M. Fleck a témoigné dans le même sens que Mme Marien, à savoir que, bien que les deux parties eussent discuté des évaluations établies en vertu du RPC et de la LAC, on n'avait jamais mentionné à son épouse ou à lui que les processus d'évaluation et d'appel étaient différents aux fins des deux lois. Il avait donc pensé que la décision du ministre en date du 20 mai 1997 faisant suite à l'appel de l'appelante au ministre en date du 6 février 1997 avait été rendue par suite de la discussion concernant les cotisations au RPC et les cotisations d'assurance-chômage, et qu'elle n'avait pas été rendue uniquement en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage comme c'était en fait le cas.

[6]            L'avocate du requérant a dit que la position du ministre était qu'une décision avait été rendue concernant l'assurabilité de l'emploi exercé par M. Tong pour l'appelante et qu'on en avait valablement appelé de cette décision conformément à la LAC. Toutefois, pour ce qui est du prétendu appel sous le régime du RPC, la position du ministre était qu'on n'en avait pas appelé valablement de l'évaluation dont l'avis a été déposé sous la cote R-1. L'avocate du requérant a renvoyé la Cour au paragraphe 27(2) du RPC et a dit que l'appelante n'en avait pas appelé au ministre pour demander que soit reconsidérée l'évaluation. Elle a également dit qu'au verso de l'avis d'évaluation (pièce R-1), plus précisément au troisième paragraphe, les employeurs sont dûment avisés qu'ils peuvent en appeler dans les 90 jours de l'envoi par la poste de l'avis d'évaluation.

[7]            L'avocate de l'intimée à la requête a renvoyé la Cour à l'alinéa 27(1)b) du RPC et a fait valoir que, dans l'appel en instance, l'évaluation pouvait être considérée comme un arrêt prononcé par le ministre de sa propre initiative. Elle a cité la décision Agpro Services Inc. v. M.N.R., [1997] A.C.I. no 1200, dans laquelle le juge Garon de la Cour canadienne de l'impôt a conclu que, pour faire connaître sa décision, le ministre avait deux possibilités : l'arrêt et l'évaluation. Elle soutenait que le RPC ne prévoyait aucune forme particulière pour l'obtention d'un arrêt et que le ministre avait bel et bien prononcé l'arrêt prévu à l'alinéa 27(1)b) lorsqu'il avait établi une évaluation à l'égard de l'appelante.

[8]            L'avocate de l'intimée à la requête a demandé que la Cour, si elle conclut qu'aucun arrêt n'a été prononcé, recommande au ministre de considérer la décision relative à la Loi sur l'assurance-chômage comme valant également pour ce qui est du Régime de pensions du Canada. L'avocate a aussi demandé que les frais de la requête soient adjugés à l'appelante.

[9]            Sur ce dernier point, l'avocate du requérant a renvoyé la Cour à la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Procureur général du Canada c. Skimming, [1996] A.C.F. no 734. Selon cette décision en date du 29 mai 1996, un tribunal ne peut adjuger des frais sans qu'une disposition législative expresse ne le permette. Comme pareille autorisation n'est pas accordée dans la Loi, des frais ne peuvent être adjugés ici.

Conclusion

[10]          Une évaluation ne peut être assimilée à un arrêt prononcé en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi. Comme l'a dit le juge Garon dans la décision Agpro, précitée, le ministre a deux possibilités pour faire connaître sa décision. Ces possibilités constituent toutefois deux moyens juridiques distincts et ont un caractère juridique différent. Dans le cas d'un arrêt, il s'agit de déterminer si une personne est tenue de verser une cotisation et quel doit en être le montant. Quant à l'évaluation, elle représente la mise en demeure de payer les cotisations dues. Une évaluation est faite par le ministre en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi, et la première étape du processus d'appel consiste à en appeler au ministre en vertu de ce même paragraphe.

[11]          En ce qui concerne la question de l'existence d'un arrêt, il n'y a aucun élément de preuve qui indique qu'un arrêt a été prononcé par suite d'une demande de l'employeur, ni aucun qui indique qu'un arrêt a été prononcé par le ministre de sa propre initiative. Un tel arrêt aurait de toute façon nécessité que le ministre réponde à l'exigence posée à l'alinéa 27(3)c) de la Loi.

[12]          Le paragraphe 28(1) de la Loi dit clairement que l'on peut interjeter appel à notre cour uniquement d'un arrêt du ministre ou d'une décision sur l'appel au ministre que prévoit l'article 27. On ne peut donc que conclure que l'appel à notre cour en vertu de l'article 28 de la Loi n'a pas été valablement interjeté. L'avocate de l'appelante a dit, concernant l'évaluation, qu'il n'y avait pas d'appel non plus en vertu de la LAC. Quoi qu'il en soit, l'appel dont je suis saisi quant à savoir s'il existait un emploi assurable a été valablement interjeté.

[13]          Il est fait droit à la requête, et l'appel interjeté en vertu de l'article 28 de la Loi est rejeté. Pour ce qui est des frais, compte tenu de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Skimming, précitée, aucuns frais ne peuvent être adjugés. Vu l'issue de l'appel interjeté en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage, il est inutile de faire la recommandation demandée, mais, si l'issue avait été différente, je n'aurais pas hésité à formuler une ferme recommandation conforme à la demande de l'avocate de l'intimée à cette requête.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour d'avril 1998.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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