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Date: 20001128

Dossiers : 1999-1210-IT-I

ENTRE :

CLAIRE BALDWIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Louise Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel concernant les années d'imposition 1991, 1993 et 1994. La question en litige est de savoir si les dépenses locatives réclamées par l'appelante ont été engagées par cette dernière, au cours des années d'imposition de 1991 à 1994, en vue de tirer un revenu locatif d'une propriété sise au village du Petit-Rocher dans la province du Nouveau-Brunswick.

[2]      Il n'y a pas appel de l'année 1992 parce qu'aucun impôt n'a été cotisé pour cette année. Toutefois les dépenses locatives de cette année doivent être étudiées parce qu'elles ont été utilisées pour être reportées sur d'autres années d'imposition.

[3]      Pour établir ces nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) s'est fondé sur les faits décrits au paragraphe 8 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) comme suit :

a) l'appelante a fait l'acquisition, le 16 octobre 1991, d'une propriété située dans la province du Nouveau-Brunswick et plus spécifiquement dans le village du Petit-Rocher;

b) le bien est une maison de 2 500 pieds carrés dont le coût d'achat fut de 125 000 $;

c) l'appelante a grevé sa résidence située à Candiac d'une somme de 235 000 $ pour acquérir, entre autres, la propriété sise au 713, rue de la Mer au Nouveau-Brunswick;

d) l'exploitation de la propriété sise au Nouveau-Brunswick a généré constamment des pertes de location :

i) 1991- 4 832 $

ii) 1992- 11 155 $

iii) 1993- 19 025 $

iv) 1994- 23 541 $;

           

e) le revenu brut annuel de location de la propriété sise au Nouveau-Brunswick totalisait les sommes suivantes :

i) 1991 1 200 $

ii) 1992 3 600 $

iii) 1993 3 600 $

iv) 1994 1 600 $;

f) un bail fut signé au mois de septembre 1994, à l'égard de la propriété sise au Nouveau-Brunswick pour une somme de 400 $ par mois;

g) l'appelante n'avait aucun espoir raisonnable de tirer un profit, à l'égard de la propriété du Nouveau-Brunswick, au cours des années d'imposition 1991, 1993 et 1994;

h) les dépenses de location réclamées annuellement, à l'égard de la propriété située au Nouveau-Brunswick, constituaient des frais personnels ou des frais de substance de l'appelante, et n'ont pas été engagées par la dite appelante dans le dessein de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien.

[4]           L'Avis d'appel explique ainsi les dépenses engagées et les raisons pour lesquelles les activités de location auraient été difficiles :

B. Énoncés des faits :

1. Ces dépenses ont été encourues en vue d'ajouter des chambres de location et d'améliorer l'apparence et la qualité de l'immeuble, afin d'en tirer un meilleur revenu de location.

2. La propriété a été louée et est encore louée, mais en raison de la situation économique désastreuse de l'endroit et de la fermeture de plusieurs industries dans le secteur minier, principale source de création d'emploi dans la région, les loyers n'ont jamais été aussi élevés ni rentables que ce qu'on nous avait fait miroiter relativement à cet immeuble.

[5]           L'appelante et son mari, monsieur Raynold Domingue, qui agissait comme son représentant en cette affaire, ont témoigné. L'appelante a admis les alinéas de 8 a) à 8 f) de la Réponse.

[6]           L'appelante a produit comme pièce A-1 un document préparé par son représentant. Ce document a été envoyé à Revenu Canada le 25 octobre 1996. D'après cette note et conformément au témoignage de l'appelante, en 1991 la région « bourdonnait d'activité » relativement à l'exploitation minière.

[7]           L'appelante a expliqué qu'elle a passé quelques étés de son enfance au Nouveau-Brunswick, que ses parents étaient originaires de cette région et qu'elle y avait encore quelques cousins éloignés. Lors d'un voyage d'affaires de son mari dans cette région, elle a visité le village de Petit-Rocher et a eu un coup de coeur pour une propriété située au bord de l'eau. La totalité du prix d'achat a été financée au moyen d'un emprunt hypothécaire sur la maison familiale sise à Candiac (onglets 2 et 3 de la pièce I-2).

[8]      L'acte d'achat de la propriété en date du 16 octobre 1991 a été fait aux noms de l'appelante et de son mari (onglet 4 de la pièce I-2). L'appelante et son mari soutiennent que l'acquisition devait se faire par l'appelante seulement, mais que c'est ainsi que le document de transfert avait été fait et qu'ils l'ont accepté. Le 8 janvier 1993, un acte de transfert est exécuté de la part des deux époux à l'appelante (onglet 6 de la pièce I-2). Une des clauses de la déclaration assermentée contenait l'énoncé suivant : That the property has been occupied by us as marital property.

[9]      Lors de l'acquisition de la propriété en 1991, ainsi que l'a expliqué monsieur Domingue lors de sa plaidoirie, le vendeur a négocié comme une des conditions de vente que lui et sa famille demeurent, à titre de locataires dans la propriété, jusqu'à ce qu'ils se trouvent un nouveau logis. Ils y seraient demeurés jusqu'en juin de l'année 1992. C'est ce qui explique qu'en 1991 et 1992, il n'y a pas eu de réparations.

[10]           L'appelante a relaté que la maison, construite depuis environ sept ans, n'était pas terminée. Il y avait deux chambres en haut dont les planchers étaient à faire. Les châssis des fenêtres étaient aussi à finir. Ceci explique les travaux de 10 682 $ et 10 766 $ faits en 1993 et 1994.

[11]     Selon l'appelante, le but de l'acquisition était de louer la maison à des cadres de compagnie. Cette location n'a pas été possible parce que selon l'appelante et son mari, l'économie de la région n'a pas été aussi bien que prévue déjà quelques mois après l'acquisition. Comme mesure alternative, ils auraient essayé la location estivale mais ils habitaient trop loin pour que ce soit vraiment efficace.

[12]     Au moment de la plaidoirie, l'appelante a mentionné qu'elle avait installé ses propres meubles dans la propriété. Elle n'en a pas mentionné le coût parce que ces meubles lui appartenaient.

[13]           L'appelante est actionnaire de corporations qui sont dans l'achat et la vente de propriétés ainsi que dans l'acquisition de propriétés locatives. Elle n'a pas expliqué pourquoi, cette fois-ci, elle n'a pas utilisé le véhicule de ces corporations pour faire l'acquisition de la propriété en question.

[14]     Les déclarations de revenu de l'appelante pour les années d'imposition 1991 à 1998 ont été produites comme pièce I-3. Nous voyons dans la déclaration de revenu pour l'année 1993, à l'état des revenus et dépenses de location, un revenu brut de 48 600 $ alors que le revenu brut admis est de 3 600 $. L'appelante ne savait pas pourquoi le comptable avait inclus des revenus probablement de dividendes provenant de corporations dont elle est la seule actionnaire et les avaient ajoutés au revenu locatif brut pour en faire un revenu total de 48 600 $ et ainsi arriver à un revenu net de 25 975 $. La même chose s'est produite pour l'année 1994 dans l'état des résultats de l'exercice terminé le 31 décembre 1994. On y voit un chiffre d'affaires de 46 600 $, un bénéfice net de 21 459 $ alors que le chiffre d'affaires provenant de la propriété locative est de 1 600 $ (onglets 3 et 4 de la pièce I-3). L'appelante a donné comme explication qu'il s'agissait de documents préparés par son comptable et qu'elle ne pouvait pas donner d'autre explication.

[15]     En 1995, la situation revient à la normale. Le montant imposable de dividendes de sociétés canadiennes est de 27 500 $ (pièce I-5 et onglet 5 de la pièce I-3). L'état des résultats indique un revenu brut d'entreprise de 4 800 $ et une perte nette de 8 740 $. En 1996, le chiffre d'affaires locatif est de 2 100 $ et la perte nette de 9 881 $.

[16]     En 1997, le revenu brut est de 10 800 $, les dépenses au montant de 7 878,53 $ pour un profit de 2 921,47 $. Il est à noter qu'il n'y a aucune autre dépense à l'exception de celles concernant les assurances, les intérêts maintenant au montant de 5 755,27 $ et les impôts fonciers. En 1998, le revenu brut de location est de 10 800 $, les dépenses sont de 7 873,05 $ pour un profit de 2 926,95 $. Encore là les seules dépenses demandées sont celles concernant les assurances, les intérêts et les impôts fonciers.

[17]     Le représentant de l'appelante s'est référé aux décisions suivantes : Egger c. La Reine, 98 DTC 3372; Bélec c. La Reine 94 DTC 1776; Costello c. La Reine 98 DTC 1362; Pope et al. c. La Reine 97 DTC 147.

[18]           L'avocat de l'intimée s'est référé aux décisions suivantes : Moldowan c. La Reine [1978] 1 R.C.S. 480; Tonn c. Canada [1996] 2 C.F. 73 (C.A.F.); Mastri c. Canada [1998] 1 C.F. 66 (C.A.F.); Mohammad c. Canada [1998] 1 C.F. 165 (C.A.F.); et Stewart c. Canada [2000] A.C.F. no 238.

Conclusion

[19]     Les décisions citées par l'appelante donnent raison aux contribuables. Il s'agit toutefois de circonstances où l'acquisition de la propriété locative a été faite dans un contexte essentiellement commercial ou si faite en partie pour des fins personnelles et en partie pour des fins commerciales, la structure en capital permettait selon les normes commerciales de retirer un profit locatif n'eût été pour des événements imprévisibles. Dans de tels cas les mesures de redressement possibles ont été prises. Tel n'est pas, selon mon analyse de la preuve, le cas dans la présente affaire.

[20]     Il me faut constater que le but de l'acquisition de la propriété me paraît être d'abord pour des fins personnelles. Il s'agit d'un coup de coeur. Il est difficile de croire que lors de l'acquisition en 1991, le transfert ait été fait erronément à l'appelante et son mari. Il est aussi difficile de comprendre pourquoi la déclaration assermentée faite en 1993 contenait l'affirmation que les époux avaient utilisé la maison pour des fins familiales. Il n'y a pas eu d'explication à savoir pourquoi cette propriété, si elle avait été acquise comme propriété locative, n'ait pas été acquise par l'appelante par l'entremise de Les entreprises Claire Baldwin Inc. comme elle le faisait pour les autres propriétés locatives.

[21]     Il est évident que pour les années 1991 et 1992, l'appelante ne pouvait pas retirer de profit de la location de la maison du Petit-Rocher. La maison était de droit louée à l'ancien propriétaire. L'appelante ne pouvait donc y faire aucune réparation. Il était aussi évident que les frais d'intérêts seraient nécessairement nettement supérieurs aux revenus locatifs.

[22]           Quelques mois après l'acquisition, il était déjà connu que l'exploitation minière prévue pour la région n'aurait pas lieu. Il n'y a pas de preuve de mesure valable de redressement prise pour contrer cet événement imprévisible. L'appelante habitait Candiac, une ville près de Montréal donc très loin du lieu locatif, surtout pour de la location estivale.

[23]     En ce qui concerne les années 1993 et 1994, le coût des travaux de réparation a été d'environ 10 000 $ chaque année. Il n'y a pas eu d'explication quant à l'étalement des travaux sur deux ans. Pour ces années aussi, les seuls frais d'intérêts sont beaucoup plus élevés que les revenus locatifs bruts.

[24]     Dans les années 1995 et 1996, il s'agit encore d'une situation où les seuls frais d'intérêts sont nettement supérieurs aux revenus locatifs. Il n'y a plus de frais de réparations mais le revenu locatif demeure très faible.

[25]     Dans les années 1997 et 1998 après qu'il y ait eu l'avis du Ministre que les pertes locatives pouvaient être refusées, l'appelante a réussi à louer la maison pour un revenu locatif brut raisonnable. Elle a également rétabli quelque peu la structure en capital pour donner un revenu de location positif. Il est toutefois à noter qu'aucune autre dépense n'entre en jeu dans ces années 1997 et 1998 à l'exception de celles concernant les assurances, les frais d'intérêts et les impôts fonciers.

[26]     Pour les années en litige, soit de 1991 à 1994, la preuve n'a pas révélé de faits qui soient indicateurs d'une véritable entreprise commerciale de location. Il me faut conclure que l'appelante n'exerçait pas une entreprise locative à l'égard de la propriété en question.

[27]     Les appels sont en conséquence rejetés.

Signé à Ottawa, Canada ce 28e jour de novembre 2000.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :           1999-1210(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                Claire Baldwin et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :              le 26 juillet 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :           l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                le 28 novembre 2000

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelante :           Raynold Domingue

Avocat de l'intimée :                Me Yanick Houle

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                    Nom :

                    Étude :         

Pour l'intimée :                          Morris Rosenberg

                                                  Sous-procureur général du Canada

                                                  Ottawa, Canada

1999-1210(IT)I

ENTRE :

CLAIRE BALDWIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 26 juillet 2000, à Montréal (Québec), par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Représentant de l'appelante :                     Raynold Domingue

Avocat de l'intimée :                                    Me Yanick Houle

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1991, 1993 et 1994 sont rejetés, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de novembre 2000.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


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