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Date: 20010627

Dossier: 2000-4629-IT-I

ENTRE :

DONALD BARTSCH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Rip

[1]            M. Donald Bartsch interjette appel à l'encontre d'une cotisation d'impôt visant l'année 1998 et lui refusant un crédit d'impôt non remboursable au titre de frais qu'il avait engagés pour son fils, Davin, et qui ont été considérés comme n'étant pas des frais médicaux. L'appelant soutient que Davin a, pendant qu'il était interné dans une institution provinciale en 1989 en raison de sa déficience mentale, reçu du ministère du bien-être de l'enfance de l'Alberta « le soin et la formation » visés à l'alinéa 118.2(2)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Les paiements que l'appelant a faits au gouvernement de l'Alberta par suite de l'internement de son fils dans cette institution représentent d'après lui des frais médicaux.

[2]            Davin Bartsch avait 15 ans en 1998. Selon le diagnostic du Dr S. Matthews, Davin avait un grave trouble oppositionnel avec provocation, soit un trouble neurophysiologique organique de nature chronique. Entre autres problèmes, Davin était sujet à des accès de rage et à des comportements antisociaux et il avait une tendance à l'agression et à la destruction. Il ne pouvait être gardé à la maison sans risque; il représentait une menace pour la sécurité et le bien-être de sa jeune soeur. Le Dr Matthews a écrit dans un formulaire de renseignements médicaux, le 12 juin 1998, que Davin [TRADUCTION] « a besoin d'un cadre très strict, stable et structuré qui lui permette de s'adonner à des activités physiques » .

[3]            Avant le 23 septembre 1998, Davin habitait un foyer de groupe de l'organisme appelé Catholic Social Services. Cet organisme a été incapable de s'occuper de Davin. Sur l'ordre de Mme Mary Baird - une travailleuse sociale du gouvernement de l'Alberta chargée du cas de Davin et agissant avec l'autorisation du directeur du bien-être de l'enfance de l'Alberta -, Davin a été appréhendé le 23 septembre 1998, conformément à l'article 17 de la loi de l'Alberta intitulée Child Welfare Act[1], et il a été emmené au Yellowhead Youth Centre (le « Centre » ), à Edmonton, soit une institution de traitement en milieu fermé financée par la province. Le comportement de Davin, d'après Mme Baird, était incontrôlable, et Davin représentait un danger pour lui-même et pour les autres.

[4]            Davin a été admis par le ministère de la famille et des services sociaux de l'Alberta dans une unité de traitement en milieu fermé du Centre. Un traitement en milieu fermé devait permettre une gestion et une évaluation des crises à court terme dans un cadre sûr et fortement structuré. Une unité de garde en milieu fermé est un immeuble que l'on tient fermé à clé et qui est conçu pour répondre aux besoins d'enfants grandement en détresse sur le plan émotionnel, comportemental ou psychiatrique. Selon des documents distribués aux parents par le Centre, des conseillers ayant une formation en aide à l'enfance sont affectés à ces unités 24 heures sur 24.

[5]            Peu après son admission dans un centre de traitement en milieu fermé, l'enfant comparaît devant le tribunal de la famille, et le travailleur social explique alors au juge pourquoi l'internement était nécessaire et, au besoin, pourquoi l'internement serait encore nécessaire. Cela a été fait par Mme Baird.

[6]            Conformément à la demande présentée par Mme Baird, le juge R. S. Fowler, de la cour provinciale de l'Alberta, a, le 2 octobre 1998, ordonné :

(i)                    que Davin soit interné dans une institution de traitement en milieu fermé pour une période de 22 jours se terminant le 23 octobre 1998 (l' « ordonnance de traitement en milieu fermé » );

(ii)                  que le directeur du bien-être de l'enfance soit le tuteur de Davin pour une période de six mois (l' « ordonnance de tutelle temporaire » );

(iii)                 que, pour subvenir aux besoins de Davin, M. Bartsch paie au directeur de l'exécution des ordonnances alimentaires de l'Alberta la somme mensuelle de 400 $ à partir du 1er novembre 1998.

Les motifs des ordonnances (i) et (ii) étaient les suivants :

a)                    Davin avait un trouble mental ou comportemental,

b)                    Davin était dans un état constituant un danger pour lui ou pour les autres,

c)                    il était nécessaire d'interner Davin pour guérir ou atténuer ce trouble,

d)                    concernant l'ordonnance de tutelle temporaire :

i)          Davin avait besoin de services de protection;

ii)        la survie, la sécurité ou le développement de Davin peuvent ne pas être adéquatement assurés si Davin reste avec ses tuteurs, c'est-à-dire ses parents.

[7]            Le 21 octobre 1998, Mme Baird a demandé le renouvellement de l'ordonnance de traitement en milieu fermé au motif que [TRADUCTION] « le psychiatre et le psychologue de l'enfant recommandent une période supplémentaire d'internement pour stabiliser le comportement. »

[8]            Après le 22 octobre 1998, Davin a continué d'être interné au Centre, mais pas dans une unité tenue fermée à clé. Un enfant peut demeurer dans un tel endroit pendant trois ans. Au cours de la période où il était au Centre en 1998, Davin a poursuivi ses études grâce à un programme individualisé des écoles publiques d'Edmonton et de l'école du Centre. Il avait en outre fait l'objet d'une évaluation psychologique le 1er octobre 1997 et il a eu huit consultations psychiatriques au cours de la période allant du 28 septembre au 16 novembre 1998.

[9]            Pendant qu'il était dans un foyer de groupe de l'organisme Catholic Social Services, Davin allait voir sa famille périodiquement. Ces visites ont cessé après qu'il eut été appréhendé. Toutefois, ses parents allaient le voir au Centre au moins une fois par semaine, lui donnaient de l'argent pour son habillement et ses loisirs et lui apportaient des cadeaux à son anniversaire, à Noël et à des occasions spéciales. L'appelant payait en outre les médicaments prescrits à Davin.

[10]          Mme Baird a expliqué que l'objet d'une ordonnance de tutelle est de placer l'enfant sous le contrôle et la garde du directeur du bien-être de l'enfance de sorte que les nécessités de la vie puissent être assurées à l'enfant. L'ordonnance de tutelle n'est pas destinée à influer sur la relation entre l'enfant et les parents, qui est considérée comme importante, a ajouté Mme Baird. Les parents restent tuteurs de l'enfant, mais le rôle du directeur du bien-être de l'enfance est prépondérant, a expliqué Mme Baird. Les parents peuvent fournir à l'enfant de l'argent de poche, des vêtements en surplus et un soutien supplémentaire, mais le directeur du bien-être de l'enfance veut en être tenu au courant.

[11]          Le Centre, a expliqué Mme Baird, est financé par le ministère de la famille et des services sociaux. On y place des enfants qui ont des problèmes de comportement émotionnel et qui représentent un danger pour eux-mêmes ou pour les autres. Les employés du Centre sont formés pour travailler auprès de tels enfants. Des psychiatres et psychologues évaluent en outre les enfants au Centre.

[12]          D'après Mme Baird, entretenir un enfant au Centre coûte 200 $ par jour. Le ministère demande une aide financière aux parents. Tout l'argent reçu des parents est versé à la province pour « compenser les frais » engagés au Centre. Cet argent est amalgamé aux fonds généraux de la province.

[13]          L'avocat de l'intimée a formulé quatre arguments à l'appui de la cotisation :

a)                  les paiements en cause sont des paiements d'entretien ou de pension d'alimentaire plutôt que des paiements représentant des « frais payés [...] pour le soin [...] ou le soin et la formation » de Davin au sens de l'alinéa 118.2(2)e) de la Loi;

b)                 Davin n'est pas une personne à la charge de l'appelant au sens de la Child Welfare Act de l'Alberta et au sens de la Loi;

c)                  les faits de l'espèce n'entrent pas dans le cadre de l'alinéa 118.2(2)e);

d)                 aucune attestation appropriée - au sens de l'alinéa 118.2(2)e) - indiquant que, en raison de son handicap mental, Davin a besoin d'installations ou de personnel fournis par le Centre n'a été présentée par une personne habilitée à cette fin.

[14]          Le paragraphe 118.2(1) de la Loi prévoit un crédit d'impôt pour frais médicaux basé sur une formule qui inclut le total des frais médicaux d'un particulier payés au cours d'une période de 12 mois se terminant au cours de l'année. Les frais médicaux sont décrits au paragraphe 118.2(2) de la Loi. Les frais médicaux prévus à l'alinéa 118.2(2)e) sont les frais payés :

pour le soin dans une école, une institution ou un autre endroit - ou le soin et la formation - du particulier, de son conjoint ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a), qu'une personne habilitée à cette fin atteste être quelqu'un qui, en raison d'un handicap physique ou mental, a besoin d'équipement, d'installations ou de personnel spécialisés fournis par cette école ou institution ou à cet autre endroit pour le soin - ou le soin et la formation - de particuliers ayant un handicap semblable au sien;

[15]          Pour ce qui est des faits de l'espèce, il n'y a pas de doute que l'appelant a payé des frais. L'allégation selon laquelle le Centre est « une école, une institution ou un autre endroit » n'est pas en litige, pas plus que celle selon laquelle Davin avait un handicap mental en 1998. Ces allégations n'ont pas été sérieusement contestées par l'intimée. Toutefois, la question qui m'est soumise est celle de savoir si les frais payés étaient des frais médicaux, soit plus précisément des frais payés pour le soin - ou le soin et la formation - de Davin au Centre.

[16]          Dans l'affaire Rannelli c. M.R.N.[2], mon regretté collègue le juge Sobier a examiné la signification du mot « soin » figurant à l'ancien sous-alinéa 110(1)c)(vi) [remplacé par l'actuel alinéa 118.2(2)e)]. Il a interprété ce mot selon une approche fondée sur l'objet et l'esprit de la loi et a conclu que le soin en question consistait « non à assurer la garde des enfants, mais à favoriser leur développement ou à leur prodiguer de l'attention » [3]. Dans l'affaire Rannelli, malgré le fait que les enfants n'habitaient pas l'école privée qu'ils fréquentaient, il a été conclu qu'il s'agissait de frais payés pour le « soin » des enfants dans cette école au sens de l'ancien sous-alinéa 110(1)c)(vi).

[17]          Dans l'affaire Anka c. Canada[4], le juge Bonner s'est penché sur l'alinéa 118.2(2)e) et a précisé que les mots « le soin [..] ou le soin et la formation » sont employés dans le contexte de la définition de « frais médicaux » et que le contexte influe sur leur sens[5]. En l'espèce, conformément à une ordonnance d'un tribunal, non seulement Davin était soigné au Centre pendant les mois auxquels se rapportent les paiements d'entretien, mais en outre il y résidait. Toutefois, est-ce que les paiements concernent des soins que Davin a reçus pour son handicap mental en tant que patient? [Cette question se pose parce que la version anglaise du paragraphe 118.2(2) utilise le mot « patient » , tandis que la version française traite du particulier, de son conjoint ou d'une personne à la charge du particulier.]

[18]          Davin était au Centre pour recevoir des soins et une formation comme patient. La cour provinciale avait ordonné que Davin soit interné dans une institution de traitement en milieu fermé pour suivre un traitement visant à guérir ou atténuer son trouble mental. La cour provinciale était convaincue que le cas de Davin répondait aux conditions requises pour rendre une ordonnance de traitement en milieu fermé en vertu du paragraphe 42(3) de la Child Welfare Act. Plus précisément, la cour a conclu que Davin : a) est atteint d'un trouble mental ou comportemental; b) représente un danger pour lui-même ou pour les autres; c) doit être interné dans le but de guérir ou atténuer ce trouble. Comme on avait ordonné que Davin soit interné dans une institution de traitement en milieu fermé pour qu'il puisse suivre un traitement visant à guérir ou atténuer son trouble, il s'ensuit que Davin était là comme patient.

[19]          L'avocat de l'intimée soutenait que les paiements que l'appelant était tenu de faire étaient des paiements d'entretien ou de pension alimentaire pour enfant et non des paiements correspondant à des frais payés « pour le soin [...] ou le soin et la formation » de Davin. L'avocat a cité le sous-alinéa 29(4)a)(iii) et les articles 39 et 93 de la Child Welfare Act[6]. Le sous-alinéa 29(4)a)(iii) et l'article 39 traitent d'une personne effectuant des paiements relatifs à l'entretien de l'enfant; l'article 93 traite de paiements faits pour le soin et l'entretien de l'enfant. Des paiements d'entretien ne sont pas des frais médicaux. En outre, selon l'avocat, comme l'argent versé par l'appelant allait dans les fonds généraux de la province et non pas directement au Centre, on ne peut dire qu'il a été versé au Centre pour le soin de Davin.

[20]          Le fait que les paiements en question sont des paiements d'entretien n'empêche pas qu'il s'agisse de frais médicaux. Aux termes du paragraphe 2(2) de la loi de l'Alberta intitulée Maintenance Order Act[7], « entretien » s'entend notamment d'une « aide médicale » . De plus, dans l'affaire R. v. Brooks[8], le juge Walkem a dit clairement que, pour l'application de l'article 215 du code criminel, les nécessités de la vie incluent l'aide médicale. Enfin, dans l'affaire Barker c. La Reine[9], le juge Garon, titre qu'il portait alors, s'est penché sur la notion d'entretien pour l'application des paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) de la Loi et a réaffirmé que l'entretien incluait un traitement médical. Il disait au paragraphe 22 :

[...] L'entretien (maintenance) est défini en partie comme suit dans The Dictionary of Canadian Law, de Daphne A. Dukelow et Betsy Nuse : [TRADUCTION] « Appui financier, y compris l'allocation d'entretien ou la pension alimentaire devant être versées à quelqu'un qui n'est pas un conjoint. [...] Comprend le logement, les vêtements, les soins infirmiers, les traitements médicaux, la formation nécessaire, l'instruction et le transport. »

[21]          Il reste à déterminer si les paiements ont été effectués pour le soin et la formation que Davin recevait au Centre. Bien que les paiements aient été faits au directeur de l'exécution des ordonnances alimentaires, ils se rapportaient au fait que Davin recevait un traitement pour son trouble mental au Centre. Le paragraphe 42(1) de la Child Welfare Act précise que le directeur du bien-être de l'enfance ne peut demander une ordonnance de traitement en milieu fermé que si l'enfant fait l'objet d'une ordonnance de tutelle temporaire ou permanente. L'ordonnance de tutelle temporaire demandée par le directeur et accordée par la cour provinciale était nécessaire pour que Davin soit soigné, pour son trouble mental, dans une institution de traitement en milieu fermé. L'article 79 de la Child Welfare Act prévoit qu'une ordonnance rendue par la cour en vertu de cette loi et enjoignant à une personne d'effectuer des paiements relatifs à l'entretien d'un enfant peut être exécutée en vertu de la Maintenance Enforcement Act[10]. Cette dernière confère au directeur de l'exécution des ordonnances alimentaires des droits de créancier et des pouvoirs d'exécution accrus relativement aux ordonnances alimentaires. Donc, pour ce qui est des ordonnances alimentaires rendues conformément à la Child Welfare Act, le directeur de l'exécution des ordonnances alimentaires joue le rôle d'un agent de recouvrement et d'exécution mandaté par la Child Welfare Act et la Maintenance Enforcement Act. En l'espèce, l'appelant a donc fait les paiements d'entretien au directeur de l'exécution des ordonnances alimentaires, qui jouait le rôle d'un agent de recouvrement et d'exécution. Les paiements d'entretien se rapportaient néanmoins au fait que Davin avait besoin d'être soigné, pour son trouble mental, à l'institution de traitement en milieu fermé où l'on avait ordonné qu'il soit interné en vertu de la Child Welfare Act.

[22]          Davin est l'enfant de l'appelant. Ainsi, Davin serait une « personne à charge » relativement à l'appelant, au sens du paragraphe 118(6) de la Loi, s'il était une personne aux besoins de laquelle son père subvenait au cours de l'année 1998. L'intimée soutient toutefois que Davin était à la charge du directeur du bien-être de l'enfance, son tuteur, soit la personne qui exerçait le contrôle et la garde relativement à l'enfant lorsque les paiements en cause ont été effectués.

[23]          Dans l'affaire La Reine c. Robichaud[11], le juge Marceau a interprété les termes « subvenir aux besoins » pour l'application de l'ancien paragraphe 109(1) [remplacé par le paragraphe 118(1)]. Il disait ceci à la page 5 (DTC : à la page 5267) :

À mon avis, le terme anglais « support » et l'expression française correspondante « subvenir aux besoins » impliquent nécessairement l'idée de moyens de subsistance ou de vie. Celui aux besoins de qui un autre subvient, soit totalement soit seulement de façon partielle, est une personne à charge de l'autre, c.-à-d. qu'il reçoit de l'autre la totalité ou une partie de ses moyens de subsistance.

[24]          Si Davin recevait de l'appelant des moyens de subsistance, il était une personne à la charge de l'appelant, c'est-à-dire une personne aux besoins de laquelle l'appelant subvenait totalement ou partiellement. L'appelant a fait des paiements d'entretien pour que le Centre soigne Davin et pourvoie à ses besoins. Du fait des paiements d'entretien effectués par l'appelant, il est juste de dire que Davin recevait de l'appelant la totalité ou une partie de ses moyens de subsistance. Ainsi, Davin était une personne à charge relativement à l'appelant.

[25]          Dans l'affaire Keyes c. M.R.N.[12], toutefois, mon collègue le juge Bonner a examiné le cas d'un contribuable demandant des déductions pour enfants à charge en vertu de l'ancien alinéa 109(1)d) [remplacé par l'alinéa 118(1)b)]. Dans cette affaire, le juge Bonner a conclu que l'existence d'une relation parent-enfant et le fait que le contribuable assurait le gîte et le couvert à ses enfants durant les jours de visite n'étaient pas suffisants pour que l'on puisse considérer les enfants comme étant à la charge du contribuable pour l'application de l'ancien alinéa 109(6)a).

[26]          Contrairement à ce qu'il en était dans l'affaire Keyes, l'appelant en l'espèce fournit plus à Davin que le gîte et le couvert durant les jours de visite. Il accorde un financement, quoique modeste, pour que le Centre soigne Davin et pourvoie à ses besoins. Au cours de l'année, il a en outre fait des paiements pour que Davin reçoive des soins dans d'autres institutions et, lorsque Davin ne fréquentait aucune école ou autre institution, il subvenait à ses besoins et lui fournissait notamment un toit. La preuve établit que l'appelant et son épouse étaient la source permanente du soutien moral et financier de Davin et que ce dernier comptait sur ce soutien. Cela indique clairement qu'une relation de dépendance existe entre Davin et l'appelant. Il est également à noter que le jugement Keyes (tout comme le jugement Robichaud) traite de l'ancien alinéa 109(1)d) de la Loi [remplacé par l'actuel alinéa 118(1)b)], qui exigeait qu'une personne liée soit « entièrement à la charge » d'un contribuable, alors que, aux fins du présent appel, le paragraphe 118(6) exige seulement qu'une personne liée soit une « personne à charge » relativement à un contribuable, soit un critère moins strict.

[27]          Davin était une personne à charge relativement à l'appelant en 1998. Pour l'application du paragraphe 118.2(2), il a en outre été un « patient » [version anglaise] au Centre, dans une institution ou à un autre endroit.

[28]          La question suivante est celle de savoir si, conformément à l'alinéa 118.2(2)e) de la Loi, une personne habilitée à cette fin a attesté que Davin est quelqu'un qui, en raison de son handicap mental, a besoin d'installations ou de personnel spécialisés fournis par le Centre pour le soin et la formation de particuliers ayant un handicap semblable à celui de Davin.

[29]          L'avocat de l'intimée a soutenu qu'il n'existe aucune attestation conforme aux exigences de l'alinéa 118.2(2)e). Cependant, l'ensemble de la preuve indique que trois personnes habilitées à cette fin ont attesté que Davin a un handicap mental et qu'il a besoin d'être soigné dans une institution de traitement en milieu fermé.

[30]          Dans l'affaire Title, succession c. La Reine[13], Mme le juge Sharlow s'est penchée sur la question de savoir ce qui doit être précisé dans une attestation pour l'application de l'alinéa 118.2(2)e). Elle disait ceci aux paragraphes 2 et 5 :

[2] [...] L'alinéa 118.2(2)e) nécessite une attestation selon laquelle le patient est « quelqu'un qui, en raison d'un handicap physique ou mental, a besoin d'équipement, d'installations ou de personnel spécialisés fournis » (par l'endroit à qui les frais sont versés) pour le soin ou la formation de particuliers ayant ce handicap.

[...]

[5] À notre avis, une attestation prévue à l'alinéa 118.2(2)e) doit au moins préciser le handicap mental ou physique qu'a le patient, et l'équipement, les installations ou le personnel dont le patient a besoin afin d'obtenir le soin ou la formation nécessaire pour faire face à ce handicap.

[31] Le Dr Matthews, le juge Fowler et Mme Baird étaient des « personne[s] habilitée[s] à cette fin » au sens de l'alinéa 118.2(2)e). En vertu des lois de l'Alberta, le Dr Matthews, le juge Fowler et Mme Baird étaient autorisés en 1998 à attester que Davin avait un handicap mental et qu'il avait besoin d'être soigné dans une institution de traitement en milieu fermé. Je présume que, en 1998, le Dr Matthews était un médecin inscrit en vertu de la Medical Profession Act[14] et qu'il était donc autorisé à attester que Davin avait un trouble oppositionnel avec provocation et que Davin avait « besoin d'un cadre très strict, stable et structuré » . Comme juge de la cour provinciale en 1998, le juge Fowler était autorisé en vertu de l'article 21.2 de la Provincial Court Act[15] à ordonner que Davin soit interné dans une institution de traitement en milieu fermé pour qu'il puisse suivre un traitement visant à guérir ou atténuer son trouble mental. En 1998, Mme Baird était une travailleuse sociale du ministère du bien-être de l'enfance qui était employée relativement à l'application de la Child Welfare Act, conformément au paragraphe 94(3) de cette loi. Mme Baird était autorisée à attester - dans le formulaire prescrit[16] à remplir pour demander une ordonnance de traitement en milieu fermé - que Davin avait un trouble mental et qu'il fallait l'interner dans une institution de traitement en milieu fermé en vue de guérir ou d'atténuer ce trouble. Donc, le Dr Matthews, le juge Fowler et Mme Baird étaient des « personne[s] habilitée[s] à cette fin » au sens de l'alinéa 118.2(2)e).

[32]          En l'espèce, le Dr Matthews a attesté dans un formulaire médical en date du 12 janvier 1998 que Davin avait un grave trouble oppositionnel avec provocation et il a écrit que Davin a besoin d'un cadre très strict, stable et structuré. Le Dr Matthews a précisé le handicap mental qu'avait Davin. Il est donc satisfait à la première exigence énoncée par Mme le juge Sharlow dans l'affaire Title Estate relativement à l'attestation nécessaire pour l'application de l'alinéa 118.2(2)e).

[33]          Dans le formulaire médical, le Dr Matthews indique que Davin a besoin d'un cadre stable et très strict. En outre, Mme Baird a, dans son avis de demande d'ordonnance de traitement en milieu fermé en date du 25 septembre 1998, attesté que Davin avait un trouble mental ou comportemental, qu'il représentait un danger pour lui-même ou pour les autres et qu'il fallait l'interner dans une institution de traitement en milieu fermé en vue de guérir ou d'atténuer ce trouble. L'alinéa 1(1)u) de la Child Welfare Act précise qu'une institution de traitement en milieu fermé est une institution désignée par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) comme étant une institution de traitement en milieu fermé. L'annexe 2 du règlement intitulé Child Welfare Act General Regulation[17] énumère huit institutions de traitement en milieu fermé qui se trouvent en Alberta, dont une à Edmonton, soit le Yellowhead Youth Centre, où Davin avait été admis. L'alinéa 43(2)a) de la Child Welfare Act stipule que la personne responsable de l'institution de traitement en milieu fermé doit veiller à ce que l'enfant interné à l'institution aux termes d'une ordonnance reçoive les services de diagnostic et de traitement dont il a besoin conformément aux normes prescrites par les règlements. L'équipement, les installations ou le personnel d'une institution de traitement structurée sont donc réglementés en vertu des lois de l'Alberta. Ainsi, lorsque Mme Baird a, en vertu de l'autorité qui lui était conférée par la Child Welfare Act, demandé une ordonnance pour que Davin soit soigné dans une institution de traitement en milieu fermé, sa mention d'une telle institution était suffisamment précise en matière « d'équipement, d'installations ou de personnel spécialisés fournis par cette [...] institution [...] pour le [...] soin et la formation [...] de particuliers ayant un handicap semblable » à celui de Davin. Il est donc satisfait à la deuxième exigence énoncée par Mme le juge Sharlow dans l'affaire Title Estate relativement à l'attestation nécessaire pour l'application de l'alinéa 118.2(2)e).

[34]          Somme toute, la preuve dans son ensemble indique que le Dr Matthews, Mme Baird et le juge Fowler sont des « personne[s] habilitée[s] à cette fin » qui ont attesté que Davin est quelqu'un qui, en raison de son handicap mental, a besoin d'équipement, d'installations ou de personnel spécialisés fournis par une institution de traitement en milieu fermé, pour le soin et la formation de Davin relativement au handicap de ce dernier.

[35]          Enfin, je renvoie au raisonnement tenu par le juge Bowman, titre qu'il portait alors, dans l'affaire Radage c. La Reine[18] :

a) L'intention du législateur semble être d'accorder un modeste allégement fiscal à ceux et celles qui entrent dans une catégorie relativement restreinte de personnes limitées de façon marquée par une déficience mentale ou physique. L'intention n'est pas d'accorder le crédit à quiconque a une déficience ni de dresser un obstacle impossible à surmonter pour presque toutes les personnes handicapées. On reconnaît manifestement que certaines personnes ayant une déficience ont besoin d'un tel allégement fiscal, et l'intention est que cette disposition profite à de telles personnes.       

b)     La Cour doit, tout en reconnaissant l'étroitesse des critères énumérés aux articles 118.3 et 118.4, interpréter les dispositions d'une manière libérale, humaine et compatissante et non pas d'une façon étroite et technique. Dans l'affaire Craven c. La Reine, 94-2619(IT)I, je disais :

L'application des critères inflexibles de l'article 118.4 ne permet pas à la Cour d'user de son bon sens ou de faire montre de compassion dans l'interprétation des dispositions relatives au crédit d'impôt pour personnes handicapées prévu par la Loi de l'impôt sur le revenu - dispositions qui doivent être appliquées avec compassion et bon sens.                

Dans cette affaire-là, j'estime avoir énoncé le critère d'une manière trop étroite. Depuis, j'ai entendu de nombreuses causes relatives au crédit d'impôt pour déficience, et ma pensée a évolué. Mon point de vue actuel sur l'approche à adopter est énoncé avec plus de justesse dans des jugements comme Noseworthy c. La Reine, 95-1862(IT)I, Lawlor c. La Reine, 95-1585(IT)I, Hillier c. La Reine, 95-3097(IT)I, et Lamothe c. La Reine, 95-2868(IT)I et 95-3949(IT)I. Pour donner effet à l'intention du législateur, qui est d'accorder à des personnes déficientes un certain allégement qui atténuera jusqu'à un certain point les difficultés accrues avec lesquelles leur déficience les oblige à composer, la disposition doit recevoir une interprétation humaine et compatissante. L'article 12 de la Loi d'interprétation se lit comme suit :

               

Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.         

c)      S'il existe un doute quant à savoir de quel côté de la limite se situe une personne demandant le crédit, on doit accorder à cette personne le bénéfice du doute.

[36]          Conformément à ce que disait le juge McArthur dans l'affaire Bryce c. La Reine[19], malgré le fait que le juge Bowman traitait de la déductibilité du crédit d'impôt pour déficience prévu à l'article 118.3, ses motifs s'appliquent également à la présente espèce.

[37]          Une interprétation libérale, humaine et compatissante de l'alinéa 118.2(2)e) exige d'accorder le bénéfice du doute à l'appelant.

[38]          L'appel est admis avec frais, s'il y en a. L'affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que les 400 $ que l'appelant a payés au directeur de l'exécution des ordonnances alimentaires de l'Alberta représentent des frais médicaux.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juin 2001.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I

Traduction certifiée conforme ce 26e jour de mars 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-4629(IT)I

ENTRE :

DONALD BARTSCH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 10 mai 2001 à Edmonton (Alberta) par

l'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Pour l'appelant :                                   l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                            Me Scott McDougall

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est admis, avec frais, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que la somme de 400 $ que l'appelant a payée au directeur de l'exécution des ordonnances alimentaires de l'Alberta au cours de chacun des mois de novembre et de décembre 1998 conformément à l'ordonnance de la cour provinciale de l'Alberta en date du 2 octobre 1998 représente des frais médicaux.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juin 2001.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2002.

Philippe Ducharme, réviseur




[1] R.S.A., 1980, ch. C-8.1.

[2] C.C.I., no 90-1931(IT), 3 mai 1991 (91 DTC 816) [ci-après appelée l'affaire Rannelli].

[3] Ibid., à la page 7 (DTC : à la page 818).

[4] [1995] A.C.I. no 1493 (Q.L.), confirmé par C.A.F., no A-29-96, 5 juin 1997 (97 DTC 5290) [ci-après appelée l'affaire Anka].

[5] Ibid., au paragraphe 5.

[6] Les passages pertinents de ces dispositions se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

29 (4) Lorsqu'il rend une ordonnance de tutelle temporaire, ou pendant la durée d'une telle ordonnance, le tribunal - à la demande d'un directeur, d'un tuteur de l'enfant, de l'enfant lui-même si ce dernier a 12 ans ou plus ou d'une personne avec qui l'enfant a une relation privilégiée - peut :

a)    s'il est convaincu que la question ne peut être réglée d'un commun accord ou que les modalités d'un accord n'ont pas été respectées, rendre une ordonnance prescrivant :

[...]

                              (iii) les paiements relatifs à l'entretien de l'enfant qui doivent être faits :

(A) soit par une personne autre que le directeur qui est juridiquement responsable de l'entretien de l'enfant,

(B)    soit par un fiduciaire, à partir d'un patrimoine ou de biens détenus en fiducie pour l'enfant,

[...]

39     En rendant une ordonnance qui exige d'une personne qu'elle effectue des paiements d'entretien pour un enfant en conformité avec la présente loi, le tribunal prend en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris ce qui suit :

a)    le revenu, la capacité de gain, les biens et les autres ressources ou avantages financiers de cette personne, de son conjoint ou de quelqu'un d'autre habitant avec elle;

b)    les besoins de l'enfant;

            [...]

e)    l'obligation juridique ou morale de cette personne de subvenir aux besoins de quelqu'un d'autre;

[...]

93(1) Le ministre paie :

a)    les frais engagés pour le soin et l'entretien d'un enfant sous la garde ou la tutelle d'un directeur;

[...]

(2) Le paragraphe (1) n'influe pas sur la responsabilité qu'ont les parents de l'enfant ou d'un enfant d'assurer le soin et l'entretien de l'enfant.

(3) Le ministre peut recouvrer les frais qu'il engage en vertu de la présente loi pour le soin et l'entretien d'un enfant.

[7] R.S.A. 1980, ch. M-1.

[8] (1902), 5 C.C.C. 372 (C.S.C.-B.).

[9] C.C.I., no 96-4055(IT)I, 10 octobre 1997 ([1998] 1 C.T.C. 2538) [ci-après appelée l'affaire Barker].

[10] S.A. 1985, ch. M-0.5.

[11] C.F. 1re inst., no T-3470-81, 22 avril 1983 (83 DTC 5265) [ci-après appelée l'affaire Robichaud].

[12] C.C.I., no 88-381(IT), 13 janvier 1989 (89 DTC 91) [ci-après appelée l'affaire Keyes].

[13] 2001 C.A.F. 106, [2001] A.C.F. no 530 (Q.L.) [ci-après appelée l'affaire Title Estate].

[14] R.S.A. 1980, ch. M-12.

[15] R.S.A. 1980, ch. P-20.

[16] Formulaire 16, Court Rules and Forms Regulations, règlement de l'Alberta 184/85.

[17] Règlement de l'Alberta 192/85.

[18] C.C.I., no 95-1014(IT)I, 12 juillet 1996, aux pages 22 et 23 (96 DTC 1615, à la page 1625).

[19] C.C.I, no 97-3606(IT)I, 11 août 1998 ([1998] 4 C.T.C. 2016).

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