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Date: 19980904

Dossier: 97-1278-UI

ENTRE :

RAYMOND TREMBLAY,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Prévost, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à La Malbaie (Québec) le 7 août 1998.

[2] Il s'agit d'un appel d'une décision du ministre du Revenu national (le “Ministre”), en date du 27 mars 1997, déterminant que l'emploi de l'appelant chez M. Lucien Tremblay, le payeur, du 10 juillet au 20 octobre 1995 n'était pas assurable parce qu'il s'agissait d'un emploi où l'employé et l'employeur avaient entre eux un lien de dépendance.

[3] Le paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel se lit ainsi :

“5. En rendant sa décision, l'intimé s'est basé, notamment, sur les faits suivants :

a) le payeur possédait une ferme; (A)

b) en 1995, il avait environ 24 animaux dont 10 ou 11 vaches, 10 ou 11 veaux, 1 boeuf et des taures; (A)

c) en 1995, le revenu agricole brut du payeur était de 4 480 $ et sa perte nette de l'année était de 10 185 $; (A)

d) les revenus de la ferme provenaient uniquement de la vente d'animaux de boucherie aux enfants du payeur; (A)

e) l'appelant est le fils du payeur; (A)

f) l'appelant, sa femme et ses enfants demeuraient chez le payeur à l'année; (A)

g) l'appelant ne payait aucun loyer au payeur; (A)

h) il n'avait qu'à payer sa nourriture et celle de sa femme et de ses enfants; (A)

i) les tâches de l'appelant consistaient à faire les foins, réparer les clôtures et la machinerie et étendre le fumier; (ASAP)

j) il recevait une rémunération hebdomadaire brute de 520 $; (A)

k) il payait la portion de l'employeur, des primes d'assurance-chômage, à même sa rémunération; (N)

l) le payeur n'aurait pas payé une telle rémunération à une personne avec laquelle il n'aurait eu aucun lien de dépendance; (NTQR)

m) le payeur versait une telle rémunération à l'appelant uniquement afin de lui permettre de recevoir des prestations d'assurance-chômage; (N)

n) avant et après la période en litige, l'appelant a rendu des services au payeur, et ce, sans rémunération; (ASAP)

o) l'appelant et le payeur ont un lien de dépendance au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu; (A)

p) n'eût été du lien unissant l'appelant au payeur, celui-ci n'aurait pas été engagé pour effectuer un tel travail; (N)

q) d'ailleurs, le payeur n'aurait jamais engagé une personne non liée à des conditions à peu près semblables à celles offertes à l'appelant. (N)”

[4] Dans le texte qui précède de la Réponse à l'avis d'appel, la Cour a indiqué ainsi, entre parenthèses, après chaque sous-paragraphe, les commentaires de l'appelant à l'ouverture de l'audience :

(A) admis

(ASAP) admis sauf à parfaire

(N) nié

(NTQR) nié tel que rédigé

L'enquête

La preuve de l'appelant

Selon son témoignage

Eu égard au sous-paragraphe i)

[5] Il avait aussi pour tâches d'arracher des roches, de nettoyer autour des clôtures et de changer les animaux de pacage.

Eu égard au sous-paragraphe k)

[6] Son salaire lui était payé par chèque et c'est un commis-comptable rémunéré par son père qui préparait les déductions à la source : il ne payait pas à son père la portion de l'employeur des primes d'assurance-chômage.

Eu égard au sous-paragraphe l)

[7] Il avait une expérience de 15 ans et son salaire était bien mérité; il oeuvre maintenant comme travailleur agricole à la Coopérative de Charlevoix et il gagne 540 $ brut par semaine.

Eu égard au sous-paragraphe m)

[8] Il ne peut croire que son père lui versait une telle rémunération uniquement afin de lui permettre de recevoir des prestations d'assurance-chômage : en effet son père le faisait travailler plus longtemps que le minimum requis à cette fin.

Eu égard au sous-paragraphe n)

[9] Son père n'est plus jeune (il avait 81 ans en 1995) et il est normal que pour lui donner un coup de main, il lui rend sans rémunération des petits services de 10 à 15 minutes, une ou deux fois par jour, à prendre soin à l'occasion des animaux ce que ses frères font aussi d'ailleurs : lorsqu'il était rémunéré, par son père, il faisait aussi un peu de semence au mois d'août mais maintenant ce sont ses frères qui s'en chargent : ceux-ci travaillent ailleurs mais ils vont aider à la ferme en fin de semaine.

[10] Lorsqu'il perçoit des prestations d'assurance-chômage, normalement, il n'aide pas à la ferme.

[11] En 1989 il s'est acheté un véhicule tout terrain à quatre roues et il s'en servait sur la ferme plutôt que d'utiliser la grosse machinerie de son père, cependant disponible mais celui-ci en assumait toutes les dépenses.

[12] Ne faisant pas la comptabilité de son père, il ne veut pas mentir et s'il ne sait pas avec certitude combien d'animaux de boucherie il a vendu en 1995 un chiffre entre cinq et huit lui paraît cependant raisonnable.

[13] Il se rappelle avoir ainsi acheté un veau valant entre 300 $ et 350 $.

[14] En 1996 ses frères ont pris la relève à titre bénévole, mais son père leur donnait des animaux de boucherie en retour.

[15] En 1996 son père n'avait plus que 13 ou 14 animaux à la ferme.

[16] Il donnait les foins à d'autres pour “les faire”.

[17] En hiver, il lui arrive encore d'aller un peu aider son père le matin et le soir.

[18] Sur son chèque de paie “net” il lui revenait 368 $ ou 371 $ à chaque semaine.

[19] En allant changer son chèque à la Caisse Populaire il payait là les retenues à la source, gardait sa rémunération nette et remettait le reste à son père.

[20] Le commis-comptable avait dit que cela ne dérangeait rien.

[21] À la ferme, il a toujours eu le même salaire mais il ne travaillait pas toujours aux mêmes périodes car c'est son père qui en décidait seul de sa date d'embauche et de celle de sa mise à pied.

[22] C'est pour rendre le sol fertile qu'il arrachait à temps perdu des roches sur la terre concernée qui appartient à son père d'ailleurs depuis une soixantaine d'année.

[23] En août 1995 il a mis des grains en terre pour obtenir du fourrage vert servant à alimenter les animaux : ça aidait aussi à entretenir le sol.

[24] Il a reçu du directeur des services fiscaux - Québec à Revenu Canada, une lettre (pièce A-1) du 29 novembre 1995 se lisant ainsi :

“Nous avons reçu du ministère du Développement des ressources humaines de La Malbaie une demande de décision sur l'assurabilité de votre emploi chez M. Lucien Tremblay, pour la(les) période(s) du 10 juillet 1995 au 20 octobre 1995.

Nous vous informons qu'il a été décidé que votre emploi n'est pas assurable pour la(les) période(s) ci-haut mentionnée(s), en vertu de l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage, étant donné que votre emploi n'est pas exercé en vertu d'un contrat de louage de services.”

[25] Il a reçu ensuite la lettre de détermination précitée du 27 mars 1997 (pièce A-2) à l'effet qu'il y avait plutôt lien de dépendance.

[26] Il avait au préalable eu un jugement, (95-1479(UI)) favorable, de l'honorable juge Alban Garon de notre Cour en date du 4 septembre 1996 à l'effet que son emploi était déclaré assurable quant aux périodes du 29 juin au 9 octobre 1992, du 5 juillet au 15 octobre 1993 et du 1er août au 11 novembre 1994.

[27] Le 12 mai 1997 il a fait envoyer par M. Camil Samson, adjoint spécial de l'honorable Marcel Massé, président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, la lettre (pièce A-4) qui suit à Mme Claire Brouillet, Conseillère principale des politiques pour le Québec :

“La personne dont le nom apparaît en titre, me fait parvenir copie d'une décision de la division des appels datée du 27 mars 1997, concernant une décision de non-assurabilité à l'assurance-chômage datée du 29 novembre 1995 pour la période du 10 juillet 1995 au 20 octobre 1995.

Je vous inclus également copie d'un jugement de la Cour canadienne de l'impôt donnant raison à monsieur Tremblay pour le même travail et pour les périodes du 29 juin 1992 au 9 octobre 1992, du 5 juillet 1993 au 15 octobre 1993 ainsi que du 1er août 1994 au 11 novembre 1994, lequel jugement est daté du 4 septembre 1996.

Comme il s'agit exactement du même emploi et que le jugement était favorable à monsieur Tremblay, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi on semble vouloir pousser le processus devant la cour une fois de plus et ainsi faire dépenser de l'argent à tous les intéressés inutilement. Peut-être existe-t-il une raison valable que l'on ne connaît pas, mais vous admettrez qu'il y a de quoi se questionner.”

[28] Le Ministre a écrit ensuite le 24 juillet 1997 à l'honorable Marcel Massé la lettre (pièce A-4 également) qui suit :

“Je vous remercie de la lettre du 12 mai 1997 que votre Adjoint spécial, monsieur Camil Samson, a adressée au Cabinet de l'honorable Jane Stewart, ancien ministre du Revenu national, concernant les décisions rendues en matière d'assurabilité à l'assurance-chômage pour monsieur Raymond Tremblay.

Je comprends la situation de votre commettant et je peux vous assurer que la décision rendue le 27 mars 1997 a fait l'objet d'un examen impartial de la part de Revenu Canada. Contrairement à la décision précédente, où le ministre du Revenu a déterminé que monsieur Tremblay n'était pas un employé en vertu de l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage, cette décision est basée sur l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage. Cette disposition confère au ministre du Revenu le pouvoir discrétionnaire d'exclure un emploi des emplois assurables lorsqu'il est convaincu qu'un contrat de travail à peu près semblable n'aurait pas existé sans l'existence d'un lien de dépendance entre les parties.”

La preuve de l'intimé

Selon l'agente des appels, Sylvie Côté

[29] Elle connaissait bien le jugement de l'honorable juge Alban Garon lorsqu'elle a préparé son rapport (pièce I-1).

[30] Elle avait pris connaissance également du rapport de l'agent des appels dans cette autre cause.

[31] Dans le cadre de son enquête elle a parlé à l'appelant et au procureur qui le représentait devant l'honorable juge Garon, à savoir Me Robert Trudel.

[32] Elle n'a pas parlé au payeur qui n'était pas en mesure de “converser” selon l'avocat Trudel.

[33] L'appelant a exécuté des tâches pour son père hors la période en litige et il n'a pas été rémunéré pour autant.

[34] La ferme concernée a déjà connu une grosse activité mais maintenant, il n'y a plus que des animaux de boucherie et elle fait des pertes de 9 à 10 mille dollars à chaque année depuis 1990.

[35] L'appelant lui a bien dit que c'est lui qui payait la cotisation patronale pour l'assurance-chômage.

La contrepreuve de l'appelant

Selon lui

[36] Il n'a jamais payé la cotisation patronale au lieu et place de son père et il ne l'a pas dit à l'agente des appels non plus.

[37] “À mon âge, je ne commencerai pas à frauder”.

[38] Pendant la période en litige il a bien fait le même travail qu'au préalable et celle-ci aurait dû être incluse dans le jugement de l'honorable juge Alban Garon.

Les plaidoiries

Selon l'appelant

[39] Ça fait 15 ans qu'il fait le même travail, il a toujours gagné sa paie et il avait une famille à faire vivre.

[40] Si son père ne pouvait pas “converser” avec l'agente des appels c'est parce qu'il souffrait de surdité avancée.

[41] Il a perdu sa journée pour venir se défendre et il croit bien en sa cause.

Selon la procureure de l'intimé

[42] Dans le Procureur général du Canada et Jencan Ltd. (A-599-96), l'honorable juge en chef de la Cour d'appel fédérale écrit pour celle-ci (page 17) :

“...La Cour de l'impôt est justifiée de modifier la décision rendue par le ministre en vertu du sous alinéa 3(2)c)(ii) -- en examinant le bien-fondé de cette dernière -- lorsqu'il est établi, selon le cas, que le ministre : (i) a agi de mauvaise foi ou dans un but ou un mobile illicites; (ii) n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, comme l'exige expressément le sous-alinéa 3(2)c)(ii); (iii) a tenu compte d'un facteur non pertinent.”

et il n'y a rien en l'instance qui justifie la Cour de modifier la décision rendue par le Ministre.

[43] Dans l'autre cause, le Ministre s'était basé sur l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage (la “Loi”) alors que dans l'affaire sous étude il s'est basé sur son alinéa 3(2)c).

[44] Dans son jugement, l'honorable juge Garon écrit (page 6) que le Ministre n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire alors qu'en l'instance il l'a fait.

[45] “On a pas toute la preuve qui a été faite devant l'honorable juge Garon et il faut regarder celle faite dans l'affaire sous étude seulement”.

[46] Dans Jencan (supra), il est aussi écrit pages 22 et 23 :

“Le juge suppléant de la Cour de l'impôt a toutefois commis une erreur de droit en concluant que, parce que certaines des hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'était fondé avaient été réfutées au procès, il avait automatiquement le droit de contrôler le bien-fondé de la décision du ministre. Ayant conclu que certaines des hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'était fondé avaient été réfutées au procès, le juge suppléant de la Cour de l'impôt aurait dû se demander si les autres faits qui avaient été établis au procès étaient suffisants en droit pour justifier la conclusion du ministre suivant laquelle les parties n'auraient pas conclu un contrat de louage de services à peu près semblable si elles n'avaient pas eu un lien de dépendance. S'il existe suffisamment d'éléments pour justifier la décision du ministre, il n'est pas loisible au juge suppléant de la Cour de l'impôt d'infirmer la décision du ministre du simple fait qu'une ou plusieurs des hypothèses du ministre ont été réfutées au procès et que le juge en serait arrivé à une conclusion différente selon la prépondérance des probabilités.”

[47] Il existe suffisamment d'éléments pour justifier la décision du Ministre.

[48] Il y a très peu d'animaux à la ferme et ils ne sont au surplus vendus qu'aux enfants du payeur.

[49] L'exploitation est déficitaire et malgré cela l'appelant reçoit un salaire plus élevé que les revenus de la ferme.

[50] L'appelant offre des services gratuitement à son père et ses frères en font de même alors qu'il perçoit des prestations d'assurance-chômage.

[51] L'appelant bénéficie d'un drôle de mode de rémunération.

[52] Au point de vue économique l'exploitation de la ferme n'a aucun sens.

Selon l'appelant en réplique

[53] Le payeur a droit de le rémunérer pour entretenir sa ferme.

[54] Il ne devrait pas être à la Cour au moment de l'audience vu le jugement de l'honorable juge Garon qui a réglé le cas.

Le délibéré

[55] Pour les années 1992, 1993 et 1994, l'emploi de l'appelant a été jugé assurable et la Cour est convaincue qu'il s'est agi du même travail en 1995.

[56] Dans la cause précédente, le Ministre avait invoqué au départ l'alinéa 3(1)a) de la Loi mais dans sa Réponse à l'avis d'appel il avait aussi invoqué l'application de l'alinéa 3(2)c) de la Loi et soutenu ainsi que l'emploi de l'appelant était exclu des emplois assurables en raison du lien de dépendance.

[57] À la page 6 de son jugement, l'honorable juge Garon écrit :

“J'en arrive maintenant à l'application de l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage aux faits de cette cause.

Tout d'abord, je note que le ministre du Revenu national n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu'il a rendu la décision qui a donné lieu à cet appel. Toutefois, comme je l'ai indiqué auparavant, ce moyen a été soulevé dans la Réponse à l'avis d'appel. Le tribunal est donc autorisé à exercer cette discrétion.

Considérant l'ensemble des modalités d'emploi de l'appelant, comme la durée de son emploi, eu égard au caractère saisonnier de son emploi, sa rémunération et les autres circonstances, je suis d'avis qu'un contrat à peu près semblable aurait pu être passé entre l'appelant et un payeur qui n'ont pas de lien de dépendance.

Pour ces motifs, l'appel est accueilli et l'emploi de l'appelant durant les périodes en cause est assurable.”

[58] Il est donc certain que l'honorable juge Garon s'est prononcé sur les deux alinéas concernés.

[59] Dans son rapport l'agente des appels écrit (page 2) :

“...L'appelant M. Raymond Tremblay a fait appel à la Cour canadienne pour ces mêmes périodes mais aussi pour la période du 10 juillet 1995 au 20 octobre 1995 qui n'avait pas encore été examinée par le Ministre. L'appel à la Cour a eu lieu le 22 février 1996.

Lors de l'enregistrement de l'appel à la Cour canadienne, le BDA a enregistré la période de 1995. Plus tard, l'appelant a été informé que son appel était prématuré. Par l'entremise de son procureur, une requête en rejet d'appel a été déposée à la C.C.I., un désistement a été déposé lors de l'audition des autres périodes.

Le BDA a oublié d'informer notre bureau d'ouvrir un dossier pour l'année 1995. Le 26 décembre 1996, Me Robert Trudel représentant du payeur demande au Ministre de bien vouloir accepter son appel pour l'année 1995.

M. Réjean Bergeron agent technique de notre bureau après vérification accepte l'appel et considère la mise à la poste en date du 22 février 1996 soit la date de la demande à la Cour canadienne.”

[60] Il est bien probable que n'eût été de cet oubli l'honorable juge Garon aurait disposé aussi de la période en 1995 en litige seulement en l'instance.

[61] Il y est aussi écrit (page 4) :

“Suite à cette décision, notre représentant Me Karen Cooper, a mentionné par lettre “je ne recommande pas une demande de contrôle judiciaire de la décision. La décision est fondée par l'appréciation du juge du témoignage crédible de l'appelant et sa conviction que l'emploi n'était pas factice. Cependant, je crois que la décision de la Cour aurait été différente si le Ministre aurait exercé sa discrétion en vertu de l'alinéa 3(2)c) lorsqu'il a rendu sa décision.”

[62] Avec beaucoup de respect pour l'opinion de Me Karen Cooper, qui représentait le Ministre dans cette autre affaire, la Cour est d'avis que cette discrétion a été exercée dans la Réponse à l'avis d'appel.

[63] La Cour est convaincue que les conditions de l'emploi ont été les mêmes en 1995 qu'au préalable.

[64] L'appelant a paru à la Cour, un homme très sincère et toujours soucieux de dire la vérité de sorte qu'il y a lieu d'ajouter pleinement foi à son témoignage.

[65] L'opération par laquelle il allait changer son chèque de paie à la Caisse Populaire en y versant les retenues à la source, en conservant son salaire net et en remettant le surplus à son père est étrange mais le commis-comptable n'y voyait pas d'objection : c'est cela qui a sans doute fait croire à l'agente des appels qu'il assumait la portion de l'employeur des primes d'assurance-chômage mais ce n'était pas le cas.

[66] L'appelant ne peut croire que son père lui versait une telle rémunération seulement pour avoir droit au chômage et la Cour ne le croit pas non plus car il travaillait toujours plus longtemps que le minimum requis.

[67] Il n'y a pas de conséquences juridiques à tirer du fait que l'appelant ait rendu sans rémunération des petits services à son père car cela est très normal dans les circonstances.

[68] Il était aussi question du “quatre roues” dans la Réponse à l'avis d'appel pour les années antérieures.

[69] Dans sa lettre (pièce A-4) du 24 juillet 1997 le Ministre ne dit pas que dans la première cause il avait aussi invoqué l'alinéa 3(2)c) de la Loi dans sa Réponse à l'avis d'appel.

[70] Dans son jugement l'honorable juge Garon a écrit (pages 4 et 5) :

“Dans le cas actuel, j'accepte la version de l'appelant que les travaux exécutés étaient réels, substantiels et nécessaires pour le maintien de l'activité agricole en question. L'appelant m'a paru un témoin tout à fait crédible.

L'avocate de l'intimé a soutenu avec conviction que le payeur n'avait pas de motif économique en poursuivant cette activité agricole. Le tribunal n'a pas eu l'avantage d'entendre le payeur. À cet égard, des explications détaillées ont été fournies touchant l'état de santé et l'hospitalisation du payeur, comme je l'ai déjà indiqué et il me paraît raisonnable qu'il n'ait pas été appeler à témoigner.

Il se peut que le payeur soit mal avisé en poursuivant cette activité agricole. Cette décision est celle du payeur et exclusivement la sienne. Je n'ai pas à décider si le payeur possède un espoir raisonnable de profit à la lumière de la jurisprudence applicable en matière d'impôt sur le revenu. Dans cette jurisprudence, la question en jeu est le droit à la déduction des pertes provenant de l'exercice d'une activité donnée.

Il se peut aussi que le payeur maintienne cette activité agricole dans le but de s'assurer que cette ferme ne perde pas de valeur, éventualité qui pourrait facilement se produire si elle n'était pas cultivée. Ce serait une motivation de nature économique. Quoi qu'il en soit, la question en litige porte sur l'emploi de l'appelant au service du payeur. Ce sont les modalités de l'emploi de l'appelant qu'il faut examiner. Il m'apparaît incontestable qu'un étranger puisse être lié par un contrat d'emploi avec un payeur même si ce dernier n'a pas un espoir raisonnable de profit en exerçant une activité donnée. ...

De même, une personne liée peut bien, selon les circonstances, être régie par un contrat d'emploi dans ses relations d'affaires avec un payeur, même si ce dernier n'est pas mû par des considérations d'ordre économique en poursuivant une certaine occupation. En formulant cette dernière observation, j'exclus évidemment les cas où il y aurait connivence entre le payeur et le soi-disant employé, pour le maintien d'une opération non rentable.

Eu égard à la preuve, je conclus que l'appelant exerçait un emploi véritable, substantiel et qu'il était lié au payeur à l'égard de ces travaux qu'il accomplissait par un contrat de louage de services.”

[71] Le soussigné fait siennes ces citations après avoir entendu la preuve et il fait sien également le passage précité à la page 6 de cet autre jugement où l'honorable juge Garon écrit “considérant l'ensemble des modalités d'emploi de l'appelant, comme la durée de son emploi, eu égard au caractère saisonnier de son emploi, sa rémunération et les autres circonstances, je suis d'avis qu'un contrat à peu près semblable aurait pu être passé entre l'appelant et un payeur qui n'ont pas de lien de dépendance”.

[72] Le Ministre a tenu compte de facteurs non pertinents à savoir et entre autres du peu de revenus de la ferme, du fait que l'appelant demeurait chez son père, qu'il était payé 520 $ par semaine (ce qui paraît raisonnable) et des petits services non rémunérés que l'appelant pouvait lui rendre dans sa vieillesse.

[73] Il n'existe pas suffisamment d'éléments pour justifier la décision entreprise et en procédant à sa propre appréciation la Cour est d'avis qu'elle doit intervenir.

[74] L'appel est donc accueilli et la décision entreprise est annulée.

Signé à Laval (Québec), ce 4e jour de septembre 1998.

“A. Prévost”

J.S.C.C.I.

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