Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980605

Dossiers: 97-2315-IT-I; 97-2316-IT-I

ENTRE :

LARRY B. BAUMAN, LAUREN M. BAUMAN,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Ces appels, interjetés sous le régime de la procédure informelle, ont été entendus ensemble sur preuve commune, du consentement des parties, à London (Ontario) le 21 mai 1998. Larry Bauman a été le seul témoin.

[2] Les appelants ont fait appel de cotisations relatives à leur année d'imposition 1995 en vertu de l'article 118.7 de la Loi de l'impôt sur le revenu et des articles 10 et 11 du Régime de pensions du Canada. En 1995, ils avaient produit des choix de ne pas verser de cotisations de RPC à l'égard de leurs revenus de travail indépendant. Les choix avaient été refusés au motif que ces personnes n'étaient pas membres d'une secte religieuse ou partie de celle-ci reconnue par le ministre en vertu du paragraphe 11(6) du Régime de pensions du Canada. Les articles 10 et 11 du Régime de pensions du Canada se lisent comme suit :

10. Un particulier qui, pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu, réside au Canada au cours d'une année et qui réalise au cours de l'année en question des gains cotisables provenant du travail qu'il exécute pour son propre compte doit verser pour cette année une cotisation d'un montant égal au produit obtenu par la multiplication du taux de cotisation des travailleurs autonomes pour l'année par le plus petit des montants suivants :

a) les gains cotisables provenant du travail que le particulier exécute pour son propre compte pour l'année, moins le montant par lequel son exemption de base pour l'année dépasse l'ensemble des montants suivants :

(i) les montants déduits, ainsi qu'il est prescrit au titre de l'exemption de base du particulier pour l'année, par un ou plusieurs employeurs, conformément à l'article 8,

(ii) les montants déduits, ainsi qu'il est prescrit, par ou selon un régime provincial de pensions, au titre de toute semblable exemption pour l'année, par un ou plusieurs employeurs en conformité avec ce régime;

b) le maximum des gains cotisables du particulier pour l'année, moins ses traitement et salaire, s'il en est, sur lesquels une cotisation a été versée pour l'année et tel montant, s'il en est, qui est déterminé de la manière prescrite comme étant ses traitement et salaire sur lesquels une cotisation a été versée pour l'année par lui en vertu d'un régime provincial de pensions.

11. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (5), l'article 10 ne s'applique pas, pour une année donnée, à quiconque, appartenant à une secte religieuse ou à une partie de celle-ci, reconnue par le ministre conformément au paragraphe (6), choisit de ne pas verser de cotisation pour cette année.

(2) Le choix mentionné au paragraphe (1) :

a) doit être fait selon les modalités prescrites;

b) entre en vigueur, si le ministre l'approuve, à compter du 1er janvier de l'année où le choix est communiqué au ministre;

c) cesse d'être en vigueur le 1er janvier suivant la date à laquelle parvient au ministre la révocation du choix, faite selon les modalités prescrites.

(3) Le ministre approuve le choix mentionné au paragraphe (1) lorsqu'il est convaincu, à la fois, que :

a) la personne qui se prévaut du choix :

(i) d'une part, appartient à une secte religieuse ou à une partie de celle-ci, reconnue conformément au paragraphe (6),

(ii) d'autre part, a fait l'objet d'une attestation d'appartenance donnée par un représentant de cette secte ou partie de celle-ci;

b) le représentant :

(i) d'une part, a été autorisé par la secte ou partie de celle-ci à attester de l'appartenance des adhérents à cette secte ou partie de celle-ci,

(ii) d'autre part, a attesté que la secte ou partie de celle-ci défend une doctrine, des enseignements et des pratiques du genre de ceux que visent les sous-alinéas (6)a)(i) et (ii).

(4) Le cotisant est remboursé, sur sa demande, d'une cotisation versée à l'égard d'une année pour laquelle il choisit, en vertu du présent article, de ne pas verser de cotisation.

(5) Quiconque révoque le choix qu'il avait fait de ne pas verser de cotisation pour une année ne peut faire un choix en vertu du présent article pour aucune année subséquente.

(6) Le ministre reconnaît une secte religieuse ou une partie de celle-ci, pour l'application du présent article, lorsque :

a) d'une part, il est convaincu que cette secte religieuse, à la fois :

(i) est une organisation religieuse possédant une doctrine et des enseignements bien établis qui s'opposent à l'acceptation de prestations provenant d'une assurance privée ou publique qui prévoit des versements au cas de décès, d'invalidité, de vieillesse ou de retraite,

(ii) prend, en pratique, pour subvenir aux besoins des personnes à charge parmi ses adhérents, des dispositions raisonnables compte tenu de leur niveau de vie,

(iii) existait au Canada le 1er janvier 1966 et défend depuis cette date la doctrine, les enseignements et les pratiques mentionnés aux sous-alinéas (i) et (ii);

b) d'autre part, cette secte ou partie de celle-ci lui présente une demande de reconnaissance en la forme prescrite.

[3] À l'ouverture de l'audience, l'avocate de l'intimée a demandé que l'appel soit rejeté au motif que le ministre n'avait pas établi un règlement prévu à l'article 118.7 de la Loi de l'impôt sur le revenu et à l'article 27 du Régime de pensions du Canada.

[4] Les appelants ont rétorqué que le Régime de pensions du Canada représente un impôt et non une pension. Aucun préalable concernant l'article 27 du Régime de pensions du Canada n'est décrit à l'article 118.7 de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'article 118.7 traite de la déduction de cotisations de RPC par des travailleurs autonomes comme les appelants.

[5] L'article 27 du Régime de pensions du Canada se lit comme suit :

27.(1) Lorsque se pose la question de savoir si, selon la présente loi, une personne est tenue de verser une cotisation à titre d'employé pour une année ou à titre d'employeur à l'égard d'un employé pour une année, ou quel doit en être le montant :

a) l'employé, l'employeur ou le représentant de l'employé ou de l'employeur peut, au plus tard le 30 avril de l'année suivante, demander au ministre de prononcer un arrêt à cet égard;

b) le ministre peut, de sa propre initiative, en décider à tout moment.

(2) Lorsque le ministre a évalué le montant payable par un employeur aux termes de la présente loi, l'employeur ou son représentant peut, dans les quatre-vingt-dix jours de l'envoi par la poste de l'avis d'évaluation, en appeler au ministre pour demander que soit reconsidérée l'obligation de verser un montant ou le montant ainsi évalué.

(3) Lorsqu'une question mentionnée au paragraphe (1) doit être arrêtée par le ministre :

a) par suite d'une demande faite par un employé ou son représentant, le ministre avise l'employeur en cause ou son représentant;

b) par suite d'une demande faite par un employeur ou son représentant, le ministre avise l'employé désigné dans la demande ou son représentant;

c) de sa propre initiative, le ministre avise l'employeur ou son représentant et tout employé qui peut être concerné par l'arrêt ou son représentant;

d) par suite d'un appel aux termes du paragraphe (2), le ministre avise tout employé qui peut être concerné par l'arrêt ou son représentant,

de son intention d'arrêter la question et il fournit à ces personnes l'occasion de lui transmettre des renseignements et de formuler des observations en vue de sauvegarder leurs intérêts.

(4) Les demandes visant l'arrêt d'une question ou les appels en vue de la reconsidération d'une évaluation par le ministre sont adressés au chef des Appels d'un bureau de district du ministère du Revenu national et sont livrés à ce bureau ou y sont expédiés par la poste.

(5) Saisi d'une demande ou d'un appel aux termes du présent article, le ministre arrête, avec toute la diligence voulue, la question soulevée par la demande ou annule, confirme ou modifie l'évaluation, ou fait une réévaluation, et il en avise dès lors tout employé intéressé ou son représentant ainsi que l'employeur ou son représentant.

(6) À moins qu'une demande n'ait été faite par un employé ou un employeur ou le représentant d'un employé ou d'un employeur en conformité avec le paragraphe (1) pour une année quelconque, lorsqu'un montant a été déduit de la rémunération de l'employé pour l'année ou a été payé par l'employeur à titre de cotisation visant un employé pour l'année, ou lorsque aucun montant n'a été ainsi ni déduit ni payé, après le 30 avril de l'année suivante, le montant ainsi déduit ou versé doit être considéré comme ayant été déduit ou payé en conformité avec la présente loi, ou on doit considérer que la présente loi n'exigeait ni la déduction ni le versement d'un montant, selon le cas. Toutefois, le présent paragraphe n'a pas pour effet de restreindre l'autorité du ministre d'arrêter toute question de sa propre initiative aux termes du paragraphe (1) ou de faire toute évaluation que prévoit la présente loi après cette date.

(7) Lorsque le ministre est tenu d'aviser un employé qui peut être ou qui est visé par un arrêt prévu au présent article, il peut faire aviser l'employé ou son représentant, de la façon qu'il juge convenable, de son intention de rendre l'arrêt ou de l'arrêt proprement dit, selon le cas.

   (Le soulignement est de moi.)

[6] Les quelques passages de l'article 27 qui pourraient s'appliquer aux appelants sont soulignés dans le texte précité. Les appelants sont des travailleurs autonomes. L'alinéa 27(1)a) n’oblige aucunement un cotisant qui est travailleur autonome à demander au ministre de prononcer un arrêt. Le ministre peut, de sa propre initiative, décider d'une question en vertu de l'alinéa 27(1)b) concernant les appelants. Le ministre a établi à l'égard des appelants une évaluation au titre de cotisations. Tout droit d'appel des appelants semble fondé sur cette évaluation.

[7] L'article 28 du Régime de pensions du Canada décrit le droit d'appel. Il se lit comme suit :

28. (1) Un employé ou un employeur visé par l'arrêt du ministre ou par sa décision sur l'appel que prévoit l'article 27, ou son représentant, peut, dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle l'arrêt ou la décision lui est communiqué, ou dans le délai supplémentaire que la Cour canadienne de l'impôt peut accorder sur demande qui lui est présentée dans les quatre-vingt-dix jours, en appeler de l'arrêt ou de la décision en question auprès de cette Cour en envoyant un avis d'appel dans la forme prescrite par courrier recommandé au greffe de la Cour.

(1.1) Pour l'application du paragraphe (1), la détermination du moment auquel un arrêt du ministre ou sa décision sur appel que prévoit l'article 27 est communiqué à un employé ou un employeur est effectuée en conformité avec la règle éventuellement établie en vertu de l'alinéa 20(1.1)h.1) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

(2) Sur un appel interjeté en vertu du présent article, la Cour canadienne de l'impôt peut infirmer, confirmer ou modifier l'arrêt ou peut annuler, confirmer ou modifier l'évaluation ou renvoyer l'affaire au ministre pour réexamen et réévaluation; la Cour doit notifier par écrit aux parties à l'appel sa décision motivée.

[8] L'article 28 ne confère pas un droit d'appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt aux cotisants qui ne sont pas des employeurs ou des employés. Le Régime de pensions du Canada n'habilite pas la Cour canadienne de l'impôt à entendre leurs appels, et notre cour n'a pas compétence inhérente pour entendre de tels appels.

[9] Les appelants ont soulevé devant la Cour un certain nombre de questions, notamment :

1. Le Régime de pensions du Canada représente-t-il un impôt?

(les cotisations étant intégrées aux recettes générales du Canada et non pas versées dans une caisse distincte)

2. S'il représente un impôt, est-ce constitutionnel?

3. S'il ne représente pas un impôt, le gouvernement fédéral peut-il percevoir cet argent ou est-ce que seules les provinces ont le pouvoir de recueillir cet argent comme fonds de pension constituant un bien ou un droit civil?

4. Quoi qu'il en soit, les affectations des cotisations, par le gouvernement fédéral, sont-elles constitutionnelles?

5. L'article 11, notamment le paragraphe 11(6) ou une partie de celui-ci, est-il constitutionnel?

6. Les articles 27 et 28 du Régime de pensions du Canada, qui semblent restreindre divers droits de cotisants qui sont des travailleurs autonomes, sont-ils constitutionnels?

D'autres questions sont également soulevées.

[10] Comme l'article 28 n'accorde pas à ces appelants un droit d'appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt, les appelants doivent faire déterminer leurs droits en intentant une action devant une cour supérieure ayant compétence à leur égard en ce qui concerne le Régime de pensions du Canada.

[11] Pour ces motifs, les présumés appels sont annulés.

Signé à Victoria (Colombie-Britannique) ce 5e jour de juin 1998.

D. W. Beaubier

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 8e jour de janvier 1999.

Philippe Ducharme, réviseur

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