Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19991012

Dossier: 1999-2778-IT-I

ENTRE :

RICHARD JOHN TAYLOR,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre, C.C.I.

[1] L'avocat de l'intimée a présenté une requête afin d'obtenir, en vertu du paragraphe 58(3) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), une ordonnance annulant l'appel de l'appelant portant sur l'année d'imposition 1995. Les motifs de la requête sont reproduits ci-après :

[TRADUCTION]

l'avis d'opposition daté du 13 avril 1999 relativement à l'année d'imposition 1995 n'a pas été déposé dans le délai prescrit au paragraphe 165(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”);

l'appelant ne pouvait demander une prorogation du délai pour déposer l'avis d'opposition mentionné à l'alinéa a) puisqu'une telle demande doit être présentée dans l'année suivant l'expiration du délai imparti pour signifier un avis d'opposition, comme le prévoit l'alinéa 166.1(7)a) de la Loi;

l'avis d'appel déposé le 19 mai 1999 relativement à l'année d'imposition 1995 n'est pas valide puisque l'appelant n'a pas déposé un avis d'opposition valide relativement à l'année d'imposition en cause comme le requiert le paragraphe 169(1) de la Loi.

Faits

[2] L'appelant a interjeté appel de la cotisation établie à son égard pour l'année d'imposition 1994, dans laquelle le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a refusé la déduction de pertes d'entreprise. Le juge McArthur a rejeté l'appel dans un jugement rendu oralement le 21 mai 1998, dont une copie a été envoyée à l'appelant le 22 juin 1998 (pièce A-6). Dans ses motifs du jugement, le juge McArthur a accepté dans les faits que l'appelant était un créancier de l'entreprise à laquelle il avait avancé des fonds, mais il a conclu qu'il n'y avait aucune preuve que l'appelant avait subi des pertes par suite de ces avances.

[3] À la suite du jugement susmentionné, l'appelant a demandé au ministre, dans une lettre adressée à Revenu Canada le 13 juin 1998, d'examiner de nouveau sa déclaration de revenus pour 1995 et de la modifier car il estimait pouvoir déduire une perte cette année-là conformément au jugement mentionné précédemment (pièce A-1).

[4] Le 7 avril 1999, un représentant de Revenu Canada a avisé l'appelant par écrit qu'il n'y avait aucune preuve appuyant l'existence d'une perte découlant des avances faites. La demande de l'appelant visant à déduire une perte pour 1995 a été rejetée, et le ministre n'a donc pas établi de nouvelle cotisation.

[5] Le 13 avril 1999, l'appelant a signifié au ministre un avis d'opposition relativement à l'année d'imposition 1995 (pièce A-3).

[6] Le 29 avril 1999, le ministre a avisé l'appelant par écrit que son avis d'opposition ne pouvait être accepté compte tenu du paragraphe 165(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) pour le motif qu'il n'avait pas été déposé au plus tard le 90e jour suivant la date de la mise à la poste de l'avis de cotisation pour l'année d'imposition 1995, c'est-à-dire le 24 mai 1996 (pièce A-4). En outre, le ministre a informé l'appelant qu'il n'accorderait aucune prorogation du délai pour déposer une opposition visant l'année d'imposition 1995 en raison du paragraphe 166.1(7) de la Loi puisque la demande en vue d'obtenir une telle prorogation doit être présentée dans l'année suivant l'expiration du délai imparti pour signifier un avis d'opposition.

[7] Le 19 mai 1999, l'appelant a déposé un appel à la Cour relativement à l'année d'imposition 1995. La présente requête vise à faire annuler cet appel pour le motif qu'il n'a pas été satisfait à une condition préalable pour interjeter appel.

[8] L'appelant a fait valoir que, lorsqu'il a écrit à Revenu Canada le 13 juin 1998, à la suite du jugement du juge McArthur, il a demandé une cotisation corrélative pour l'année d'imposition 1995 conformément au paragraphe 152(4.3) de la Loi. Comme sa demande n'a pas été accueillie par Revenu Canada, son avis d'opposition à la décision du ministre a été déposé conformément au paragraphe 165(1.1) de la Loi et, par conséquent, dans le délai prescrit. Il a donc fait valoir que la requête afin d'obtenir une ordonnance annulant son appel pour l'année 1995 pour le motif qu'il n'a pas déposé un avis d'opposition dans le délai imparti devait être rejetée.

[9] Les paragraphes 152(4.3) et 165(1.1) sont libellés dans les termes suivants :

152 (4.3) Cotisation corrélative. Malgré les paragraphes (4), (4.1) et (5), lorsqu'une cotisation ou une décision d'appel a pour effet de modifier un solde donné applicable à un contribuable pour une année d'imposition donnée, le ministre peut ou, si le contribuable en fait la demande par écrit, doit, avant le dernier en date du jour d'expiration de la période normale de nouvelle cotisation pour une année d'imposition subséquente et de la fin du jour qui tombe un an après l'extinction ou la détermination de tous les droits d'opposition ou d'appel relatifs à l'année donnée, établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'impôt, des intérêts ou des pénalités payables, ou déterminer de nouveau un montant réputé avoir été payé, ou payé en trop, en vertu de la présente partie par le contribuable pour l'année subséquente, mais seulement dans la mesure où il est raisonnable de considérer que la nouvelle cotisation ou la détermination se rapporte à la modification du solde donné applicable au contribuable pour l'année donnée. [Je souligne.]

165 (1.1) Restriction. Malgré le paragraphe (1), dans le cas où, à un moment donné, le ministre établit une cotisation concernant l'impôt, les intérêts ou les pénalités payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou détermine un montant à l'égard d'un contribuable :

soit en application du paragraphe 67.5(2), du sous-alinéa 152(4)b)(i) ou des paragraphes 152(4.3) ou (6), 164(4.1), 220(3.4) ou 245(8) ou en conformité avec l'ordonnance d'un tribunal qui annule, modifie ou rétablit la cotisation ou la renvoie au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation;

soit en application du paragraphe (3), à la suite d'un avis d'opposition relatif à une cotisation établie ou un montant déterminé en application des dispositions visées à l'alinéa a) ou dans les circonstances qui y sont indiquées;

soit en application d'une disposition d'une loi fédérale exigeant l'établissement d'une cotisation qui, sans cette disposition, ne serait pas établie en vertu des paragraphes 152(4) à (5),

le contribuable peut faire opposition à la cotisation ou au montant déterminé dans les 90 jours suivant la date de mise à la poste de l'avis de cotisation ou de l'avis portant qu'un montant a été déterminé seulement dans la mesure où il est raisonnable de considérer que les motifs d'opposition sont liés à une question qui a donné lieu à la cotisation ou au montant déterminé et que le tribunal n'a pas tranchée définitivement; toutefois, le présent paragraphe n'a pas pour effet de limiter le droit du contribuable de s'opposer à quelque cotisation établie ou montant déterminé avant le moment donné. [Je souligne.]

[10] Le paragraphe 165(1.1) permet au contribuable de s'opposer à une cotisation établie ou à un montant déterminé par le ministre en vertu, notamment, du paragraphe 152(4.3).

[11] Pour que le paragraphe 165(1.1) s'applique, il faut faire la preuve notamment que le ministre a effectivement établi une nouvelle cotisation ou déterminé de nouveau un montant en vertu du paragraphe 152(4.3).

[12] Dans la présente affaire, je conclus que le paragraphe 152(4.3) ne s'applique pas. La décision du juge McArthur (rejetant l'appel de l'appelant pour l'année d'imposition 1994) n'a pas eu pour effet de modifier un solde donné applicable à l'appelant pour une année d'imposition donnée. Si, lorsqu'il a demandé au ministre en juin 1998 d'examiner de nouveau sa déclaration pour l'année d'imposition 1995, l'appelant avait fourni suffisamment d'éléments de preuve, et que le ministre avait accepté ces éléments de preuve, la nouvelle cotisation, le cas échéant, aurait été établie conformément au paragraphe 152(4) de la Loi, puisque, à ce moment-là, le délai normal pour établir une nouvelle cotisation n'avait pas expiré. En rejetant la demande de l'appelant le 7 avril 1999, le ministre n'a pas établi une nouvelle cotisation ni déterminé de nouveau un montant réputé avoir été payé ou payé en trop par l'appelant pour une année d'imposition subséquente, en vertu du paragraphe 152(4.3). De fait, le ministre n'aurait pu établir une nouvelle cotisation ni déterminé de nouveau un montant après la période normale pour établir une nouvelle cotisation puisque la décision du juge McArthur n'avait pas eu pour effet de modifier un solde donné applicable à l'appelant pour une année donnée. En d'autres termes, la décision du juge McArthur n'a pas ouvert la voie à une cotisation corrélative aux termes du paragraphe 152(4.3), laquelle disposition n'aurait pas permis qu'une nouvelle cotisation soit établie ou qu'un montant soit déterminé de nouveau.

[13] Je conclus par conséquent que le paragraphe 165(1.1) ne s'applique pas dans la présente affaire et que l'avis d'opposition pour l'année d'imposition 1995 aurait dû être déposé dans le délai prescrit au paragraphe 165(1) de la Loi. Comme ce ne fut pas le cas, l'appel n'a pas été déposé validement aux termes du paragraphe 169(1) de la Loi

[14] La requête de l'intimée est par conséquent accueillie et le prétendu appel est annulé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d'octobre 1999.

“ Lucie Lamarre ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de juin 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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