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Date : 19971027

Dossier : 95-3080-IT-G

ENTRE :

817254 ONTARIO INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] L’affaire en l’instance a été entendue à Winnipeg (Manitoba) les 19 juin et 2 octobre 1997, sous le régime de la procédure générale. L’appelante (la “817254”) a appelé comme témoins David Van Dam, soit son président, administrateur et seul actionnaire, et James Conley, soit un homme à la retraite qui, à l’époque pertinente, gérait la Britannia Builders Ltd. (“Britannia”) et la Noram Homes Ltd. (“Noram”). Ces deux sociétés sont parfois appelées les “sociétés Conley”.

[2] Les parties ont convenu que les questions en litige dans les appels en l’instance sont les suivantes :

1. L’appelante a-t-elle consenti des prêts à la Britannia et à la Noram?

2. De tels prêts étaient-ils accordés pour permettre à l’appelante de gagner un revenu?

3. De tels prêts sont-ils devenus des créances irrécouvrables en 1991?

[3] La 817254 avait, pour son année d’imposition 1991, indiqué une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise de 295 637 $ (3/4 x 394 182,85 $) et une perte autre qu’en capital de 111 251 $. La perte déductible au titre d’un placement d’entreprise n’a pas été admise et les reports rétrospectif et prospectif de la perte autre qu’en capital ont été refusés par la nouvelle cotisation. Ainsi, la 817254 a interjeté appel des cotisations établies à son égard pour 1989, 1990, 1991 et 1992.

[4] Le 5 avril 1989, MM. Van Dam et Conley avaient signé le document figurant à l’onglet 6 de la pièce A-1, qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

PROTOCOLE D’ENTENTE

CONVENTION faite le 5 avril 1989

ENTRE :

DAVID MARSHALL VAN DAM

(ci-après appelé “M. Van Dam”),

D’UNE PART,

et

JAMES E. CONLEY

(ci-après appelé “M. Conley”),

D’AUTRE PART.

ATTENDU QUE M. Conley a un certain nombre de sociétés associées et qu’il entend constituer d’autres sociétés (les “sociétés Conley”), soit des sociétés appartenant uniquement à M. Conley et oeuvrant toutes dans la mise en valeur de secteurs résidentiels et la construction d’habitations au Manitoba.

ATTENDU QUE M. Conley a de temps à autre besoin de capitaux relativement aux sociétés Conley pour la construction d’habitations.

ATTENDU QUE M. Van Dam a un certain nombre de sociétés au Manitoba et en Ontario, soit des sociétés de portefeuille et des sociétés de placement qui lui appartiennent en propriété exclusive (les “sociétés Van Dam”).

ATTENDU QUE M. Van Dam est intéressé à investir de l’argent dans les sociétés Conley en tant qu’investisseur passif, cet argent devant être investi de telle sorte que ni M. Van Dam ni les sociétés Van Dam ne soient identifiés d’une manière quelconque au sein des sociétés Conley.

EN CONSÉQUENCE, en contrepartie de la somme de un dollar (1 $) que chacun paie maintenant à l’autre, M. Van Dam et M. Conley conviennent par les présentes de ce qui suit :

1. M. Van Dam versera de temps à autre de l’argent à M. Conley ou dans des comptes bancaires de M. Conley, de l’argent provenant personnellement de M. Van Dam ou provenant des sociétés Van Dam, et M. Conley s’engage à investir les sommes ainsi reçues dans les sociétés Conley, comme bon lui semble.

2. L’argent ainsi investi par M. Van Dam ou les sociétés Van Dam ne sera assujetti à aucune modalité particulière en matière de remboursement ou de taux d’intérêt, mais il sera remboursé, au taux d’intérêt, s’il en est, demandé sur l’argent avancé de temps à autre et selon les modalités dont M. Van Dam et M. Conley conviendront de temps à autre par écrit dans la forme prévue à l’annexe A des présentes, devant être signée par M. Van Dam et M. Conley, de manière à déterminer les modalités de remboursement, ainsi que le taux d’intérêt demandé le cas échéant, concernant l’argent investi par M. Van Dam.

3. M. Van Dam pourra de temps à autre exiger une garantie au titre de l’argent avancé à M. Conley et aux sociétés Conley et, si M. Van Dam exige une telle garantie, M. Conley s’engage à la fournir personnellement et à faire en sorte que les sociétés Conley fournissent une garantie sous forme de billets, de transferts d’actifs comme des terrains, des véhicules, des embarcations, etc., et d’hypothèques détenues par M. Conley et/ou les sociétés Conley.

4. M. Van Dam versera l’argent à M. Conley par traites bancaires, ou en faisant en sorte que des fonds soient virés de comptes bancaires de M. Van Dam en Ontario sur des comptes bancaires de M. Conley au Manitoba.

5. M. Van Dam et M. Conley conviennent que le montant des sommes d’argent avancées par M. Van Dam à M. Conley et aux sociétés Conley au cours d’une année donnée sera corroboré et confirmé, c’est-à-dire que M. Van Dam fournira à M. Conley des copies de tous les chèques, traites bancaires ou virements bancaires au début de l’année suivant immédiatement l’année au cours de laquelle des sommes auront été versées, et M. Conley confirmera la réception de cet argent en signant une confirmation dans la forme prévue à l’annexe A de la présente convention.

(signature)

David Marshall Van Dam

(signature)

James E. Conley

Annexe A

CONFIRMATION

Il est confirmé par les présentes que, durant l’année 19 , M. Van Dam a investi dans les sociétés Conley, personnellement ou au nom des sociétés Van Dam, la somme de $, en versant ladite somme à M. Conley par chèques, traites bancaires ou virements bancaires. Cette somme sera remboursée au taux d’intérêt de % par année calculé semestriellement et non à l’avance, taux qui restera inchangé jusqu’à ce qu’il soit modifié, par écrit, par M. Van Dam et M. Conley.

Fait ce jour de 198 .

James E. Conley

David Marshall Van Dam

Après chaque année, ils signaient des confirmations. La confirmation pour 1989 se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Annexe A

CONFIRMATION

Il est par les présentes confirmé que, durant l’année 1989, M. Van Dam a investi dans les sociétés Conley, personnellement ou au nom des sociétés Van Dam, la somme de 330 000 $, en versant ladite somme à M. Conley par chèques, traites bancaires ou virements bancaires. Cette somme sera remboursée au taux d’intérêt de 0 % par année calculé semestriellement et non à l’avance, taux qui restera inchangé jusqu’à ce qu’il soit modifié, par écrit, par M. Van Dam et M. Conley.

Fait ce 6e jour de janvier 1990.

(signature)

James E. Conley

(signature)

David Marshall Van Dam

(pièce A-1, onglet 7)

Le 19 janvier 1991, ils avaient signé pour 1990 une formule identique faisant état de la somme de 250 000 $ (pièce A-1, onglet 8). Le 30 janvier 1992, ils avaient signé pour 1991 une formule identique faisant état de la somme de 69 071 $ (pièce A-1, onglet 9).

[5] La thèse de la 817254 est que, sur ces sommes, elle a consenti les avances suivantes :

26 septembre 1989 120 016,00 $

27 novembre 1989 224 165,85 $

20 octobre 1990 50 000,00 $

TOTAL 394 181,85 $

[6] La 817254 exploitait une entreprise de vente de bateaux à Kenora (Ontario). Elle avait vendu un bateau à M. Conley, et c’est ainsi que MM. Van Dam et Conley s'étaient rencontrés.

[7] Le 19 juin 1997, M. Van Dam a témoigné que lui et la 817254 géraient un compte bancaire conjoint pour l’entreprise de vente de bateaux de la 817254. Il a alors témoigné que, après la fin de chaque exercice, il répartissait ce qu’il avait dépensé et ce que la 817254 avait dépensé sur le compte bancaire et qu'il remettait le résultat de cette répartition à son comptable. Il a témoigné qu’aucun procès-verbal ou autre document n’était établi durant l’année au sujet de ces dépenses et qu’aucun grand livre n’était tenu.

[8] Le 2 octobre 1997, M. Van Dam a témoigné que, après le 19 juin 1997, il avait communiqué avec sa banque. Il avait découvert que, en 1989, le compte détenu à la Banque Toronto-Dominion était au seul nom de la 51453 Manitoba Ltd. Son avocat a demandé que l’audience soit réouverte. Cela a été fait conformément à la décision rendue par le juge Desjardins, de la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Bow River Pipe Lines Ltd. v. The Queen, 97 DTC 5385, à la page 5401.

[9] Le 2 octobre 1997, M. Van Dam a été le seul témoin. Il a déposé la pièce A-4. Il s’agit de relevés bancaires et de procès-verbaux, non signés, qui indiquent clairement que M. Van Dam et son comptable entendaient s’engager dans une vaste opération consistant à antidater des documents de société, y compris ce qui semble être un transfert libre d’impôt, daté d'une période antérieure à la fin d’un exercice.

[10]M. Van Dam a témoigné le 2 octobre que les procès-verbaux antidatés avaient été signés, bien que les exemplaires signés n’aient pas été présentés. Il est clair que, dans un cas au moins, le document avait été rédigé incorrectement et que l’on a essayé de le corriger. Rien n’indique que qui que ce soit ait été assigné à comparaître avec des documents signés pour témoigner à ce sujet.

[11] Le 2 octobre 1997, M. Van Dam a témoigné que, à la fin de chaque exercice, il apportait les relevés bancaires au comptable, qui effectuait alors les répartitions selon l’argent qui avait été déposé dans le compte de la société et dans le compte personnel de M. Van Dam et selon l’argent qui avait été retiré de ces comptes. M. Van Dam a ensuite été contre-interrogé au sujet des 50 000 $ prétendument prêtés par la 817254 le 20 octobre 1990. Il a témoigné que ce n’est que s’il pouvait comparer les numéros de compte bancaire qu’il pourrait dire si cet argent avait été prêté par lui. Il s’agit d’un témoignage incroyable de la part d’un homme qui a fait réouvrir l’audience parce que, prétendument, ce n’est que plus tard qu’il avait examiné les relevés bancaires. Ces 50 000 $ n’ont pas été prêtés par l’appelante; ils provenaient du compte de M. Van Dam.

[12] Les 120 016 $ prétendument prêtés par la 817254 le 26 septembre 1989 sont, dans l’état financier de la 817254 pour sa fin d’exercice du 30 septembre 1989, mentionnés comme “investissement à long terme dans la Britannia Builders”.

[13] Les quatre premiers éléments de cette liste incluent les 120 016 $. Ils semblent faire état de choses autres que des prêts. Sauf pour ce qui est d’une certaine quantité d’argent (le métal), les éléments restants semblent décrire des prêts. M. Van Dam a témoigné que les 120 016 $ représentaient un prêt consenti aux sociétés Conley. À l’onglet R de la pièce A-4 , il est fait toutefois état de la vente d’un bon du Trésor par “Dave Van Dam” à la Banque Toronto-Dominion en date du 26 septembre 1989 pour une somme nette de 119 599,20 $. Une note manuscrite figurant dans ce document dit : “51453 Man. Ltd.” (la “51453”). Comme le relevé de la Banque Toronto-Dominion indique que le bon du Trésor appartenait à Dave Van Dam, le témoignage présenté par M. Van Dam le 2 octobre 1997 concernant les 120 016 $ est mis en doute quant à savoir qui était le prêteur et quant à savoir s’il s’agissait d’un prêt ou d’un autre type de placement.

[14] Le prétendu prêt de 224 165,85 $ du 27 novembre 1989 est décrit dans un ordre de vente de bons du Trésor daté du 27 novembre 1989 par la 51453 (pièce R-4, onglet S). Aucun document n’indique où cette somme est allée. M. Van Dam allègue que 690 000 $ d’actifs ont été transférés à la 817254 le 4 avril 1989 contre des actions privilégiées (pièce A-4, onglet N). Tous les prêts en litige remontent à une période postérieure à cette date-là.

[15] Le témoignage du 19 juin 1997 diffère de celui du 2 octobre 1997. Le 19 juin, il était clair que M. Van Dam avait avancé des fonds à M. ou Mme Conley. Toutes les avances avaient été consenties par virements bancaires de M. Van Dam à l’une ou l’autre de ces deux personnes. Bon nombre avaient été consenties à Mme Conley. Aucun capital ou intérêt n’a jamais été remboursé. Le témoignage indiquait que la plupart des sommes avaient été accordées pour aider les sociétés Conley à construire des maisons. Les pièces déposées le 19 juin indiquaient que, tout au long de l’année 1989, les fonds qui avaient été avancés l’avaient été par M. Van Dam à M. Conley. En 1990, M. Conley et une autre société Conley avaient eu des problèmes à la Banque Canadienne Impériale de Commerce au sujet d’une somme de plus de 500 000 $. Le témoignage de juin indiquait que, à partir de 1990, M. Van Dam avait habituellement transféré des fonds à Mme Conley. En juin, M. Conley a parlé de prêts au sujet des virements de fonds de Mme Conley aux sociétés Conley. Aucun élément de preuve ne fait état d’une entente quelconque entre Mme Conley et l’appelante ou M. Van Dam.

[16] Le 28 novembre 1991, M. Van Dam avait signé une déclaration solennelle (pièce R-1, onglet 6) dans laquelle il disait, avec bien des détails, que les prêts en question dans l’appel en l’instance avaient été personnellement accordés par M. Van Dam à M. et Mme Conley. Les paragraphes 2 à 4 et le paragraphe 12 du document figurant à l’onglet 6 de la pièce R-1 se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

2. Au fil des ans, j’ai participé avec Jim et Elaine à un certain nombre d’opérations commerciales et, dans presque tous les cas, je leur prêtais de l’argent, qu’ils finissaient par me rembourser, à un taux d’intérêt dont nous convenions toujours qu'il s'agirait du taux préférentiel de la CIBC plus un pour cent (1 %) par année. D’une manière générale, j’ai cru comprendre que Jim et Elaine utilisaient l’argent pour financer les activités d’une ou plusieurs sociétés que je savais être contrôlées par l’un d’eux et qui oeuvraient dans le domaine de la construction d’habitations neuves à Winnipeg (Manitoba) et aux alentours. Je n’ai jamais demandé que des conventions officielles soient établies au sujet de l’un quelconque des prêts que j’accordais de temps à autre à Jim et Elaine, car il était implicite que je faisais confiance à chacun d’eux. En effet, les opérations de prêt se concluaient sur une poignée de main, et je n’ai jamais été inquiet de ne pas être remboursé des sommes que je leur prêtais. En fait, il n’était pas peu fréquent que je prête à Jim et Elaine des sommes pouvant aller jusqu’à 100 000 $, sommes qui ont été remboursées à des taux d'intérêt satisfaisants.

3. Jim et Elaine Conley ont actuellement envers moi une dette dont le principal s’élève en tout à 535 371 $. J’ai calculé ce montant total en additionnant les montants indiqués ci-dessous, soit des sommes que je leur ai prêtées aux dates figurant en regard de chaque montant. J’ai en outre indiqué les paiements que j’avais reçus le 20 août 1990 ainsi qu’en octobre 1990 et le 4 novembre 1991, paiements que j’ai soustraits du principal correspondant alors au montant de leur dette, ce qui laisse jusqu’à maintenant le solde net susmentionné, soit un solde de 535 371 $ sur lequel je m’attends à recevoir des intérêts calculés au taux préférentiel de la CIBC plus un pour cent (1 %) par année :

24 avril 1989 30 000 $

26 septembre 1989 150 000 $

27 novembre 1989 150 000 $

22 mai 1990 200 000 $

20 octobre 1990 50 000 $

8 janvier 1991 20 000 $

17 mai 1991 5 000 $

10 juin 1991 6 996 $

29 juin 1991 5 000 $

27 août 1991 6 500 $

29 août 1991 25 575 $

TOTAL 649 071 $

Moins paiement du

20 août 1990 - 50 000 $

Moins paiement

d’octobre 1990 - 45 700 $

Moins paiement du

4 novembre 1991 - 18 000 $

SOLDE NET : 535 371 $

4. Les annexes “A”, “B”, “C”, “D” et “E” du présent document sont des copies conformes de virements bancaires qui confirment que les prêts susmentionnés qui ont été consentis le 24 avril 1989, le 26 septembre 1989, le 27 novembre 1989, le 22 mai 1990 et le 29 août 1991, respectivement, ont été accordés à Jim ou Elaine Conley. Les 30 000 $ restants sur le prêt accordé le 26 septembre 1989 ont été versés, d’après ce que je me rappelle, par chèque à l’ordre de Jim, tout comme le prêt accordé le 20 octobre 1990, et j’essaierai, au besoin, de retrouver ces chèques oblitérés. Je confirme en outre que, d’une manière générale, pour tous les prêts que j’ai accordés à Jim et Elaine jusqu’à la fin de 1990, il était entendu que les fonds en question seraient utilisés par Jim et Elaine dans le cadre de diverses entreprises commerciales et que je finirais par être remboursé, avec intérêts.

[...]

12. Je fais la présente déclaration solennelle de bonne foi, à la demande de la CIBC et de la Société d’hypothèques CIBC, pour leur confirmer que Jim et Elaine ont réellement envers moi une dette correspondant à 535 371 $ à titre de principal, plus intérêts, de sorte que la CIBC et la Société d’hypothèques CIBC puissent évaluer correctement certaines offres de règlement qui, crois-je comprendre, leur ont été présentées par Jim et Elaine. Il est entendu que les renseignements que je fournis dans la présente déclaration solennelle ne seront pas utilisés à d'autres fins par une partie quelconque pouvant lire la présente déclaration ou en recevoir copie.

Le 19 juin 1997, M. Van Dam a admis que les sommes décrites au paragraphe 3 incluaient les montants en litige dans l’appel en instance.

[17] La déclaration solennelle de M. Van Dam a été faite à une date qui est beaucoup plus rapprochée des dates en question que ne le sont le 19 juin ou le 2 octobre 1997. Elle est acceptée comme étant la vérité, sauf pour ce qui est du fait que les confirmations signées par M. Van Dam et M. Conley font clairement état d’un taux d’intérêt de 0 p. 100.

[18] La déclaration solennelle en date du 28 novembre 1991 indique que les prêts étaient consentis personnellement par M. Van Dam à M. et Mme Conley. Les documents présentés le 2 octobre 1997 indiquent que l’appelante, M. Van Dam et les autres sociétés de ce dernier se sont lancés dans une opération consistant à antidater des documents et à truquer leurs affaires après la fin d’au moins un exercice. Même si la Cour pouvait en arriver à une conclusion autre que celle à laquelle elle parvient concernant les questions en cause, cela ne serait possible que si tous les documents des sociétés et de toutes les opérations conclues avaient été déposés et confirmés consécutivement par des témoins autres que M. Van Dam, notamment des avocats, des comptables, des employés de banque et des membres du personnel des sociétés qui ont prétendument joué un rôle dans les opérations.

[19] Dans les procédures en instance, M. Van Dam a, sous serment, présenté un faux témoignage aussi bien en juin qu’en octobre 1997. Se fondant sur le témoignage qu’il a présenté, la Cour conclut que M. Van Dam jurera de tout ce que, de temps à autre, il estime être à son avantage. Ce n’est pas un témoin crédible. M. Van Dam n’a pas dit la vérité au sujet de ces opérations et, lorsqu’il s’est rendu compte que son témoignage de juin était peu susceptible d’être utile, il a essayé de le rectifier en octobre. L’ensemble de son témoignage défie sa déclaration solennelle du 28 novembre 1991.

[20] Ainsi, pour répondre aux questions relatives à l’affaire en litige :

(1) L’appelante n’a pas consenti de prêts à la Britannia et (ou) à la Noram.

(2) Tout prêt qui peut avoir été accordé ne l’a pas été en vue de gagner un revenu.

(3) Sur la foi de la déclaration solennelle en date du 28 novembre 1991, les prêts ne sont pas devenus des créances irrécouvrables en 1991.

[21] Par sa déclaration solennelle, M. Van Dam visait à aider ses amis, qui étaient aux prises avec un créancier. En juin et en octobre, son but était d’aider l’appelante. Son témoignage de juin et octobre était répréhensible, scandaleux et outrageant. Chaque fois, M. Van Dam était impassible et était convaincu que la dernière version était la bonne. Chaque version correspondait à la volonté de M. Van Dam et de l’appelante et visait les fins de M. Van Dam et de l’appelante.

[22] La déclaration solennelle a été faite à une époque qui se rapproche davantage des événements en cause. Les deux versions présentées à la Cour ne sont pas entièrement confirmées par les documents qui ont été présentés. La seule source complète de renseignements est M. Van Dam lui-même. À en juger par les extraits de la déclaration solennelle qui ont été cités, M. Van Dam a délibérément menti à la Cour. Parfois, en ne répondant tout simplement pas aux questions qui lui étaient posées en contre-interrogatoire, il a fait preuve de désinvolture.

[23] L’appelante a délibérément cherché à tromper l’intimée, l’avocat de celle-ci et la Cour. Elle l’a fait une première fois en juin et une seconde fois en octobre. La prétention de l’appelante est dénuée de fondement. Le témoignage que M. Van Dam a présenté à la Cour est dépourvu de crédibilité. L’appelante a fait perdre du temps et de l’argent à l’intimée, à l’avocat de celle-ci et à la Cour. Elle a obligé l’intimée et l’avocat de celle-ci à consacrer une énergie considérable et à engager des dépenses considérables au sujet d’un appel qui est dénué de fondement vu la déclaration solennelle de M. Van Dam déposée en preuve par l’intimée. La réouverture d’octobre pour la troisième version, soit une version qui n’a pas été complètement étayée, n’était absolument pas fondée.

[24] La preuve établissant le contraire de ce que M. Van Dam a témoigné devant la Cour est la déclaration solennelle que M. Van Dam a faite lui-même d’une manière claire et qui concerne exactement la même question. Le témoignage de M. Van Dam en tant que représentant et que dirigeant de l’appelante et les mesures prises par l’appelante en présentant M. Van Dam comme témoin représentent une supercherie, un abus et une conduite répréhensible qui justifient l'adjudication de dépens extraordinaires à l’encontre de l’appelante pour dédommager l’intimée de ce que la procédure en l’instance lui a coûté.

[25] J’ai exercé le droit dans ce domaine et dans d’autres pendant plus de vingt-cinq ans en Saskatchewan, province dont le cadre juridique et économique est très semblable à celui du Manitoba. Fort de cette expérience, je conclus qu’une estimation raisonnable et modérée des frais sur une base procureur-client en tant que montant fixe prédéterminé pour une affaire comme celle-ci ayant fait l’objet d’un procès est de 15 000 $.

[26] L’appel est rejeté. L’intimée se voit adjuger des dépens concernant l’appel en l’instance sous la forme d’une somme globale de 15 000 $, en vertu du paragraphe 147(4) des Règles de procédure générale, et ce, au lieu de dépens taxés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d’octobre 1997.

“ D. W. Beaubier ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 9e jour de mars 1998.

Benoît Charron, réviseur

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