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Date: 19980428

Dossier: 96-2862-GST-I

ENTRE :

JOSEPH V. THOMPSON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Rendus oralement à l’audience à Calgary (Alberta), le 9 avril 1997).

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] Il s’agit d’un appel interjeté en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (à l’égard de la taxe sur les produits et services); l’appelant a demandé que la procédure informelle s’applique à son appel. Il s’agit uniquement de savoir si l’appelant a droit au “ remboursement pour habitations neuves ” prévu à l’article 256 de la Loi.

[2] L’appelant et sa conjointe sont propriétaires du 1106, 22e avenue N.-O., à Calgary, où ils habitent depuis un certain nombre d’années; en 1993, ils ont décidé d’effectuer des rénovations majeures. À ce moment-là, le bungalow, composé de deux chambres à coucher, mesurait environ 28 pieds sur 30 pieds. Les conjoints ont décidé d’ajouter une annexe de 12 pieds sur le côté ouest de la maison; il fallait creuser le sol parce que, sous le bungalow initial, il y avait un soubassement complet. Ils ont également ajouté un deuxième étage au-dessus de l’annexe, à l’ouest de la maison, lequel recouvrait également une bonne partie du bungalow initial. Le coût prévu de ces rénovations était d’environ 120 000 $. Selon l’avis d’appel, l’entrepreneur a demandé 120 176 $; le coût des travaux qu’ils ont eux-mêmes exécutés, c’est-à-dire, comme je le suppose, l’appelant et sa conjointe ainsi que les sous-traitants auxquels ces derniers ont pu avoir recours, était de 15 194 $, de sorte que les rénovations ont coûté en tout environ 135 000 $.

[3] Les travaux de construction ont commencé le 28 avril 1993, lorsqu’on a commencé à creuser le sol. Les entrepreneurs ont travaillé tout au long du printemps, de l’été et de l’automne et les travaux étaient achevés en grande partie le 18 novembre 1993, lorsque le plancher de bois-franc a été installé et verni. Il a fallu environ trois semaines pour que le vernis durcisse et qu’il soit possible de marcher sur le plancher. La partie de la maison qui avait été rénovée n’a donc pu être occupée que le 18 décembre 1993. Après avoir entendu le témoignage de la conjointe de l’appelant, je suis convaincu que, pour l’application de la loi, les rénovations ont été achevées en grande partie le 18 décembre 1993 et que tous les travaux sous-traités ont été exécutés entre le mois d’avril et le mois de décembre 1993.

[4] Le 30 septembre 1995 ou vers cette date, l’appelant a présenté une demande de remboursement de la taxe sur les produits et services payée à l’égard de ces rénovations. Le ministre du Revenu national a refusé d’accorder le remboursement au motif que la demande avait été présentée trop tard. Le ministre affirme que le contribuable dispose d’un délai de deux ans pour demander le remboursement et qu’il s’agit donc en l’espèce de savoir à quel moment le délai de deux ans a commencé à courir.

[5] Le ministre soutient que le délai de deux ans a commencé à courir le 28 avril 1993, lorsque les rénovations et les travaux d’excavation ont commencé, tandis que l’appelant soutient que le délai de deux ans n’a commencé à courir que le 18 décembre 1993, date à laquelle les rénovations ont été achevées en grande partie. La différence entre ces deux dates est importante parce que la demande a été présentée en septembre 1995 et que le jour qui tombe deux ans avant la date de présentation de la demande (en septembre 1993) tombe entre les deux dates sur lesquelles les parties ne s’entendent pas.

[6] Pour régler cet appel, je dois interpréter et appliquer l’article 256 de la loi. Voici les dispositions pertinentes :

256(1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

[...]

“ immeuble d’habitation à logement unique ” Est assimilé à l’immeuble d’habitation à logement unique l’immeuble d’habitation à logements multiples de deux habitations.

256(2) Le ministre verse un remboursement à un particulier dans le cas où, à la fois :

a) le particulier [...] par un intermédiaire, construit un immeuble d’habitation — immeuble d’habitation à logement unique [...] — ou y fait des rénovations majeures, [...]

b) [...]

c) le particulier a payé la taxe prévue à la section II relativement [...] à la fourniture effectuée à son profit, d’améliorations [...] (le total de cette taxe étant appelé “ total de la taxe payée par le particulier ” au présent paragraphe);

d) selon le cas :

(i) le premier particulier à occuper l’immeuble après le début des travaux est le particulier ou son proche,

[...]

Le montant remboursable est égal au montant suivant :

e) [...]

256(3) Les remboursements prévus au présent article ne sont versés que si le particulier en fait la demande dans les deux ans suivant le premier en date des jours suivants :

a) le jour qui tombe deux ans après le jour où l’immeuble est occupé pour la première fois de la manière prévue au sous-alinéa (2)d)(i);

[...]

b) le jour où la construction ou les rénovations majeures de l’immeuble sont achevées en grande partie.

En ce qui concerne le paragraphe 256(1), dans lequel est énoncée la définition d’“ immeuble d’habitation à logement unique ”, il est certain que cette définition s’appliquait à la maison de l’appelant parce qu’il s’agissait de ce que les urbanistes appellent une habitation unifamiliale. L’appelant est donc admissible aux termes de cette disposition.

[7] Le paragraphe 256(2) énonce les conditions qu’il faut remplir pour obtenir un remboursement et, à supposer que les alinéas a), b), c) et d) soient respectés, donne ensuite la formule permettant de déterminer le montant du remboursement. Cette formule n’est pas contestée en l’espèce; je n’ai donc pas à en tenir compte. Le paragraphe 256(2) autorise et oblige fondamentalement le ministre à effectuer un remboursement sous réserve du paragraphe 256(3), dans lequel est fixé un délai qui est crucial en l’espèce.

[8] Les alinéas 256(3)a) et b) fixent deux délais, dont l’un est celui où commence à courir le délai de deux ans. L’alinéa 256(3)a) renvoie le lecteur au sous-alinéa 256(2)d)(i). Voici ce que prévoit cette disposition : “ le premier particulier à occuper l’immeuble après le début des travaux est le particulier ou son proche [...]. ” Pour interpréter le paragraphe 256(3), il faut donc tenir compte du sous-alinéa 256(2)d)(i).

[9] Si je comprends bien l’argument du représentant de l’appelant, ce dernier ne s’est pas fondé sur la loi, mais sur le guide publié par Revenu Canada et intitulé [TRADUCTION] “ Guide et formulaire, remboursement de la TPS pour habitations neuves ”. Ce guide est daté du mois de mai 1995 et, à la page 11, figure la déclaration suivante, sous la rubrique [TRADUCTION] “ Type de demande 4 : Habitation construite ou rénovée en grande partie par le propriétaire ” :

[TRADUCTION]

11. Si vous avez droit au remboursement, vous pouvez présenter une demande à la première des dates suivantes :

(1) le jour où vous ou un proche occupez pour la première fois l’habitation après le début des travaux de construction ou de rénovations majeures;

(2) le jour où la propriété est transférée à une autre personne, si vous vendez l’habitation avant qu’elle soit occupée;

(3) le jour où les travaux de construction ou de rénovations majeures sont en grande partie achevés.

Dans cette brochure, il semble que Revenu Canada ait tenté d’expliquer en termes simples les deux délais prévus par la Loi. Je suppose donc que les paragraphes 11(1) et (2) constituent une interprétation de l’alinéa 256(3)a) de la Loi et que le paragraphe 11(3) constitue une interprétation de l’alinéa 256(3)b).

[10] L’appelant a lu le paragraphe 11(1), soit “ le jour où vous ou un proche occupez pour la première fois l’habitation après le début des travaux de construction ou de rénovations majeures ” et a supposé que ce délai s’appliquerait à un logement que la personne n’habitait pas avant le début des rénovations. Voici ce que l’appelant a conclu : “ Cela ne s’applique pas à moi, parce que nous avons toujours occupé la maison, de sorte que ce doit être le troisième délai qui s’applique, soit le jour où les travaux de construction ou de rénovations majeures sont en grande partie achevés. ” Par suite de son interprétation, l’appelant croyait disposer de deux ans après le 18 décembre 1993, et il croyait que le délai de deux ans n’était pas encore expiré lorsqu’il a présenté sa demande de remboursement, en septembre 1995.

[11] Je puis comprendre pourquoi l’appelant et sa conjointe ont tiré cette conclusion en se fondant sur le guide et pourquoi ils auraient tiré la même conclusion s’ils avaient consulté la loi elle-même. Toutefois, je crois qu’ils ont interprété d’une façon erronée tant la loi que le guide. Je conclus qu’ils ne sont pas visés par l’alinéa 256(3)b) de la Loi parce qu’ils ont occupé la maison durant toute la période des rénovations. Ils ne se sont jamais installés ailleurs au cours des travaux de rénovation. Ils ont rassemblé leurs meubles dans les parties de la maison où l’entrepreneur ne travaillerait pas et ils ont continué à habiter la maison durant toute la période des travaux.

[12] La preuve et l’avis d’appel ont confirmé que la cuisine avait auparavant été rénovée et qu’elle ne l’a pas été en 1993. L’appelant et sa conjointe ont donc pu utiliser la cuisine et, de plus, ils ont entreposé des vaisseliers et d’autres meubles dans la cuisine. Ils étaient à l’étroit parce qu’ils ont été obligés d’enlever les meubles des parties de la maison où l’entrepreneur travaillait et de les disposer ailleurs. Au sous-sol, dans la vieille partie du bungalow, se trouvait une pièce habitable où il y avait un canapé-lit sur lequel ils pouvaient dormir. Ils dormaient donc au sous-sol et utilisaient la cuisine au rez-de-chaussée; ils ont en fait habité la maison durant toute la période des rénovations.

[13] Étant donné qu’ils n’avaient pas cessé d’habiter la maison, l’appelant et sa conjointe ont interprété la date à laquelle une personne pourrait commencer à occuper la maison après le début des rénovations comme ne s’appliquant pas à eux. Compte tenu des circonstances de l’espèce, selon mon interprétation de l’alinéa 256(3)a), la date à laquelle ils ont commencé à occuper la maison après le début des rénovations est le 29 avril 1993. J’arrive à cette conclusion par suite de l’interprétation que je donne à la brochure publiée par Revenu Canada, qui était le guide de l’appelant, et à la loi elle-même. Le libellé du sous-alinéa 256(2)d)(i) est fort clair : “ le premier particulier à occuper l’immeuble après le début des travaux est le particulier ou son proche ”.

[14] Considérant que les rénovations avaient commencé le 28 avril 1993, je me suis demandé si l’habitation était occupée à cette date. Si l’habitation est occupée au moment où les rénovations commencent et si elle continue à l’être durant toute la période des rénovations, la première personne à occuper l’habitation après le début des travaux de rénovation est celle qui y vivait le 28 avril 1993, selon le sous-alinéa 256(2)d)(i). L’appelant occupait le logement le jour où les rénovations ont commencé.

[15] Je conviens qu’il s’agit de nouvelles dispositions et que les gens n’y sont pas habitués, mais l’appelant a eu la bonne idée d’obtenir le guide de Revenu Canada et de le suivre. Le guide donne une idée raisonnablement exacte de la loi, mais je crois que l’appelant s’est trompé en supposant que les mots “ le jour où vous [...] occupez pour la première fois l’habitation après le début des travaux [...] de rénovations majeures ” ne s’appliquaient pas à lui parce qu’il habitait déjà la maison.

[16] La personne qui continue à habiter un immeuble d’habitation durant toute la période où des rénovations majeures sont effectuées doit présenter la demande de remboursement pour habitation neuve dans les deux ans qui suivent “ le début des travaux de rénovations majeures ”. En l’espèce, ce délai de deux ans a commencé à courir le 28 avril 1993 et aurait expiré le 28 avril 1995. Étant donné que la demande n’a été présentée qu’en septembre 1995, elle a été présentée en dehors du délai de deux ans. Pour ces motifs, je rejette l’appel et je statue que le ministre a eu raison de refuser de rembourser la taxe sur les produits et services.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d’avril 1998.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 8e jour de décembre 1998.

Philippe Ducharme, réviseur

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