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Date: 19980930

Dossier: 96-1592-IT-G

ENTRE :

DAVID BARKER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Les appels en l'instance sont à l'encontre de cotisations établies pour les années d'imposition 1985, 1986, 1987, 1988 et 1989.

[2] Essentiellement, la question porte sur le calcul du revenu de l'appelant tiré, pendant les années en cause, d'une entreprise exploitant un certain nombre de boutiques érotiques dans lesquelles divers articles érotiques sont vendus.

[3] L'appelant a omis de produire des déclarations de revenus pour les années en question. Lorsqu'on lui a signifié l'obligation de le faire, il a produit des déclarations dans lesquelles il a déclaré les revenus suivants :

Année Revenu Revenu Impôt fédéral net

d'imposition total imposable payable

1985 15 200,33 10 595,92 1 628

1986 1 218,90 0 0

1987 11 907,91 7 330,41 1 141,50

1988 40 678,20 40 678,20 7 126,37

1989 90 328,15 90 328,15 21 734,81

[4] Dans la réponse à l'avis d'appel, il est allégué que l'appelant a été poursuivi pour évasion fiscale en application de l'article 238. Il semble y avoir une certaine confusion ici. L'article 238, tel qu'il était libellé dans certaines des années visées par l'appel ou après qu'il eut été modifié en 1988, ne portait pas sur l'évasion fiscale. Il portait sur l'omission de produire une déclaration de revenus. Je présume qu'il faut établir l'existence d'une mens rea pour appuyer une déclaration de culpabilité. L'évasion fiscale volontaire, cependant, est prévue à l'article 239.

[5] En l'espèce, d'après l'avocat de l'intimée, l'appelant a été poursuivi sur le fondement de ses propres déclarations de revenus produites tardivement. Cela cadre bien plus avec une poursuite intentée sous le régime de l'article 238. Je ne vois aucune raison de supposer que la Couronne a mentionné par erreur l'article 238 alors qu'elle aurait dû invoquer l'article 239.

[6] Néanmoins, ces contradictions manifestes dans la preuve de la Couronne sont quelque peu déconcertantes. Les cotisations dont il est interjeté appel sont toutes datées du 24 janvier 1992. L'appelant a été déclaré coupable le 15 juin 1993. Il semblerait raisonnable qu'il soit accusé d'évasion sous le régime de l'article 239 relativement aux montants, établis dans les cotisations, qui excèdent ceux qu'il a déclarés.

[7] Les cotisations visées par l'appel ont été établies en fonction des revenus et de l'impôt suivants :

    Pénalité prévue au

Année Revenu Impôt fédéral paragraphe 163(1)

d'imposition imposable payable (modifié en sept. 1988)

1985 39 507 8 680,47 4 330,86

1986 19 714 3 621,49 1 810,75

1987 3 954,11 478,95 478,95

1988 40 101,30 6 971,87 4 010,13

1989 100 386,45 24 812,14 10 038,64

[8] La pertinence de ces faits devient évidente lorsque se pose la question de la préclusion fondée sur la chose jugée ( « issue estoppel » ). Il est clair que le principe de la préclusion fondée sur la chose jugée peut s'appliquer à une affaire criminelle d'une part et à une affaire civile d'autre part si les questions en litige et les parties sont les mêmes. Van Rooy v. M.N.R., 88 DTC 6323, Sarraf v. M.N.R., 93 DTC 1569, Adams v. R., [1996] 3 C.T.C. 2585, Nick Adams v. R., [1996] 3 C.T.C. 2592; voir Neeb v. R., [1997] 2 C.T.C. 2343.

[9] Il ne m'est pas nécessaire d'examiner en détail les principes de la préclusion fondée sur la chose jugée. Ils l'ont été dans les affaires susmentionnées.

[10] Il suffit de dire qu'aucune raison d'appliquer le principe de la préclusion fondée sur la chose jugée n'a été établie. Si, comme l'avocat de l'intimée l'affirme, l'appelant a été poursuivi en vertu de l'article 238 sur le fondement de ses propres déclarations, la cour provinciale n'a jamais pris en considération les montants supplémentaires établis dans les cotisations du 24 janvier 1992, qui sont les seuls montants auxquels l'appelant s'oppose. Même si l'avocat a tort et que l'appelant a effectivement été poursuivi en vertu de l'article 239 relativement aux montants établis dans les cotisations du 24 janvier 1992, il n'en existe aucune preuve, et il n'y a certainement aucune preuve des faits et des questions qui ont été examinés par la cour provinciale. Ni le certificat de déclaration de culpabilité ni une copie de la dénonciation n'ont été déposés.

[11] Peu importe l'hypothèse retenue, le principe de la préclusion fondée sur la chose jugée ne peut être un facteur dans la présente affaire.

[12] La déclaration de culpabilité, quel que soit son objet, et la disposition en vertu de laquelle elle a pu être faite, doivent être examinées dans un contexte différent. Des pénalités ont été imposées à l'appelant en vertu du paragraphe 163(1) (non pas, faut-il le faire remarquer, en vertu du paragraphe 163(2)).

[13] Le paragraphe 163(1) était ainsi libellé en 1985, 1986, 1987 et une partie de 1988 :

163 (1) Toute personne qui tente volontairement de se soustraire à l'impôt qu'elle doit payer, en vertu de la présente Partie, en ne produisant pas de déclaration de revenu dans la forme et les délais requis par le paragraphe 150(1), est passible d'une pénalité à 50% de l'excédent

a) du montant de l'impôt auquel elle a cherché à se soustraire

sur

b) la fraction, qui peut raisonnablement être attribuée au montant visé à l'alinéa a), de la somme qui serait réputée, aux termes du paragraphe 120(2), avoir été payée au titre de son impôt pour l'année en vertu de la présente Partie.

[14] Dans les Lois du Canada, 1988, ch. 55, art. 142, cette disposition a été abrogée et remplacée par la disposition suivante :

163 (1) Toute personne qui ne déclare pas un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration produite conformément à l'article 150 pour une année d'imposition donnée et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d'imposition précédentes est passible d'une pénalité égale à 10 % du montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une telle déclaration, sauf si elle est passible d'une pénalité en application du paragraphe (2) sur ce montant.

[15] Le chapitre 55 des Lois du Canada, 1988, a été sanctionné le 13 septembre 1988. Aucune autre date n'étant mentionnée pour l'entrée en vigueur de la modification, je présume qu'il s'agit de la date de la sanction (articles 5 et 6 de la Loi d'interprétation).

[16] La principale différence tient à ce qu'aux termes de l'ancien paragraphe 163(1) il devait y avoir une tentative volontaire de se soustraire à l'impôt en omettant de produire une déclaration alors qu'aux termes du nouveau paragraphe 163(1) aucun élément d'intention ne semble exister. Il suffit qu'il y ait omission répétée de produire une déclaration.

[17] Le paragraphe 163(3) est ainsi libellé :

(3) Charge de la preuve relativement aux pénalités. Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d'une pénalité imposée par le ministre en vertu du présent article, le ministre a la charge d'établir les faits qui justifient l'imposition de la pénalité.

[18] L'intimée n'a produit aucune preuve d'une tentative volontaire ou non de se soustraire à l'impôt. Pour s'acquitter de la charge de la preuve prévue au paragraphe 163(3), l'intimée ne peut se fonder uniquement sur les prétendues hypothèses que le contribuable doit réfuter dans le cadre d'un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation d'impôt. En outre, la déclaration de culpabilité de l'appelant, même si l'on avait établi de quoi l'appelant a été déclaré coupable, n'est pas une preuve admissible aux fins de justifier l'imposition d'une pénalité en vertu du paragraphe 163(1). Cette observation vaut pour les pénalités imposées tant en vertu de l'ancien paragraphe 163(1) qu'en vertu du nouveau paragraphe 163(1).

[19] Cela est d'une telle évidence qu'il n'est pas nécessaire d'invoquer de jurisprudence : une déclaration de culpabilité antérieure relativement à une infraction prévue aux articles 238 ou 239 ne constitue pas en soi une preuve justifiant l'imposition d'une pénalité en vertu de l'article 163. Les pénalités doivent par conséquent être annulées.

[20] Je me pencherai maintenant sur les cotisations d'impôt. L'avis d'appel manque de précision, mais la réponse est très précise.

[21] Le premier point concerne les dépenses salariales. En 1985 et en 1986, l'appelant a demandé la déduction de salaires de 32 229,64 $ et de 32 966,47 $ respectivement. En 1987, 1988 et 1989, il a demandé la déduction de 27 582,53 $, de 71 867,85 $ et de 105 892,42 $ respectivement. Le ministre du Revenu national ne semble pas avoir contesté les montants déduits en 1987, 1988 et 1989.

[22] Le ministre du Revenu national a cependant établi les cotisations pour les années 1985 et 1986 en tenant compte du fait que l'appelant avait surévalué ses dépenses salariales de 28 919,40 $ et de 10 358,54 $ respectivement. Il s'ensuit que le ministre n'a admis que 3 310,24 $ au titre des salaires en 1985 et 22 607,93 $ en 1986.

[23] Compte tenu du fait que l'appelant exploitait 3 boutiques et qu'il avait 3 employés, il me semble quelque peu absurde qu'il n'ait versé que 3 310,24 $ en salaires en 1985. Le montant de 22 607,93 $ admis en 1986 est peut-être un peu bas étant donné que des montants de 27 582,53 $, de 71 867,85 $ et de 105 892,42 $ ont été admis dans les trois années suivantes, mais il n'est pas impossible.

[24] Je crois que l'appelant a probablement dépensé beaucoup plus que 3 310,24 $ au titre des salaires en 1985, mais combien, c'est impossible à dire.

[25] L'un des problèmes de M. Barker est que sa tenue de livres était rudimentaire, si tant est qu'il y en avait une, et qu'il payait tout comptant, y compris les salaires et les stocks. Il n'a délivré aucun feuillet T4 en 1985.

[26] Le ministre a effectué un autre rajustement, dans le calcul des revenus cette fois. Le ministre allègue qu'en 1986 et en 1989, l'appelant a sous-évalué son revenu de 12 317,16 $ et de 10 958,29 $ respectivement. La pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(1) s'élève à 10 038,64 $, ce qui représente 10 p. 100 du revenu imposable déterminé par le ministre. Si l'on suppose que le montant de 100 386,45 $ du ministre est juste, il aurait fallu que la pénalité soit égale à 10 p. 100 de la différence entre 100 386,45 $ et 90 328,15 $, le montant déclaré par l'appelant. Si je n'avais pas ordonné que les pénalités soient annulées entièrement, j'aurais de toute façon ordonné que cette pénalité soit rajustée.

[27] L'appelant allègue que l'écart sur le plan des revenus est attribuable à l'omission du ministre de prendre en considération l'énorme quantité de marchandises retournées contre remboursement. Cela est possible, mais je n'ai aucun moyen de savoir quel montant a été remboursé, et il semble qu'il n'ait été inscrit nulle part.

[28] De même, aucun inventaire n'a été dressé, et aucun registre indiquant le coût des réparations (moins l'assurance) des boutiques par suite des fréquentes introductions par effraction, ainsi que la valeur des marchandises volées, n'a été tenu.

[29] Au terme des plaidoiries, j'ai informé les avocats que je rendrais mon jugement dans un mois seulement pour permettre aux parties de tenter de s'entendre sur la question des salaires. L'avocat de l'intimée a informé la Cour par écrit qu'aucune entente n'était intervenue, de sorte que je n'ai d'autre choix que de rejeter les appels des cotisations d'impôt et d'admettre les appels relativement aux pénalités.

[30] Il n'y aura aucune adjudication des dépens.

Signé à Toronto, Canada, ce 30e jour de septembre 1998.

« D. G. H. Bowman »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 12e jour d'avril 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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