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Date: 19980824

Dossier: 96-4239-GST-G

ENTRE :

LONDON LIFE, COMPAGNIE D'ASSURANCE-VIE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1] L'appel en l'instance est interjeté en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ) à l'égard de l'avis de cotisation no 08PD0101464 daté du 3 mai 1994.

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

[2] La London Life, Compagnie d'Assurance-Vie (la « London Life » ) est un inscrit aux fins de la taxe sur les produits et services ( « TPS » ) et une institution financière désignée au sens de la Loi.

[3] Dans des avis de cotisation datés du 3 mai 1994, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) :

a) pour la période de déclaration du 1er janvier au 31 décembre 1991 :

(i) a refusé des crédits de taxe sur les intrants ( « CTI » ) de 59 753,08 $ relativement à la TPS payée par la London Life sur des produits et des services achetés pour effectuer des améliorations locatives;

(ii) a fixé à 55 439,45 $ la TPS payable par la London Life par suite de la vente, à une filiale à cent pour cent, de meubles usagés qu'elle utilisait exclusivement dans le cadre d'activités exonérées.

b) pour la période de déclaration du 1er janvier au 31 décembre 1992 :

(i) a refusé des CTI de 87 180,42 $ relativement à la TPS payée par la London Life sur des produits et des services achetés pour effectuer des améliorations locatives.

[4] La London Life s'est opposée aux cotisations.

FAITS LIÉS AUX OPÉRATIONS RELATIVES

AUX AMÉLIORATIONS LOCATIVES

[5] En 1991 et 1992, la London Life a conclu plusieurs nouvelles conventions de bail à titre de locataire relativement à des locaux commerciaux destinés à ses bureaux de ventes régionaux.

[6] Au début de la location, conformément aux modalités des conventions de bail, la London Life a reçu des propriétaires des paiements incitatifs à la signature d'un bail (aussi appelés « allocations aux fins d'améliorations locatives » ) en vue de financer les améliorations locatives que la London Life devait effectuer dans les lieux loués. Le montant de chaque allocation aux fins d'améliorations locatives était fonction de la superficie en pieds carrés des locaux à bureaux loués. La London Life a jugé qu'il était plus efficace de négocier les modalités aux termes desquelles le propriétaire fournirait le financement qui lui permettrait d'effectuer les améliorations locatives nécessaires que de demander à chaque propriétaire d'effectuer les améliorations nécessaires.

[7] Les conventions de bail prévoient généralement que :

• l'allocation aux fins d'améliorations locatives payée par le propriétaire représente un apport au titre du coût des améliorations locatives pris en charge par la London Life;

• les améliorations locatives deviennent la propriété du propriétaire dès qu'elles sont effectuées;

• le locataire doit améliorer les lieux loués de façon à ce qu'ils conservent l'apparence et le caractère d'un immeuble de bureaux de première classe;

• le locataire doit soumettre les plans détaillés des améliorations à l'approbation du propriétaire;

• le locataire doit fournir la preuve d'un échéancier des travaux d'améliorations et fournir une déclaration sous serment que les travaux ont été effectués conformément aux plans soumis;

• le locataire peut être appelé à fournir le détail des frais engagés pour effectuer les travaux.

[8] La London Life a perçu la TPS sur chaque allocation aux fins d'améliorations locatives que les propriétaires lui ont versée. Le montant en question a maintenant été remis à Revenu Canada. Ce traitement de l'allocation aux fins d'améliorations locatives est conforme à la thèse de Revenu Canada énoncée dans le bulletin d'information technique B-054, en vertu duquel les locataires qui sont des inscrits aux fins de la TPS et qui reçoivent des propriétaires des montants comme les allocations aux fins d'améliorations locatives sont tenus de percevoir et de verser la TPS sur les montants ainsi reçus.

[9] Pour les années en question, la London Life a reçu des allocations aux fins d'améliorations locatives de 2 212 701,34 $, sur lesquelles elle a perçu et remis 155 370,96 $ au titre de la TPS. La London Life a demandé des CTI d'un montant total de 146 933,50 $ pour la TPS payée sur les améliorations locatives d'environ 2,1 millions de dollars effectuées relativement aux baux concernés.

Année

Allocations aux fins d'améliorations locatives

TPS perçue

CTI demandés

1991

914 949,79

64 046,49

59 753,08

1992

1 297 751,55

91 324,47

87 180,42

TOTAL

2 212 701,34 $

155 370,96 $

146 933,50 $

[10] Aux fins de l'impôt sur le revenu, et en vertu du paragraphe 13(7.4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, la London Life a inclus dans la catégorie 13 le coût net (sauf le montant de l'allocation aux fins d'améliorations locatives) des améliorations locatives.

[11] La London Life a utilisé les bureaux de ventes principalement dans le cadre de ses activités d'assurance exonérées.

[12] Le ministre a refusé les CTI demandés par la London Life relativement à la TPS payée sur les fournitures achetées pour effectuer les améliorations locatives.

FAITS LIÉS À LA VENTE DE MOBILIER USAGÉ

[13] Au cours de l'année 1991, la London Life a vendu du mobilier et de l'équipement de bureau usagés (les « biens » ) à sa filiale à cent pour cent Royal LePage Mortgage Company (Broker) Inc. ( « RLMC » ). Avant la vente, la London Life avait utilisé le mobilier et l'équipement de bureau exclusivement dans le cadre d'activités visant à la réalisation de fournitures exonérées de la TPS. La London Life n'a pas demandé les CTI sur l'achat des biens.

[14] La London Life a vendu les biens à RLMC 847 431,57 $.

[15] Le coût pour la London Life de chacun des biens était inférieur à 50 000 $.

[16] Le ministre a fixé la TPS sur la vente à 55 439,45 $.

QUESTIONS EN LITIGE

[17] Les questions en litige sont les suivantes :

a) La London Life a-t-elle droit à des CTI relativement à la TPS payée sur les opérations relatives aux améliorations locatives?

b) La TPS est-elle payable relativement à la vente par la London Life de mobilier et d'équipement de bureau usagés à RLMC?

ANALYSE

AMÉLIORATIONS LOCATIVES

[18] Au cours des années d'imposition 1991 et 1992, la London Life a loué des locaux à bureaux pour ses bureaux de ventes régionaux. Conformément aux modalités énoncées dans les conventions de bail, la London Life a reçu des propriétaires des allocations aux fins d'améliorations locatives. En qualité de fournisseur de services financiers, l'appelante a peu de marge de manoeuvre pour demander des CTI dans la mesure où les services qu'elle offre ne sont pas des activités commerciales aux fins des parties de la Loi qui se rapportent à la TPS[1]. En dépit du fait qu'elle effectue des fournitures exonérées dans le cadre de ses activités commerciales normales, la London Life fait valoir que la conclusion d'arrangements locatifs pour ses bureaux de ventes régionaux constitue une fourniture taxable pour son propriétaire et que cette fourniture est assujettie aux CTI. Je ne peux me rallier aux observations de l'appelante sur cette question.

[19] Aux termes de l'alinéa 141.01(2)b) de la Loi, le bien acquis afin d'effectuer une fourniture exonérée est réputé avoir été acquis pour consommation hors du cadre des activités commerciales. À mon avis, la London Life n'a pas apporté les améliorations locatives afin d'effectuer une fourniture à son propriétaire. La London Life a plutôt amélioré les biens en location afin de faciliter ses activités commerciales. Dans son analyse de l'article 141.01, David M. Sherman a écrit ceci :

[TRADUCTION]

[...] Une « entreprise » ne peut être considérée uniquement du point de vue des fournitures acquises. (De fait, si une personne ne faisait qu'acquérir des biens et des services et qu'elle n'en fournissait jamais, elle serait un consommateur et non une entreprise.) Les termes « dans la mesure » que l'on retrouve dans la définition d' « activité commerciale » indiquent clairement que, lorsqu'il est question par exemple de la TPS payée sur les locaux loués, l' « entreprise » ou l' « activité » en question n'est pas la location des lieux (en tant que locataire), mais la location des lieux combinée à l'utilisation de ces lieux pour livrer des biens et fournir des services. Ainsi, comme les rédacteurs de la loi en avaient clairement l'intention, les frais généraux devraient être répartis en tenant compte des fournitures effectuées par l'entreprise de façon à déterminer la mesure dans laquelle les frais généraux comprennent la réalisation de fournitures exonérées.[2]

[20] Si l'opinion de David M. Sherman n'a pas force obligatoire, c'est à mon avis une opinion convaincante dans la présente affaire. De même, dans l'affaire Suzy Creamcheese (Canada) Ltd. v. The Queen, 92 DTC 6291, aux pages 6293 et 6294 (C.F. 1re inst.), le juge Collier a statué que le détaillant dans cette affaire n'exploitait pas une entreprise de négociation de baux et que la location de locaux n'était « qu'un moyen d'exploiter son entreprise » . Par conséquent, dans l'examen de l' « objet » de l'acquisition de biens en vertu de l'alinéa 141.01(2)b), c'est l'objet commercial, dans la présente affaire la fourniture de services financiers, qui est l'élément décisif.

CONCLUSION

[21] La London Life a acquis les améliorations locatives en vue d'effectuer des fournitures dans le cadre de son entreprise d'assurance exonérée. Par conséquent, les améliorations n'ont pas été effectuées dans le cadre d'une « activité commerciale » et le paragraphe 169(1) ne s'applique pas à la TPS payée relativement à ces améliorations.

DÉCISION

[22] L'appel relatif aux améliorations locatives est rejeté.

VENTE DE MOBILIER ET D'ÉQUIPEMENT USAGÉS À RLMC

[23] En 1991, la London Life a vendu du mobilier et de l'équipement de bureau à RLMC, une filiale à cent pour cent. Le ministre a fixé la TPS payable à 55 439,45 $. Le mobilier et l'équipement usagés n'étaient utilisés par la London Life que pour effectuer des fournitures exonérées.

[24] L'appelante soutient que la TPS ne devrait pas s'appliquer à la vente par elle de mobilier et d'équipement usagés à sa filiale à cent pour cent. La vente n'est pas une fourniture taxable parce qu'elle n'a pas été faite dans le cadre d'activités commerciales.

[25] L'intimée soutient que la vente du mobilier et de l'équipement de bureau usagés était assujettie à la TPS parce qu'elle n'était pas un « service financier » au sens du paragraphe 123(1) de la Loi. En outre, il s'agissait d'une « activité commerciale » telle que cette expression est définie au paragraphe 123(1). L'intimée convient qu'aux termes de l'alinéa 141.1(1)b), les fournitures de biens meubles seront réputées effectuées hors du cadre des activités commerciales si le bien a été acquis exclusivement en vue de le consommer ou de l'utiliser en dehors du cadre des activités commerciales. Cependant, l'intimée remarque que l'article 141.1 a été adopté en 1993 et qu'il ne s'applique qu'aux opérations postérieures au 1er octobre 1992, alors que la vente du mobilier et de l'équipement usagés est antérieure à cette date. Par conséquent, les opérations ne sont pas directement touchées par l'alinéa 141.1(1)b).

[26] Je conclus que la vente du mobilier et de l'équipement usagés n'a pas été faite dans le cadre d'une activité commerciale parce qu'elle ne faisait pas partie des activités normales ou courantes de l'entreprise de l'appelante, qui sont la prestation de « services financiers » [3]. L'appelante n'exploite pas une entreprise de vente de mobilier. Plutôt, la vente de mobilier à sa filiale n'était qu'accessoire à son entreprise de vente d'assurance.

[27] En ce qui concerne l'application de l'alinéa 141.1(1)b), l'intimée déclare à raison qu'il ne s'applique qu'après octobre 1992. Avant cette date, la disposition applicable était le paragraphe 141(5), aux termes duquel les fournitures effectuées relativement à une activité commerciale seraient réputées faire partie de l'activité commerciale. Je conclus que l'adoption de l'article 141.1 était destinée à clarifier les règles de droit et non pas à changer celles qui existaient en 1991. L'ancien paragraphe 141(5), comme le nouvel article 141.1, n'était pas destiné à s'appliquer à la vente non commerciale de biens comme la vente de mobilier par une société mère à sa filiale. Cette interprétation trouve appui dans les notes techniques qui accompagnaient l'adoption de l'article 141.1 en 1993. Elle est conforme également au paragraphe 45(2) de la Loi d'interprétation, et je ne peux rien trouver qui permette de conclure le contraire[4].

DÉCISION

[28] Sur cette question, l'appel est accueilli et l'affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que la vente du mobilier et de l'équipement usagés par l'appelante n'était pas une fourniture taxable parce qu'elle n'a pas été effectuée dans le cadre d'une activité commerciale.

[29] L'appelante n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'août 1998.

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 22e jour de février 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           Le paragraphe 123(1) de la Loi inclut expressément la fourniture de polices d'assurance dans la définition d' « effet financier » et il inclut l'émission d'effets financiers dans sa définition de « service financier » . Un service financier est une « fourniture exonérée » en vertu de l'annexe V de la partie VII des parties de la Loi qui se rapportent à la TPS et de la définition d' « activité commerciale » puisque le paragraphe 123(1) exclut expressément la réalisation de fournitures exonérées. Par conséquent, la London Life, en tant qu'émetteur de polices d'assurance, ne réalise pas des activités commerciales aux fins des parties de la Loi qui se rapportent à la TPS.

[2]           David M. Sherman, Canada GST Service, dossier C2 (Scarborough: Carswell, 1998), aux pages 141-211 et 141-212.

[3]           Voir Hleck, Kanuka, Thuringer v. Canada, [1994] G.S.T.C. 46 (C.C.I.).

[4]           Voir aussi Aubrett Holdings Ltd. c. Canada, [1998] A.C.I. no 141 (C.C.I.).

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