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Date: 19980120

Dossier: 95-3708-IT-G

ENTRE :

FRANK BEBAN LOGGING LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1] Avant l’audition de la preuve, l’avocat de l’appelante a fait savoir que les faits énoncés à l’alinéa 5b) de l’avis d’appel n’étaient plus en litige et que la seule question à trancher était de savoir si, en établissant une cotisation d’impôt pour l’année d’imposition 1991, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) avait à juste titre inclus dans le revenu imposable la somme de 800 000 $ que l’appelante avait reçue du gouvernement de la Colombie-Britannique cette année là. Après avoir inclus la somme de 800 000 $ dans le revenu, le ministre a permis la déduction d’un certain montant pour le motif que l’appelante avait engagé certaines dépenses en vue de réaliser ledit revenu. Par conséquent, s’il est décidé dans cet appel que la somme de 800 000 $ n’aurait pas dû être incluse dans le revenu de l’appelante, la question des dépenses se rapportant à la rentrée de ladite somme n’est pas pertinente aux fins de la cotisation d’impôt.

[2] La transcription de l’interrogatoire préalable de Brian Wilson, agent à Revenu Canada, que l’intimée avait produite aux fins de l’interrogatoire, a été déposée sous la cote A-1. En interrogeant Brian Wilson, l’avocat de l’appelante a cité un document intitulé : EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS NON DÉPOSÉ, qui a été produit sous la cote A-2. L’avocat a lu les questions et réponses suivantes, tirées de l’interrogatoire de Brian Wilson :

1 à 6 inclusivement, 10, 11, 13 à 25 inclusivement, 27 à 34 inclusivement, 36 à 42 inclusivement, 40, 41, 42, 45, 57, 60, 63, 64, 67, 68, 71, 72, 74, 75, 76, 77, 79, 80.

[3] William Verchere a témoigné qu’en 1991, il était actionnaire et administrateur de l’appelante, Frank Beban Logging Ltd. ( « FBL » ), et qu’il agissait en outre comme secrétaire-trésorier et directeur général de la compagnie. Les actions de la corporation avaient été réparties entre Frank Beban et lui, dans une proportion de 70 et de 30 p. 100 respectivement. Après le décès de Frank Beban, le 27 juillet 1987, Delores Beban, qui était la conjointe de M. Beban, détenait ces actions. L’appelante exploitait une entreprise en tant qu’entrepreneur en exploitation forestière et en construction de chemins d’exploitation. On a référé le témoin à un document (onglet A, pièce A-2) que celui-ci a identifié comme étant le dernier contrat que l’appelante avait passé avec Western Forest Products Limited ( « WFPL » ). M. Verchere a souligné qu’en vertu de l’alinéa 14b), WFPL pouvait résilier le contrat à certaines conditions en donnant à l’appelante un préavis de 30 jours. M. Verchere a expliqué qu’en 1974, un moratoire avait été imposé à l’égard de l’exploitation forestière dans l’île Burnaby et que, par suite de ce moratoire, l’appelante s’était réinstallée dans l’île Lyell. Les services de l’appelante ont été retenus aux fins de la construction de routes en 1976 et, en 1977, l’appelante a pu commencer ses opérations forestières. Le contrat, daté du 1er janvier 1986, a été conclu par l’appelante et WFPL à un moment où il semblait que l’exploitation forestière dans les îles de la Reine-Charlotte prendrait fin dans un avenir rapproché. La disposition relative à la résiliation du contrat sur préavis de 30 jours figurait dans tous les contrats qui avaient été signés au fil des ans avec WFPL. M. Verchere a cité un document intitulé : Protocole d’entente entre l’honorable Brian Mulroney, Premier ministre du Canada, et l’honorable William Vander Zalm, Premier ministre de la Colombie-Britannique (onglet B, pièce A-2) ; il croyait que l’appelante serait visée par le paragraphe 4.1, à titre d’entité ayant des intérêts forestiers en sa qualité de tiers. L’exploitation forestière dans l’île Lyell a pris fin le 1er juillet 1987 ; à ce moment-là, 60 employés ou sous-traitants étaient inscrits dans le livre de paie ou dans l’échéancier de l’appelante et les activités de FBL dans l’île Lyell représentaient 40 p. 100 des recettes totales de la compagnie. M. Verchere a identifié une entente (onglet C, pièce A-2) datée du 25 septembre 1987, entre Sa Majesté la Reine du chef de la province de la Colombie-Britannique et l’appelante. En vertu de l’entente, le gouvernement de la Colombie-Britannique devait payer les sommes déboursées par FBL du fait que le gouvernement avait mis fin à toutes les opérations forestières dans l’île Lyell, FBL s’étant donc vue obligée de transporter son propre matériel et celui des divers sous-traitants dans l’île de Vancouver ou sur la partie continentale de la Colombie-Britannique. M. Verchere a déclaré avoir rencontré l’honorable Dave Parker, ministre des Forêts, et lui avoir expliqué les problèmes et les coûts associés à l’affrètement de barges en vue du transport de 30 grosses machines servant à l’exploitation forestière et à la construction de routes ainsi que de 20 camionnettes sur une distance considérable en pleine mer. M. Verchere a déclaré avoir soumis des factures, des reçus et d’autres pièces justificatives à un vérificateur qui agissait pour le compte du ministre des Forêts. L’appelante a reçu une indemnité de la province de la Colombie-Britannique, comme en fait la foi la lettre du 5 février 1988 (onglet D, pièce A-2). Elle agissait également comme fiduciaire pour le compte des employés et sous-traitants et gérait des paiements s’élevant en tout à 482 810,55 $, ce qui comprenait au besoin les déductions nécessaires aux fins du Régime de pensions du Canada, de l’impôt sur le revenu et de l’assurance-chômage et le versement de ces sommes à Revenu Canada. M. Verchere a déclaré qu’après avoir été mis au courant de l’existence d’un protocole entre le gouvernement de la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral au sujet de la création d’un parc dans l’île Moresby-Sud, il a envoyé une lettre au ministère des Forêts de la Colombie-Britannique, le 28 juillet 1988 (onglet E, pièce A-2). Il a reçu une réponse datée du 29 août 1988 (onglet E, pièce A-2) à laquelle étaient joints des extraits de certaines dispositions de l’entente signée par les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique le 12 juillet 1988. Après avoir examiné les documents, M. Verchere s’est rendu compte que l’appelante était exclue de tout programme d’indemnisation organisé par les signataires. Il a demandé conseil au cabinet d’avocats Davis & Company, de Vancouver, et a reçu un avis selon lequel FBL ne disposait d’aucune revendication, sur le plan juridique, contre le gouvernement, mais qu’elle pouvait demander une indemnité sur la base d’une revendication sur le plan moral. À la suite d’une lettre datée du 9 septembre 1988 que le South Moresby Forestry Compensation Committee (le « comité d’indemnisation » ) avait envoyée à l’avocat de FBL, Me John Hunter, il était clair que FBL n’avait pas été exclue par inadvertance du processus d’indemnisation. M. Verchere a déclaré que, compte tenu de l’avis exprimé par l’avocat, il savait qu’il devait chercher à obtenir une indemnité par d’autres moyens et qu’il avait retenu les services d’un ancien député fédéral, Ted Schellenberg, à titre de lobbyiste pour défendre les intérêts de l’appelante. Les services d’un autre lobbyiste qui était en relations avec le parti formant le gouvernement provincial avaient également été retenus pour défendre les intérêts de FBL. De plus, on a demandé au cabinet de comptables agréés Bestwick & Partners de calculer la perte subie par l’appelante par suite de la décision des gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada d’empêcher toute autre exploitation forestière dans le secteur où FBL exerçait ses activités. La perte, telle qu’elle a été établie dans le rapport en résultant, était de plus de 11 millions de dollars. M. Verchere a déclaré qu’au milieu de l’année 1990, il semblait que FBL ne toucherait jamais d’indemnité supplémentaire, à part les débours qui lui avaient déjà été payés. En octobre 1990, pour la première fois de sa vie, M. Verchere a adhéré au Social Credit League, soit le parti politique qui était au pouvoir dans la province depuis 14 ans ; il en est devenu membre à vie, ce qui lui a permis d’assister à un petit déjeuner auquel divers ministres du Cabinet étaient présents. Cette activité s’inscrivait dans le cadre du congrès annuel du parti. Au petit déjeuner, M. Verchere a rencontré certaines personnes qui entretenaient des relations étroites avec le parti au pouvoir ; il savait également que des élections devaient avoir lieu à l’automne 1991 puisque le mandat de cinq ans prenait fin. Par suite des discussions qu’il avait eues lors du congrès, M. Verchere a obtenu certaines réponses favorables, mais il n’y avait rien de concret sur quoi il pouvait se fonder. Le 17 octobre 1990, M. Verchere a envoyé une lettre de quatre pages (onglet H, pièce A-2) à l’honorable Claude Richmond, ministre des Forêts de la Colombie-Britannique. Le 26 octobre 1990, il a assisté avec son comptable et Ted Schellenberg, le lobbyiste, à une réunion avec le coprésident du comité d’indemnisation. M. Verchere a déclaré qu’on lui a alors remis une lettre (pièce A-3) datée du même jour, disant que FBL toucherait certaines sommes additionnelles à l’égard des débours additionnels à condition que ceux-ci soient approuvés au moyen d’une vérification. M. Verchere a dit que l’ambiance, pendant la réunion, était désagréable et acrimonieuse. Il a déclaré avoir de son côté tenté d’expliquer que FBL avait perdu la « meilleure partie de son entreprise, sans indemnité » . Lorsque ses conseillers et lui ont quitté la réunion, il était convaincu qu’aucune somme additionnelle, sauf en ce qui concerne les débours additionnels attestés par des pièces justificatives, ne serait versée à FBL par le gouvernement de la Colombie-Britannique. Il envisageait de porter la situation à la connaissance du public en communiquant avec la presse et les médias électroniques pour expliquer la façon injuste dont FBL était traitée. Il a plutôt adressé une lettre, le 20 novembre 1990, à l’honorable Claude Richmond (onglet I, pièce A-2) dont le paragraphe 2 était ainsi libellé :

[TRADUCTION]

Comme il en a déjà été fait mention, nous ne souhaitons pas embarrasser le gouvernement ou nous lancer dans un litige prolongé. Nous tenons donc à régler rapidement l’affaire d’une façon raisonnable, avec une juste indemnité, de façon à pouvoir poursuivre nos activités sans continuer à faire face à des fardeaux financiers et à l’incertitude associée à l’obtention éventuelle d’une indemnité.

[4] M. Verchere a expliqué que le gouvernement était à son point le plus bas dans les sondages d’opinion ; le Premier ministre faisait face à des attaques à l’égard de certaines opérations financières concernant une entreprise appartenant à sa famille et il semblait que l’opposition, le Nouveau parti démocratique, formerait le prochain gouvernement à la suite des élections qui devaient inévitablement avoir lieu à l’automne. M. Verchere a déclaré que la dernière fois que ce parti avait formé le gouvernement, il avait fait en sorte que FBL mette fin à ses activités dans l’île Burnaby et s’installe dans l’île Lyell, ce qu’il avait considéré comme une mesure hostile à l’industrie forestière. Le lobbyiste dont l’appelante avait retenu les services pour traiter avec le gouvernement provincial avait informé M. Verchere que l’administration existante était en plein désarroi, ce qui l’a entre autres amené à parler d’un litige dans la lettre qu’il avait adressée au ministre des Forêts, et ce, même si aucune procédure n’avait encore été engagée. Dans cette lettre, il demandait qu’on verse à FBL une indemnité de 1 750 000 $. M. Verchere a déclaré qu’il ne sait pas pourquoi il a choisi ce montant particulier, mais à ce moment-là, on n’avait pas encore remboursé FBL de ses débours additionnels conformément à la procédure énoncée dans la lettre du 26 octobre 1990. Quoi qu’il en soit, toute dépense additionnelle de ce genre, étayée par des pièces justificatives, serait exclusivement examinée par le comité d’indemnisation. À coup sûr, M. Verchere ne considérait pas la somme de 1,75 million de dollars comme représentant une somme versée à FBL à l’égard du manque à gagner. À ce moment-là, il croyait que M. Richmond ne voulait plus de mauvaise presse qui pourrait amener l’appelante à faire connaître au public la façon dont elle était traitée par le gouvernement provincial. Le 31 janvier 1991, date de la lettre du ministre des Forêts (onglet K, pièce A-2), FBL avait reçu 240 276 $ au titre de ses débours additionnels et elle a eu l’agréable surprise d’apprendre que le Cabinet envisageait de verser une somme additionnelle. M. Verchere a également parlé à un fonctionnaire du ministère des Terres de la Couronne, qui l’a amené à croire que des sommes additionnelles seraient versées. Avant de recevoir la lettre du 19 avril 1991 de l’honorable Claude Richmond (onglet L, pièce A-2), M. Verchere avait reçu un appel téléphonique de M. Richmond, qui offrait de verser à FBL une indemnité de 800 000 $. M. Verchere a déclaré qu’il s’était empressé de communiquer avec Delores Beban, qui détenait 70 p. 100 des actions, et qu’il avait également parlé au comptable de la compagnie, Gordon Hubley, CA. Environ 15 minutes après avoir reçu l’offre, il a téléphoné à M. Richmond pour l’informer qu’il acceptait l’offre pour le compte de FBL et qu’il était prêt à signer une quittance et à renoncer à toute action en justice contre les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada. M. Verchere a déclaré que cela ne le préoccupait pas parce qu’il savait fort bien que FBL n’avait de toute façon aucun droit légal à une indemnité et qu’il était convaincu que WFPL, qui était l’entrepreneur général en exploitation forestière avec qui FBL entretenait depuis longtemps des relations, serait prête à fournir toute autre quittance ou garantie, au besoin, au ministère des Forêts. Quant à lui, la somme de 800 000 $ ne se rapportait pas à quoi que ce soit.

[5] Avant de commencer à contre-interroger William Verchere, l’avocat de l’intimée a produit, sous la cote R-1, un recueil de documents et, sous la cote R-2, un recueil supplémentaire de documents. M. Verchere a déclaré que Western Forest Products Limited ( « WFPL » ) n’avait pas avisé Frank Beban Logging Limited ( « FBL » ) de la résiliation du contrat passé entre les deux corporations. WFPL avait plutôt omis de demander de nouveaux permis de coupe et l’ancien permis avait expiré en mai 1987. Un permis de coupe se rapporte à un territoire forestier précis connu sous le nom de concession de ferme forestière ou CFF. M. Verchere a déclaré que FBL avait cessé de travailler en vertu de quelque autre contrat conclu avec WFPL uniquement parce qu’aucun autre permis de coupe n’était délivré pour ce territoire par le ministère des Forêts de la Colombie-Britannique. L’honorable Dave Parker, ministre des Forêts, avait dit à FBL qu’aucun autre permis de coupe ne serait délivré. M. Verchere a déclaré qu’il s’était demandé si FBL disposait d’un recours en justice contre WFPL, mais qu’il avait décidé que WFPL n’avait absolument rien à voir avec la cessation de l’exploitation forestière dans le secteur Moresby-Sud en raison de la création d’un parc conformément à un projet conjoint des gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique. En outre, il aurait été insensé de s’aliéner WFPL, qui avait un rôle important dans l’industrie forestière en Colombie-Britannique. On a référé M. Verchere à la lettre (onglet 11, pièce R-1), qu’il avait adressée à l’honorable Claude Richmond, ministre des Forêts, le 17 octobre 1990, dans laquelle il était fait mention, à l’alinéa 13a), du problème que posait l’introduction d’une action contre une grosse compagnie forestière. M. Verchere a déclaré que Me Hunter, l’avocat de FBL chez Davis & Company, avait initialement cru que FBL avait un recours pour le motif que les deux paliers de gouvernement avaient entrepris une expropriation, mais que réflexion faite, il avait conclu qu’il n’existait aucun recours en justice et qu’il existait tout au plus une revendication « sur le plan moral » . FBL a décidé de renoncer à une action en justice parce que cela prendrait de l’argent et que pareille mesure ne pouvait pas donner un résultat satisfaisant. FBL a toujours voulu participer au programme d’indemnisation que le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Colombie-Britannique avaient offert aux autres. Initialement, la direction de FBL avait cru que la corporation serait visée par la procédure d’indemnisation et, au lieu de tenter de se joindre à WFPL pour présenter une demande, elle avait décidé d’agir d’une façon indépendante. Puis, après le 26 octobre 1990, lorsqu’il est devenu clair qu’elle n’avait pas le droit de demander une indemnité par l’entremise du comité d’indemnisation, FBL a tenté de joindre sa demande à celle que WFPL avait présentée plus tôt, mais WFPL l’avait informée qu’il était maintenant trop tard. En janvier 1989, FBL a retenu les services de Ted Schellenberg, ancien député fédéral de Nanaïmo, pour l’aider à recouvrer son dû ; elle versait à M. Schellenberg une somme mensuelle de 2 000 $ et avait également convenu de lui verser un certain pourcentage du montant recouvré, le cas échéant, gratification qui a par la suite été payée. M. Schellenberg, qui avait autrefois été un député du parti au pouvoir à Ottawa, a représenté FBL à titre de lobbyiste auprès des deux paliers de gouvernement; on lui a versé environ 64 000 $ et on l’a remboursé de ses frais pour les efforts qu’il avait faits. M. Verchere a déclaré qu’il avait maintenu des contacts étroits avec M. Schellenberg, au besoin, de temps en temps, selon les progrès qui étaient faits, ou l’absence de progrès. Lorsque la procédure d’indemnisation a été mise en branle, on a tardé à établir le comité d’indemnisation et à retenir les services d’évaluateurs. M. Verchere a identifié un rapport de 51 pages (onglet 28, pièce R-1) préparé pour FBL par Bestwick & Partners, comptables agréés, dans lequel la valeur de l’intérêt que FBL possédait dans l’entreprise d’exploitation forestière au moyen des contrats passés avec WFPL était fixée à près de 12 millions de dollars. M. Verchere a déclaré que, le 11 mai 1987, lors d’une rencontre avec divers représentants du Service des forêts, le sous-ministre, le ministre des Forêts et le Premier ministre de la Colombie-Britannique, on lui avait demandé d’indiquer le coût approximatif de la perte que subirait FBL si l’exploitation forestière prenait fin dans l’île Lyell ; il a répondu que la perte s’élèverait à « environ onze millions de dollars » . Dans une lettre datée du 18 août 1987 adressée au ministre des Forêts (onglet 24, pièce R-1), M. Verchere demandait, au paragraphe 4, qu’un médiateur ou un négociateur soit désigné pour examiner la question de l’indemnité à verser à FBL par suite du « bouleversement causé au reste de ses activités ainsi que de la perte de profits dans l’île Lyell » . Par une entente datée du 25 septembre 1987 (onglet 23, pièce R-1), le gouvernement de la Colombie-Britannique s’est engagé à payer certains débours à FBL ainsi qu’aux employés et sous-traitants de FBL que la décision d’interdire l’exploitation forestière dans l’île Lyell avait touchés. M. Verchere a convenu que le paragraphe 17 de l’entente permettait à FBL de présenter des demandes additionnelles en vue d’obtenir une indemnité conformément à la procédure établie par le protocole d’entente du 11 juillet 1987 entre le Canada et la Colombie-Britannique. En échange de la réception de certaines sommes, les employés et sous-traitants de FBL ont signé une quittance à l’égard de toute demande ou tout droit d’action qu’ils pourraient faire valoir contre FBL, WFPL, le Canada et la Colombie-Britannique. On a référé M. Verchere (onglet 19, pièce R-1) à la lettre du 29 juillet 1988 que l’avocat de FBL, Me John Hunter, avait adressée à l’honorable Tom McMillan, ministre fédéral de l’Environnement, et à l’honorable Terry Hubert, ministre des Parcs de la Colombie-Britannique, responsable des forêts, dans laquelle il était dit qu’on s’était de toute évidence trompé en rédigeant les modalités d’indemnisation de façon à exclure FBL. On a référé M. Verchere à un passage du hansard du 16 juin 1987 (onglet 4, pièce R-2) dans lequel l’honorable Tom McMillan (ministre de l’Environnement), pendant un débat de la Chambre des communes, avait déclaré ceci : « Nous avons proposé d’indemniser l’entrepreneur, Frank Beban, comme jamais auparavant. » M. Verchere a déclaré que FBL n’a reçu aucune offre d’indemnisation du gouvernement fédéral. Il a répété qu’il avait malgré tout été surpris de découvrir, en 1988, que FBL n’était pas incluse dans le programme d’indemnisation, tel qu’il était défini par les modalités. On a référé M. Verchere à une lettre (onglet 13, pièce R-1) datée du 26 janvier 1989 que l’honorable Lucien Bouchard, ministre fédéral de l’Environnement, avait envoyée à l’honorable Dave Parker, ministre des Forêts de la Colombie-Britannique, dans laquelle à la page 2, il est expressément dit que FBL est l’une des compagnies dont le cas pourrait mériter d’être pris en considération bien qu’elle ne soit pas visée par la Forest Act, qui régissait le paiement des indemnités conformément au mandat du comité d’indemnisation. Puis, par une lettre datée du 26 octobre 1990 (onglet 10, pièce R-2), le comité d’indemnisation a rejeté toute demande additionnelle d’indemnisation présentée par FBL, à l’exception des débours. Cela a mené à l’échange de lettres — datées du 20 novembre 1990 (onglet 9, pièce R-1) et du 31 janvier 1991 (onglet 4, pièce R-2) entre M. Verchere et l’honorable Claude Richmond, ministre des Forêts de la Colombie-Britannique. On a référé M. Verchere à une lettre (onglet 5, pièce R-1) datée du 21 janvier 1991 que le lobbyiste de FBL, Ted Schellenberg, avait adressée à l’honorable Robert de Cotret, ministre fédéral de l’Environnement et des Parcs, dans laquelle il était mentionné qu’après un long retard, le Cabinet de la Colombie-Britannique avait « convenu d’indemniser Beban Logging à l’égard du bouleversement et du manque à gagner que la création d’un parc national dans l’île Moresby-Sud avait entraînés » . La lettre disait ensuite que le montant avait été fixé à 1,8 million de dollars. On a ensuite référé M. Verchere à la lettre du 31 janvier 1991 (onglet K, pièce A-2) que lui avait adressée l’honorable Claude Richmond, et dans laquelle figure une note manuscrite, au bas de la page, qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Allan Fry m’a téléphoné le 13 mars 1991 ; le remboursement des débours est approuvé.

Sous cette note figurent ces mots :

[TRADUCTION]

1,8 à 2 millions de dollars ; ministre.

[6] M. Verchere a déclaré qu’à ce moment-là, il restait encore environ 180 000 $ à verser à FBL à l’égard des débours, étant donné que la somme de 240 276 $ avait été reçue le 24 décembre 1990. Il ne savait pas quel était le rapport entre la note figurant sur la lettre, qu’il ne croit pas avoir inscrite lui-même, et il ne se rappelle non plus rien d’autre qui puisse créer un lien entre ce montant et le montant de 1,8 million de dollars mentionné dans la lettre que M. Schellenberg avait envoyée à l’honorable Robert de Cotret. Il suppose qu’il a parlé à Allan Fry le 13 mars 1991, mais il ne se rappelle pas de quoi ils ont parlé. Toutefois, il se rappelle avoir reçu l’appel téléphonique de l’honorable Claude Richmond, qui l’a informé que le ministre avait pris des dispositions pour que FBL reçoive la somme de 800 000 $ à condition que certaines quittances soient données. La lettre du 19 avril 1991 (onglet L, pièce A-2) a été envoyée à la suite de cette conversation. À la suite de la réception de cette lettre, M. Verchere a communiqué avec Davis & Company pour demander de préparer certaines quittances. Le 23 avril 1991, M. Verchere a écrit à Roger Manning, de WFPL, pour demander que des garanties ou des quittances soient données comme le ministre Richmond l’avait demandé. M. Verchere a identifié les quittances (non signées) et a déclaré qu’il avait signé les originaux de ces documents pour le compte de FBL, mais qu’il ne savait pas que le paiement relatif aux débours avait été effectué à titre gracieux. Lorsque le ministre Richmond lui a téléphoné, il n’avait pas été question de la somme de 1,75 million de dollars mentionnée dans la lettre du 20 novembre 1990 de M. Verchere et il n’avait pas du tout été question de la somme de 800 000 $ que le ministre déclarait avoir pu obtenir pour FBL à condition que certaines quittances soient remises. M. Verchere a déclaré que FBL avait toujours soutenu que le gouvernement de la Colombie-Britannique avait l’obligation morale de traiter la corporation d’une façon équitable par suite de la cessation de l’exploitation forestière dans l’île Lyell. On a référé M. Verchere à un état des résultats de FBL, se rapportant à l’exercice ayant pris fin le 31 décembre 1991, dans lequel la somme de 764 075 $ est inscrite à titre d’élément extraordinaire de revenu. M. Verchere a expliqué qu’à la suite du refus du comité d’indemnisation d’accorder l’indemnité, sauf pour les débours, il ne restait qu’une solution politique. Avant que le comité d’indemnisation eût rejeté la demande, M. Verchere avait communiqué avec certains bureaucrates et députés. Ce faisant, il continuait à demander avec insistance une indemnité pour la perte d’activité commerciale future « comme on pourrait l’appeler » . Il ne voulait pas communiquer avec les médias pour parler du préjudice financier qui avait été causé à FBL tant que les paiements se rapportant aux débours n’étaient pas reçus. M. Verchere a déclaré qu’après le décès de Frank Beban, il avait géré la compagnie puisque Delores Beban n’était pas une actionnaire active et que, lorsque l’offre de 800 000 $ avait été reçue du ministre Richmond, il avait téléphoné à Gordon Hubley, CA, et lui avait demandé de communiquer immédiatement avec Mme Beban et de lui recommander que FBL « s’empresse de prendre l’argent » . En réponse à la question : « À votre avis, à quoi le paiement se rapportait-il ? » , M. Verchere a répondu : « À la perte de notre entreprise . »

[7] Pendant le réinterrogatoire, M. Verchere a déclaré que le 11 mai 1987, il savait que FBL mettrait bientôt fin à son exploitation forestière et, qu’à compter du 1er juillet, il était interdit d’effectuer pareille exploitation dans l’île Lyell et dans l’île Moresby-Sud. Il a dit que Me John Hunter, de Davis & Company, l’avait informé qu’il pourrait toujours « laisser exploser sa colère en engageant des poursuites contre le gouvernement » , mais qu’il n’aurait pas gain de cause. M. Verchere a déclaré avoir parlé à Allan Fry des débours et peut-être, au tout début, de la façon dont FBL pouvait être incluse dans la procédure d’indemnisation établie par l’entente conclue entre le Canada et la Colombie-Britannique. Quant aux remarques figurant dans le hansard que le ministre fédéral responsable avait faites, il supposait qu’elles se rapportaient peut-être aux débours.

[8] Gordon Hubley a déclaré être comptable agréé et membre de la société Bestwick & Company. Il a préparé le rapport, daté du 11 juillet 1987, (onglet 28, pièce R-1), concernant la perte de valeur des intérêts forestiers subie par FBL par suite de la décision que les deux paliers de gouvernement avaient prise de créer un parc national et d’interdire l’exploitation forestière dans l’île Lyell. WFPL était titulaire de la concession de ferme forestière ( « CFF » ) no 24. Par la suite, M. Hubley a découvert que FBL n’avait pas été incluse dans le programme d’indemnisation et, en septembre 1988, il était présent lorsque Me John Hunter, de Davis & Company, a informé M. Verchere qu’il n’existait aucun fondement juridique ferme, et qu’en fait, il n’en existait pas du tout, permettant de présenter une demande aux deux gouvernements et qu’il n’existait qu’une réclamation sur le plan moral qui coûterait cher et qui n’était pas réellement fondée en droit. En octobre 1990, M. Hubley a assisté à une réunion avec M. Verchere et les coprésidents du comité d’indemnisation. Il est devenu tout à fait clair pendant la réunion, qui a duré 30 minutes, que les débours additionnels seraient payés si FBL présentait des pièces justificatives appropriées, mais qu’aucune autre indemnité ne serait versée. En sa qualité de personne résidant depuis longtemps à Nanaïmo (Colombie-Britannique), M. Hubley était au courant de la controverse qui existait au sujet du Premier ministre et de la faible position du parti au pouvoir, dans les sondages d’opinion, celui-ci devant bientôt faire face à l’électorat lorsque des élections auraient lieu. M. Hubley a déclaré qu’il n’avait pas parlé à M. Verchere du paiement de 800 000 $ effectué par le gouvernement de la Colombie-Britannique et qu’il se rappelait avoir reçu un appel téléphonique de M. Verchere, qui l’avait informé que le ministre Richmond avait fait l’offre et lui avait demandé de communiquer avec Delores Beban pour l’informer de la situation. M. Hubley s’est vite conformé à la demande et a téléphoné à M. Verchere pour lui dire que Mme Beban avait convenu d’accepter l’offre. Il ne voyait pas quel était le rapport entre la somme de 800 000 $ et toute demande présentée par FBL et il ne sait pas pourquoi le montant a été payé. Lorsque le paiement a été reçu, il a été inscrit dans la catégorie « revenu » , dans l’état des résultats pour l’exercice ayant pris fin le 31 décembre 1991, conformément aux principes comptables généralement reconnus, de façon à indiquer une augmentation ou une diminution de l’avoir net des propriétaires de la compagnie. Toutefois, lorsque la déclaration de revenu a été préparée, la somme de 764 000 $, une fois déduits les frais du lobbyiste et d’autres frais connexes, n’a pas été incluse dans le calcul du revenu imposable.

[9] Pendant le contre-interrogatoire, M. Hubley a déclaré avoir assisté à la réunion à laquelle était présent Me John Hunter, de Davis & Company, à titre de représentant de l’actionnaire majoritaire de FBL, Delores Beban, et du comptable de la corporation. Il a déclaré que Me Hunter avait soulevé la question de la demande d’indemnisation, puis qu’il avait rejeté cette idée ; il ne peut pas se rappeler que Me Hunter ait proposé la prise d’autres mesures. Il se rappelait que Me Hunter avait dit à M. Verchere que son cabinet allait s’occuper de cette affaire parce qu’il était un client de longue date, tout en lui faisant savoir qu’il n’avait pas réellement de chances de succès. Pour le compte de FBL, il a rencontré les vérificateurs pendant qu’on cherchait à recouvrer les débours. À un moment donné, probablement à la fin de 1990 ou au début de 1991, il a entendu parler d’une somme de 1,8 million de dollars, mais il ne sait pas dans quel contexte ou ce à quoi cette somme se rapportait. À son avis, le paiement de la somme de 800 000 $ visait à empêcher FBL de prendre des mesures sur le plan politique ou de raconter son histoire aux médias pendant la période difficile que le gouvernement existant traversait à la fin de son mandat. Toutefois, M. Hubley a déclaré que c’était là son opinion personnelle et qu’elle n’était pas fondée sur quoi que ce soit qu’une personne lui ait dit. À son avis, la somme de 800 000 $ représentait une partie infime de la perte subie par FBL, qu’il avait fixée, dans son rapport, à près de 12 millions de dollars. Le paiement de la somme de 800 000 $ visait à garantir que FBL mettrait fin aux efforts qu’elle faisait pour être incluse dans le programme d’indemnisation. Le montant était insensé et n’avait rien à voir avec les conséquences réelles, en ce qui concerne la situation financière future de FBL, qu’entraînerait la perte de la capacité d’effectuer de l’exploitation forestière dans l’île Lyell dans le cadre de contrats successifs avec WFPL. M. Hubley convenait que FBL avait initialement cherché à obtenir une indemnité dans le cadre du programme administré par le comité d’indemnisation, tel qu’il avait été établi par les deux paliers de gouvernement, et que, lorsque la demande avait été rejetée, elle avait exercé des pressions, avait demandé conseil à des avocats et avait continué à chercher une solution politique et qu’on lui avait alors offert de l’argent, en fait, pour qu’elle « lève le camp » . M. Hubley estimait que le gouvernement de la Colombie-Britannique avait peut-être versé la somme en question à FBL par « acquit de conscience » . Il convient que dans toute quittance signée par FBL, il n’est nullement fait mention des mesures auxquelles il fallait renoncer, qui pourraient causer de l’ « embarras » au gouvernement. Lorsque le montant se rapportant aux débours a été reçu, il a été inscrit à titre de revenu, puis remis aux employés et sous-traitants et inscrit en tant que dépense, comme les frais de déménagement de FBL l’ont été. Les vérificateurs du comité d’indemnisation ne voulaient pas se tracasser des frais d’administration concernant les employés. M. Hubley a souligné que toute somme extraordinaire qui est reçue au titre du revenu peut être traitée, aux fins d’un état financier destiné aux actionnaires ou aux autres intéressés, d’une façon différente de celle dont elle est éventuellement traitée lorsque le revenu est déclaré et l’impôt calculé.

[10] L’avocat de l’appelante a soutenu que l’appelante ne disposait d’aucune cause d’action valable contre l’un ou l’autre palier de gouvernement en cause dans la création du parc national. De même, FBL ne disposait d’aucune cause d’action contre WFPL en vertu du contrat qu’elle avait passé avec cette dernière et il n’était pas nécessaire que WFPL donne un préavis de 30 jours à l’égard de la résiliation puisqu’il était évident aux yeux de tous qu’il n’y aurait plus d’exploitation forestière dans le secteur Moresby-Sud après le 1er juillet 1987. Étant donné que la cessation de l’exploitation forestière était indépendante de la volonté de WFPL, FBL ne disposerait d’aucun recours en justice. L’avocat a soutenu que le directeur général de FBL, William Verchere, comprenait clairement qu’aucun droit d’action ne pouvait être invoqué contre l’un ou l’autre gouvernement, que ce soit le Canada ou la Colombie-Britannique, et que toute procédure judiciaire était vouée à l’échec. L’avocat a souligné qu’aux fins de la cotisation d’impôt établie à l’égard de l’appelante, le ministre avait admis que le gouvernement de la Colombie-Britannique n’était pas légalement tenu d’effectuer le paiement étant donné qu’il n’existait aucune cause d’action valable fondée sur l’expropriation ou sur quelque autre motif et prévue par la législation ou la common law. Toute promesse d’un membre de l’un ou l’autre palier de gouvernement avait été faite sans que FBL ait remis une contrepartie et il s’agissait d’une déclaration de nature purement politique. Puisque le payeur disait clairement que le paiement était effectué à titre gracieux, ce qui était amplement étayé par l’ensemble de la preuve, le ministre avait commis une erreur en établissant la cotisation lorsqu’il avait inclus la somme de 800 000 $, moins certaines dépenses connexes, dans le revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1991.

[11] L’avocat de l’intimée a concédé que le gouvernement de la Colombie-Britannique n’avait pas versé la somme en question à FBL en vertu d’une obligation légale. Toutefois, le ministre avait raison de considérer cette somme comme un revenu tiré d’une source parce que la portée de la quittance signée par l’appelante était tellement générale que FBL renonçait au droit de continuer à réclamer une indemnité, sur le plan moral, et qu’elle s’engageait en outre à faire en sorte que WFPL consente à ce qu’aucune partie de la demande d’indemnisation découlant de l’annulation de la CFF no 24 ne soit présentée pour le compte de FBL. Compte tenu de cette garantie et de la quittance dans laquelle FBL s’engageait à ne permettre à aucune autre personne d’intenter une action contre le gouvernement du Canada ou le gouvernement de la Colombie-Britannique, ou de présenter une demande à ces gouvernements, il existait une contrepartie à l’égard du paiement de la somme en cause étant donné que le gouvernement ne voulait pas faire des paiements en double dans le cadre du programme d’indemnisation. L’avocat a soutenu que l’examen de divers documents produits en preuve montre que le Cabinet de la Colombie-Britannique et les divers ministres responsables des forêts estimaient que la demande que FBL leur présentait était fondée sur une perte d’entreprise. L’avocat a soutenu que, compte tenu des circonstances dans leur ensemble, le fait que le payeur disait que le paiement était effectué à titre gracieux ne lie pas nécessairement le ministre et que le paiement peut à juste titre être considéré comme devant être inclus dans le revenu de l’appelante lorsque ce revenu est établi.

[12] Avant d’appeler William Verchere et Gordon Hubley à témoigner, l’avocat de l’appelante a lu certains passages de l’interrogatoire préalable de Brian Wilson. Ces questions et réponses organisées comme elles l’étaient, en ce qui concerne les documents précis produits sous la cote A-2 ainsi que les témoignages de MM. Verchere et Hubley et d’autres éléments de la preuve documentaire, ont en réalité pour effet d’établir, dans l’ensemble, les déclarations figurant aux paragraphes 1 à 15 inclusivement du document intitulé : « Exposé conjoint des faits » (appellation en fin de compte erronée), préparé en prévision de l’interrogatoire préalable de Brian Wilson, figurant au début de la pièce A-2.

[13] Il est clair que FBL n’avait aucun recours légal contre WFPL et le fait qu’aucun avis n’a été donné suivant l’alinéa 14b) du contrat que FBL avait conclu avec WFPL le 1er janvier 1986 ne veut rien dire puisque les parties comprenaient bien que, sans que ce soit leur faute, les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique avaient convenu d’interdire l’exploitation forestière et de créer plutôt un parc national. L’appelante n’avait pas légalement le droit de demander une indemnité à l’un ou l’autre palier de gouvernement ; elle a réussi à obtenir le paiement de certains débours, au moyen de la procédure établie que le comité d’indemnisation était chargé d’appliquer, et a agi comme fiduciaire lorsqu’il s’est agi de débourser une partie des fonds destinés aux employés et aux sous-traitants de FBL au moment où l’exploitation forestière a pris fin. Le 26 octobre 1990, il était tout à fait clair que le comité d’indemnisation n’envisageait plus de verser quoi que ce soit à FBL, à part les débours additionnels justifiés par des pièces pertinentes, tels qu’ils avaient été approuvés par les vérificateurs du ministère des Forêts. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a versé 800 000 $ à FBL avec l’assentiment du gouvernement du Canada, mais on ne sait pas trop si le gouvernement fédéral a de fait contribué au paiement de cette somme. À coup sûr, le ministre des Forêts de la Colombie-Britannique a informé son homologue fédéral de l’entente qui avait été conclue et, dans la lettre du 19 avril 1991, voici ce que l’honorable Claude Richmond a dit à M. Verchere au sujet de la somme de 800 000 $ :

[TRADUCTION]

L’honorable Robert de Cotret, ministre fédéral de l’Environnement, et moi-même sommes heureux de vous informer que nous avons examiné le dossier Frank Beban Logging, Limited (FBL). Nous estimons toujours que, à part les sommes déboursées par la compagnie lorsque l’exploitation forestière a pris fin dans l’île Lyell, il n’existe aucun fondement juridique à la demande d’indemnité de FBL. Toutefois, nous sommes convaincus que la compagnie a subi un préjudice financier lorsque l’exploitation forestière a pris fin.

Par conséquent, nous avons conclu qu’une somme symbolique de 800 000 $ devrait être versée à titre gracieux à FBL aux conditions suivantes :

(Mention des quittances et garanties données par WFPL.)

[J’ai ajouté les italiques.]

[14] La somme n’a pas été versée par l’entremise du comité d’indemnisation, ce qui n’est pas surprenant puisque, le 26 octobre 1990, celui-ci avait catégoriquement refusé d’accorder quelque autre indemnité à FBL, sauf pour les débours, qui n’appartenaient pas à la même catégorie que les sommes versées à des tiers tels que WFPL, qui avaient des intérêts forestiers. Il est clair qu’aucune procédure de négociation n’a mené à la fixation de la somme de 800 000 $ et que cette somme n’a rien à voir avec toute perte que FBL estimait avoir subie par suite de la cessation de l’exploitation forestière dans l’île Lyell. À part la relation qui existe entre une personne morale et le gouvernement, il n’existait aucune relation entre FBL, en sa qualité de bénéficiaire, et le gouvernement de la Colombie-Britannique, qui effectuait le paiement avec l’assentiment, sinon l’apport financier, du gouvernement du Canada. Le payeur n’a pas révélé ce sur quoi était fondé le paiement et il était clair qu’il n’existait aucun fondement justifiant d’autres négociations, fait dont M. Verchere s’était facilement rendu compte, puisqu’il avait rapidement vu à ce que la somme puisse être obtenue pendant que la chose était encore possible. De toute évidence, le paiement n’a pas été effectué en prévision de quelque relation commerciale future et le payeur ne cherchait pas à obtenir un avantage autre que celui de répondre à la préoccupation que FBL exprimait depuis longtemps au sujet du fait qu’elle n’avait pas été traitée d’une façon équitable lorsque les deux paliers de gouvernement s’étaient entendus pour interdire l’exploitation forestière et créer un parc. Compte tenu de toutes ces circonstances, le payeur a expressément déclaré que le paiement n’était pas effectué conformément à une obligation légale, mais en reconnaissance du fait que FBL avait subi un préjudice financier lorsque l’exploitation forestière avait pris fin, et qu’une somme symbolique était versée pour ce motif. L’offre de paiement a été communiquée à M. Verchere, chez FBL, par le ministre des Forêts de la Colombie-Britannique personnellement ; en demandant les quittances, on suivait tout simplement la pratique habituelle en se fondant sur les conseils juridiques habituels. À ce moment-là, FBL n’a renoncé à rien en échange du paiement. Elle ne disposait d’aucune cause d’action contre WFPL ou contre l’un ou l’autre des gouvernements. S’il était interdit à FBL, directement, de demander une indemnité conformément aux procédures dont le comité d’indemnisation assurait l’application et si WFPL n’avait jamais inclus dans sa demande un montant, quel qu’il soit, auquel FBL estimait avoir droit (et si elle avait par la suite refusé de permettre à FBL de se joindre à pareille procédure), la signature de la quittance et l’obtention d’une garantie de la part de WFPL de ne pas présenter, à la place de FBL, une demande d’indemnisation dans l’avenir, pareille demande ayant déjà été rejetée, de toute évidence constituaient une simple formalité visant à faciliter la réception du paiement unique de 800 000 $. Dans les quittances se rapportant tant au paiement de la somme de 800 000 $ qu’au paiement de tous les débours, il était mentionné que Sa Majesté la Reine du chef du Canada et Sa Majesté la Reine du chef de la Colombie-Britannique étaient libérées des « actions, causes d’action, poursuites, demandes, dettes, obligations, actes, contrats ou covenants de quelque genre ou nature que ce soit que le délaissant [avait] eus, [avait] maintenant ou [pouvait] avoir dans l’avenir par suite ou en raison de la cessation de l’exploitation forestière dans les îles de la Reine-Charlotte en vue de la création du parc national de Moresby-Sud » .

[15] De toute évidence, la quittance était libellée conformément à la pratique habituelle et ne prévoyait aucunement la remise d’une contrepartie par laquelle FBL renonçait à raconter son histoire à la presse ou à faire en sorte que ses dirigeants ou actionnaires exercent tout droit de critiquer le payeur ou le gouvernement fédéral pour avoir interdit l’exploitation forestière sur le territoire et avoir décidé de créer un nouveau parc national.

[16] L’intimée soutient que le ministre a eu raison d’inclure la somme de 800 000 $ dans le revenu de l’appelante parce que le ministère des Forêts de la Colombie-Britannique avait versé cette somme à titre d’indemnité par suite de la perte de profits que FBL avait subie lorsqu’il avait été mis fin à l’exploitation forestière dans l’île Moresby-Sud et, en particulier, à l’exploitation forestière visée par le contrat conclu avec WFPL à l’égard de la CFF no 24. Le ministre estimait que FBL avait reçu la somme à l’égard de ses activités commerciales par suite des efforts constants et soutenus qu’elle avait faits pour obtenir les paiements.

[17] Il s’agit de savoir si la somme de 800 000 $ qui a été versée à FBL à titre gracieux constitue un revenu imposable au sens de l’article 3 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Les passages pertinents de cette disposition se lisent comme suit :

3. Le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, aux fins de la présente Partie, est son revenu pour l’année, déterminé selon les règles suivantes :

a) en calculant le total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l’année (autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien), dont la source se situe à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada, y compris, sans restreindre la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien ;

[18] Étant donné que le « revenu » n’est défini dans aucune autre disposition de la Loi, la seule restriction imposée est que le revenu doit provenir d’une « source » , comme il en est fait mention à l’article 3.

[19] Dans l’arrêt Bellingham v. the Queen, 96 DTC 6075, la Cour d’appel fédérale examinait le cas d’un contribuable qui faisait partie d’un groupe de propriétaires fonciers dont les biens-fonds avaient été expropriés par une municipalité. Une indemnité avait été accordée, laquelle comprenait des « intérêts supplémentaires » que le ministre avait traités comme un revenu. Le juge Robertson, qui a rendu jugement au nom de la Cour, a examiné, à la page 6079, la notion de revenu et les origines historiques de la doctrine relative à la source :

La détermination des rentrées de fonds qui constituent un revenu aux fins de l’imposition est essentielle à l’économie de la Loi. Pris isolément, le terme revenu prête à des interprétations extrêmement divergentes. Interprété de façon stricte, le revenu peut être restreint uniquement aux sommes que touchent les contribuables de façon périodique. Interprété de façon large, le revenu peut englober tout ce qui contribue à accroître la richesse. Il est probable que les contribuables canadiens préféreront la première définition. La deuxième approche reflète la préoccupation des économistes qui cherchent à établir l’équité horizontale et verticale dans un régime fiscal. Ils ont donc tendance à interpréter largement les rentrées de fonds qui devraient être incluses dans le revenu. Cette perspective se retrouve dans le rapport de la Commission Carter. À partir de la définition de revenu de Haig-Simon, cette Commission recommandait l’établissement d’une assiette fiscale modifiée mais complète. Si cette recommandation était devenue loi, nous aurions assisté, par exemple, à l’imposition des dons et des legs. Au lieu de cela, la notion de revenu est demeurée sans définition dans la Loi, à l’exception du fait que ce revenu doit provenir d’une source quelconque.

Il ne fait aucun doute que la doctrine relative à la source du revenu sert à restreindre la portée des dispositions de la Loi imposant une responsabilité, de façon que certaines rentrées de fonds puissent échapper au fisc, notamment les dons et les legs. Il existe une question plus difficile, cependant, et c’est de définir la portée précise de la doctrine et les critères juridiques qui doivent s’appliquer pour déterminer si une rentrée de fonds particulière est imposable. L’origine de la doctrine elle-même se trouve bien entendu à l’article 3 de la Loi qui constitue le fondement à partir duquel le revenu d’un contribuable peut être déterminé dans une année d’imposition donnée pour les fins de la Partie I de la Loi. La notion de revenu tiré d’une source est énoncée à l’alinéa 3a) :

3. Le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, aux fins de la présente Partie, est son revenu pour l’année, déterminé selon les règles suivantes :

a) en calculant le total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l’année (autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien), dont la source se situe à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada, y compris, sans restreindre la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien.

[non souligné dans l’original]

Les origines historiques de cette doctrine sont bien connues et méritent d’être soulignées par contraste avec la manière dont elles ont été reformulées dans l’alinéa ci-dessus. La notion de source du revenu remonte au lois fiscales anglaises du 19e siècle, qui exigeaient que les contribuables produisent une déclaration d’impôt pour chaque source de revenu. L’objectif du législateur était de s’assurer qu’aucun fonctionnaire ne connaisse le revenu total d’une personne. Plus important encore, la doctrine de la source du revenu faisait une distinction entre le revenu provenant d’une source et la disposition de la source elle-même. Dans une société agraire, la terre est considérée comme la source du revenu. Les bénéfices sont tirés des récoles annuelles et représentent le revenu. La disposition de la terre elle-même c’est-à-dire du capital, est vue comme une opération de nature différente et, par conséquent, la distinction entre le revenu et le capital est cruciale. Cette distinction est aussi importante aujourd’hui qu’elle l’était dans les siècles passés.

Le régime fiscal anglais a retenu la notion de source du revenu, maintenant connue sous l’expression de système de liste. À moins de pouvoir être classée dans l’une des six listes désignées, une rentrée de fonds n’est tout simplement pas imposable. Ainsi donc, les dons, les legs et les gains fortuits, ne découlant pas une source désignée, sont traités comme des rentrées de fonds non imposables. La distinction établie entre le revenu et le capital est préservée et, ainsi, les gains en capital sont exonérés d’impôt.

La méthode canadienne est semblable à celle adoptée par le régime anglais, mais uniquement dans la mesure où la définition de revenu est circonscrite par la doctrine de la source du revenu. La distinction essentielle entre ces deux méthodes repose sur le fait que l’alinéa 3a) fait d’abord référence à un revenu provenant de n’importe quelle source et identifie ensuite les sources traditionnelles : le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien. L’alinéa 3a) indique clairement que les sources désignées ne sont pas exhaustives et, ainsi, que le revenu peut provenir d’autres sources non identifiées. Bref, le Parlement a choisi de définir le revenu en faisant référence à une doctrine restrictive, mais en le formulant d’une manière propre à atteindre des fins plus larges. Toutefois, les auteurs s’entendent pour dire que l’alinéa 3a) continue d’être interprété de façon restrictive : voir Arnold, précité, aux pages 48 et suivantes, V. Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax, 4e éd., (Toronto : Carswell 1993), aux pages 129-130, et J.A. Rendall, « Defining the Tax Base » , dans B.G. Hansen, V. Krishna et J.A. Rendall, éditeurs, Canadian Taxation (Toronto : Richard De Boo, 1981), page 59.

L’interprétation restrictive imposée à l’alinéa 3a) remonte, du moins en partie, au principe antérieur à 1984 selon lequel les ambiguïtés relevées dans les articles des lois fiscales imposant des responsabilités — à cause de leur caractère pénal — devaient être interprétées en faveur du contribuable : voir British Columbia Railway Company c. La Reine [1979] C.T.C. 56, 79 DTC 5257 (C.F. 1re inst.). Cette opinion traditionnelle n’a jamais été contestée avant la décision de la Cour suprême du Canada dans Stubart Investments Ltd. c. La Reine [84 DTC 6305], [1984] 1 R.C.S. 536. Dans cet arrêt, la Cour suprême a remplacé la règle de l’interprétation stricte par l’approche contextuelle relative à l’interprétation des lois prônée par E.A. Driedger dans son ouvrage classique, Construction of Statutes, 2e éd. (Toronto : Butterworths, 1983) où, à la page 87, l’auteur fait observer ce qui suit :

[TRADUCTION]

Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[20] À la page 6082, le juge Robertson a fait les remarques additionnelles suivantes :

Finalement, deux arrêts de la Cour suprême du Canada doivent être cités. Le premier est Curran v. M.N.R. [59 DTC 1247], [1959] R.C.S. 850. Dans cette affaire, le contribuable avait reçu 250 000 $ d’un tiers pour l’inciter à quitter son emploi. La convention entre le contribuable et le tiers stipulait que le paiement était versé [TRADUCTION] « en contrepartie de la perte des droits à une pension, des chances d’avancement, et des possibilités de réembauchage [...] » (page 853). La Cour suprême a reconnu à la majorité que la source du paiement était l’emploi du contribuable auprès du tiers. Le paiement de 250 000 $ versé au contribuable a été considéré comme un revenu au sens de la disposition qui constitue maintenant l’alinéa 3a) de la Loi.

L’autre arrêt de la Cour suprême dont il faut tenir compte est Canada c. Fries [83 DTC 117], [1990] 2 R.C.S. 1322. Dans cette affaire, la Cour suprême a statué que l’allocation de grève ne constitue pas un « revenu [...] dont la source » au sens de l’alinéa 3a). Le contribuable avait reçu de son syndicat une allocation hebdomadaire de grève équivalant à son salaire net normal pendant qu’il était en grève. Le fonds de grève du syndicat était constitué des cotisations déductibles d’impôt payées par ses membres. Au moment où les syndiqués ont voté en faveur de la grève, ils étaient au courant d’une recommandation syndicale selon laquelle ils seraient remboursés pour la perte de leur salaire et autres avantages en échange de leur appui à la grève. En annulant le jugement de la Cour d’appel fédérale, la Cour suprême a rétabli la décision de la Commission de révision de l’impôt. L’analyse fournie par la Cour suprême se limite à la conclusion selon laquelle « ce doute doit profiter aux contribuables » (page 1323), voir [1989] 3 C.F. 362 (C.A.) ; confirmant [1985] 2 C.F. 378 (C.F. 1re inst.) ; révisant [1983] C.T.C. 2124, 83 DTC 117 (C.R.I.).

Je ne crois pas nécessaire d’invoquer la présomption résiduelle pour en arriver à la conclusion que des dommages-intérêts punitifs constituent un gain fortuit. Je ne suis pas non plus disposé à fonder ma décision sur le fait que le paiement d’intérêts supplémentaires est, ce qui est défendable, une forme de revenu exceptionnelle, imprévue ou inhabituelle. De façon générale, j’accepte que les sommes versées par des autorités d’expropriation à un contribuable constituent un revenu tiré d’une source productive. De même, j’accepte que le contribuable peut faire valoir son droit à des intérêts supplémentaires une fois que la Commission conclut qu’il y a eu faute de la part des autorités d’expropriation. En outre, il n’est pas nécessaire que le contribuable ait activement cherché à se faire payer des intérêts supplémentaires. Le facteur essentiel est que les dommages-intérêts punitifs qui ont été octroyés ne découlent ni de l’exécution d’une opération commerciale, ni du manquement à une telle opération. Bien entendu, il n’y a pas lieu d’établir une distinction entre les échanges commerciaux volontaires et involontaires.

En l’espèce, les intérêts supplémentaires ne proviennent pas des autorités d’expropriation. Cet organisme est uniquement celui qui les a payés. La véritable source de ces intérêts est la Expropriation Act qui dicte, à titre de politique publique, que les autorités d’expropriation sont tenues de payer une somme à titre pénal dans le cas où leur comportement ne respecte pas une norme établie. Le paiement d’intérêts supplémentaires prévu au paragraphe 66(4) de la Expropriation Act n’est pas lié à la question de la juste indemnité versée pour les terrains expropriés. Cet aspect est traité de façon exhaustive à l’article 42 et au paragraphe 66(2). À certains égards, le paiement d’intérêts supplémentaires possède les attributs d’un don. Le contribuable est le bénéficiaire, non pas des largesses des autorités d’expropriation, mais de la volonté du législateur d’assurer le respect de normes minimales régissant le comportement en matière commerciale. Le gain dont profite le contribuable est une perte pour les autorités d’expropriation. Le paiement en question ne découle pas d’une entente expresse ou implicite entre les parties. Il n’y a pas d’élément d’échange ou de compromis. Il n’y a pas de contrepartie. Il n’y a pas de contre-prestation de la part du contribuable. Le paiement est simplement un gain fortuit et, par conséquent, ne peut constituer un revenu au sens de l’alinéa 3a) de la Loi.

[21] Le gain fortuit est un exemple de rentrée de fonds qui n’est pas visée par la doctrine relative à la source. Dans Canada Tax Words, Phrases & Rules, Carswell, 1977, figure une définition tirée d’un passage du jugement rendu par le juge McNair dans l’affaire E.R. Fisher Ltd. v. The Queen, 86 DTC 6364, à la page 6367 :

En règle générale, un paiement imprévisible est un paiement d’une nature inhabituelle ou extraordinaire qui ne peut pas être considéré comme un revenu tiré d’une entreprise, d’un bien ou de quelque autre source, parce qu’il n’est pas lié à l’entreprise du contribuable ou à quelque effort de la part de celui-ci en vue de retirer un revenu ou de réaliser un bénéfice, et parce qu’il ne se reproduira probablement pas ou n’a rien à voir avec la capacité de rendement du bien en question.

[22] Dans l’arrêt The Queen v. Cranswick, 82 DTC 6073, la Cour d’appel fédérale examinait le cas d’un contribuable qui, en sa qualité d’actionnaire minoritaire d’une compagnie, avait reçu une somme de l’actionnaire majoritaire, ce dernier cherchant à éviter une plainte possible au sujet de la vente. À la page 6075, le juge LeDain, qui parlait au nom de la Cour, a dit ceci :

Pour conclure que la somme reçue par l’intimé ne constituait pas un revenu, le juge de première instance s’est fondé surtout sur le jugement rendu par le juge Cameron dans Federal Farms Limited c. M.R.N. [1959] R.C.É. 91, et sur les critères qui y sont exposés. Cette affaire portait sur les dons ou subventions provenant d’un fonds constitué pour venir en aide aux victimes d’un ouragan suivi d’une inondation. Après avoir passé en revue diverses décisions dont J. Gliksten & Son, Ltd. c. Green [1929] A.C. (C.L.) 381, et London Investment and Mortgage Co., Ltd. c. Inland Revenue Commissioners [1958] 2 All E.R. 230, selon lesquelles les prestations d’assurance ou autres réparations pour perte de stock constituaient un revenu, le juge Cameron a conclu que l’affaire en instance se distinguait de ces autres causes par ce motif que le contribuable n’avait fait aucune contribution au fonds de secours et n’avait aucun droit de réclamer un paiement de fonds, à l’opposé des affaires d’assurances, d’indemnité pour expropriation ou d’indemnité pour dommages de guerre. Il a conclu [à la page 97] que la somme reçue par l’appelante du fonds de secours était [TRADUCTION] « un don volontaire à titre personnel, et rien de plus. » Il ajoute [à la page 98], dans le même ordre d’idées : [TRADUCTION] « Il appert que le don dont s’agit a été fait à titre purement personnel et n’a absolument aucun rapport avec les affaires commerciales de l’appelante. »

Le juge de première instance a relevé en l’espèce les nombreux critères qui ont permis au juge Cameron de distinguer un secours d’une prestation d’assurance. Il déclare :

Le juge Cameron a distingué cette cause de J. Gliksten & Son Ltd. c. Green (supra) au motif a) qu’il s’agissait d’un don, b) que ce don provenait de personnes qui n’avaient aucun lien d’affaires avec le contribuable, c) qu’il n’avait aucun rapport avec l’entreprise du contribuable, d) que le contribuable n’avait pas le droit légal d’exiger ce don, e) qu’au moment des pertes, il ne pouvait s’attendre à le recevoir, et f) qu’il était peu probable que cela se reproduise jamais.

Eu égard à ces critères, le juge de première instance tire la conclusion suivante des faits de la cause :

À part ce paragraphe 10, aucune preuve n’a été administrée pour préciser la nature des contestations ou actions que Westinghouse Electric voulait prévenir par les paiements faits aux actionnaires minoritaires qui conservaient leurs actions. Si une action avait été intentée contre certaines parties intéressées à la suite de l’annulation de la vente, les sommes que le demandeur eût recouvrées ne présenteraient certainement pas les caractéristiques d’un revenu. Quoi qu’il en soit, il est indéniable que du point de vue du demandeur, la somme qu’il a reçue représentait un paiement volontaire et aucun lien n’existait entre le payeur et le contribuable, lequel ne devait nullement s’attendre à recevoir cette somme avant d’en avoir reçu l’offre (pièce 2). Il est très peu probable qu’il reçoive encore quelque chose à ce titre. Cette somme pourrait donc être qualifiée de gain imprévisible. Je suis persuadé qu’il ne s’agissait pas là d’un revenu au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu.

L’avocat de l’intimé fait siens les critères relevés par le juge de première instance dans l’analyse de la décision Federal Farms, et soumet une liste plus détaillée dans son mémoire, comme suit :

[TRADUCTION]

a) L’intimé ne possédait aucun droit d’action à l’égard de ce paiement ;

b) L’intimé n’a fait aucun effort soutenu pour obtenir ce paiement ;

c) L’intimé n’a ni recherché ni sollicité ce paiement de quelque façon que ce soit ;

d) L’intimé ne s’attendait pas à recevoir ce paiement ni expressément, ni selon l’usage ;

e) Il n’a nullement été prévu que ce paiement aurait une suite ;

f) Ce paiement ne venait pas d’une source habituelle de revenus pour l’intimé ;

g) Ce paiement ne constituait ni la contrepartie ni la reconnaissance de biens, de services ou de quoi que ce fût, fournis ou à fournir par l’intimé ; il n’a pas été gagné par l’intimé par suite de quelque activité ou poursuite de profit, ni de quelque autre manière.

[23] À la page 6076, le juge LeDain a fait les remarques additionnelles suivantes :

Compte tenu de tous les critères avancés par l’avocat de l’intimé, qui sont tous pertinents bien qu’aucun d’eux ne soit concluant en soi, j’estime que la somme reçue par l’intimé ne constitue pas un revenu gagné ou tiré de ses actions, lesquelles seraient, en l’espèce, la seule source possible de revenu. En l’absence d’une définition législative expresse qui élargisse la portée de la notion de revenu tiré d’une source spécifique, je me dois de conclure que le revenu provenant d’une source est celui qui est habituellement gagné au moyen de cette source ou que l’on s’attend habituellement à tirer de cette source. Le revenu qui est habituellement gagné au moyen d’actions consiste en dividendes que paie la société intéressée. La somme reçue en l’espèce revêt un caractère inhabituel et inattendu, et l’on ne peut chercher délibérément à se l’assurer à titre de revenu tiré d’actions ; elle provient d’une source sur laquelle l’intimé n’avait aucune raison de compter pour gagner un revenu afférent à ses actions. Je conviens avec le juge de première instance qu’il s’agit là d’un « gain imprévisible » .

[24] Dans le jugement Federal Farms Ltd. v. M.N.R., 59 DTC 1050, le juge Cameron, de la Cour de l’Échiquier du Canada, a statué que la somme de 40 000 $ versée au contribuable à titre de dédommagement en sa qualité de grosse entreprise constituée en personne morale se livrant à la culture maraîchère qui avait subi des dommages lors du passage de l’ouragan Hazel n’était pas un revenu assujetti à l’impôt. À la page 1053, voici ce que le juge Cameron a dit :

[TRADUCTION]

En l’espèce, je ne vois aucune analogie entre l’argent reçu du fonds de secours et l’argent reçu des polices d’assurance prises sur le stock détruit par un incendie. Le fonds de secours n’a rien reçu de l’appelante à titre de contribution, de prime d’assurance, de services, de prime de sauvetage ou autre. L’appelante n’avait en aucun temps le droit légal d’exiger le paiement d’un montant auprès du fonds de secours et, manifestement, à l’époque de sa perte, elle ne pouvait s’attendre à recevoir quoi que ce soit. Aucun contrat ne liait le donateur et la donataire, et les administrateurs du fonds de secours, à leur discrétion, pouvaient ne rien donner à l’appelante. Rien dans les circonstances soulignées n’indique que le versement et la réception du montant étaient de quelque façon une transaction commerciale ou découlaient de l’entreprise du contribuable.

[25] Voici d’autres exemples de rentrées de fonds qui n’ont pas été considérées comme un revenu :

les sommes que la province de l’Alberta avait versées volontairement à chaque contribuable de plus de 21 ans afin de distribuer une partie de l’excédent budgétaire aux résidents. (German v. M.N.R., 59 DTC 420) (Commission d’appel de l’impôt) ;

trois paiements effectués d’une façon inconditionnelle par les nouveaux courtiers d’assurance d’un client aux anciens courtiers dudit client. (McMillan v. M.N.R., 82 DTC 1287) (Commission de révision de l’impôt).

[26] Dans l’affaire Layton v. The Queen, 94-2444(IT)I, inédite, le juge Beaubier, de cette cour, entendait un appel d’une cotisation par laquelle le ministre avait inclus dans le revenu du contribuable un montant reçu dans le cadre du programme d’adaptation des travailleurs du secteur de la construction navale ou Shipbuilders’ Workers Adjustment Program ( « SWAP » ) au titre d’ « autres revenus » conformément aux dispositions du sous-alinéa 56(1)a)(vi) de la Loi. Toutefois, le juge Beaubier a statué que le paiement n’était pas « visé par règlement » au sens de la définition et que la disposition ne s’appliquait pas. À la page 3 de la décision, le juge a ajouté ceci :

Le paiement n'est pas un revenu tiré d'une charge, d'un emploi, d'une entreprise ou d'un bien. Selon la preuve, il s'agit d'une prestation que l'État a payée au contribuable après la fermeture du chantier Versatile. Il est allégué que les fonctionnaires de l'État ont fait une promesse, mais les travailleurs n'ont pas, de leur côté, fait de promesse ou pris d'engagements. Ils ont simplement été mis à pied lorsque le chantier Versatile a fermé ses portes. Aucune entente n'a été conclue avec eux en vue d'effectuer un paiement à cet égard, et aucun règlement ne précisait la nature du paiement en question.

[27] Dans l’affaire The Queen v. Mohawk Oil Co. Ltd. 92 DTC 6135, la Cour d’appel fédérale a statué qu’un montant reçu par le contribuable en règlement des demandes qu’il avait présentées à l’égard d’un contrat en vue de la fourniture et de l’installation d’une usine de traitement d’huile usée n’était pas un gain fortuit, mais une rentrée de fonds imputable au revenu. À la page 6139, voici ce que le juge Hugessen a dit :

Le juge de première instance a conclu que Phillips a consenti au paiement du règlement pour « en finir avec » la réclamation de Mohawk et protéger sa réputation, et que ce même paiement était supérieur au montant prévu dans la clause de limitation des dommages-intérêts contenue dans la convention d’achat du 27 janvier 1978. La façon dont le payeur a qualifié le montant du règlement au cours des négociations semble être un critère peu sûr dans la détermination de sa vraie nature. Les motifs qui poussent le payeur à régler un litige peuvent être nombreux et variés dans tous les cas, et il est sûrement difficile de connaître précisément la nature de son mobile réel, particulièrement lorsque le montant du règlement constitue une somme globale que la documentation n’attribue à aucune catégorie de réclamation particulière. Je ne vois pas comment le montant du règlement peut être considéré comme constituant « un gain fortuit » simplement parce que l’intimée affirme que Phillips l’a versé afin d’en finir avec sa réclamation.

De même, je ne suis pas convaincu que le montant du règlement doit être considéré comme « un gain fortuit » parce qu’il est supérieur au montant prévu dans la clause de limitation des dommages-intérêts incluse dans la convention d’achat. La preuve démontre clairement que, bien que Phillips s’y soit refusée, l’intimée a cherché dès le début et tout au long des négociations à être indemnisée en réclamant notamment une indemnité pour les profits perdus et les dépenses faites inutilement. Le dossier laisse supposer que, outre les profits perdus, les autres pertes subies par l’intimée étaient liées au coût de l’usine elle-même et à certaines dépenses engagées, soit pour acquérir le terrain et installer des installations connexes, soit pour tenter de faire fonctionner l’usine. La preuve démontre également clairement que la perte subie au chapitre du terrain et des installations connexes ne s’est pas produite parce que ces installations étaient nécessaires à l’exploitation de la nouvelle usine. À mon avis, le montant du règlement incluait nécessairement une indemnité pour les profits perdus et les dépenses faites inutilement. Cette indemnité ne peut, il me semble, être considérée comme « un gain fortuit » .

[28] Contrairement à ce qui s’était produit dans l’affaire Mohawk, ci-dessus, le gouvernement de la Colombie-Britannique n’a pas versé en l’espèce la somme de 800 000 $ à l’appelante en vue de mettre fin à une relation commerciale existante qui n’avait pas évolué de la façon initialement prévue par les parties au moment de la conclusion du contrat.

[29] Si nous examinons les critères énoncés par le juge LeDain dans l’arrêt Cranswick, ci-dessus et, si nous les appliquons aux faits de l’espèce, il est incontestable que l’appelante n’avait aucun droit légal d’exiger pareil paiement. L’appelante a fait un effort soutenu pour obtenir le paiement en retenant les services de deux lobbyistes et en organisant une série de rencontres avec divers représentants du gouvernement et membres élus. Après que le comité d’indemnisation spécialement créé à cette fin lui eut dit que FBL n’avait droit à aucun paiement, sauf à l’égard des débours, il n’y avait pas lieu pour l’appelante de s’attendre à recevoir pareil paiement (plutôt que d’espérer recevoir pareil paiement). Rien ne permettait de prévoir que le paiement aurait une suite. Il n’existait entre le payeur et l’appelante aucune relation permettant de conclure que le payeur constituait une source habituelle de revenu. C’est plutôt le contraire qui serait vrai, au moyen d’une série d’impôts applicables à toute corporation exploitant une entreprise en Colombie-Britannique. Le paiement a uniquement été effectué en reconnaissance du fait que FBL avait subi un préjudice par suite de la décision d’interdire l’exploitation forestière dans l’île Lyell et du fait que le comité d’indemnisation n’avait pas la compétence voulue pour permettre à FBL d’être dédommagée de pareille perte. Le gouvernement qui décide de verser une somme à un particulier ou à une corporation parce qu’il estime avoir une obligation morale envers cette personne, devrait avoir le droit d’accomplir un acte de bienveillance en l’absence d’une obligation légale. Il importe peu que le paiement résulte purement d’une décision politique et soit destiné à éliminer une source possible d’irritation qui pourrait découler de la discussion publique de la situation de FBL, qui était une entreprise d’exploitation forestière bien connue de la Colombie-Britannique, pendant les derniers jours d’un gouvernement sur le point de déclencher des élections (qui ont été perdues « à plates coutures » ) ou que le paiement ait visé à accorder une compensation à titre gracieux afin de « faire ce qu’il convenait de faire » . Le point crucial est qu’il est certain que la nature du paiement était exactement telle qu’on l’a décrite compte tenu des circonstances dans leur ensemble, qu’il ne s’agissait aucunement d’un paiement déguisé et que le paiement n’avait rien à voir avec des relations passées, présentes ou futures, existantes ou envisagées, entre le payeur et le bénéficiaire. Les paiements de ce genre ne sont pas rares lorsque le gouvernement décide d’apporter son aide à des fins précises dans des circonstances où il n’y a pas la moindre chance qu’il soit tenu de le faire en vertu de la loi. Les paiements effectués à titre de dédommagement à la suite d’une inondation ou encore d’un autre dommage ou d’une autre perte subis par des particuliers ou par des personnes morales en raison d’autres phénomènes météorologiques, ou à la suite de pertes économiques générales attribuables à une fermeture d’usine dans un endroit particulier, nous viennent à l’esprit et je ne crois pas qu’on ait l’intention d’imposer de quelque façon que ce soit pareils montants, à moins que la loi ou l’autorisation permettant le versement de pareils montants ne précisent le contraire. Si pareils paiements étaient effectués par bienveillance, tout sentiment chaleureux ainsi créé s’évanouirait rapidement aux environs du 30 avril de l’année suivante.

[30] Le fait que M. Verchere, pour le compte de FBL, ou les divers représentants du gouvernement ou ministres du Cabinet ont qualifié la perte subie par l’appelante de perte de profits ou de perte d’activités commerciales n’est pas pertinent lorsqu’il est tenu compte de tous les autres facteurs. À mon avis, il faut principalement se demander si le paiement est réellement ce qu’il est censé être et s’assurer qu’il n’est pas effectué d’une façon destinée à induire qui que ce soit en erreur au sujet de sa véritable nature. De toute évidence, le payeur estimait avec raison que le paiement était effectué à titre gracieux. Rien dans la preuve ne permet de ne pas le considérer comme tel, contrairement à la conclusion tirée par le juge Cattanach, de la Cour de l’Échiquier du Canada, dans la décision Buchanan v. M.N.R., 66 DTC 5257. Dans cette affaire-là, un procureur avait reçu une somme d’argent correspondant à trois mois de salaire, conformément aux calculs de ses employeurs. Le montant avait été versé au procureur « de bonne grâce » . Le ministre voulait imposer le montant à titre de revenu. Le juge Cattanach a convenu que la somme était imposable ; voici ce qu’il a dit, à la page 5262 :

[TRADUCTION]

[...] Le paiement était un don en ce sens que le cabinet d’avocats n’était pas tenu de verser quoi que ce soit à l’appelant. Cependant, on a versé à l’appelant une somme qui correspondait à trois mois de salaire, au lieu de lui donner un avis. Le cabinet a traité la somme comme un salaire et je ne puis m’empêcher de conclure que cette somme était destinée à constituer un salaire plutôt qu’un don personnel consenti à l’appelant.

Par conséquent, à mon avis, le paiement constituait entre les mains de l’appelant un revenu tiré d’une charge ou d’un emploi, et un avantage reçu par l’appelant au titre, dans l’occupation ou en vertu d’une charge ou d’un emploi au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[31] Comme on peut le constater, dans l’affaire Buchanan, ci-dessus, le paiement était lié à une relation antérieure entre les personnes concernées ; il avait directement été effectué parce qu’il avait été mis fin à l’emploi du bénéficiaire et il avait été calculé par rapport au salaire de base mensuel. De plus, le payeur considérait peut-être le paiement comme ayant été effectué à titre gracieux, mais l’employé congédié, bien qu’il n’eût peut-être pas obtenu davantage au moyen d’un litige, avait du moins la possibilité d’intenter une action qui était fondée en droit.

[32] L’appel est par les présentes admis, les dépens entre parties étant adjugés, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait qu’on devrait soustraire du revenu la somme de 800 000 $ qui a été reçue du gouvernement de la Colombie-Britannique. Par conséquent, aucune dépense ne peut être déduite de ladite somme, contrairement à ce que le ministre a fait dans la cotisation lorsqu’il a traité la somme en question comme un revenu d’entreprise et il en sera au besoin tenu compte dans la nouvelle cotisation.

Signé à Toronto (Ontario), ce 20e jour de janvier 1998.

« D.W. Rowe »

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 3e jour de mars 1998.

Mario Lagacé, réviseur

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