Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19980807

Dossier: 96-1726-IT-G

ENTRE :

SYLVIO THIBAULT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Il s’agit d’appels pour les années d’imposition 1987 et 1989.

[2] Pour l’année 1987, il s’agit de savoir : 1) si des sommes payées, à titre de services de consultation, à une corporation dont l’appelant est le principal actionnaire, engagement ayant pris naissance lors d’une disposition d’actions en 1987, font partie du produit de disposition d’actions et donnent ainsi lieu à un gain de capital; 2) le cas échéant, si ces sommes qui ont été reçues au cours des années subséquentes à la vente des actions, doivent être incluses dans le calcul du revenu de l’appelant pour l’année 1987; et 3) si la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “Loi”) l’a été en accord avec la Loi.

[3] Pour l’année 1989, il s’agit de savoir si certaines sommes peuvent être déduites dans le calcul du revenu d’entreprise ou de bien de l’appelant. Il s’agit en l’espèce d’honoraires prétenduement payés aux avocats de l’appelant mais les comptes décrivant les services rendus sont absents.

[4] Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le “Ministre”) s’est fondé pour établir ses nouvelles cotisations sont décrits au paragraphe 16 de la Réponse à l’avis d’appel comme suit :

ANNÉE D'IMPOSITION 1987

a) jusqu'en janvier 1987, l'appelant était actionnaire à 75 % de la compagnie Relais Nordik Inc.;

b) au cours de l'année d'imposition 1987, l'appelant était également actionnaire majoritaire de la compagnie Croisières Navimex Inc.;

c) en janvier 1987, l'appelant disposa des actions de la compagnie Relais Nordik Inc. en faveur de la compagnie Vermonbec Inc.;

d) dans sa déclaration d'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1987, l'appelant a déclaré un gain en capital imposable en tenant compte d'un produit de disposition de 100 000 $ (pour la totalité des actions);

e) en réalité, la transaction ci-haut mentionnée fut faite en contrepartie d'un prix de vente de 250 000 $;

f) conséquemment, le ministre du Revenu national ajouta un montant de 56 250 $ à titre de gain en capital imposable additionnel pour l'année d'imposition 1987 de l'appelant;

g) en ne déclarant pas le gain en capital imposable additionnel, l'appelant a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration pour l'année d'imposition 1987 ou y a acquiescé, participé ou consenti et est donc passible d'une pénalité en vertu du paragraphe 163(2).

ANNÉE D'IMPOSITION 1989

h) dans sa déclaration d'impôt relative à l'année 1989, l'appelant a réclamé des honoraires de 6 635,94 $, 7 292,80 $ et 6 290,90 $ à titre de dépenses d'entreprise;

i) l'appelant n'a pas fourni au ministre du Revenu national la preuve de paiement de ces honoraires;

j) ces honoraires ne constituent pas des dépenses faites ou engagées par l'appelant en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien de l'appelant.

[5] L’appelant, madame Chantal Viel, vérificatrice pour Revenu Canada et madame Danielle Cloutier, administratrice de l'étude d’avocats ont témoigné à la demande de l’avocat de l’appelant. Monsieur Alain St-Arnaud, c.a., comptable de l’appelant, a témoigné à la demande de l’avocat de l’intimée.

[6] L’appelant est un administrateur de sociétés maritimes, transport de passagers et transport de cargaison. L’appelant a expliqué à la Cour qu’il a commencé sa carrière dans le domaine maritime comme employé d’une entreprise maritime, Groupe Desgagnés, de 1972 à 1982. En 1984 il a commencé ses propres activités de transport maritime.

[7] En 1986, l’appelant et monsieur Guy Gagnon ont été les initiateurs d’une société du nom de Relais Nordik Inc., dans le but d’obtenir du gouvernement du Québec le contrat de la desserte de la Basse Côte-Nord. Relais Nordik Inc. avait comme actionnaires, en plus de l’appelant et de monsieur Gagnon, une corporation, Corporation Vermonbec Inc. (“Vermonbec”). Cette corporation, dont le principal actionnaire était un monsieur Lacaille, apportait le support financier.

[8] Le contrat de la desserte a été obtenu à la fin de l’année 1986. Toutefois il avait été obtenu à un prix de 1 000 000 $ de moins que le deuxième plus bas soumissionnaire, ce qui a causé beaucoup d’inquiétude à Vermonbec. Cette dernière s’est mise à douter des capacités administratives de l’appelant car c’était la société Navimex, dont l’appelant était le principal actionnaire, qui avait préparé la soumission.

[9] Vermonbec était dans le transport routier et non maritime. Monsieur Lacaille, inquiet par la différence de prix aurait consulté des sociétés compétitrices de Navimex soit Logitech Navigation et Transport Desgagnés. L’appelant dit qu’il a considéré cela comme une traîtrise. Il y a donc eu entre les principaux actionnaires de Relais Nordik Inc. une situation conflictuelle intense qui devint connue des principaux acteurs dans le transport maritime de l’endroit. Cette situation mettait en péril le contrat même de la desserte.

[10] Selon l’appelant, en vertu du protocole d’entente antérieur à la constitution de Relais Nordik Inc., entre Vermonbec et l’appelant, protocole qui n’a pas été produit mais qui est mentionné dans la convention de vente des actions (pièce I-1, onglet 9), les décisions devaient se prendre à plus de 75 pour cent des actions. Or l’appelant en possédait 25 pour cent. (L’appelant et monsieur Gagnon étaient propriétaires de 25 pour cent des actions de Relais Nordik Inc. dans la proportion de 75-25 pour cent). Donc aucune décision ne pouvait se prendre par Vermonbec sans l’accord de l’appelant.

[11] Il y a donc eu des rencontres vers la fin de décembre 1986 entre monsieur Lacaille et monsieur Gagnon pour résoudre le différend. Monsieur Gagnon négociait pour l’appelant à la demande de ce dernier. Finalement les parties ont accepté que la seule façon de se sortir du conflit serait l’achat des actions détenues par l’appelant et monsieur Gagnon. Cette transaction a eu lieu en 1987.

[12] Le 29 janvier 1987, une entente est intervenue entre Relais Nordik Inc, partie de 1ère part, Corporation Vermonbec Inc, partie de 2e part, monsieur Sylvio Thibault, partie de 3e part, monsieur Guy Gagnon, partie de 4e part et Croisières Navimex Inc, partie de 5e part. Cette entente est à l’onglet 9 de la pièce I-1. Les articles 1 et 4 de cette entente se lisent comme suit :

1. Que Corporation Vermonbec Inc. achète, pour un montant de cent mille dollars (100 000 $) toutes les actions, et tous les droits et intérêts que peuvent avoir la partie de 3e part et la partie de 4e part dans “Relais Nordik Inc.” et plus particulièrement 18 ¾ actions de catégorie A de la partie de 3e part et 6 ¼ actions de catégorie A de la partie de 4e part.

Ce montant devra être payé à la partie de 3e part et à la partie de 4e part comme suit :

Un chèque au montant de 75 000 $ fait à l'ordre de M. Sylvio Thibeault, encaissable le 30 janvier 1987 et un chèque de 25 000 $ fait à l'ordre de M. Guy Gagnon, encaissable aussi le 30 janvier 1987.

...

4. La partie de la 1ère part engage, à titre de consultant, la partie de 5e part, pour une période de cinq (5) ans, à raison de 150 000 $ payable en soixante (60) versements égaux et consécutifs, le premier versement devant être fait le 30 avril 1987. À ce titre la partie de 5e part fournira, sur demande seulement, une expertise maritime à la partie de 1ère part relativement au contrat que doit effectuer la partie de 1ère part pour le gouvernement du Québec. Au début de l'année fiscale de la partie de 1ère part, celle-ci enverra une série de chèques postdatés pour l'année à venir à la partie de 5e part, suivant les montants ci-avant prévus.

La partie de 1ère part et la partie de 5e part mettront par écrit la nature et les conditions des services qui seront fournis, le tout devant être à la satisfaction de la partie de 5e part.

[13] L’appelant donne comme explication de ce paiement en partie prix d’achat et en partie prix de services que lui-même aurait préféré être payé comptant. C’est la meilleure entente qu’il a pu négocier et il considère que quant à lui il n’avait aucun avantage fiscal à avoir procédé de cette façon. Il admet qu’il est certain que s’il n’y avait pas eu de contrat de consultation, il n’aurait pas accepté la vente des actions.

[14] Le paiement en services donne lieu à des explications confuses. D’une part, l’appelant dit qu’il croit que monsieur Lacaille voulait garder son expertise puisque tout avait été préparé par Navimex et que Navimex connaissait l’aspect opérationnel du transport maritime tant physique qu’administratif. Il rappelle que monsieur Lacaille, le président de Vermonbec, ne connaissait pas le domaine maritime. L’expertise se trouvait chez Navimex.

[15] D’autre part, il dit également qu’immédiatement après l’achat des actions de l’appelant par Vermonbec, Relais Nordik Inc. a recruté les deux principaux employés de Navimex ce qui a fait que par la suite il était difficile pour Navimex de rendre ses services de consultation. De plus, l’appelant dit que Groupe Desgagnés a été, durant la première année d’exécution du contrat, le conseiller de Relais Nordik Inc. et non Navimex.

[16] L’appelant confirme que monsieur Guy Gagnon a reçu 25 pour cent de ce qui découlait du contrat de consultation puisqu’il détenait 25 pour cent des actions acquises ce qui rend difficile l’explication du contrat de services valide. L’appelant explique alors que monsieur Gagnon aurait fourni son expertise à Navimex bien qu’il n’était pas un employé de Navimex.

[17] Au début, Navimex a été payé pour le contrat de consultation sans fournir de services. Mais, dans l’année qui a suivi la vente des actions de l’appelant, Groupe Desgagnés a acquis Relais Nordik Inc. Relais Nordik Inc. a cessé les paiements relatifs au contrat de services et a intenté une action en annulation du contrat de consultation au motif de manque de loyauté du consultant.

[18] Monsieur Thibault avait témoigné dans un procès qui opposait Groupe Desgagnés à Secunda Marine, une entreprise liée au contrat de desserte maritime. Groupe Desgagnés était d’avis que l’appelant avait témoigné de façon intentionnellement défavorable à la position de Groupe Desgagnés. L’appelant, quant à lui, dit qu’il n’avait eu que le désir d’exposer objectivement le contexte du contrat entre Relais Nordik Inc et Secunda Marine.

[19] À l’encontre de l’action en annulation du contrat de services par Groupe Desgagnés, la stratégie première de l’avocat de l’appelant a été de soutenir que le contrat était bon et valable et en deuxième lieu, d’instituer une action en revendication des actions sur la base de non paiement du prix d'achat en soutenant que le contrat de services était une simulation et que le paiement des services constituait le prix des actions.

[20] Le jugement de la Cour supérieure du Québec en date du 30 septembre 1991 n’a pas retenu la thèse de la simulation mais la thèse de la validité du contrat de services. Ce jugement a été produit à l’onglet 10 de la pièce I-1. Aux pages 6 à 10 et 13 nous lisons ce qui suit :

...

Aussi, Relais Nordik prétend, qu'en ce faisant et qu'en supportant la thèse de Secunda quant à la capacité en cargo du navire et dans les dispositions relatives à la livraison du navire, au cas où il ne serait pas prêt à temps, il a manqué à son devoir de loyauté comme ancien actionnaire de Relais Nordik et comme principal actionnaire de Navimex, avec laquelle compagnie Relais Nordik avait toujours un contrat de service à titre de consultant pour une période 5 ans.

...

De son côté, Sylvio Thibeault prétend que le véritable prix des actions n'est pas seulement de 100 000 $, comme stipulé au contrat, mais en plus de 150 000 $, montant du contrat de service comme consultant accordé à Navimex. La valeur négociée et arrêtée pour les actions était en réalité de 10 000 $ l'action, c'est ce qui donne le total de 250 000 $, chiffre que l'on retrouve en additionnant les considérations pour l'achat et pour le contrat de consultant.

En somme, monsieur Thibeault dit qu'il y a une simulation à l'intérieur du contrat qui avantageait fiscalement les 2 parties; le vendeur, parce que ce n'était pas lui mais une de ses compagnies qui touchait la plus grande considération du prix de vente et également l'acheteur Vermonbec, qui se trouvait ainsi à devenir propriétaire de 25 actions alors que le montant de 150 000 $ des 250 000 $ du prix total, était acquitté par la compagnie dans laquelle les actions étaient détenues, comme s'il s'agissait d'une dépensee pour gagner un revenu. Ainsi, Relais Nordik bénéficiait d'une diminution de son revenu et Vermonbec ne déboursait que les 2/5 de la valeur entendue pour les actions, lors de la transaction.

...

... j'en arrive à la conclusion qu'il n'y a pas eu simulation.

... La plupart des éléments montre que ce qui est écrit à été la véritable intention des parties.

...

Il y a tellement de choses différentes d'incorporées dans ce contrat qu'il faut en conclure que malgré cela, on a voulu que tout s'exécute en relation avec l'objet principal du contrat, c'est-à-dire la disposition des actions d'une part et l'acquisition des actions de l'autre part.

Il n'y a rien d'anormal à ce qu'un ou des vendeurs acceptent un prix plus bas parce qu'une personne proche ou une personne liée est favorisée par ce contrat, surtout lorsque cela fait l'affaire de tous les contractants.

[21] Il y a eu appel de ce jugement et l’appelant a repris dans un affidavit les deux mêmes arguments. Cet affidavit a été déposé à l’onglet 26 de la pièce I-1. On y lit à la page 2 ce qui suit :

...

10. Le 29 janvier 1987, Guy Gagnon et moi vendions nos actions à Corporation Vermonbec Inc. pour une somme de 250 000 $, le tout tel qu'il appert de la pièce P-1 déposée au dossier de cette Cour;

11. Le libellé de ce contrat laisse toutefois voir le paiement d'une somme de 100 000 $ lors de la signature de ce contrat et de 60 versements d'une somme de 2 500 $ chacun payable le 30 de chaque mois à compter du 30 avril 1987.

12. Par ce contrat, la défenderesse s'engageait apparemment à exécuter un contrat de fourniture d'expertises maritimes à la demanderesse, et ce, sur demande, le tout tel qu'il appert de la clause 4 de ce contrat;

13. Cette clause n'était en somme qu'une simulation du paiement du solde du prix de vente;

[22] Par la suite, il y a eu un règlement hors cour de ce litige ainsi que d’un autre litige qui opposait l’appelant au Groupe Desgagnés.

[23] La question en litige, en ce qui concerne l’année 1989, a trait à la déduction d’une somme de 24 000 $, supposément payée aux avocats de l’appelant. L’agent du Ministre a demandé la preuve des paiements faits par l’appelant en 1989. Un chèque au montant de 10 000 $ fait à l’ordre de ses avocats a été produit à l’onglet 24 de la pièce I-1. Ce chèque est en date du 31 janvier 1989. Les états de compte ou factures produits aux onglets 18 à 22 de la même pièce sont tous amplement postérieurs à la date du chèque et ne font pas référence au paiement d’un montant de 10 000 $.

[24] L’appelant explique que chez son avocat, il a une quinzaine de dossiers tant personnels que corporatifs. Souvent le nom de la corporation sur la facturation n’est pas exacte. Il paie et répartit équitablement les paiements entre les corporations et son avocat fait de même. Si c’est pour une affaire personnelle, il dit qu’il utilise des chèques personnels et si c’est des montants corporatifs c’est la corporation qui paie. L’appelant a fait la description d’entreprises en cours durant l’année 1989.

[25] Madame Chantal Viel, vérificatrice pour Revenu Canada a expliqué que l’appelant a été cotisé de la manière dont il l’a été pour l’année 1987 sur la base de ses affirmations et sur la base des faits. Quant à l’année 1989, elle a dit que l’appelant avait été à plusieurs reprises informé qu’il devait tenir une comptabilité adéquate qui permettait aux vérificateurs du ministère de connaître la nature des dépenses dont il réclamait les déductions. Les dépenses conformes ont été admises.

[26] L’avocat de l’appelant fait valoir que le contrat de consultation est un contrat valide et qu’il n’y a pas eu de simulation. Il s’agit d’un arrangement valide des affaires de l’appelant pour payer le moins d’impôt possible au sens de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Stubart Investments Ltd. c. La Reine [1984] 1 R.C.S. 536. Il se réfère notamment au passage suivant à la page 552:

...

Dans le domaine de la fiscalité elle-même, le principe traditionnel a été répété dans l'arrêt Inland Revenue Commissionners v. Duke of Westminster, [1936] A.C. 1, aux pp. 19 et 20 où l'on dit :

[TRADUCTION]

Tout homme a le droit, s'il le peut, de diriger ses affaires de façon que son assujettissement aux impôts prescrits par les lois soit moindre qu'il ne le serait autrement. S'il réussit à obtenir ce résultat, alors, même si le percepteur ou le autres contribuables n'apprécient guère son ingéniosité, on ne peut pas l'obliger à payer plus d'impôt.

[27] L’avocat de l’appelant se réfère aussi à la décision de la Cour supérieure du Québec, qui dans le litige opposant l’appelant à Groupe Desgagnés, le juge avait conclu qu’il n’y avait pas de simulation, (voir le paragraphe 20 de ces motifs). Il rappelle que c’est un procès qui a duré quatre jours, qui a donné lieu à plusieurs mesures préliminaires.

[28] L’avocat de l’appelant plaide, de façon subsidiaire, que si la Cour en venait à la conclusion que le contrat de services est une opération fictive, que le produit de disposition n’a pas été reçu dans sa totalité en 1987, et que l’appelant aurait droit à une réserve en vertu de l’alinéa 40(1)a)(iii) de la Loi parce que le montant additionnel n’a pas été payé en 1987 mais dans les années postérieures et que, de plus l’appelant a engagé des frais juridiques considérables pour se faire payer ces sommes d’argent. Cet argument n’avait pas été soulevé dans l’avis d’appel mais a été soulevé à l’audience. J’ai à cet égard demandé à l’avocat de l’intimée de me faire part de son avis à ce sujet. Ce qu’il a aimablement fait par la suite lors d’une audience par voie de conférence téléphonique.

[29] L’avocat de l’appelant n’a pas fortement plaidé en ce qui concerne l’imposition des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi puisqu’il plaidait que le contrat de services n’était pas une opération fictive. Il a toutefois plaidé advenant le cas où la Cour en viendrait à la conclusion que le contrat de services était fictif et que les paiements des services étaient des paiements faits pour l’acquisition des actions, que les pénalités devraient être diminuées en fonction du seul gain en capital qui devrait être inclus dans le calcul du revenu de l’appelant compte tenu de la réserve à laquelle il pourrait avoir droit.

[30] En ce qui concerne les honoraires d’avocats dont l’appelant demande la déduction en 1989, l’avocat de l’appelant fait valoir que ces sommes ont sûrement été engagées pour les fins des entreprises de l’appelant et qu’il ne s’agissait sûrement pas de cadeaux faits à l'étude d’avocats.

[31] L’avocat de l’intimée fait valoir que le point important à déterminer est de savoir si le contrat de services entre Vermombec et Navimex faisant partie de la convention en date du 29 janvier 1987, dont il est fait mention au paragraphe 12 de ces motifs, représentait la réalité économique de la transaction. L’avocat de l’intimée soutient que ce contrat est une opération fictive au sens du droit fiscal parce qu’il n’a pas créé entre les parties les relations juridiques que ces dernières voulaient créer. Il se réfère à l’arrêt Stubart, supra, à la page 572 :

Les tribunaux ont donné il y a longtemps une définition du trompe-l'oeil qui a été reformulée dans l'arrêt Snook v. London & West Riding Investments Ltd., [1967] 1 All E.R. 518. Lord Diplock a conclu à la p. 528 qu'il n'y avait pas de trompe-l'oeil parce que les parties n'avaient rien fait :

[TRADUCTION]

... dans l'intention de faire croire à des tiers ou à la cour qu'ils créent entre les parties des obligations et droits légaux différents des obligations et droits légaux réels (s'il en est) que les parties ont l'intention de créer.

C'est la définition adoptée par le juge Martland en cette Cour dans l'arrêt Ministre du Revenu National c. Cameron, [1974] R.C.S. 1062, à la p. 1068.

[32] En ce qui concerne le droit à la réserve, l’avocat de l’intimée a expliqué à la Cour qu’en vertu de l’alinéa 40(1)a)(iii) de la Loi, tel qu’il existait en 1987, l’appelant avait droit à cette réserve. Cette disposition a été modifiée applicable aux années d’imposition 1988 et suivantes ce qui aurait pu amener un résultat différent.

[33] En ce qui concerne les déductions pour paiement d'honoraires, demandées pour l’année 1989, l’avocat de l’intimée a fait valoir que l’appelant n’a pas fait la preuve des services juridiques pour lesquels ces déductions étaient demandées et en conséquence, il est impossible de déterminer si les dépenses ont été engagées dans le but de gagner un revenu d’entreprise ou de bien et si elles sont de nature courante ou capitale.

Analyse et conclusion

[34] Je me réfère à l’arrêt de la Cour de l’échiquier du Canada dans Front & Simcoe Limited v. M.N.R. 60 DTC, 1081, à la page 1085 :

[TRADUCTION]

Dans son ouvrage intitulé Simon’s Income Tax, deuxième édition, volume 1, l’auteur, après s’être référé à un certain nombre de décisions, a dit ceci à la page 50 :

Le principe qui doit être suivi en l’espèce veut que les lois fiscales doivent être appliquées conformément aux droits des parties à une opération. Ce sont ces droits qui déterminent la « substance » de l’opération, au sens propre de ce terme. Si l’on prend le terme « substance » dans ce sens-là, il n’en demeure pas moins que la substance d’une opération l’emporte sur sa qualification.

Précédemment, l’auteur avait fait référence à l’énoncé du vicomte Simon dans l’affaire I.R.C. v. Wesleyan and General Assurance Society, 30 T.C. 11, 24, 25 H.L., où celui-ci avait exprimé le principe de la façon suivante :

Il convient sans doute de répéter deux propositions bien établies en ce qui a trait à l’application des règles de droit en matière d’impôt sur le revenu. En premier lieu, l’appellation donnée à une opération par les parties en cause n’établit pas péremptoirement la nature de celle-ci. Qualifier un paiement de prêt, alors qu’il s’agit en réalité d’une rente, n’est d’aucun secours pour le contribuable, pas plus que de donner à un poste la qualification d’élément imputable au capital ne saurait nous empêcher de le considérer comme un élément imputable au revenu si c’est la véritable nature de celui-ci. Il s’agit dans chaque cas de savoir quel est le caractère réel du paiement, et non pas quelle est la qualification donnée à celui-ci par les parties. En deuxième lieu, une opération qui, si elle est interprétée avec exactitude, est d’une nature telle qu’elle échapperait à l’impôt, n’est pas imposable au motif que le même résultat pourrait être obtenu par l’entremise d’une opération d’un autre type qui, elle, serait sujette à l’impôt.

La question en litige est donc la suivante : « quelle est la véritable nature de la rentrée de fonds? » Avant de répondre à cette question, je suis en droit d’examiner les circonstances de l’espèce. À cet égard, il convient de mentionner l’exposé de lord Tomlin dans I.R.C. v. Westminster (Duke), [1936]A.C. 1, 20, dans lequel celui-ci a fait référence à « la règle incontestable voulant que les circonstances de l’espèce soient prises en considération dans le cadre de l’interprétation d’un document » .

[35] Je me réfère en deuxième lieu surtout aux principes énoncés dans l’arrêt Stubart, supra, que tout contribuable a droit de diriger ses affaires de façon que son assujettissement aux impôts soit le moindre et qu’une opération puisse être valide même si elle n’a d’autre objet qu’un objet fiscal en autant que cette opération représente les obligations et les droits réels du contribuable.

[36] Je suis d’avis que la preuve a clairement révélé que le contrat de services inclus dans la convention mentionnée au paragraphe 12 de ces motifs était un contrat qui avait pour but de faire croire à des tiers à l’établissement d’obligations ou de droits différents de ceux que les parties avaient l’intention de créer. Les parties n'ont jamais eu l'intention d'établir un contrat de services véritable. Le contrat de services avait pour but de déguiser en paiement pour services ce qui était en réalité des paiements pour l’acquisition des actions. Sur le plan du droit civil, le contrat peut être valide et engager les parties. C’est ainsi qu’en a décidé la Cour supérieure du Québec. Cette décision n’a toutefois pas été rendue en application des dispositions de la Loi. Sur le plan du droit fiscal, l’entente est une simulation et c’est cet effet qui doit lui être donnée.

[37] L’argument de l’intimée étant fondé sur le fait que le contrat de services ne représentait pas l’intention des parties, j’en conclus que cet argument est bien fondé en fait et en droit. Les sommes payables au titre du présumé contrat de services font partie du produit de disposition des actions. L’avocat de l’intimée ayant accepté que l’appelant avait droit à une réserve en vertu de l'alinéa 40(1)a)(iii) de la Loi, l’appel est donc accordé pour cette partie en ce qui concerne l’année 1987. Le montant des pénalités et des intérêts devra être ajusté en conséquence.

[38] En ce qui concerne l’année 1989, l’appelant n’ayant pas démontré pour quels services juridiques les sommes d’argent ont été payées à ses avocats, si elles l’ont été, il n’est pas possible de connaître la nature des dépenses. En conséquence l’appel est rejeté pour cette année.

[39] Le tout avec frais en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de août 1998.

“Louise Lamarre Proulx”

J.C.C.I.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.