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Date: 19981209

Dossiers: 96-2446-IT-G; 96-2447-IT-G

ENTRE :

STEVE FOSTER, STEVE FOSTER EXPERT EN SINISTRES INC.,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s'agit d'appels de cotisations pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993 pour Steve Foster personnellement, et pour les années d'imposition 1992 et 1993 quant à la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. Les avocats des parties ont convenu de procéder au moyen d'une preuve commune. Il s'agit effectivement de deux dossiers connexes.

[2] Les faits sont relativement simples à résumer. L'appelant, Steve Foster exerce sa profession pour le compte et bénéfice de la compagnie, Steve Foster Expert en Sinistres Inc. Ce dernier contrôle ladite compagnie en ce qu'il détient la totalité des actions. Il en est aussi le seul administrateur. Outre les activités reliées aux expertises en matière de sinistres, la compagnie est propriétaire d'immeubles et fait la location de locaux commerciaux. Finalement, elle possède un important portefeuille d'actions à la bourse, ce qui a d'ailleurs fait dire au comptable de la compagnie Samson, Bélair, Deloitte & Touche qu'il s'agissait là d'une compagnie de gestion.

[3] Très actif et dynamique en affaires, Steve Foster et deux autres associés, Messieurs Jacques Bouchard et Guy Racine, décidèrent en septembre 1989 de faire l'acquisition d'un commerce faisant affaires sous le nom de Brasserie Joliet Inc. Il s'agissait d'une Brasserie prospère et très achalandée, propriété d'un certain Marc Lafond.

[4] Le commerce en question avait quelque chose en commun avec l'appelant et sa compagnie; les trois entités faisaient affaires avec le même bureau de comptables soit Mario Blouin de la firme Samson, Bélair, Deloitte & Touche.

[5] Pour réaliser la transaction du Joliet, d'importants capitaux furent requis. Outre un déboursé individuel important, les nouveaux associés, actionnaires à part égale dans la compagnie Gestion 34 Inc., compagnie acquéreur de la totalité des actions que M. Lafond détenait dans Brasserie Joliet Inc., durent intervenir à titre de caution conjointe et solidaire auprès de plusieurs créanciers, notamment auprès du vendeur qui assumait une balance de prix de vente et auprès de la Caisse Populaire de Haute Rive.

[6] Lors de l'acquisition d'une nouvelle résidence, la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. lui avait consenti des avances importantes. Propriétaire du 1/3 des actions de la compagnie Gestion 34 Inc. qui exploite la Brasserie, l'appelant décida de rembourser à la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. les avances que cette dernière lui avait consenties en lui transférant, en compensation de la dette, la totalité de ses actions dans Gestion 34 Inc.

[7] Après consultation auprès de son comptable M. Mario Blouin, l'appelant céda et roula ses actions dans Gestion 34 Inc. dans la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc.; il remboursa ainsi les avances obtenues de ladite compagnie. Selon l'appelant et son comptable, il s'agissait là de deux montants sensiblement comparables. Le comptable a simplement indiqué à l'appelant que le roulement devait se faire à la juste valeur marchande du placement.

[8] Dans le cadre de la transaction, il fut établi que les actions de Gestion 34 Inc., avaient acquis, au moment du roulement, une plus-value de près de 2 000 $. La preuve a démontré que l'appelant avait comptabilisé ce profit dans sa déclaration d'impôt pour l'année d'imposition de la réalisation.

[9] La juste valeur marchande du placement fut évaluée de façon assez arbitraire. En effet, le comptable dit qu'il n'avait pas de raison de penser que les affaires s'étaient détériorées et ce, bien que les états financiers remontaient à près de six mois. Un tel délai était certes important puisque la compagnie qui exploitait la Brasserie Joliet a fait cession de ses biens à peine six mois plus tard.

[10] À cet égard, l'associé de l'appelant a également indiqué que le chiffre d'affaires était très important, affirmant toutefois du même souffle qu'en début de janvier 1991, soit à peine deux mois avant le roulement, le commerce ne faisait pas ses frais.

[11] Le roulement fut effectué au moyen d'une résolution (pièce A-1) dont le contenu se lit comme suit :

RÉSOLUTION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE LA COMPAGNIE "STEVE FOSTER EXPERT EN SINISTRES INC."

ADOPTÉE EN DATE DU 1er novembre 1990

IL EST RÉSOLU de transférer à Steve Foster Expert en Sinistres Inc. les actions détenues par Steve Foster dans la Brasserie Joliet Inc. La valeur des actions est établie à Quarante mille dollars (40 000,00 $) plus Cinq mille dollars (5 000,00 $) concernant une mise de fonds additionnelle qui a été faite par Steve Foster. La corporation n'émettra pas de chèque à Steve Foster, cette somme de Quarante-cinq mille dollars (45 000,00 $) abaissant la dette due par Steve Foster à la Corporation.

INSERTION DANS LE LIVRE

IL EST RÉSOLU d'insérer et de conserver un exemplaire de la résolution ci-devant énoncée dans le livre des procès-verbaux et résolutions du conseil d'administration, conformément à l'article 112(2) de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes.

VALIDITÉ

Je, soussigné, déclare être l'administrateur unique de la compagnie, et donc être la seule personne habile à voter lors des assemblées du conseil d'administration. En conséquence, la résolution susmentionnée, signée par moi-même ci-dessous, a la même valeur que si elle avait été adoptée au cours d'une assemblée du conseil d'administration, conformément à l'article 112(1) de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes.

ADOPTÉE ET SIGNÉE à Baie-Comeau, ce 1er novembre 1990.

_____________________________

[12] La résolution fait état d'un montant total de 45 000 $. Ce montant aurait dû, selon des représentations préliminaires lors de l'audition, être de 40 000 $ étant donné qu'il était constitué ainsi :

33 000 $ avance de Steve Foster à la Brasserie Joliet

2 000 $ actions payées 333 $ et évaluées à 2 000 $ au moment du roulement le 1er novembre 1990

5 000 $ autre montant avancé par Steve Foster dans le dossier la Brasserie Joliet Inc.

40 000 $ Total

[13] Cette résolution est un élément fondamental du litige. Il est à noter que le texte ne fait aucune mention ou référence aux cautionnements inhérents aux actifs transférés. Il a été aussi établi que le transfert n'avait pas été dénoncé aux créanciers des cautionnements.

[14] L'associé de l'appelant dans la Brasserie Joliet, Jacques Bouchard, a d'ailleurs indiqué avoir été informé par Foster seulement après la réalisation du transfert. Il a aussi mentionné que son consentement n'avait pas été requis; selon son témoignage, il ignorait si la compagnie qui exploitait la brasserie avait prévu des restrictions relatives au transfert de ses actions.

[15] Dans les faits, le roulement des actions à la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. a été complété en catimini à la seule connaissance de l'appelant et de son comptable.

[16] Pourquoi avoir ignoré la réalité des cautionnements inhérents? Pourquoi ne pas avoir fait intervenir les créanciers concernés? Pourquoi ne pas avoir essayé d'obtenir des créanciers une mainlevée libérant Steve Foster personnellement? Pourquoi n'avoir pas clairement et expressément indiqué que la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. libérait Steve Foster personnellement de toutes les cautions consenties dans le cadre de l'acquisition des actions cédées? Pourquoi ne pas avoir prévu que la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. assumerait toutes les conséquences, paiements ou pertes éventuelles de Steve Foster personnellement lors de l'exécution de tels cautionnements, advenant leurs exécutions?

[17] La réponse à toutes ces questions a été fournie par le comptable. Mario Blouin s'est exprimé de plusieurs façons sur ce sujet. Il a d'abord dit que les cautionnements suivaient automatiquement les biens transférés. Il a soutenu que c'était normal, naturel et usuel en cette matière. Il a aussi prétendu que les cautionnements suivaient ce qu'il a décrit comme étant la richesse. Il a aussi affirmé que c'était à ce point habituel qu'il n'a pas jugé approprié ou nécessaire de mettre l'appelant en garde ni de lui conseiller d'obtenir une libération des créanciers. Selon le comptable, cela était à ce point normal et usuel qu'il n'était même pas nécessaire d'en faire mention à la convention de transfert; toujours selon lui, cela était automatique et l'accessoire suivait le principal transféré. Il a finalement affirmé que cela était à ce point normal qu'il n'était pas nécessaire que cela soit prévu pour être accepté et acceptable.

[18] Fort de l'appui, de l'opinion et de l'analyse de son comptable, l'appelant a ultérieurement témoigné qu'il avait consulté son comptable et qu'il s'en était remis à son appréciation à l'effet que tout était conforme, régulier et exécuté selon les règles.

[19] Suite à la faillite de la Brasserie Joliet Inc., les créanciers bénéficiaires des cautions ont rapidement réagi; ils se sont dirigés vers l'appelant personnellement, manifestement plus solvable et en meilleure position financière que les deux autres actionnaires, en l'occurrence Messieurs Bouchard et Racine. Les créanciers n'ont aucunement tenu compte du transfert de propriété conséquent au roulement des actions. Il faut croire que les créanciers n'étaient pas d'accord avec l'opinion du comptable Blouin. Cela est d'autant plus étonnant que la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. était sans doute très solvable.

[20] Cette période d'après faillite fut particulièrement fertile en événements illustrant la qualité et nature des interventions personnelles de l'appelant Steve Foster.

[21] Lors des initiatives menées par les créanciers pour se faire rembourser sur la base des cautionnements, il n'a jamais été question de la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. avec ces mêmes créanciers; ces derniers, à bon droit, s'en sont remis à leurs droits découlant des cautionnements. La compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. n'avait rien à voir avec les réclamations des créanciers. La compagnie n'était aucunement responsable de ces réclamations initiées par les créanciers détenteurs des cautionnements opposables à l'appelant exclusivement.

[22] Cela ressort clairement de la procédure portant le numéro 655-05000113-910 des dossiers de la Cour Supérieure, du district de Baie-Comeau; en outre, plusieurs correspondances furent adressées à l'appelant, Steve Foster, personnellement. Finalement, l'appelant a signé correspondances et quittances, sans aucune mention de la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc., et ce bien que, selon lui, la compagnie était seule responsable du paiement des montants effectués dans le cadre de ces mêmes cautionnements.

[23] Aucun fait, ni aucune preuve documentaire n'appuie la prétention de l'appelant à l'effet que la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. avait pris à sa charge les cautionnements. Sur les conseils de son comptable, l'appelant a agi comme si ces cautionnements avaient été transférés en même temps que les actions.

[24] Il s'agit là d'une interprétation tout à fait insoutenable; contrairement à ce qu'a pu prétendre ou soutenir le comptable, les cautionnements ne suivaient pas automatiquement la richesse.

[25] Pour devenir opposable à la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc., les cautionnements auraient dû faire l'objet d'une stipulation expresse; bien plus, toute personne bien avisée et prudente aurait fait intervenir les créanciers aux fins de se faire libérer de tels cautionnements.

[26] Le fait d'avoir été mal conseillé n'a pas pour effet de bonifier la qualité des transactions effectuées. Le ministère a d'ailleurs bien agi en cotisant à partir de la réalité documentaire. La jurisprudence a maintes fois reconnu que les contribuables pouvaient structurer et planifier leurs affaires de manière à profiter des dispositions de la Loi en autant qu'ils respectent et qu'ils s'en remettent totalement à leur planification. Certains tentent souvent d'organiser leurs affaires de façon équivoque aux fins de se garder un choix d'option perpétuel.

[27] En l'espèce, l'intimée était tout à fait justifiée de cotiser comme elle l'a fait; le ministère du Revenu n'avait pas à tenir compte d'hypothèses, de sous-entendus ou d'intentions. Il s'agissait là d'un domaine où les règles sont simples et claires, bien qu'apparemment non connues du comptable. Il n'y a aucun doute que l'appelant doit supporter les conséquences des conseils imprudents et malavisés de son comptable.

[28] Conséquemment, pour cette partie du litige, la cotisation est pleinement justifiée et bien fondée en ce qu'elle découle expressément des faits, gestes et transactions effectués par les appelants. Une cotisation doit être établie à partir de ce qui a été fait et non à partir de ce que les contribuables ont voulu faire, pensaient avoir fait ou avaient l'intention de faire.

[29] L'autre point en litige à l'origine des appels concerne la date du transfert de 9 000 actions de la compagnie Biochem. L'appelant soutient que la date effective du transfert est le 1er mars 1991 alors que lesdites actions de la compagnie Biochem avaient une valeur de 15 1/8 $. À ce moment la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. était seule propriétaire des actions.

[30] De son côté, l'intimée a soutenu que le transfert effectif desdites actions avait eu lieu le 13 juin de la même année, alors que la valeur unitaire avait augmenté à 24,25 $ soit une plus-value de près de 10 $ l'action. Conséquemment, un montant de 61 593 $ fut ajouté au revenu de la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. pour l'année d'imposition 1992 à titre de gain en capital imposable additionnel; l'ajout représentait la plus-value acquise sur les actions précédemment décrites.

[31] Les faits et circonstances relatifs au transfert des actions ont été établis par le témoignage de Madame Lorraine Tremblay, conjointe de Steve Foster, par M. Michel Grenier, courtier en valeurs mobilières chez Lévesque, Beaubien et Geoffrion et finalement, par l'appelant lui-même.

[32] Je n'accorde aucune valeur au témoignage de Michel Grenier qui a démontré n'avoir rien à son épreuve pour donner satisfaction aux clients qui lui versaient d'importantes commissions, dont l'appelant. Il a lui-même donné l'exemple d'un dossier où il avait modifié la date d'enregistrement d'un dépôt dans un compte REER.

[33] Peu scrupuleux des formalités, il a indiqué que le portefeuille détenu par la famille Foster était très important au point qu'il avait des discussions et conversations quotidiennes avec Steve Foster sur les performances de son portefeuille. Grenier dit avoir été informé du projet de Madame Lorraine Tremblay de faire l'acquisition d'un nombre important d'actions de la compagnie Biochem; il a indiqué avoir été informé que le moment de la vente devait coïncider avec la fin de l'année fiscale de la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. soit février 1991.

[34] Après avoir reconnu qu'une transaction dont le montant se chiffrait à près de 25 000 $ constituait une transaction importante, il s'est empressé d'ajouter que le transfert souhaité par la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. et Madame Tremblay était peu intéressant puisqu'il ne recevait aucune commission; selon son témoignage, il s'agissait essentiellement d'une écriture dans un registre.

[35] Il a aussi indiqué avoir fidèlement exécuté les directives reçues de Steve Foster en sa qualité de porte-parole de la compagnie et de Madame Tremblay quant aux actions de Biochem; il a affirmé avoir complété les documents et avoir donné les instructions pour que le transfert se fasse le 1er mars. Il a aussi indiqué que le transfert désiré était assujetti à l'ouverture d'un compte au nom de Madame Tremblay.

[36] Comme le temps passait et que le transfert n'apparaissait pas sur les comptes-rendus mensuels, Monsieur Grenier dit avoir, à quelques reprises, rassuré Madame qui s'inquiétait de ne pas avoir ses propres relevés suite au transfert.

[37] Selon son témoignage, l'insistance de Madame et de son conjoint l'ont amené à investiguer pourquoi le transfert n'avait pas été exécuté. Il a repris essentiellement les explications mentionnées à un affidavit (Pièce I-7) qu'il signait le 31 octobre 1994 à la demande du comptable, lors des pourparlers avec Revenu Canada. Il me paraît pertinent de reproduire le contenu de l'affidavit :

AFFIDAVIT

Je, Michel Grenier, 37 ans, courtier en valeurs mobilières, demeurant au 602 Bélanger, Baie-Comeau, affirme solennellement sur mon honneur ce qui suit:

J'ai comme client un Monsieur Steve Foster. J'agis depuis plusieurs années à titre de conseiller en placements. Monsieur Foster détient plusieurs comptes soit, l'un pour son REER, l'un pour son Régime Enregistré d'Épargne Études, l'un pour sa corporation au nom de Steve Foster Inc., un autre personnel et il fut un temps où il avait également un compte REA. Bien que la majorité des comptes en question étaient très actifs c'est-à-dire, qu'il y transigeait de façon constante et régulière, le plus important était celui de sa corporation.

Depuis la fin des années 80 et le début de la décennie 1990, Monsieur Foster détenait dans ses comptes plusieurs actions et warrants de Biochem. D'ailleurs, une grande majorité de ma clientèle détenait des actions de Biochem. Il s'agissait d'un titre qui, selon moi avait un potentiel énorme et grâce à qui j'espérais que mes clients réalisent des gains importants.

Pendant la période des Fêtes de 1990-1991, j'ai rencontré Monsieur Foster et son épouse Lorraine Tremblay. J'ai suggéré à cette dernière d'acquérir des actions de Biochem en lui expliquant les possibilités fort intéressantes d'appréciation du titre de cette entreprise dont les activités étaient à l'époque surtout axées au niveau de la recherche et de la fabrication d'un médicament contre le sida. Selon les informations que je détenais à l'époque, la performance des actions de Biochem devait être excellente. D'ailleurs, pendant cette même période, j'en ai fait acheter à un très grand nombre de mes clients.

Au début de l'année 1991, vers janvier ou février, lors d'une conversation que j'ai eue avec Monsieur Steve Foster, ce dernier m'a mentionné que son épouse Lorraine Tremblay était disposée à acquérir des actions de Biochem. Toutefois, comme Monsieur Foster personnellement de même que sa corporation en détenaient déjà une quantité importante, et qu'il ne tenait pas à augmenter sa position, il fut convenu que sa corporation transfère 9 000 actions de Biochem à Madame Tremblay. De plus, en agissant de cette façon, il n'y avait pas de frais de courtage. Monsieur Foster m'a alors expliqué que pour éviter des complications d'ordre fiscal et administratif, qu'il souhaitait que le transfert ne soit effectué que le 1er mars 1991 soit, au début du nouvel exercice de sa corporation. J'ai noté le tout. Nous étions à l'époque extrêmement occupés d'autant plus que la période des cotisations au REER battait son plein.

Nos clients reçoivent un état de compte mensuel pour tous les comptes qu'ils détiennent. Ils reçoivent habituellement ces états de comptes vers la deuxième semaine du mois suivant. Au cours du mois de mai, lors d'une conversation que j'avais avec Monsieur Foster, il m'informait que son épouse n'avait pas encore reçu le sien. Je lui ai répondu qu'il était normal qu'un tel retard se manifeste. J'ai quand même effectué des recherches et me suis alors aperçu que le transfert n'avait pas été complété puisque Madame Tremblay n'avait pas encore de compte personnel chez Lévesque, Beaubien, Geoffrion. J'étais convaincu avoir remis l'ordre à mon assistante Madame Josée Ouellet. Malheureusement, elle ne pouvait se souvenir de cet ordre. Il faut savoir qu'à l'époque, il s'effectuait des centaines de transactions par semaine à notre bureau. En poussant plus avant mes recherches, j'ai même constaté que j'avais toujours en main la convention de compte sur marge que j'avais fait signer à Madame Tremblay en date du 1er mars 1991. J'étais convaincu qu'une copie de ce document ainsi qu'une demande d'ouverture de compte avaient déjà été transmises antérieurement à notre bureau de Montréal mais je ne peux expliquer comment il se fait que le compte n'avait pas été ouvert plus tôt. J'ai donc fait adresser une nouvelle demande en expliquant d'ailleurs à Monsieur Foster et Madame Tremblay qu'il n'y avait aucun problème au niveau de la date de transaction soit, le 1er mars 1991. Une autre situation semblable s'est d'ailleurs déjà produite pour un autre client au sujet de son REER. Il devait faire une contribution à partir de son compte personnel dans son compte REER. Pour une raison inexpliquée, la transaction n'a pas été exécutée. Après la date limite, il s'est aperçu qu'il n'avait pas reçu sa confirmation de contribution. J'ai pu faire rectifier la situation rétroactivement pour ne pas pénaliser injustement le client en question.

En résumé, j'affirme solennellement que la demande de transfert d'actions m'avait été adressée dès le début de l'année 1991 dans le but d'être concrétisée le 1er mars de la même année. Le retard est donc tout simplement dû à une erreur administrative ou cléricale.

On ne peut malheureusement pas affirmer si cette erreur s'est produite au niveau du bureau de Baie-Comeau, de Chicoutimi ou de Montréal, trajet employé pour de telles procédures administratives chez Lévesque, Beaubien, Geoffrion.

_____________________________

Michel Grenier

Assermenté devant moi

à Baie-Comeau, le

31 octobre 1994

__________________________

Commissaire à l'assermentation

[38] Le témoignage de Madame Lorraine Tremblay manquait de précisions et fut souvent hésitant; néanmoins dans son ensemble, ce témoignage a été cohérent et crédible.

[39] L'épouse de l'appelant, très impliquée dans la gestion de l'entreprise que son conjoint dirigeait et contrôlait, jouait un rôle plutôt passif au niveau des décisions. Son rôle était principalement d'exécuter les instructions de l'appelant sur le plan administratif. Elle n'a sans doute pas pris seule l'initiative de faire l'acquisition des actions, tout comme elle n'a sans doute pas choisi la date du transfert. Par contre, le Tribunal croit qu'elle a bel et bien été partie à la transaction en y donnant son consentement éclairé.

[40] Ne possédant manifestement pas l'expertise ou l'expérience de son conjoint en matière de vente et d'achat d'actions, elle se fiait à ce dernier, ce qui n'a pas pour effet de vicier ou même de diluer son consentement.

[41] Certes certains aspects de son récit peuvent être suspects; je fais notamment référence à sa patience et à sa tolérance exemplaires quant aux délais. Pareille tolérance, j'en conviens, pourrait s'expliquer par une sorte de complicité passive des faits et gestes de son conjoint; celui-ci avait orchestré le moment de la vente de façon à protéger le meilleur des deux mondes. Cette possibilité était d'autant plus réalisable qu'il pouvait compter sur les services d'un courtier peu scrupuleux et prêt à tout pour l'intérêt d'importants clients, dont l'appelant.

[42] Steve Foster a témoigné et donné des explications raisonnables et plausibles à chacune des questions pertinentes. Il a expliqué les origines de la transaction, fait état de l'intérêt de sa conjointe et décrit l'enthousiasme général à l'endroit des actions de Biochem.

[43] Il a aussi précisé que les discussions avaient débuté aux mois de novembre et décembre. Il avait alors indiqué qu'il était dans l'intérêt de la compagnie Steve Foster Expert en Sinistres Inc. que la vente des 9 000 actions se concrétise après la fin de l'année financière de la compagnie le 28 février; la date du 1er mars a donc été la date retenue pour le transfert.

[44] Le courtier responsable de la transaction a indiqué avoir été avisé de la décision des parties quant à la date. Le moment venu, l'appelant et sa conjointe disent avoir donné instruction au courtier de procéder, le tout étant confirmé par une résolution (Pièce A-3) dont le contenu est le suivant :

RÉSOLUTION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE LA COMPAGNIE "STEVE FOSTER EXPERT EN SINISTRES INC."

ADOPTÉE EN DATE DU 1er MARS 1991

IL EST RÉSOLU que la corporation vende à Lorraine Tremblay du 1608 Mélèze, Baie-Comeau, neuf mille (9 000) actions qu'elle détient dans la Compagnie Biochem à leur valeur marchande d'aujourd'hui soit, 15.125 ce qui représente un montant total de Cent trente-six mille cent vingt-cinq dollars (136 125,00 $). Question d'éviter des frais de courtage, la corporation autorise la firme Lévesque, Beaubien, Geoffrion à transférer directement ces 9 000 actions de son compte à celui de Lorraine Tremblay. Cette dernière paiera à la corporation un taux d'intérêt de 12.5 % annuel sur les sommes dues et ce, jusqu'à complet remboursement. Cet intérêt sera payable à tous les trois (3) mois ou à plus courte échéance, dans l'éventualité d'un remboursement du capital.

INSERTION DANS LE LIVRE

IL EST RÉSOLU d'insérer et de conserver un exemplaire de la résolution ci-devant énoncée dans le livre des procès-verbaux et résolutions du conseil d'administration, conformément à l'article 112(2) de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes.

VALIDITÉ

Je, soussigné, déclare être l'administrateur unique de la compagnie, et donc être la seule personne habile à voter lors des assemblées du conseil d'administration. En conséquence, la résolution susmentionnée, signée par moi-même ci-dessous, a la même valeur que si elle avait été adoptée au cours d'une assemblée du conseil d'administration, conformément à l'article 112(1) de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes.

ADOPTÉE ET SIGNÉE à Baie-Comeau, ce 1er mars 1991

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[45] Les formules habituelles furent complétées auprès du courtier; il s'agissait notamment d'une Convention de Cautionnement (Pièce A-7), Convention de Cautionnement (Pièce A-8), Convention de Compte sur Marge (Pièce A-6).

[46] Malgré les instructions, la résolution et les formulaires complétés pour l'ouverture d'un compte au nom de Lorraine Tremblay, rien ne fut transféré au registre du courtier comme en font foi les rapports périodiques des mois d'avril et mai (Pièce A-11). Le transfert apparaissait pour la première fois sur le relevé portant la date du 30 juin 1991; le compte-rendu indique que les 9 000 actions, IAF Biochem Int'l Inc., ont été transférées le 13 juin 1991.

[47] Steve Foster a témoigné à l'effet qu'il avait fait quelques rappels auprès de Michel Grenier. À chaque occasion, ce dernier lui indiquait que c'était normal et habituel et qu'il n'avait pas à être inquiet; ceci avait pour effet de le rassurer et le sécuriser sur la validité de la transaction et cela en date du 1er mars 1991, tel que convenu.

[48] Après quelques mois, devant l'insistance de l'appelant et de son épouse, Grenier fait des vérifications; il constate que rien n'a été initié pour exécuter la volonté des parties quant aux 9 000 actions de la compagnie Biochem. Il réactive le tout et la transaction est finalement enregistrée le 13 juin 1991.

[49] Un transfert d'actions n'est pas une procédure compliquée; il s'agit de transactions généralement plus importantes pour les parties que pour la personne responsable de l'exécution, pour qui il s'agit essentiellement de routine.

[50] En l'espèce, j'avoue avoir certaines réserves quant à la clarté et précision des instructions qui ont pu être données à Grenier. Par contre, eu égard aux nombreuses transactions et aux conversations pratiquement quotidiennes, il m'apparaît vraisemblable que les parties se soient entendues sur la date du transfert et que le courtier ait négligé d'en exécuter les directives. De toute façon, la date d'enregistrement des actions auprès du courtier constitue essentiellement une indication d'une date possible de transfert; ce n'est pas la preuve absolue que le transfert de propriété a été effectué au moment de ce transfert chez le courtier.

[51] La date véritable du transfert de propriété est celle où les deux parties, soient le vendeur et l'acheteur se sont entendues. Il eut été certes préférable que la date d'enregistrement corresponde avec la date du transfert pour éviter tout équivoque et surtout, pour en consolider la réalité.

[52] Le transfert de propriété a fait l'objet d'une résolution en bonne et due forme en date du 1ier mars 1991. Certes cette résolution a pu être préparée et signée ultérieurement. Il n'y a pas de preuve à cet effet et je n'ai pas de raison majeure me commandant de rejeter les explications soumises par l'appelant et sa conjointe. La prépondérance de la preuve est à l'effet que le transfert des actions de la compagnie Biochem a eu lieu le 1ier mars 1991 et non le 13 juin, date où le transfert fut enregistré chez le courtier.

[53] L'appel est donc accueilli en ce que le transfert des 9 000 actions de la compagnie Biochem a eu lieu le 1ier mars 1991.

[54] Conséquemment, l'appel est accueilli en partie et les cotisations déférées au ministre du Revenu national pour un nouvel examen et nouvelles cotisations en prenant pour acquis que l'appelant a bel et bien reçu à titre d'avantage octroyé à un actionnaire pour les années d'imposition 1991 et 1992 les montants que la compagnie a payés en son nom conséquent à ses cautionnements personnels et en prenant également pour acquis que le transfert des 9 000 actions de la compagnie I.A.F. Biochem Inc. a eu lieu le 1er mars 1991 et non le 13 juin 1991, le tout sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de décembre 1998.

“ Alain Tardif ”

J.C.C.I.

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