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Date: 19980422

Dossier: 92-2898-IT-G

ENTRE :

216663 ONTARIO LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] Pendant toute la période pertinente, l'appelante possédait toutes les actions émises et en circulation de 434908 Ontario Inc. (ci-après appelée « Co. 98 » ). Le 1er février 1998, l'appelante a vendu toutes les actions qu'elle détenait dans Co. 908 à un acheteur sans lien de dépendance pour la somme symbolique de 100 $. Au moment de cette vente, l'appelante a subi une perte en capital de plus de 1 000 000 $. Cela étant, elle a déclaré une « perte au titre d'un placement d'entreprise » et une « perte déductible au titre d'un placement d'entreprise » (la « PDTPE » ) au sens des alinéas 39(1)c) et 38c) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1988 (exercice ayant pris fin le 31 mars), l'appelante a déduit une partie de la PDTPE. Dans le calcul de son revenu imposable pour son année d'imposition 1989, l'appelante a déduit une autre partie de cette PDTPE en tant que « perte autre qu'en capital » .

[2] Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé la déduction de tout montant à titre de PDTPE pour le motif qu'en ce qui concerne la perte subie au moment de la vente des actions de Co. 908, l'appelante pouvait raisonnablement être considérée comme ayant occasionné cette perte de façon artificielle ou indue au sens du paragraphe 55(1) de la Loi. Il s'agit ici de savoir si le paragraphe 55(1) de la Loi s'applique à « une ou plusieurs opérations » qui ont abouti à la vente par l'appelante des actions qu'elle détenait dans Co. 908 le 1er février 1988. Les années d'imposition 1988 et 1989 sont ici en cause.

[3] L'appelante et Co. 908 faisaient partie d'un groupe de corporations qui exploitaient un certain nombre de maisons de soins infirmiers en Ontario. Chaque maison de soins infirmiers était exploitée par une corporation distincte. Le groupe de corporations était contrôlé par une famille. À la suite de gros problèmes familiaux, en 1984, il a été décidé de vendre l'entreprise. Après avoir réfléchi de la façon habituelle à la question de savoir si c'étaient les actions ou les actifs qui devaient être vendus, le groupe de corporations a conclu une convention sans lien de dépendance en vue de vendre tous les actifs des maisons de soins infirmiers pour un montant global de 18 930 000 $. La convention de vente a été conclue le 25 octobre 1985. Chaque corporation qui possédait des actifs de ces maisons de soins infirmiers a reçu une partie du produit global de la vente. Le produit a été réparti entre les diverses corporations compte tenu des licences détenues par la maison de soins infirmiers, des bâtiments, des biens-fonds et d'autres biens corporels. Il n'y a pas eu de conflit entre les parties au sujet de la répartition du produit de la vente entre les différentes corporations.

[4] Chaque corporation a déclaré la vente respective de ses actifs dans sa déclaration de revenu pour l'exercice ayant pris fin le 31 mars 1986 et a payé l'impôt établi. Une fois l'impôt payé, chaque corporation avait un excédent de caisse. Selon la pièce A-2, l'appelante était au haut de la chaîne de corporations, comme si elle était une compagnie mère et les autres compagnies ses filiales. Après que des comptables et des avocats eurent été consultés, on a élaboré un plan en vue de transférer tous les excédents de caisse à l'appelante, qui était au haut de la chaîne de compagnies. La pièce A-6 est un mémoire des comptables agréés de l'appelante montrant que le plan a minutieusement été élaboré. Cet appel ne porte que sur la partie du plan qui donnait lieu au transfert de fonds de Co. 908 à l'appelante et sur la perte qui en a résulté pour l'appelante lorsqu'elle a vendu les actions qu'elle détenait dans Co. 908.

[5] Le 28 octobre 1986, Co. 908 a obtenu des statuts de modification (pièce R-24) autorisant un nombre illimité d'actions de la catégorie B sans valeur nominale, mais dont le prix de rachat était de mille dollars (1 000 $) l'action. Le 26 février 1987, l'appelante a souscrit à 4 979 actions de la catégorie B de Co. 908 au prix d'une cent (0,01 $) l'action seulement, soit une contrepartie totale de 49,79 $. Voir la pièce R-26. Le même jour, la souscription de l'appelante a été acceptée par les administrateurs de Co. 908 (pièce R-28) et 4 979 actions de la catégorie B de Co. 908 ont été attribuées à l'appelante moyennant le paiement d'une somme de 49,79 $.

[6] Les pièces R-29, R-30 et R-31 sont des copies de trois résolutions que les administrateurs de Co. 908 ont signées et adoptées le 26 février 1987 en vue du rachat, respectivement et en ordre, de 3 762 actions de la catégorie B, de 50 actions de la catégorie B et de 13 actions de la catégorie B. Les résolutions précisaient que les rachats devaient avoir lieu le 27 février 1987. Par suite du rachat de ces actions de la catégorie B, Co. 908 a versé les montants suivants à l'appelante :

3 762 actions de la catégorie B 3 762 000 $

50 actions de la catégorie B 50 000 $

13 actions de la catégorie B 13 000 $

3 825 actions de la catégorie B 3 825 000 $

[7] En vertu du paragraphe 84(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), lorsqu'une corporation telle que Co. 908 rachète une action et verse à son actionnaire une somme en sus du capital versé relatif à cette action, l'excédent est réputé être un dividende. Le capital versé relatif à chaque action de la catégorie B n'était que d'une cent. En ce qui concerne les rachats susmentionnés, l'appelante était donc réputée recevoir des dividendes s'élevant en tout à 3 825 000 $. Co. 908 a fait un choix en vertu du paragraphe 83(2) de la Loi en vue de désigner le total des dividendes, de 3 825 000 $, à titre de dividendes en capital, et ces dividendes ont été ainsi déclarés par l'appelante dans sa déclaration de revenu pour l'exercice ayant pris fin le 31 mars 1987 (pièce R-2).

[8] Co. 908 a également racheté les 1 154 autres actions de la catégorie B à 1 000 $ l'action, de sorte que l'appelante a reçu un autre dividende réputé de 1 154 000 $. Il s'agissait d'un dividende imposable ordinaire et non d'un dividende en capital. Les 1 154 autres actions de la catégorie B n'avaient peut-être pas été toutes rachetées le 27 février 1987 parce que l'appelante a déclaré un dividende imposable de 1 087 486 $ dans sa déclaration de revenu de 1987 (pièce R-2), ce qui montre que 1 087 actions de la catégorie B seulement ont été rachetées avant le 31 mars 1987. De plus, dans une lettre que Revenu Canada a envoyée à l'appelante le 21 novembre 1991 (pièce R-53), il est dit que l'appelante a déclaré un dividende imposable de 66 464 $ dans son année d'imposition 1988 dans le cadre du rachat des 1 154 autres actions de la catégorie B, ce qui montre que 66 actions de la catégorie B ont été rachetées après le 31 mars 1987. Si l'on additionne 1 087 486 $ et 66 464 $, on obtient 1 153 950 $; ce total est inférieur de 50 $, au montant de 1 154 000 $ versé à l'égard du rachat des 1 154 autres actions de la catégorie B. La différence de 50 $ pourrait être le capital versé (49,79 $) pour les 4 979 actions de la catégorie B qui ont initialement été émises.

[9] Par suite de l'émission et du rachat des actions de la catégorie B, Co. 908 a versé à l'appelante un montant de 4 979 000 $ au moyen de sommes qui étaient essentiellement (sauf pour les 49,79 $) réputées être des dividendes versés à l'appelante. Le transfert de ces fonds de Co. 908 à l'appelante au moment de l'émission et du rachat des actions de la catégorie B a réduit de beaucoup la valeur des autres actions de Co. 908 (les actions ordinaires et les actions de la catégorie A) détenues par l'appelante. Le prix de base rajusté (le « PBR » ) des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908 détenues par l'appelante était d'environ 1 900 000 $ (transcription, pages 35 et 36). Lorsqu'elle a vendu les actions ordinaires et les actions de la catégorie A qu'elle détenait dans Co. 908 pour la somme de 100 $ le 1er février 1988, dans le cadre d'une opération sans lien de dépendance, l'appelante a subi une perte de plus de 1 000 000 $ et a déduit une « perte au titre d'un placement d'entreprise » et une PDTPE correspondantes.

[10] Les parties conviennent que les calculs de la PDTPE figurant aux alinéas 9l) et 9m) de la réponse de l'intimée ne sont pas exacts. Selon une déclaration de l'avocat de l'appelante (page 40 de la transcription), l'appelante et l'intimée ont convenu que, si l'appelante a le droit de déduire une PDTPE à l'égard de la vente des actions qu'elle détenait dans Co. 908, le montant de cette PDTPE serait de 791 415 $. L'avocat de l'intimée n'a rien dit lorsque l'avocat de l'appelante a fait cette déclaration. Quoi qu'il en soit, on ne me demande pas ici de déterminer le montant d'une PDTPE. Il s'agit uniquement de savoir si, dans ses années d'imposition 1988 et 1989, l'appelante peut déduire une partie de la PDTPE qu'elle affirme avoir subie au moment de la vente des actions qu'elle détenait dans Co. 908, le 1er février 1988.

[11] En passant, toute la PDTPE qui est subie par un contribuable dans une année d'imposition particulière, mais qui n'est pas absorbée par un autre revenu cette année-là en vertu de l'alinéa 3d) de la Loi, ou toute fraction de cette PDTPE, est incorporée dans la « perte autre qu'en capital » du contribuable au sens de l'alinéa 111(8)b) de la Loi. Cette perte autre qu'en capital peut, dans certains délais prévus à l'alinéa 111(1)a), être déduite dans le calcul du revenu imposable des années antérieures ou postérieures.

[12] En établissant les cotisations ici en cause, le ministre s'est fondé sur les paragraphes 55(1) et 112(3) de la Loi :

55(1) Aux fins de la présente sous-section, lorsque les circonstances dans lesquelles ont été effectuées une ou plusieurs opérations de vente ou d'échange, ou autres transactions de quelque nature que ce soit, permettent de croire raisonnablement que le contribuable a disposé d'un bien de façon à artificiellement ou indûment

a) réduire le montant de son gain résultant de la disposition,

b) occasionner une perte résultant de la disposition, ou

c) augmenter le montant de sa perte résultant de la disposition,

le gain ou la perte du contribuable, selon le cas, résultant de la disposition du bien, est calculée comme si une telle réduction, perte ou augmentation, selon le cas, ne s'était pas produite.

112(3) Lorsqu'une corporation possède une action qui est un bien en immobilisation et reçoit un dividende imposable, un dividende en capital ou un dividende en capital d'assurance-vie à l'égard de cette action, le montant de toute perte de la corporation découlant d'opérations relatives à l'action sur laquelle le dividende a été reçu est réputé être, à moins qu'il ne soit prouvé par la corporation

a) qu'elle a possédé l'action pendant 365 jours ou plus avant de subir la perte, et

b) que la corporation et des personnes avec lesquelles elle avait un lien de dépendance ne possédaient pas, dans l'ensemble, à la date où le dividende a été reçu, plus de 5% des actions émises d'une catégorie du capital-actions de la corporation de laquelle le dividende a été reçu.

le montant de cette perte, déterminé par ailleurs, moins le total de tous les montants dont chacun représente un montant reçu par la corporation à l'égard

c) d'un dividende imposable sur l'action, dans la mesure où le montant en était déductible du revenu de la corporation pour une année d'imposition quelconque, en vertu du présent article ou du paragraphe 138(6), et n'était pas un montant sur lequel la corporation devait payer un impôt en vertu de la Partie VII de la présente loi, telle qu'elle était libellée au 31 mars 1977,

d) un dividende en capital sur l'action, ou

e) un dividende en capital d'assurance-vie sur l'action.

[13] Le paragraphe 112(1) de la Loi permet à une corporation qui reçoit un dividende imposable d'une corporation canadienne imposable de déduire le montant du dividende dans le calcul de son revenu imposable. Cette disposition est importante parce qu'elle permet les mouvements libres d'impôt de dividendes entre des corporations canadiennes. Le paragraphe 112(3) impose une restriction sur le montant de toute perte résultant de la disposition d'une action. Si je comprends bien le paragraphe 112(3), lorsque la corporation X possède une action de la corporation Y (cette action étant un bien en immobilisation) et qu'elle vend cette action à perte, le montant de la perte pour la corporation X est réduit du dividende imposable ou du dividende en capital que la corporation X a reçu de la corporation Y à l'égard de cette action.

[14] L'appelante reconnaît en toute honnêteté que les actions de la catégorie B de Co. 908 ont été créées, émises et rachetées en vue d'éviter l'effet du paragraphe 112(3). Si Co. 908 avait déclaré, choisi et payé à l'égard de ses actions ordinaires et de ses actions de la catégorie A un dividende en capital de 3 825 000 $ (voir les paragraphes 6 et 7 ci-dessus), et si elle avait déclaré et payé à l'égard de ses actions ordinaires et de ses actions de la catégorie A un dividende imposable de 1 154 000 $ (voir le paragraphe 8 ci-dessus), et si l'appelante avait vendu ces actions ordinaires et ces actions de la catégorie A après avoir reçu pareils dividendes, toute perte résultant de la vente aurait été réduite (conformément au paragraphe 112(3)) des montants du dividende en capital et du dividende imposable. Le PBR des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908 pour l'appelante était de 1,9 million de dollars. Par conséquent, si les deux dividendes susmentionnés avaient été versés à l'appelante à l'égard des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908, ces deux dividendes sont si importants que le paragraphe 112(3) aurait empêché l'appelante de subir une perte au moment de la disposition des actions ordinaires et des actions de la catégorie A qu'elle détenait dans Co. 908.

[15] L'appelante savait qu'elle devait retirer environ 4,9 millions de dollars de Co. 908 si elle voulait subir la perte maximale au moment de la disposition des actions ordinaires et des actions de la catégorie A qu'elle détenait dans Co. 908. Elle a décidé que les nouvelles actions de la catégorie B qu'elle détenait dans Co. 908 seraient le véhicule permettant de retirer les 4,9 millions de dollars de Co. 908 sans influer sur le PBR des actions ordinaires et des actions de la catégorie A qu'elle détenait dans Co. 908 et sans que le paragraphe 112(3) ait pour effet de réduire le montant de toute perte « déterminé par ailleurs » que l'appelante pourrait subir au moment de la disposition de ces actions ordinaires et de ces actions de la catégorie A. Comme il en est fait mention aux paragraphes 7 et 8 ci-dessus, par suite du rachat des actions de la catégorie B, Co. 908 a versé à l'appelante et l'appelante a reçu un dividende en capital réputé de 3 825 000 $ et un dividende imposable réputé de 1 153 950 $.

[16] Je conclus que les actions de la catégorie B de Co. 008 ont été créées et émises en faveur de l'appelante, puis rachetées aux fins suivantes :

(i) en vue de permettre le retrait de 4,9 millions de dollars de Co. 908 sans payer de dividendes à l'égard des actions ordinaires ou des actions de la catégorie A de Co. 908;

(ii) en vue de réduire la juste valeur marchande des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908 au moyen du retrait des 4,9 millions de dollars;

(iii) en vue d'éviter une réduction du PBR des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908 détenues par l'appelante;

(iv) en vue de permettre à l'appelante de subir une perte au moment de la disposition des actions ordinaires et des actions de la catégorie A qu'elle détenait dans Co. 908;

(v) en vue d'éviter toute réduction de pareille perte aux fins de l'impôt sur le revenu par suite de l’application du paragraphe 112(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[17] Il est certain que l'utilisation des actions de la catégorie B de Co. 908 a permis à l'appelante de recevoir 4,9 millions de dollars de Co. 908 sur une base libre d'impôt (au moyen de l'application des paragraphes 83(2) et 112(1)), et d'éviter l'application du paragraphe 112(3) de façon à réduire le montant de toute perte « déterminé par ailleurs » résultant de la disposition par l'appelante des actions ordinaires et des actions de la catégorie A qu'elle détenait dans Co. 908. L'utilisation des actions de la catégorie B de Co. 908 ainsi que la disposition subséquente des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908 ont-elles pour effet d'assujettir l'appelante au paragraphe 55(1)? Je répéterai ce qui, selon moi, est le passage le plus pertinent du paragraphe 55(1) :

55(1) [...] lorsque les circonstances dans lesquelles ont été effectuées une ou plusieurs opérations de vente [...] ou autres transactions de quelque nature que ce soit, permettent de croire raisonnablement que le contribuable a disposé d'un bien de façon à artificiellement ou indûment

a) [...]

b) occasionner une perte résultant de la disposition, [...]

c) [...]

[...] la perte du contribuable, [...], résultant de la disposition du bien, est calculée comme si une telle [...] perte [...] ne s'était pas produite.

[18] L'utilisation des actions de la catégorie B à elle seule n'a pas permis à l'appelante de subir une perte de quelque genre que ce soit. Pour subir une perte, l'appelante devait conclure la vente sans lien de dépendance des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908 le 1er février 1988 pour la somme symbolique de 100 $. Étant donné qu'elle a subi une perte en capital de plus de 1 000 000 $, l'appelante a déduit une PDTPE; les parties semblent convenir que si l'appelante a le droit de déduire un montant à titre de PDTPE, le montant de cette PDTPE est de 791 415 $.

[19] Si les actions de la catégorie B n'avaient jamais été créées, l'appelante aurait pu vendre les actions ordinaires et les actions de la catégorie A de Co. 908 en février 1987 pour la somme d'environ 4,9 millions de dollars. Après avoir déduit le PBR de 1,9 million de dollars, l'appelante aurait réalisé un gain en capital d'environ 3 millions de dollars. Cela ne s'est pas produit. Les opérations décrites ci-dessus ont eu pour effet de réduire à environ 100 $ la juste valeur marchande des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908; et les actions ont été vendues pour cette somme le 1er février 1988. Compte tenu du PBR de 1,9 million de dollars, l'appelante a subi une perte en capital de plus de 1 000 000 $.

[20] Compte tenu du libellé du paragraphe 55(1), je suis convaincu que les mesures prises par l'appelante et par Co. 908, lorsqu'elles ont créé les actions de la catégorie B, qu'elles y ont souscrit, et qu'elles les ont émises, puis rachetées, étaient des « transactions de quelque nature que ce soit » . De plus, la vente sans lien de dépendance que l'appelante a conclue pour la somme de 100 $ le 1er février 1988 était une transaction. L'appelante est donc visée par le début de l'alinéa 55(1)b) en ce sens que

les circonstances dans lesquelles ont été effectuées une ou plusieurs transactions, permettent de croire raisonnablement que l'appelante a disposé des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908 de façon à occasionner une perte résultant de la disposition.

[21] La question cruciale est celle de savoir s'il est raisonnable de croire que l'appelante a « artificiellement ou indûment » occasionner la perte. Dans l'arrêt The Queen v. Nova Corporation of Alberta, 97 DTC 5229, la Cour d'appel fédérale a décidé que le paragraphe 55(1) ne s'appliquait pas à certaines pertes en capital subies par la contribuable. En rendant jugement au nom de la majorité, le juge McDonald a dit ceci à la page 5236 :

Le paragraphe 55(1) n'est pas une disposition anti-évitement étendue. Sa portée ne peut aller au-delà de son sens ordinaire en l'absence de toute ambiguïté. Il ressort d'une simple lecture de ce paragraphe que, pour qu'il s'applique, le contribuable doit agir d'une manière quelconque. C'est-à-dire qu'il doit réellement faire quelque chose pour influencer la perte qu'il subit au moment de la disposition du bien en question. Comme je l'ai expliqué, cela consiste à modifier soit le PBR soit le produit de la disposition. En l'espèce, la contribuable n'a rien fait pour modifier ces chiffres. Elle a hérité du PBR des actions, et il y a eu disposition de ces dernières à leur valeur marchande, qui n'était rien. Les pertes que la contribuable a déclarées découlent du PBR dont elle a hérité, et cela était dû à l'application de la Loi. La contribuable n'a rien fait d'autre que de se prévaloir des dispositions, telles qu'elles existaient à l'époque.

[22] Si le contribuable « doit réellement faire quelque chose pour influencer la perte qu'il subit » , je conclurais sans aucun doute que l'appelante en l'espèce a fait quelque chose pour influencer sa perte. Elle a retiré 4,9 millions de dollars de Co. 908 uniquement afin de réduire la juste valeur marchande des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908 (qui étaient toutes détenues par l'appelante) de 4,9 millions de dollars à la somme symbolique de 100 $. En ce qui concerne la perte relative à la disposition des actions ordinaires et des actions de la catégorie A, l'appelante n'a rien fait pour modifier le PBR, pour elle, de ces actions, mais elle a fait quelque chose de vraiment important en vue de modifier la juste valeur marchande et le produit de disposition en résultant au moment de la vente de ces actions.

[23] Dans l'affaire Nova, le contribuable avait versé une somme de 1 237 500 $ dans le cadre d'une opération sans lien de dépendance en vue d'acheter l'unique action de Co. 842 dont le seul actif était un bloc d'actions dans Co. A, dont le PBR était de 16 500 000 $ pour Co. 842 et la juste valeur marchande à peu près nulle. Au moment de la dissolution de Co. 842, Nova avait acquis le bloc d'actions de Co. A et avait « hérité » de Co. 842 le PBR de 16 500 000 $. Nova avait hérité du PBR élevé du bloc d'actions de Co. A par suite de l'application de l'article 88 de la Loi. Au moment de la vente du bloc d'actions de Co. A, Nova avait subi une perte élevée. Nova n'a pas « réellement [fait] quelque chose » pour influencer sa perte parce que le PBR et la juste valeur marchande du bloc d'actions de Co. A n'avait pas changé après que Nova les eut acquises.

[24] Lorsque l'affaire Nova a été tranchée par cette cour (95 DTC 599), le juge Rip a admis l'appel et a également conclu que Nova n'avait pas réellement fait quelque chose pour influencer sa perte. Voici ce qu'il a dit, à la page 608 :

[...] Le transfert du prix de base rajusté d'une filiale d'un niveau à une filiale d'un autre niveau, dont se plaint l'avocat de l'intimée, a eu lieu à un moment où Carma contrôlait ces filiales. Carma a offert à Nova les actions privilégiées d'Allarco sur un plateau d'argent, avantages fiscaux compris.

Carma a pris des mesures en vue de faciliter le transfert de la perte en capital attribuable aux actions privilégiées d'Allarco à des personnes avec lesquelles elle n'avait pas de lien de dépendance, dont Nova. Nova n'a rien à voir avec quelque opération ayant mené à l'acquisition par 842 d'un actif dont la valeur marchande était peu élevée et dont le prix de base rajusté était élevé, soit les actions privilégiées d'Allarco. [...]

[25] À mon avis, l'appelante a en réalité fait quelque chose pour influencer sa perte. Elle a souscrit aux actions de la catégorie B et elle a ensuite fait en sorte que Co. 908 (sa filiale possédée en propriété exclusive) rachète ces actions. Avant l'émission et le rachat des actions de la catégorie B, la juste valeur marchande des actions ordinaires et des actions de la catégorie A était d'environ 4,9 millions de dollars. Après l'émission et le rachat des actions de la catégorie B, la juste valeur marchande des actions ordinaires et des actions de la catégorie A n'était que 100 $. Les faits de la présente espèce peuvent facilement être distingués de ceux de l'affaire Nova.

[26] Pour en revenir à la décision rendue par cette cour dans l'affaire Nova, le juge Rip a dit ceci, à la page 607 :

Ce n'est pas l'opération ou les opérations elles-mêmes qui sont décrites comme factices au paragraphe 55(1). Les opérations peuvent être, et sont souvent, réelles. Toutefois, si, par suite des opérations, le montant du gain du contribuable résultant de la disposition est réduit, si une perte résultant de la disposition est occasionnée ou si le montant de la perte résultant de la disposition est augmenté, le contribuable peut alors être assujetti au paragraphe 55(1). En d'autres termes, pour que le paragraphe 55(1) s'applique, c'est la perte ou l'augmentation de la perte qui doit être factice ou indue.

[27] Dans l'arrêt Spur Oil Ltd. v. The Queen, 81 DTC 5168, le juge Heald a rendu jugement au nom de la Cour d'appel fédérale qui avait accueilli l'appel interjeté par la contribuable et avait refusé d'appliquer l'article 137 de la Loi de l'impôt sur le revenu telle qu'elle existait avant 1972. À la page 5173, le juge a fait les remarques suivantes au sujet des mots « indu » et « artificial » (factice) :

Ma première observation sur cette prétention est que la constatation du caractère factice des opérations considérées n'appelle pas, en soi, l'interdiction visée au paragraphe 137(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, susmentionné. Pour tomber sous le coup de ce paragraphe, le déboursé ou la dépense reprochés doivent être de nature à réduire indûment ou de façon factice le revenu. Le mot « indu » dans ce contexte doit être entendu dans le sens de « excessif » que donnent les dictionnaires. [...] Quant à l'adjectif « artificial » (factice), le sens que lui donnent les dictionnaires, lorsqu'on l'utilise dans le présent contexte, est, à mon avis, « simulated » (simulé) ou « fictitious » (fictif).

Si j'adopte le point de vue précité exprimé par le juge Rip dans la décision Nova, en ce qui concerne le paragraphe 55(1), ce ne sont pas les transactions qui peuvent être réelles plutôt que factices, mais c'est le résultat (soit en l'espèce une perte élevée) découlant de ces transactions qu'il faut apprécier afin de déterminer si ce résultat (la perte) a « artificiellement ou indûment » été occasionné. De plus, si l'on adopte les synonymes mentionnés dans l'arrêt Spur Oil, il faut se demander si la perte en l'espèce était simulée, fictive ou excessive.

[28] Le 1er février 1987, l'appelante détenait des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908 dont la juste valeur marchande était d'environ 4,9 millions de dollars et dont le PBR pour l'appelante était d'environ 1,9 million de dollars. Un an plus tard, le 1er février 1988, l'appelante a vendu ces mêmes actions ordinaires et actions de la catégorie A de Co. 908 pour la somme de 100 $, ce qui représentait leur juste valeur marchande à ce moment-là. S'il est tenu compte de ces deux faits isolément, indépendamment de toutes les autres opérations, l'appelante semble avoir subi une perte élevée parce que son PBR n'a pas changé dans les 12 mois qui se sont écoulés dans l'intervalle. Toutefois, l'appelante a-t-elle réellement subi une perte? En réalité, elle n'a pas subi de perte financière puisque, entre les deux dates susmentionnées (soit le 1er février 1987 et le 1er février 1988), elle avait retiré 4,9 millions de dollars de Co. 908 sur une base libre d'impôt; or, c'était le retrait des 4,9 millions de dollars qui avait eu pour effet de réduire à 100 $ seulement la juste valeur marchande des actions ordinaires et des actions de la catégorie A.

[29] Je ne puis m'empêcher de conclure que la perte que l'appelante a occasionnée au moment de la disposition des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908 était à la fois artificielle et indue. Elle était artificielle (c'est-à-dire simulée ou factice) en ce cens que la vente des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908 le 1er février 1988, si l'on y ajoute l'émission et le rachat des actions de la catégorie B, n'a pas du tout donné lieu à une perte, mais à un avantage financier important pour l'appelante. Elle était indue (c'est-à-dire excessive) en ce sens qu'on a permis à l'appelante de déclarer une perte élevée alors qu'en fait elle avait réalisé un gain important.

[30] Dans l'affaire The Queen v. Central Supply Company (1972) Limited et al, 97 DTC 5295, la Cour d'appel fédérale a examiné l'application du paragraphe 245(1) à certaines sociétés en commandite qui s'occupaient de financer des travaux d'exploration pétrolière et gazière. Le juge Linden, qui a rendu jugement au nom de la majorité, a dit ceci, à la page 5301 :

Cependant, la Cour a eu récemment l'occasion de réfléchir sur l'application du paragraphe 245(1) dans La Reine c. Fording Coal. En appliquant le paragraphe 245(1) à des déductions faites par un contribuable pour des frais cumulatifs d'exploration au Canada et des frais d'aménagement au Canada (FAC), le juge Strayer, s'exprimant en son nom et au nom du juge Décary, a énoncé trois facteurs pertinents à la question de savoir si un contribuable a réduit indûment ou de façon factice son revenu. Il s'agit de savoir tout d'abord si la déduction revendiquée est contraire à l'objet et à l'esprit de la disposition de la Loi; deuxièmement, si la déduction est fondée sur une « opération ou convention échappant aux habitudes normales du commerce » et, troisièmement, si l'opération a un objet commercial véritable. Le juge Strayer, se conformant à Stubart, a pris soin de qualifier l'importance de l'objet commercial véritable en déclarant que, bien que ce fait ne constitue pas « le facteur déterminant du caractère factice de la déduction » , il « doit certainement entrer en ligne de compte » .

[31] Si ces trois facteurs sont pertinents lorsqu'il s'agit de déterminer si une perte a été occasionnée artificiellement ou indûment au sens du paragraphe 55(1), cela renforce ma conclusion. Les transactions concernant les actions de la catégorie B sont contraires à l'objet et à l'esprit du paragraphe 55(1) parce que, dans l'arrêt Nova, le juge McDonald (au nom de la majorité) et le juge Desjardins (en dissidence) ont tous les deux dit qu'il s'agissait d'une disposition anti-évitement : le juge McDonald a dit que ce « n'[était] pas une disposition anti-évitement étendue » . Voir la page 5236. De plus, les transactions concernant les actions de la catégorie B échappaient aux habitudes normales du commerce. Enfin, il n'existait aucun objet commercial véritable en ce qui concerne l'émission et le rachat des actions de la catégorie B.

[32] L'intimée a soutenu que le paragraphe 55(2) de la Loi s'appliquait, mais dans l'argumentation, l'avocat de l'intimée a renoncé à toute tentative d'appliquer cette disposition. Rien ne montre que les cotisations ici en cause pour les années 1988 et 1989 aient été de quelque façon fondées sur l'application du paragraphe 55(2). Je n'examinerai pas la question de l'application possible de cette disposition.

[33] Dans les plaidoiries de l'intimée, il est allégué, au paragraphe 9, que le ministre du Revenu national a présumé certains faits lorsqu'il a établi les cotisations pour les années d'imposition ici en cause, et notamment les faits suivants :

[TRADUCTION]

9e) le 26 février 1987, 434908 a consenti à ce que l'appelante souscrive à 4 979 actions de la catégorie B moyennant une contrepartie de 0,10 $ l'action, soit un montant de 49,79 $ en tout;

9f) le même jour, l'appelante a censément souscrit à 4 979 actions de la catégorie B de 434908;

9g) l'appelante n'a versé aucune somme à l'égard des actions en question;

9h) le 26 février 1987, 434908 a racheté les 4 979 actions qui avaient censément été émises en faveur de l'appelante pour la somme de 4 979 000 $, ce qui a donné lieu à des dividendes réputés conformément au paragraphe 84(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, lesquels s'élevaient au même montant;

[34] Étant donné que le ministre a présumé que l'appelante n'avait pas payé le prix de souscription (49,79 $) pour les 4 979 actions de la catégorie B, il incombait à l'appelante de prouver quelle l'avait payé. Pour ce faire, l'appelante a appelé à témoigner Joan Phillips, comptable de profession qui, pendant les années 1980, exerçait sa profession dans le secteur public. À partir de mai 1986, Mme Phillips s’est occupée de toute la tenue de livres et de toute la comptabilité du groupe de compagnies de l'appelante, qui n'étaient pas exploitées à ce moment-là parce que l'entreprise et ses actifs avaient été vendus en octobre 1985. Mme Phillips était au courant du plan que des avocats et un cabinet comptable d’envergure nationale avaient élaboré pour le compte de l'appelante et de ses compagnies en vue de minimiser les impôts à payer à la suite de la vente de l'entreprise, mais elle n'était pas responsable de la mise en oeuvre de ce plan.

[35] Il n'est pas facile de répondre à la simple question de savoir si l'appelante a payé la somme de 49,79 $ pour les actions de la catégorie B. Plus précisément, le 26 février 1987 ou vers cette date, l'appelante n'a émis en faveur de Co. 908 aucun chèque de 49,79 $ (ou d'un montant similaire) qui puisse être attribué au paiement des actions de la catégorie B. On n'a pas non plus déposé un montant de 49,79 $ dans le compte bancaire de Co. 908 le 26 février 1987 ou vers cette date et aucun reçu n'a été remis à l'appelante à cet égard. À mon avis, cela était un oubli sérieux. Lorsque le contribuable, en se fondant sur des conseils compliqués, conclut une série de transactions commerciales pour atteindre un résultat qui l'avantage sur le plan fiscal, il est important que toutes les transactions soient bien documentées et que des documents appropriés attestent les transactions essentielles. Dans l'arrêt The Queen v. Friedberg, 92 DTC 6031, le juge Linden a dit ceci, à la page 6032 : « En droit fiscal, la forme a de l'importance. » Il me semble que l'appelante aurait dû s'empresser d'établir qu'elle a payé les actions de la catégorie B puisque ces actions étaient ce sur quoi était fondé le retrait d'un montant de 4,9 millions de dollars de Co. 908.

[36] La preuve présentée par Joan Phillips à l'égard du paiement des actions de la catégorie B n'était certainement pas concluante. Dans un document intitulé : « Liste du grand livre » (faisant partie de la pièce R-46), Mme Phillips a identifié le chèque no 2000 de 830 727,63 $ que l'appelante avait émis en faveur de Co. 908 le 25 février 1987. Ce chèque a été déposé dans le compte bancaire de Co. 908 le 2 mars 1987. Mme Phillips a déclaré qu'il y avait de nombreux prêts entre l'appelante et les six ou sept autres compagnies du groupe (y compris Co. 908) et que, de temps en temps, certains des prêts étaient remboursés au moyen de l'émission d'un chèque d'un montant élevé. C'était le cas du chèque no 2000. Mme Phillips croit que le montant de 49,79 $ était l'un des nombreux éléments constituant le montant global de 830 727,63 $, mais elle ne disposait pas de documents de travail ou d'autres documents lui permettant d'identifier les éléments qui formaient ce montant global.

[37] L'intimée a appelé à témoigner John Bradley, vérificateur à Revenu Canada. La Section de l'évitement fiscal du bureau du district de London, à Revenu Canada, avait demandé à M. Bradley d'effectuer une vérification spéciale de l'appelante et de Co. 908 uniquement à l'égard du paiement des actions de la catégorie B. M. Bradley a rencontré Joan Phillips et a préparé un questionnaire (pièce R-46) dans lequel il demandait des documents établissant que l'appelante avait payé le montant de 49,79 $ à l'égard des actions de la catégorie B. Le 1er août 1989 ou vers cette date, Joan Phillips a signé la pièce R-46, qui disait ceci :

[TRADUCTION]

En février 1987, 216663 Ontario Ltd. a émis un chèque de 830 727,63 $ en faveur de 434908 Ontario Inc. Le montant de 49,79 $ se rapportant à l'achat des 4979 actions de la catégorie B était inclus dans le montant de ce chèque. Les actifs de 434908 Ontario Inc. ont subséquemment été transférés à 216663 Ontario Ltd. lorsque ces actions ont été rachetées.

Je ne dispose d'aucun chèque précis ou d'aucune inscription précise se rapportant à ce montant.

Si Mme Phillips ne disposait d'aucun « chèque précis ou d'aucune inscription précise » en août 1989, soit à une date beaucoup plus rapprochée de celle à laquelle la transaction elle-même a été conclue, le 26 février 1987, je conclus qu'elle émettait une hypothèse en disant que le montant de 49,79 $ devait être inclus dans le chèque no 2000. De plus, si 66 des actions de la catégorie B ont été rachetées après le 31 mars 1987 (voir le paragraphe 8 ci-dessus), les états financiers de Co. 980 au 31 mars 1987 auraient dû indiquer un capital versé à l'égard des actions de la catégorie B. Mme Phillips a déclaré que les actions de la catégorie B peuvent uniquement avoir été payées au moyen d'une inscription dans le journal parce qu'elle croyait qu'elles avaient toutes été émises et rachetées en moins de deux jours.

[38] La vérification que M. Bradley a effectuée nuit davantage à l'allégation selon laquelle l'appelante avait payé les actions de la catégorie B. À la page 6 de la pièce R-46, M. Bradley a analysé le compte intercompagnies du groupe de compagnies de l'appelante. Il a dit que le compte intercompagnies formait une entité distincte — que c'était comme une banque pour le groupe de compagnies. Le 31 janvier 1987, le compte intercompagnies devait une somme de 5 105 922 $ à Co. 908. À la page 3 de la pièce R-46, M. Bradley a tenté d'effectuer un rapprochement à l'égard de la créance de Co. 908 (5 105 922 $). Il a ajouté quatre montants de la page 6 pour en arriver à un total de 4 118 304 $ (dont le chèque no 2000 de 830 727 $). Lorsque ce total est soustrait de la créance de Co. 908, de 5 105 922 $, le solde de 987 618 $, à la page 3, se rapproche de l'inscription d'un montant de 987 355 $ figurant à la page 6 à l'égard du montant net de la créance de Co. 908 au 28 février 1987. La différence de 262 $ seulement (987 618 $ — 987 355 $) pourrait être l'élément figurant entre parenthèses à la page 6, que M. Bradley n'a pas reporté à la page 3. Quoi qu'il en soit, M. Bradley a conclu que le gros montant de 830 277 $ (qui, selon l'appelante, comprenait le montant crucial de 49,79 $ se rapportant aux actions qui avaient été achetées le 26 février 1987), se rapportait au montant de 5 105 922 $ que le compte intercompagnies devait à Co. 908 au 31 janvier 1987, et n'avait rien à voir avec les actions de la catégorie B. Je conclus que M. Bradley a effectué une vérification approfondie, et que l'analyse et la preuve qu'il a présentées sont convaincantes.

[39] Je préfère de beaucoup la preuve présentée par M. Bradley à celle de Mme Phillips. Si la chose s'avérait nécessaire, je conclurais que l'appelante n'a pas payé les actions de la catégorie B. L'avocat de l'intimée n'a pas pu expliquer de quelle façon pareille conclusion aiderait sa cliente même si dans ses plaidoiries il avait défié l'appelante de prouver qu'elle avait payé les actions de la catégorie B.

[40] Le ministre ne semble pas avoir établi sa cotisation en se fondant sur le fait que les actions de la catégorie B n'avaient pas été validement émises. Ainsi, il n'existe aucun élément de preuve tendant à montrer que le ministre a utilisé le paragraphe 15(1) de la Loi (attribution par un actionnaire) pour ajouter un montant au revenu déclaré de l'appelante pour une année quelconque à l'égard du présumé rachat des actions de la catégorie B, si ces actions n'avaient pas été validement émises. De fait, l'appelante a déclaré les dividendes réputés qu'elle croyait avoir reçus au moment du rachat des actions de la catégorie B; dans les cotisations ici en cause, le ministre s'est contenté de refuser la déduction de toute PDTPE résultant de la disposition des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908.

[41] Il ressort clairement de la preuve que l'appelante a fait en sorte que Co. 908 lui verse 4,9 millions de dollars en rachetant les actions de la catégorie B qui avaient validement été émises ou par un autre moyen, et que pareil paiement avait pour effet de réduire la juste valeur marchande des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de Co. 908. J'ai appliqué le paragraphe 55(1) de façon à justifier les cotisations ici en cause. En l'absence d'un motif me permettant d'examiner plus à fond la question de savoir si l'appelante a payé les actions de la catégorie B, je ne me propose pas d'examiner les conséquences découlant de l'omission de l'appelante de payer les actions de la catégorie B ou la question de savoir s'il est possible de remédier à cette omission en appliquant les arrêts cités par l'avocat de l'appelante. Les appels concernant les années d'imposition 1988 et 1989 sont rejetés avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d'avril 1998.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 12e jour d’août 1998.

Benoît Charron, réviseur

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