Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19971027

Dossiers: 97-162-IT-I; 97-166-IT-I

ENTRE :

RODERICK FERGUSON, NOELLA FERGUSON,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Les appels en l'instance, interjetés sous le régime de la procédure informelle, ont été entendus ensemble sur preuve commune, sur consentement des parties, à Penticton (Colombie-Britannique), le 9 octobre 1997. Seul M. Ferguson a témoigné.

[2] Les appelants interjettent appel de cotisations établies pour l'année d'imposition 1993, dans lesquelles les profits qu'ils ont réalisés par suite de la vente du 219 et du 1028, Lakeshore Drive, Penticton (Colombie-Britannique), ont été traités comme un revenu.

[3] En 1989, les appelants ont quitté Grand Prairie (Alberta) pour aller vivre à Penticton. La mère de M. Ferguson, Joyce Geering, s'était remariée et elle travaillait comme agent d'immeubles pour NRS Block Bros. Realty Ltd. à Penticton. Elle et son époux étaient propriétaires d'une société, Charrloam Investments Ltd. (“Charrloam”), laquelle était propriétaire du motel Golden Sands (“Golden Sands”) sis au 1028, Lakeshore Drive, à Penticton. Les Geering étaient alors en voie de convertir le motel en copropriété pour vendre les différentes unités qui le composaient.

[4] Les appelants ont prêté à Charrloam l'argent nécessaire pour construire un dépanneur à l'avant du Golden Sands. Charrloam a engagé les appelants pour le gérer. Le 15 février ou le 15 mars 1989, les appelants et Charrloam ont convenu que, pour un montant de 10 000 $, les appelants achèteraient le local situé au-dessus du dépanneur pour y construire une résidence. Les appelants ont assumé le coût de la construction des appartements 204 et 205, d'une superficie totale de 1 500 pieds carrés, qu'ils ont reliés par une porte. Ils se sont installés dans les appartements. En 1990, ils ont pris en main la gestion du dépanneur.

[5] Le 5 juin 1992, Charrloam a obtenu les titres de copropriété du Golden Sands. Les appelants ont reçu leurs titres de Charrloam. Puis ils ont vendu le 204 et le 205 à Charrloam 65 000 $ chacun, pour un total de 130 000 $ (pièce R-4), le 15 juin et le 17 juillet 1992. Ils ont traité ces opérations comme la vente d'une résidence principale. Selon la pièce R-3, les appelants avaient depuis 1989 un droit en equity sur les appartements, et ils vivaient au 204 et au 205, qui constituaient leur résidence principale, lorsqu'ils les ont vendus le 15 juin 1992.

[6] En contrepartie du 204 et du 205, Charrloam a transféré aux appelants :

(i) l'unité 206 du Golden Sands;

(ii) l'unité 219 du Golden Sands;

(iii) le terrain pour huit appartements dans la phase 2 du “Centre de villégiature Golden Sands”

pour arriver à la valeur totale de 130 000 $.

[7] Le 8 juillet 1992, les appelants ont signé une déclaration de fiducie suivant laquelle ils étaient les fiduciaires de RMF Enterprises (1992) Ltd. (“RMF '92”) relativement au 206 (pièce R-6). M. Ferguson a témoigné qu'il avait déclaré au vérificateur que la pièce R-6 était invalide. Cependant, aucune renonciation à la fiducie n'a été produite en preuve.

[8] Le 15 juillet 1992, les appelants ont mis le 219 en vente par l'entremise de la mère de M. Ferguson (pièce R-7). Les appelants avaient rénové le 219. M. Ferguson a témoigné que le titre de copropriété du 219 était évalué à la vente à 32 500 $ et que les coûts de la construction s'élevaient à 93 231,79 $ (pièce A-1). Cependant, le contre-interrogatoire a révélé que le montant de 93 231,79 $ incluait un certain nombre d'appareils électroménagers d'occasion que les appelants avaient déplacés du 204 et du 205 au 219.

[9] Le mandat de mise en vente produit sous la cote A-1 inclut une affectation de “terrains” totalisant 37 500$. Aucun évaluateur n'a témoigné à l’égard de cette valeur. La pièce A-1 contient des chèques et des factures. Il y a également des éléments comme les “frais d'arpentage”, différents paiements à la Banque Royale qui n'ont pas été mentionnés dans le témoignage de M. Ferguson, et des factures de 2 118 $ au nom de “Computer Source Ltd.”, qui nécessitaient des explications. La pièce A-1 contient également des factures au nom de “Golden Sands”, de Charrloam, et de R.M.F. Enterprises Ltd., mais pas au nom des appelants. Le témoignage de M. Ferguson n'a pas permis de démêler l'écheveau des documents produits sous la cote A-1. Ceux-ci ne sont pas acceptés à première vue comme preuve des dépenses faites relativement au 219 par les appelants. À tout le moins, il semble y avoir des chèques et des factures en double.

[10] Contre-interrogé relativement à la pièce A-1, M. Ferguson a admis que son estimation du coût des rénovations soumise au vérificateur, soit 17 554,18 $, avait été confirmée par des chèques (pièce A-12). Compte tenu de l'examen de la pièce A-1 qui précède et du témoignage de M. Ferguson, le chiffre de 17 554,18 $, qu'il a soumis au vérificateur de Revenu Canada, est admis comme vrai. Il n'est pas réfuté par la pièce A-1, ni par le témoignage très limité de M. Ferguson relativement à la pièce A-1.

[11] La Cour remarque également que le bien mentionné au sous-alinéa (iii), qui a été transféré par Charrloam aux appelants en contrepartie du 204 et du 205, consiste en des titres de copropriété de huit unités. À 32 500 $ l'unité, les huit unités vaudraient 340 000 $. Le 1er juin 1994, les appelants ont vendu 101 686,91 $ net le 206. Tout cela a été inclus dans le prétendu chiffre de vente de 130 000 $ pour ce qui est du 204 et du 205. M. Ferguson a témoigné que les impôts sur le revenu avaient été payés au complet lors de la vente du 206. Cela indique qu'en contrepartie du 204 et du 205, les appelants ont reçu le 206 et le 219 (deux unités en copropriété) ainsi que huit unités en copropriété dans la phase 2. RMF '92 a construit les unités de la phase 2. En l'absence des chiffres précis ou d'une estimation acceptable du 206, du 209 ou des huit titres compris dans la phase 2, la Cour ne peut qu'établir un chiffre moyen et elle arrive à celui de 13 000 $ pour chacune des dix unités en copropriété que les appelants ont obtenus en contrepartie du 204.

[12] En s'appuyant sur ce chiffre, la Cour calcule ainsi le coût du 219 :

Titre de copropriété 13 000 $

Coûts de construction 17 554,48 $

30 554,48 $

[13] Le 2 septembre 1992, les appelants ont accepté une offre d'achat pour le 219 (pièce R-8). La vente a été conclue le 27 février 1993 pour un prix brut de 109 000 $ et un prix net de 101 068,88 $. En s'appuyant sur ces chiffres, la Cour calcule les profits des appelants comme suit :

Montant net reçu 101 068,88 $

Coût - 30 554,48 $

70 514,40 $

   2

Chacun des appelants a donc réalisé un profit de 30 257,20 $. Les chiffres du vérificateur relativement au coût du 219 paraissent être plus élevés que ceux auxquels la Cour est arrivée.

[14] M.Ferguson a témoigné qu'ils avaient vendu le 219 parce que, lorsqu'ils ont quitté les 1 500 pieds carrés du 204 et du 205 pour aller vivre dans les 850 pieds carrés du 219, ils (en particulier Mme Ferguson) ont réalisé à quel point c'était petit. En outre, ils en avaient assez des constantes allées et venues liées à la vie dans un motel.

[15] M. Ferguson a également témoigné qu'il n'était pas un entrepreneur et qu'il n'enfonçait pas de clous. Cependant, la Cour remarque que les appelants ont construit le 204 et le 205. Ils ont rénové le 219 et le 206. M. Ferguson a constitué en personne morale la société RMF '92, qui a construit les huit unités. Elle a construit également la maison dans laquelle ils ont emménagé à Vancouver Place en 1993. Les documents qui ont été présentés à la Cour indiquent à la pièce A-1 qu'en 1992, M. Ferguson agissait à titre d'entrepreneur général.

[16] La Cour n'accepte pas le témoignage de M. Ferguson selon lequel Mme Ferguson a été surprise par la perte de superficie que représentait le 219. Elle avait accès au 219 et elle pouvait en comparer la superficie avec les 1 500 pieds carrés du 204 et du 205. Le témoignage de M. Ferguson selon lequel la superficie réduite a été une cause de la vente du 219 n'est pas accepté. Son témoignage selon lequel ils étaient fatigués du complexe hôtelier est accepté. Cependant, cela a pu se produire bien avant puisqu'ils vivaient sur les lieux et exploitaient le dépanneur pendant de longues heures depuis 1989.

[17] Dans Happy Valley Farms Ltd. v. The Queen, 86 DTC 6421, à la page 6423, le juge Rouleau a énuméré une série de critères permettant de déterminer si le gain réalisé par suite d'une vente constitue un revenu ou s'il est imputable au capital. À l'aide de ces critères, la Cour conclut ce qui suit :

1. La nature du bien qui est vendu. Il s'agissait d'une unité en copropriété où, d'après l'intimée, les appelants vivaient en 1992.

2. La durée de la possession. Au moment de la mise en vente, l'appelant avait été propriétaire du 219 pendant un mois tout au plus. L'offre d'achat a été acceptée dans les 90 jours de l'acquisition du titre.

3. Le nombre d'opérations similaires. Le 206 a été vendu le 1er juin 1994. Il n'y a eu, antérieurement à cette date, aucune opération similaire. Cependant, les appelants ont construit le 204 et le 205 et, au moment où ils ont acquis le 219, ils faisaient le commerce de titres de copropriété existants ou éventuels au 1028, Lakeshore Drive, au point où leurs activités pouvaient presque être qualifiées de complexes. Par la suite, RMF '92 a construit et vendu les huit unités reçues par les Ferguson à titre de produit partiel de la vente du 204 et du 205.

4. Les travaux faits sur le bien. D'après les calculs de la Cour, les travaux effectués étaient approximativement égaux à la valeur acquise.

5. Les circonstances qui ont entraîné la vente du bien. L'explication suivant laquelle les appelants ont réalisé que l'appartement était trop petit après y avoir emménagé n'est pas acceptée. Ils avaient eu amplement la possibilité de constater la superficie avant d'emménager et ils avaient de l'expérience dans l'estimation de superficies. Leur désir de quitter le motel n'était pas soudain non plus. Il est évident qu'ils ont emménagé au 219 et qu'ils y ont apporté des rénovations parce qu'ils prévoyaient l'utiliser à titre de résidence principale en vue de réaliser un gain en capital libre d'impôt. C'est ce qu'ils ont fait en ce qui concerne le 204 et le 205 et ils ne l'ont pas déclaré. Ils n'ont pas déclaré non plus le profit réalisé sur la vente du 219.

6. Le motif. Compte tenu de la preuve, la Cour conclut que les appelants ont acquis le 219 dans l'intention ou dans le but principal de le vendre et de réaliser un profit sur la vente d'une résidence principale. Les ventes du 204 et du 205 à Charrloam en contrepartie du 206, du 219 et de huit unités en copropriété sont des opérations commerciales. La déclaration de fiducie pour RMF '92 concernant le 206 (qu'elle ait été utilisée ou non) est complexe. En 1992, les appelants n'étaient plus des néophytes en construction puisqu'ils avaient construit le 204 et le 205.

[18] Par conséquent, la Cour conclut que les appelants ont acquis le 219 dans l'intention principale de le vendre à profit. Le fait qu'ils l'aient habité afin qu'il soit reconnu comme résidence principale était accessoire à l'objectif de le vendre à profit. Leur méthode d'acquisition, les rénovations, la superficie, la nature et l'emplacement du logement pour un jeune couple, leur expérience en tant qu'entrepreneurs et la durée de possession avant la mise en vente du bien, tout cela mène la Cour a conclure que l'achat et la vente ont été effectués par les deux appelants dans le cadre d'une affaire de caractère commercial. Leurs profits étaient des revenus.

[19] Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d'octobre 1997.

“D. W. Beaubier”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 11e jour de mai 1998.

Benoît Charron, réviseur

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