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Date : 19971118

Dossier : 95-3575-GST-G

ENTRE :

152633 CANADA INC. / SAKO AUTO LEASING,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] L'appel en instance est interjeté à l'encontre d'une cotisation de taxe sur les produits et services qui a été établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise et par laquelle le ministre du Revenu national a refusé à l'appelante un crédit de taxe sur les intrants fictif demandé en vertu de l'alinéa 120(3)b) et du paragraphe 176(1) de la Loi sur la taxe d'accise, soit un crédit de 20 303 $.

[2] Le crédit demandé concerne des véhicules dont l'appelante était propriétaire le 31 janvier 1991.

[3] Le paragraphe 120(3) de la Loi se lit comme suit :

120(3) Remboursement de la taxe de vente — Sous réserve du présent article, dans le cas où l'inventaire d'une personne inscrite aux termes de la sous-section d de la section V de la partie IX le 1er janvier 1991 comprend, au début de cette date, des marchandises libérées de taxes, les règles suivantes s'appliquent :

a) si les marchandises libérées de taxe ne sont pas des marchandises d'occasion, le ministre verse à la personne, sur sa demande, un remboursement en conformité avec les paragraphes (5) et (8);

b) si les marchandises libérées de taxe sont des marchandises d'occasion, elles sont réputées, pour l'application de l'article 176, être des biens meubles corporels d'occasion fournis par vente à la personne au Canada le 1er janvier 1991 relativement auxquels la taxe n'est pas payable par la personne, et avoir été acquises pour fourniture dans le cadre des activités commerciales de la personne pour une contrepartie payée à cette date égale à 50 % du montant auquel les marchandises seraient évaluées à cette date aux fins du calcul du revenu de la personne provenant d'une entreprise pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[4] Les véhicules en cause sont des véhicules d'occasion. La demande de crédit est donc faite en vertu de l'alinéa b) du paragraphe 120(3).

[5] La seule question est de savoir si, le 1er janvier 1991, les véhicules étaient compris dans l'“inventaire” dont il est question au début du paragraphe 120(3).

[6] La principale entreprise de l'appelante consiste à louer des voitures à long terme. L'appelante loue également des voitures à court terme. Le paragraphe 5 de l'avis d'appel est admis par l'intimée, soit :

[TRADUCTION]

5. L'appelante oeuvre principalement dans le domaine de la location de voitures à long terme. Toutefois, une partie de l'entreprise de l'appelante consiste également à louer des voitures à court terme et à vendre des voitures neuves et des voitures d'occasion.

[7] L'intimée est liée par ce qu'elle a admis. Toutefois, la preuve indiquait bien clairement que l'appelante n'acquérait pas des voitures neuves pour les revendre immédiatement. M. Korsos, qui a témoigné, a dit en réponse à une question que je lui avais posée :

[TRADUCTION]

[...] nous ne pouvons vendre des voitures neuves sur le marché. [...] Nous irions à l'encontre des fins des concessionnaires à qui nous achetons des voitures en vue de les louer.

[8] Sous cette réserve, que je ne considère pas comme importante aux fins de ma décision, ce qui a été admis est conforme à la preuve. Les ventes que fait l'appelante entrent dans quatre catégories :

a) ventes de voitures aux preneurs à bail, pendant la durée du bail ou à la fin de celui-ci, selon l'option prévue au contrat de location;

b) ventes au détail de voitures acquises des preneurs à bail pendant la durée du bail ou à la fin de celui-ci et placées dans le parc de voitures d'occasion de l'appelante;

c) ventes de voitures acquises des preneurs à bail, puis “vendues en gros”, c'est-à-dire envoyées à un grossiste; il s'agit de voitures qui ne sont pas considérées comme ayant leur place dans le parc de voitures à vendre de l'appelante;

d) ventes de voitures acquises en échange au moment de la location ou de la vente d'une voiture de l'appelante; de telles voitures sont vendues en gros ou placées dans le parc automobile de l'appelante.

[9] Ce sont des voitures entrant dans la catégorie b) qui nous occupent principalement dans l'appel en instance.

[10] Pendant la durée du bail ou à la fin de celui-ci, des voitures peuvent être vendues au preneur à bail ou acquises du preneur à bail, moyennant le versement d'une somme par le preneur à bail ou l'appelante, selon la valeur de la voiture à ce moment. Pendant la durée du bail, les voitures sont enregistrées dans le “compte d'investissement net et de locations simples (ci-après appelé le “compte d'investissement”). Elles sont amorties aux fins de la comptabilité et une déduction pour amortissement est demandée aux fins de l'impôt sur le revenu.

[11] Si l'on décidait de vendre, parmi les voitures d'occasion provenant du parc de voitures à vendre au détail, une voiture qui avait été rendue, celle-ci était transférée du compte d'investissement au compte de stock, à la valeur comptable nette; les expressions “net book value” et “carrying value” ont toutes deux été employées pour désigner cette notion comptable, qui peut ou non correspondre à la fraction non amortie du coût en capital. Ce montant était indiqué comme crédit dans le compte d'investissement et comme coût de la voiture dans le compte de stock. Le cas échéant, les frais de réparation supplémentaires étaient ajoutés au coût aux fins du compte de stock. Si la voiture se vendait, le profit ou la perte (soit la différence entre le prix de vente et le coût enregistré dans le compte de stock) était reporté directement dans l'état des résultats de l'appelante.

[12] Ce procédé peut être comparé à celui qui est utilisé lorsque, à la fin du bail, une voiture est vendue au preneur à bail ou vendue en gros. Dans ces cas-là, le produit de disposition est indiqué comme crédit dans le compte d'investissement.

[13] Aux fins de l'impôt sur le revenu, les montants indiqués comme crédits dans le compte d'investissement — que ce soit au transfert de l'inscription de la voiture dans le compte de stock, à la vente de la voiture au preneur à bail ou à la disposition de la voiture par l'intermédiaire d'un grossiste — étaient pris en considération dans le calcul de la fraction non amortie du coût en capital pour la catégorie dont faisait partie la voiture. Cela n'a pas été dit expressément par les témoins, mais c'est une conclusion que je tire du témoignage de M. Karidis, ainsi que des ajustements faits dans le rapprochement du revenu net et du revenu imposable (formules T2S(1) et T2S(8)).

[14] Lorsqu'une voiture avait été transférée du compte d'investissement au compte de stock et qu'elle était louée de nouveau, elle était réinscrite dans le compte d'investissement, vraisemblablement à la valeur à laquelle elle avait été reportée dans le compte de stock.

[15] Pour l'exercice se terminant le 30 juin 1991, aucune déduction pour amortissement n'a été demandée au titre des voitures inscrites dans le compte de stock à la fin de cet exercice. Cette pratique différait de celle qu'on avait suivie pour des exercices antérieurs, une déduction pour amortissement ayant été demandée au titre des voitures aussi bien pour les années au cours desquelles les voitures étaient inscrites dans le compte d'investissement que pour les années au cours desquelles elles étaient inscrites dans le compte de stock.

[16] J'ai traité du traitement comptable et fiscal parce qu'une partie importante du procès a porté là-dessus et que les deux avocats invoquaient ce traitement à l'appui des thèses qu'ils faisaient respectivement valoir en vertu de la Loi sur la taxe d'accise. Comme je l'ai mentionné précédemment, la question relative à l'alinéa 120(3)b) de la Loi sur la taxe d'accise est de savoir si les voitures étaient comprises dans l'inventaire le 1er janvier 1991, date qui entre dans le cadre de l'exercice se terminant le 30 juin 1991. Aucune autre question n'est soulevée.

[17] Les voitures en question auraient été transférées dans le compte de stock avant le 1er janvier 1991. Elles sont toutes énumérées dans la liste figurant à la section 5 de la pièce A-1, sous la rubrique INVENTAIRE — VOITURE D'OCCASION, 31 décembre 1990.

[18] Le terme “inventaire” est défini comme suit au paragraphe 120(1) de la Loi sur la taxe d'accise :

“inventaire” État descriptif des marchandises libérées de taxe d'une personne à un moment donné qui figurent à l'inventaire de la personne au Canada à ce moment et qui, à ce même moment, selon le cas :

a) sont destinées à être vendues ou louées séparément pour un prix ou un loyer en argent, dans le cours normal d'une activité commerciale de la personne;

b) sont des matériaux de construction réservés à l'usage de la personne dans le cadre d'une entreprise de construction, de rénovation ou d'amélioration de bâtiments ou de constructions qu'elle exploite, à l'exclusion de telles marchandises qui, avant ce moment, faisaient partie de constructions nouvelles ou de rénovations ou d'améliorations ou ont autrement été livrées à un chantier de construction, de rénovation ou d'amélioration.

Ne sont pas de telles marchandises :

c) les immobilisations de la personne;

d) les marchandises que la personne destine à la construction, à la rénovation ou à l'amélioration d'un bien qui est son immobilisation ou doit le devenir;

e) les marchandises figurant à l'inventaire d'une autre personne à ce moment.

[19] Le terme “immobilisation” est défini comme suit au paragraphe 120(1) de la Loi sur la taxe d'accise :

“immobilisation” Bien qui est le bien en immobilisation d'une personne au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu, ou qui le serait si la personne était un contribuable aux termes de cette loi, à l'exclusion des biens visés aux catégories 12 ou 14 de l'annexe II du Règlement de l'impôt sur le revenu.

[20] Le terme “immobilisations” est défini comme suit à l'article 54 de la Loi de l'impôt sur le revenu :

Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente sous-section.

[...] “ immobilisations ” S'agissant des immobilisations d'un contribuable :

a) tous biens amortissables du contribuable;

b) tous biens (autres que des biens amortissables) dont la disposition se traduirait pour le contribuable par un gain ou une perte en capital.

[21] L'expression “bien amortissable” est définie comme suit au paragraphe 13(21) de la Loi de l'impôt sur le revenu :

Dans le présent article, l'article 20 et dans tous règlements établis en application de l'alinéa 20(1)a),

[...] “bien amortissable” à un moment donné d'une année d'imposition, bien qu'un contribuable acquiert et pour lequel il obtient une déduction, en vertu des dispositions réglementaires prises en application de l'alinéa 20(1)a), dans le calcul de son revenu pour cette année ou pour une année d'imposition antérieure ou pour lequel il aurait droit à une telle déduction si la présente loi ne comportait pas le paragraphe (26) et s'il était propriétaire du bien à la fin de l'année;

[22] Il y a un ou deux points préliminaires qu'il convient de mentionner. Tout d'abord, la définition du terme “inventaire” exige :

a) que les biens figurent à l'inventaire de la personne;

b) que les biens soient destinés à être vendus ou loués séparément;

c) que les biens ne soient pas des immobilisations de la personne.

[23] La définition est plutôt curieuse. Un bien destiné à être loué est normalement une immobilisation. La définition exclut toutefois les immobilisations, et l'on pourrait raisonnablement en conclure que, n'eût été de cette exclusion, l'alinéa a) de la définition aurait inclus les immobilisations. Donc, il peut y avoir des biens destinés à être loués qui ne sont pas des immobilisations. Le mot “immobilisation” est lui-même défini au paragraphe 120(1) de la Loi sur la taxe d'accise comme désignant une immobilisation au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. La définition d'“immobilisations” figurant à l'article 54 de la Loi de l'impôt sur le revenu englobe tous biens amortissables du contribuable. Cela soulève un deuxième problème : au paragraphe 13(21), l'expression “bien amortissable” n'est définie qu'aux fins de l'article 13, de l'article 20 et de tous règlements établis en application de l'alinéa 20(1)a). Elle n'est pas définie aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu en général ni même aux fins de l'article 54. Il s'agit de savoir si l'on peut utiliser la définition de “bien amortissable” figurant au paragraphe 13(21) dans l'interprétation de l'expression “biens amortissables” telle qu'elle figure à l'article 54. La question est cruciale, car une déduction pour amortissement a été demandée et admise au titre des véhicules en question pour les années antérieures à 1991, et les véhicules entrent donc dans le cadre de la définition de “bien amortissable” figurant au paragraphe 13(21). Si la définition de “bien amortissable” figurant au paragraphe 13(21) s'applique aux termes “biens amortissables” utilisés dans la définition d'“immobilisations” figurant à l'article 54 de la Loi de l'impôt sur le revenu, cette définition est incorporée au paragraphe 120(1) de la Loi sur la taxe d'accise, et les voitures sont, en vertu de l'alinéa c) de la définition d'“inventaire”, des immobilisations et elles ne sont pas comprises dans l'inventaire aux fins de la Loi.

[24] Je pense que la définition figurant au paragraphe 13(21) de la Loi de l'impôt sur le revenu s'applique à la définition d'“immobilisations” figurant à l'article 54. Je dis cela parce que, tout d'abord, question d'interprétation législative, cette conclusion est plus conforme à l'économie de la Loi. (Highway Sawmills Ltd. v. M.N.R., 66 DTC 5116, à la page 5120 (C.S.C.)) Je n'ai pas besoin de réitérer les nombreux autres arrêts de la Cour suprême du Canada qui énoncent des lignes directrices en matière d'interprétation. Ces arrêts sont bien connus.

[25] Outre les principes établis en matière d'interprétation législative, l'article 15 de la Loi d'interprétation est bien clair, notamment l'alinéa 15(2)b). L'article 15 se lit comme suit :

15. (1) Les définitions ou les règles d'interprétation d'un texte s'appliquent tant aux dispositions où elles figurent qu'au reste du texte.

(2) Les dispositions définitoires ou interprétatives d'un texte :

a) n'ont d'application qu'à défaut d'indication contraire;

b) s'appliquent, sauf indication contraire, aux autres textes portant sur un domaine identique. S.R., ch. I-23, art. 14.

[26] On m'a renvoyé à un certain nombre de décisions de notre cour et d'autres tribunaux et, bien qu'estimant que ma conclusion est conforme à ces décisions, je ne juge pas nécessaire de renvoyer à ces décisions.

[27] L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 4 juin 1991 et qui porte le numéro 105932453, est rejeté, avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de novembre 1997.

“D. G. H. Bowman”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 29e jour de décembre 1997

Mario Lagacé, réviseur

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