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Date: 19991102

Dossier: 97-3453-IT-G

ENTRE :

431543 B.C. LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Le présent appel, qui est régi par la procédure générale, a été entendu à Kelowna (Colombie-Britannique) le 20 octobre 1999. M. Dennis Barnes et son épouse, Janet, ont été les seuls témoins.

[2] Les parties ont déposé un exposé conjoint partiel des faits qui est ainsi libellé :

[TRADUCTION]

L'appelante, 431543 B.C. Ltd., et l'intimée, Sa Majesté la Reine, conviennent, pour les fins du présent appel, que les faits énoncés ci-dessous sont vrais et que les documents dont les copies sont annexées sont authentiques.

1. L'appelante est une société canadienne assujettie à l'impôt constituée le 1er septembre 1992 en vertu de la British Columbia Company Act.

2. M. Dennis Barnes et Mme Janet Barnes sont mari et femme et des résidents au Canada.

3. [...] (Le paragraphe a été rayé.)

4. La Edmonton Elevator Advertising Corporation ( « Edcorp. » ) est une société de l'Alberta constituée en 1982.

5. Janet et Dennis Barnes étaient les seuls actionnaires d'Edcorp., et détenaient chacun cinq actions ordinaires jusqu'à la réorganisation de la société en septembre 1992.

6. La J & N Technical Services Ltd. ( « J & N » ) est une société de l'Alberta dont Janet Barnes était en tout temps pertinent la seule actionnaire jusqu'au transfert des actions à Edcorp.

7. En septembre 1992, la société appelante, l'Edmonton Elevator Advertising Corporation et la J & N Technical Services Ltd. ont procédé à une réorganisation (la « réorganisation » ). Une série de diagrammes sur le processus de réorganisation est annexée sous l'onglet 1.

8. Le 31 août 1992, Amy Barnes, la mère de Dennis Barnes, a établi une fiducie familiale non testamentaire totalement discrétionnaire (la « fiducie » ) dont les bénéficiaires étaient les enfants de Dennis et de Janet, Rochelle Barnes, et Georgina Barnes, (les « enfants » ) âgées de 11 et 9 ans respectivement à l'époque.

9. La HMW Construction Ltd. et la HMW Holdings Ltd. sont des sociétés de l'Alberta qui exerçaient leurs activités dans le domaine de la construction commerciale en Alberta.

10. Dennis Barnes était un associé et vice-président, Finances et Administration de la HMW Construction Ltd. et de la HMW Holdings Ltd. Avant la réorganisation, les intérêts de Dennis Barnes dans HMW Construction Ltd. et HMW Holdings étaient détenus par Edcorp.

11. À la suite de la réorganisation et tout au long de l'année d'imposition, Dennis Barnes et la fiducie familiale Barnes étaient propriétaires de toutes les actions de l'appelante selon la répartition suivante :

Dennis Barnes – 5601 actions ordinaires avec droit de vote de catégorie « A » ;

Fiducie familiale Barnes – 2 actions ordinaires sans droit de vote de catégorie « B » .

12. À la suite de la réorganisation et tout au long de l'année d'imposition, les propriétaires des actions d'Edcorp. étaient les personnes suivantes :

Janet Barnes – 5 actions avec droit de vote de catégorie « A » et 100 actions privilégiées de catégorie « D » ;

Dennis Barnes – 100 actions privilégiées sans droit de vote de catégorie « C » .

13. À la suite de la réorganisation et tout au long de l'année d'imposition, Edcorp. était propriétaire de 100 % des actions de J & N.

14. Tout au long de l'année d'imposition, l'appelante était une société privée sous contrôle canadien au sens du paragraphe 125(7) de la Loi.

15. En tout temps pertinent, l'appelante était régie par les lois de la Colombie-Britannique.

16. L'article 21 de la British Columbia Company Act 1996 R.S.B.C. ch. 62 et ses diverses modifications prévoient que, sous réserve du paragraphe 2, une société possède les pouvoirs et la capacité d'une personne naturelle qui jouit de tous ses droits. (Onglet 2)

17. L'article 133 de cette loi prescrit qu'une société doit avoir un président et un secrétaire qui, sauf s'il n'y a qu'un actionnaire, doivent être des personnes différentes, et les autres dirigeants prévus dans l'acte constitutif, les statuts ou une résolution des administrateurs. (Onglet 2)

18. [...] (Le paragraphe a été rayé.)

19. Le paragraphe 114(1), auparavant le paragraphe 138(1) de la British Columbia Company Act, prescrit que les mineurs ne peuvent être administrateurs d'une société. Le paragraphe 133(2) prescrit qu'une personne qui n'est pas qualifiée aux termes de l'article 114 pour être administrateur d'une société ne peut être un dirigeant de la société. (Onglet 2)

20. En tout temps pertinent, les enfants résidaient en Colombie-Britannique.

21. L'appelante a tiré un revenu de 186 571 $ d'une entreprise exploitée activement au Canada durant l'année d'imposition au sens des paragraphes 248(1) et 125(7) de la Loi.

22. Lorsqu'elle a produit sa déclaration pour l'année d'imposition, l'appelante a demandé, en vertu du paragraphe 125(1) de la Loi, une déduction de son impôt payable par ailleurs pour le motif que son plafond des affaires pour l'année était de 200 000 $.

23. Dans un avis de nouvelle cotisation remis à l'appelante le 23 octobre 1995, il lui est demandé de payer la somme de 41 308,46 $ à titre d'impôt additionnel et la somme de 7 138,61 $ à titre d'intérêt sur les arriérés, soit la somme totale de 48 447,07 $.

24. La nouvelle cotisation a été établie pour le motif que le plafond des affaires de l'appelante pour l'année d'imposition s'élevait à seulement 386 $.

25. L'appelante a déposé un avis d'opposition. Le 6 mars 1996, le ministre du Revenu national a informé l'appelante qu'il ratifiait la nouvelle cotisation parce qu'elle était associée à Edcorp. et à J & N par application des alinéas 256(1)c), 256(1.2)c) et 256(1.2)f) et des paragraphes 256(1.3) et 256(2.1) de la Loi au cours de l'année d'imposition en question tel qu'établi dans le rapport sur l'opposition.

26. Quand Edcorp. et J & N ont produit leurs déclarations de revenu (formule T2) pour 1993, elles se sont considérées comme des associées et ont imputé 199 614 $ du plafond des affaires pour l'année de 200 000 $ à Edcorp.

27. [...] (Le paragraphe a été rayé.)

[3] Les paragraphes 5, 6 et 7 de la réponse à l'avis d'appel sont ainsi libellés :

[TRADUCTION]

5. Le ministre a réduit le montant de la déduction accordée aux petites entreprises demandée par l'appelante pour le motif que le plafond des affaires de l'appelante pour l'année, au sens de l'art. 125 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), s'élevait à 386 $ plutôt qu'à 200 000 $ parce qu'elle était associée à Edmonton Elevator Advertising Corporation ( « Edmonton Elevator » ) et à J & N Technical Services Ltd. ( « J & N » ).

6. En établissant la nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante, le ministre s'est appuyé, entre autres, sur les hypothèses suivantes :

a) les faits tels qu'ils sont admis et énoncés ci-dessus;

b) en tout temps pertinent, Dennis Barnes et Janet Barnes étaient mariés;

c) l'appelante a été constituée le 1er septembre 1992 à l'occasion de la réorganisation d'Edmonton Elevator, de J & N et de Ideal Technical Corporation;

d) avant la réorganisation, compte tenu de la façon dont les trois sociétés susmentionnées étaient contrôlées par Dennis et Janet Barnes, elles étaient associées l'une à l'autre pour les fins de la demande de la déduction accordée aux petites entreprises;

e) lors de la réorganisation, les éléments d'actif de l'entreprise exploitée activement par Edmonton Elevator ont été transférés à l'appelante, et la fiducie familiale Barnes (la « fiducie » ) a été établie;

f) la fiducie était une fiducie non testamentaire discrétionnaire dont les bénéficiaires étaient les deux enfants âgés de moins de 18 ans de Dennis et de Janet Barnes;

Après la réorganisation, les actions des sociétés appartenaient à :

Appelante

Propriétaires

100 % des actions ordinaires avec droit de vote de catégorie A

Dennis Barnes

100 % des actions ordinaires sans droit de vote de catégorie B

Fiducie

Edmonton Elevator

100 % des actions ordinaires avec droit de vote de catégorie A

Janet Barnes

100 % des actions ordinaires sans droit de vote de catégorie C

Dennis Barnes

J & N

100 % des actions ordinaires avec droit de vote de catégorie A

Edmonton Elevator

Ideal Technical

Vendues à un tiers

h) des actions additionnelles ont été émises lors de la réorganisation sans que du capital nouveau n'ait été investi dans les sociétés;

i) après la réorganisation, Dennis et Janet Barnes ont continué autant l'un que l'autre à s'occuper activement des activités de leurs sociétés;

j) quand elles ont produit leurs déclarations de revenus (formule T2) pour 1993, Edmonton Elevator et J & N se sont considérées comme des associées et ont imputé 199 614 $ du plafond des affaires de 200 000 $ pour l'année à Edmonton Elevator;

k) au cours de l'année d'imposition 1993 de l'appelante, Edmonton Elevator était propriétaire de toutes les actions ordinaires de J & N, et ces deux sociétés étaient donc associées l'une à l'autre aux termes de l'alinéa 256(1)a) de la Loi;

l) l'appelante a produit sa déclaration de revenus (formule T2) pour 1993 en partant du principe qu'elle n'était associée à aucune autre société;

m) même si la fiducie était propriétaire de toutes les actions ordinaires de catégorie B de l'appelante, ces actions sont réputées être la propriété des enfants aux termes du sous-al. 256(1.2)f)(ii) de la Loi parce que la part des enfants sur le revenu ou le capital accumulé de la fiducie était conditionnelle au fait qu'une personne exerce un pouvoir discrétionnaire;

n) en outre, les enfants n'intervenaient d'aucune façon dans la gestion des affaires de l'appelante, et aux termes du par. 256(1.3) de la Loi, les actions de l'appelante qui sont réputées être la propriété des enfants sont réputées être la propriété de Janet Barnes;

o) au cours de l'année d'imposition 1993 de l'appelante, Janet Barnes était propriétaire de toutes les actions ordinaires d'Edmonton Elevator;

p) ni les actions d'Edmonton Elevator mentionnées au paragraphe précédent ni les actions de l'appelante dont Janet Barnes est réputée propriétaire n'appartenaient à la catégorie exclue d'actions aux sens du par. 256(1.1) de la Loi;

q) en conséquence, durant son année d'imposition 1993, l'appelante était associée à Edmonton Elevator aux termes de l'al. 256(1)c) de la Loi et associée à J & N aux termes du par. 256(2) de la Loi;

r) le ministre a, à juste titre, imputé 199 614 $ du plafond des affaires pour l'année à Edmonton Elevator, comme cette société l'avait déclaré, et le solde de 386 $ à l'appelante;

s) il peut être raisonnable de considérer, aux termes du par. 256(2.1) de la Loi, qu'un des principaux motifs de l'existence distincte de l'appelante, d'Edmonton Elevator et de J & N au cours de l'année d'imposition 1993 de l'appelante consistait à réduire les impôts qui seraient payables par ailleurs en vertu de la Loi.

B. LES QUESTIONS EN LITIGE

7. Les questions en litige sont les suivantes :

a) L'appelante était-elle associée à Edmonton Elevator et à J & N aux termes de l'al. 256(1)c) de la Loi compte tenu du fait que Janet Barnes contrôlait Edmonton Elevator, qu'elle était liée à la personne qui contrôlait l'appelante et que, de plus, elle est réputée aux termes du par. 256(1.3) être le propriétaire de toutes les actions ordinaires de catégorie B de l'appelante ?

b) L'appelante était-elle associée à Edmonton Elevator et à J & N aux termes du par. 256(2.1) de la Loi, compte tenu qu'il peut être raisonnable de considérer qu'un des principaux motifs de l'existence distincte de l'appelante, d'Edmonton Elevator et de J & N consistait à réduire les impôts qui seraient payables par ailleurs en vertu de la Loi ?

[4] Les hypothèses 6b), c), d), e), f), g), h), j), k), l) et o) sont fondées ou l'appelante ne les a pas réfutées. Après le début de l'audition de l'appel, l'avocat de l'intimée a corrigé le libellé de l'hypothèse 6e). Cette hypothèse était auparavant rédigée de la façon suivante :

[TRADUCTION]

e) lors de la réorganisation, les éléments d'actif de l'entreprise non exploitée activement par Edmonton Elevator (surtout des actions de portefeuille) ont été transférés à l'appelante, et la fiducie familiale Barnes (la « fiducie » ) a été établie;

[5] Pour trancher la question énoncée à l'alinéa 7a), il faut tenir compte principalement de deux présomptions créées par la Loi de l'impôt sur le revenu, une dans le sous-alinéa 256(1.2)f)(ii) et l'autre dans le paragraphe 256(1.3), qui sont ainsi libellés :

(1.2) Pour l'application du présent paragraphe et des paragraphes (1) (1.1), et (1.3) à (5) :

[...]

f) les actions du capital-actions d'une société dont une fiducie est à un moment donné propriétaire ou réputée propriétaire en application du présent paragraphe :

[...]

(ii) sont réputées, sauf si le sous-alinéa (i) s'applique et que le moment donné soit antérieur à la date de décès visée à ce sous-alinéa, être la propriété à ce moment de chaque bénéficiaire dont la part sur le revenu ou le capital accumulés de la fiducie est conditionnelle au fait qu'une personne exerce ou n'exerce pas un pouvoir discrétionnaire,

(Le sous-alinéa (i) ne s'applique pas.)

(1.3) Les actions du capital actions d'une société dont un enfant de moins de 18 ans est propriétaire à un moment donné sont réputées être la propriété à ce moment du père ou de la mère de l'enfant pour ce qui est de déterminer si la société est associée à ce moment à une autre société dont le père ou la mère ou un groupe de personnes dont le père ou la mère est membre a le contrôle, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, sauf si, compte tenu des circonstances, il est raisonnable de considérer que l'enfant gère les affaires de la société sans subir, dans une large mesure, l'influence de son père ou de sa mère.

(Je souligne.)

[6] L'appelante n'a pas réfuté les hypothèses m), n), o), p), q) et r).

[7] Il s'agit d'un appel interjeté contre l'année d'imposition de l'appelante qui se termine le 30 septembre 1993. La question énoncée à l'alinéa 7a) est une question de droit que la Cour doit trancher d'après les faits dont elle est saisie. Si la Cour tranche la question en faveur de l'intimée, il n'est pas nécessaire qu'elle examine la deuxième question énoncée à l'alinéa 7 b).

[8] Edmonton Elevator et J & N ont admis qu'elles étaient associées quand elles ont produit leurs déclarations de revenus pour 1993 tel qu'énoncé à l'hypothèse j). Après la réorganisation, Dennis Barnes était propriétaire de toutes les actions ordinaires avec droit de vote de catégorie A de l'appelante. La fiducie était propriétaire de toutes les actions ordinaires sans droit de vote de catégorie B (hypothèse g)). La fiducie était une fiducie totalement discrétionnaire (paragraphe 8 de l'exposé conjoint partiel des faits). Ainsi, aux termes du sous-alinéa 256(1.2)f)(ii), les bénéficiaires de la fiducie, les enfants Barnes, sont réputés être propriétaires des actions ordinaires sans droit de vote de catégorie B. Cela dit, aux termes du paragraphe 256(1.3), Janet Barnes est réputée être propriétaire des actions ordinaires sans droit de vote de catégorie B parce qu'il n'y a aucun élément de preuve établissant que l'un des enfants Barnes gérait les affaires de l'appelante. En conséquence, Janet est réputée être propriétaire de 100 % des actions ordinaires sans droit de vote de catégorie B émises de l'appelante, et Dennis est propriétaire de 100 % des actions ordinaires avec droit de vote de catégorie A de l'appelante. En conséquence, l'appelante, Edmonton Elevator et J & N sont associées aux termes de l'alinéa 256(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu .

[9] Pour ces motifs l'appel est rejeté. J'accorde à l'intimée les dépens entre parties.

Signé à London, Ontario, ce 2e jour de novembre 1999.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de juin 2000.

Benoît Charron, réviseur

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