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Date : 19980529

Dossiers : 97-676-IT-I; 97-2974-IT-I; 97-675-IT-I

ENTRE :

JANET M. BURNS, ROBERT V. BURNS,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1] L’appelante en appelle de cotisations d’impôt sur le revenu pour ses années d’imposition 1993 (97-676(IT)I) et 1994 et 1995 (97-2974(IT)I). L’appelante et les avocats de l’intimée sont convenus que ses appels seraient entendus ensemble et toutes les parties ont accepté que l’appel interjeté par Robert V. Burns (97-675(IT)I) contre la cotisation d’impôt sur le revenu pour son année d’imposition 1992 soit entendu en même temps sur preuve commune.

[2] La question soulevée par les appels est de savoir si le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a eu raison de refuser de permettre à l’appelante, Janet M. Burns, en 1993, 1994, et 1995, et à son mari, Robert V. Burns, en 1992, d’inclure certains montants qu’ils avaient versés à la Choice Learning Centre for Exceptional Children Society (Choice) en droits de scolarité pour leur fils, Jody Burns, lesquels montants, d'après les appelants, constituaient, pour les années où ils ont été versés, des frais médicaux au sens du paragraphe 118.2(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi » ) qui étaient déductibles dans le calcul de l’impôt à payer pour l’année d’imposition, et ce, du fait de l'admissibilité des appelants au crédit d’impôt pour frais médicaux en vertu du paragraphe 118.2(1) de la Loi.

[3] Les avocats de l’intimée ont indiqué que le ministre avait reconnu que les montants versés à titre de droits de scolarité, et déduits par l’un ou l’autre des appelants dans les années concernées, avaient en fait été versés, et le ministre a admis que Choice était un établissement d’enseignement.

[4] L’appelante, Janet Burns, a témoigné qu’elle réside à Vancouver (Colombie-Britannique) et est avocate. Elle a déclaré que son fils, Jody, est né le 19 mai 1986, et qu’il est vite apparu qu’il voulait faire des choses dont il était physiquement incapable. À l’automne 1989 (à l’âge de trois ans), il est entré en garde préscolaire, où il a eu largement l'occasion de jouer à des jeux actifs comme des jeux de construction avec de gros blocs et le dessin. Il était également manifeste que Jody « n'était pas comme les autres » , mais il avait de bons résultats et il n’y avait pas de quoi s’inquiéter. L’appelante a relaté que Jody verbalisait à un âge précoce et exprimait des pensées témoignant de maturité, mais que, parfois, il semblait retardé à certains égards : il avait du mal, entre autres, à lacer ses chaussures ou à comprendre la linéarité des concepts de matin, de midi et de soir. En outre, Jody avait besoin de beaucoup d’aide pour se préparer à des activités quotidiennes comme prendre son petit déjeuner, partir pour l’école ou quitter la maison pour aller quelque part. Selon les explications de l’appelante, il n’affichait pas un comportement rebelle, mais il ne semblait pas capable de comprendre la nécessité de se soumettre aux contraintes du temps. Du fait de la conduite de Jody, l’appelante a commencé, a-t-elle déclaré, à étudier la question des enfants doués et a pris un rendez-vous avec Joan Pinkus, psychologue spécialisée dans l’évaluation des jeunes enfants. Le 31 octobre et le 7 novembre 1990 (Jody avait alors 4 ans et 5 mois et était toujours en garde préscolaire), Mme Pinkus a effectué une évaluation de Jody et a dressé un rapport écrit (pièce A-1). Selon les dires de l’appelante, Mme Pinkus avait conclu que Jody avait des aptitudes verbales extrêmement bien développées, sans faiblesses ni points forts relatifs, et que dans l’ensemble, son fonctionnement le classait au moins dans le 99e centile de la population et qu’il était considéré comme un apprenant doué. Le rapport signalait en outre que les aptitudes de Jody dans le domaine des tâches perceptives et des tâches de nature spatiale et pour ce qui est de certaines tâches visuomotrices allaient d'au-dessus de la moyenne à supérieures, mais qu’elles étaient nettement moins développées que ses aptitudes verbales, ce qui, selon Mme Pinkus, serait cause de problèmes dans la poursuite de ses études. L’appelante a déclaré que les inquiétudes exprimées à l’époque par Mme Pinkus concernant la frustration qu’éprouvait Jody dans les tâches faisant appel à des habiletés motrices se sont révélées justifiées par la suite. L’appelante a déclaré qu’elle-même et son mari avaient déménagé dans le district de Kerrisdale en 1988 avec l'intention d'envoyer leur fils à l’école publique. Cependant, après l’évaluation de Mme Pinkus et après avoir reçu des informations sur les enfants doués et de la documentation sur les organismes et les ressources pour les parents d’enfants doués ainsi que des renseignements sur les écoles et les options scolaires pour Jody, l’appelante et son mari, Robert Burns, ont décidé que la scolarisation de leur fils devait se faire chez Choice. Mme Pinkus les avaient informés que le programme d'instruction de Choice était suffisamment souple et que l'enseignement était donné par des enseignants patients, qui s'intéressaient à leurs élèves et qui étaient capables de s’occuper d’enfants comme Jody, ayant du mal à exécuter certaines activités d’apprentissage comportant des tâches motrices. L’appelante a déclaré qu’elle-même et son mari avaient décidé en septembre 1991 d’inscrire Jody à la maternelle locale de l’école primaire McKechnie, dans une classe normale du système d’écoles publiques. Pendant le premier mois environ, tout s’est bien déroulé pour Jody, mais par après, son professeur a commencé à se plaindre de son comportement. L’appelante a dit qu’elle avait rencontré ce professeur en octobre, essentiellement parce que celui-ci avait remarqué que ses aptitudes à dessiner et à écrire se situaient bien en dessous de son niveau d’intelligence manifestement élevé. Le professeur a fait remarquer que Jody se rendait bien compte de ce que ses habiletés dans ces domaines étaient faibles, et que cela le mettait en colère et le frustrait. L’appelante a déclaré qu’elle ne considérait pas Jody comme rebelle, mais qu’il « se débranchait » tout simplement, et que, dès lors, le fait qu'il n'obéissait pas aux directives pouvait être perçu comme de la bouderie et un manque de coopération. À l’école, Jody ne voulait pas jouer avec d’autres enfants et il ne parvenait pas à « s’intégrer » ; il était évident que les autres élèves ne l’aimaient pas. Après sa rencontre avec le professeur de son enfant et après lui avoir remis un exemplaire du rapport de Mme Pinkus, a expliqué l’appelante, elle a commencé à intensifier ses recherches sur les difficultés d’apprentissage des enfants doués. En novembre 1991, Jody avait cinq ans et était capable de multiplier des nombres à voix haute, allant jusqu’à 12 dans les tables de multiplication. Il connaissait l’alphabet jusqu’à la lettre « S » . L’appelante a rencontré de nouveau le professeur. Selon ce dernier, Jody n’était pas un enfant « téméraire » , mais cette observation ne correspondait pas au comportement qu’il affichait à la maison, où il lui arrivait souvent de s’adonner à des jeux dangereux, tels que marcher sur la poutre horizontale du portique de balançoire. Le professeur a signalé qu’à l'école Jody était très craintif et coléreux et qu’il pleurait souvent en classe. L’appelante a déclaré qu’elle s’était offerte comme aide-enseignant à l’école primaire McKechnie afin d’être en mesure d’observer le comportement de son fils. C’est ainsi qu’elle a remarqué que Jody était renfermé et elle et son mari ont décidé en janvier 1992 de l’inscrire à Choice. Il lui a été permis de fréquenter cet établissement à mi-temps; puis, en mars, il a commencé à le fréquenter à temps plein jusqu’à la fin de l’année scolaire en juin. L’appelante a expliqué que Jody avait également des problèmes de santé : il souffrait notamment d’infections respiratoires et de l’oreille et de maux de tête et d’estomac. Selon elle, l’atmosphère de Choice était différente de celle de l'ancienne école de Jody. L’appelante savait que les classes étaient plus petites et qu’il semblait y régner un climat de liberté que son fils semblait apprécier. Son professeur, Mme Haines, se préoccupait beaucoup de ses élèves. Jody éprouvait toujours des difficultés à lire et présentait encore des problèmes de comportement. Il souffrait également de maux de tête graves. Un médecin a examiné ses oreilles et vérifié si l’enfant ne souffrait pas d’allergies, mais il semblait qu'un facteur important affectant la santé de Jody était le stress. À Choice, les professeurs de Jody travaillaient à mettre au point des stratégies spéciales destinées à l’aider à surmonter ses troubles d’apprentissage, stratégies consistant notamment dans une attention individualisée dans certaines matières telles que les mathématiques. En première année à Choice, Jody était encore facilement distrait, et il était difficile de l’amener à se concentrer sur une tâche. Par conséquent, on utilisait un système de récompenses pour l’encourager à terminer ses travaux plutôt que d'avoir recours à des punitions ou à des commentaires négatifs. À l’extérieur de la salle de classe, Jody était impulsif et se précipitait dans la circulation, inconscient du danger, ou, à la maison, il sautait du toit du garage sur le trampoline. L’appelante a déclaré que jusqu’à ce que Jody atteigne l’âge de sept ans elle devait le retenir afin de l’empêcher de se faire mal au cours d’activités se déroulant ailleurs que chez eux. En classe à Choice, Jody s’est mêlé à ses camarades et il ne semblait plus croire qu’il ne pouvait pas s’intégrer. Il avait toujours besoin de plus d'espace, qui servait à réduire son degré d’irritabilité. En avril 1993, il se trouvait à avoir fait la moitié de sa deuxième année; il avait toujours beaucoup de facilité à construire des choses, à les défaire et à comprendre le fonctionnement de certains mécanismes ainsi que la raison de ce fonctionnement. Il avait des aptitudes pour l'origami mais continuait à éprouver de la difficulté à lire et à écrire; il produisait des descriptions écrites très sommaires alors que, sur le même sujet, il pouvait parler pendant dix minutes. Par conséquent, en ce qui concerne ses aptitudes à écrire et à lire il se trouvait loin derrière d'autres élèves. Les enseignants à Choice comprenaient son problème et, pendant l'heure du dîner, son professeur, Mme Dhillon, lui faisait office de secrétaire, écrivant ses réponses verbales à certaines questions, même quand Jody avait neuf et dix ans. Bien qu’il eût encore des problèmes de santé, il était plus heureux et il apprenait, surtout dans le domaine de la lecture, sa capacité de lire s'étant développée au point qu’il pouvait lire pour son propre plaisir et, à l’heure actuelle, il est capable de lire à un niveau qui dépasse de beaucoup celui des personnes de son âge. L’appelante a déclaré qu’elle avait exprimé sa reconnaissance envers les professeurs de Jody et qu’elle croyait que, n’eût été Choice, il serait devenu un décrocheur potentiel, renfrogné, intraitable, réfractaire à l’apprentissage. À Choice, il y avait d’autres élèves chez qui il existait un écart important entre les aptitudes verbales et les aptitudes à écrire. Malheureusement, certains autres événements sont venus assombrir l’existence de Jody. En deux jours, deux de ses grands-parents sont décédés et, plus tard au cours de la même année, l’appelante et son mari se sont séparés et celui-ci a quitté le foyer conjugal. À Choice, les professeurs ont continué à être d’un grand soutien. L’appelante s’est mise en rapport avec Mme Pinkus, et son fils et elle ont reçu des conseils en matière de séparation et de divorce. Selon le diagnostic d'un pédiatre, Jody souffrait de migraines. Et ses allergies, l’une desquelles avait peut-être été causée par la pulvérisation de certains produits chimiques sur les champs de canneberges situés à proximité de l'établissement Choice, persistaient. Pendant un certain temps, le cultivateur s'était montré coopératif en informant l’appelante quand il allait pulvériser, mais par après il a cessé de respecter cet arrangement. L’appelante a déclaré qu’elle avait entendu parler de la West Point Grey Academy ( « Point Grey » ), une école privée située dans un grand espace vide au sud de Jericho Beach, où l’air était propre. À Choice, il n’y avait pas de gymnase où les enfants pouvaient pratiquer des sports et jouer des jeux comportant une grande activité physique. Or, Jody était un enfant actif et de grande taille, qui avait besoin de faire de l’exercice régulièrement. Choice se trouvait à environ une demi-heure de voiture de la maison de l’appelante. Celle-ci faisait en tout quatre voyages par jour pour conduire son fils à l’école le matin et le ramener après les classes. Point Grey était modelée sur le système d’écoles publiques (signifiant, curieusement, « privées » ) anglais et sur les prep schools (lycées privés) que l’on retrouve aux États-Unis. Jody a commencé à fréquenter Point Grey en septembre 1996 et est à l’heure actuelle en sixième année. Son rendement y est inférieur à ce qu'il était et Jody revient au comportement qu’il manifestait à la maternelle à l’école publique. Il se trouve au 95e centile du point de vue de la taille et du poids. Les professeurs à Point Grey ont informé l’appelante qu’ils croyaient que Jody était « paresseux » et qu’il ne faisait tout simplement pas suffisamment d’effort. Dans un cours d’informatique il obtenait A ou A- comme note, mais dans d’autres matières, où il devait écrire à la main, il n’obtenait pas d’aussi bons résultats parce qu’il devait faire plusieurs brouillons avant de remettre un devoir. L’appelante s’est reportée au tout dernier bulletin de son fils à Point Grey (pièce A-3).

[5] En contre-interrogatoire, l’appelante a déclaré que le rapport de Mme Pinkus (pièce A-1) avait été présenté à Choice. Elle avait transféré Jody à Choice au milieu de l’année scolaire quand il était à la maternelle et croyait qu’elle en avait parlé préalablement à Mme Pinkus, mais, de toute façon, au moment de faire son évaluation, Mme Pinkus avait recommandé à l’appelante d’envisager la possibilité d'envoyer Jody à Choice. Après que Jody eut subi des tests en novembre 1990, il y a eu d’autres consultations avec Mme Pinkus, mais non dans le but de vérifier les aptitudes aux études ou les capacités intellectuelles de l’enfant. L’appelante a déclaré qu’elle-même et Robert Burns étaient devenus, le 28 septembre 1990, membres de la Gifted Children’s Association of British Columbia. Elle affirme qu’elle conservait (dans une reliure) des dossiers médicaux sur Jody ainsi que les documents scolaires pertinents et la documentation qu’elle avait rassemblée au cours de ses recherches sur différents sujets, notamment les allergies, les migraines et les troubles d’apprentissage. Elle a déclaré que Jody se trouvait maintenant, à Point Grey, à un niveau scolaire normal pour son âge et, bien que l’on lui ait fait subir des tests préalables à l'admission et une entrevue avec le directeur de l’école, aucun test précis ne lui a été administré pour mesurer ses capacités intellectuelles.

[6] Robert Burns a témoigné qu’il demeure à North Vancouver et qu’il est avocat. Il en a appelé de la cotisation établie pour son année d’imposition 1992 relativement aux droits de scolarité versés à Choice pour que son fils Jody puisse fréquenter cette école. Il a déclaré qu’il souhaitait faire sien le témoignage de sa femme, Janet Burns, qui avait présenté un compte rendu détaillé des problèmes auxquels Jody devait faire face. M. Burns a déclaré qu’il était devenu rapidement évident que les prédictions faites par Mme Pinkus après son évaluation de Jody se sont avérées exactes pendant que Jody fréquentait la maternelle, qui se divisait en deux groupes comptant chacun 25 élèves. En ce qui concerne l’aptitude à écrire de Jody, l’appelant a fait remarquer que, même à l’ordinateur, Jody ne faisait pas de grands efforts pour fournir beaucoup de détails et qu’il écrivait presque en style télégraphique, comme si cela lui était pénible de coucher ses pensées sur le papier ou de les écrire de quelque autre manière. Il a déclaré que l’enfant avait commencé à fréquenter Point Grey en septembre 1996 et qu’il s’agissait d’une école mixte située dans un décor enchanteur; il avait fait la connaissance du directeur lorsque celui-ci occupait son poste précédent de directeur adjoint dans une autre école privée à Vancouver. Robert Burns a indiqué qu’en quittant le bureau de Mme Pinkus après avoir discuté avec elle des résultats des tests, il était clair pour lui que Choice était une école qui convenait à leur fils. De plus, il connaissait un couple dont le fils, qui avait des troubles d’apprentissage, fréquentait Choice. Il s’était renseigné auprès de ce couple sur cet établissement et la façon dont il fonctionnait, du point de vue tant du parent que de l’enfant. Avant Noël, a-t-il déclaré, la décision avait été prise d’envoyer Jody à Choice et, en janvier 1992, il a été permis à Jody de commencer à fréquenter cet établissement. Auparavant, Janet et Robert Burns avaient rencontré la directrice de Choice et lui avaient remis le rapport de Mme Pinkus. On leur avait fait visiter l’école et ils croyaient qu’il s’agissait d’un endroit idéal pour l'instruction de leur fils. Par la suite, ils se sont considérés chanceux lorsque, en mars, Jody a pu fréquenter cette école à temps plein parce qu’une place s’était libérée entre-temps.

[7] Au cours du contre-interrogatoire, Robert Burns a reconnu que Jody n’avait pas été soumis à d’autres tests à la suite de l’évaluation effectuée par Mme Pinkus.

[8] Les appelants, qui avaient été présents au cours du témoignage donné par Lorraine Ford et Christopher Carroll dans le cadre des appels dans l'affaire Patricia M. Collins c. Sa Majesté La Reine, 97-648(IT)I et 97-2169(IT)I, entendus ensemble, ont demandé que les preuves se rapportant à la structure, au personnel et au fonctionnement de Choice et aux programmes offerts, le cas échéant, s’appliquent à leurs appels. Les avocats de l’intimée y ont consenti.

[9] Christopher Carroll a témoigné qu’il réside à Langley (Colombie-Britannique) et qu’il est professeur à Choice. Il détient un baccalauréat ès arts et un baccalauréat en éducation ainsi qu’une maîtrise ès arts en philosophie de l’éducation. En 1979, il a entrepris également des études en éducation non traditionnelle. Il a travaillé dans des organismes s’occupant des adolescents mésadaptés et, de 1986 à 1996, a enseigné dans différentes écoles du district scolaire de North Vancouver. Il enseignait des classes de la quatrième à la septième année dans le système des écoles publiques. Ses élèves consistaient en partie en des enfants présentant des besoins spéciaux, notamment des enfants atteints du trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA) et d’autisme, et en des jeunes enfants aux prises avec des difficultés émotives dues à une situation familiale perturbée. M. Carroll a déclaré que son propre frère, au cours des années 50, présentait des symptômes qui sont maintenant reconnus comme ceux du THADA. Dans le cadre du perfectionnement professionnel, a expliqué M. Carroll, il avait assisté à des conférences où le THADA ainsi que d’autres troubles d’apprentissage avaient été le sujet de discussion et le sujet aussi d’exposés présentés par des psychiatres et des psychologues spécialisés dans les problèmes émotifs et les troubles d’apprentissage chez l’enfant. Lorsqu'il travaillait dans le district scolaire de North Vancouver, il recevait, au début du semestre, une liste des élèves et, par après, on essayait de placer certains élèves présentant un problème reconnaissable de THADA dans la classe d’un enseignant ayant reçu une certaine formation spécialisée dans le domaine des difficultés d’apprentissage ou des troubles de comportement. Cependant, le grand nombre d'élèves dans les classes faisait toujours problème en ce sens qu'il était difficile de s’occuper des élèves aux prises avec des troubles d’apprentissage. À Choice, l’enfant avait un programme scolaire individualisé spécialement conçu en fonction des besoins et des problèmes bien précis de cet enfant. La politique de l’école consistait à ne pas dépasser le ratio d’un professeur pour 15 élèves. Les professeurs n'étaient pas syndiqués (il n’y avait pas de convention collective), et il existait une certaine flexibilité pour ce qui était du règlement des problèmes et de l'affectation des professeurs à différentes tâches, alors que dans le système public, les administrateurs sont souvent limités par la convention collective en ce qui a trait aux horaires, à l'attribution des tâches ainsi qu’à la taille et la composition des classes. M. Carroll a déclaré que dans le système public, la classe moyenne comprend 27 élèves, dont cinq à sept présentent des besoins spéciaux. Pour qu’un élève puisse fréquenter Choice, il doit se classer au 95e centile dans différents tests psychologiques.

[10] Au cours du contre-interrogatoire, M. Carroll a reconnu que tout enfant a avantage à être dans une petite classe si l’enseignant est prêt à consacrer du temps aux besoins des élèves. À son avis, le THADA est un problème persistant, et son rôle principal en tant qu'enseignant consiste à éduquer les enfants en leur enseignant le programme approuvé et en les aidant à s’épanouir. Lorsqu’il était professeur dans le système public en 1995, on avait affecté à sa classe un aide-enseignant à temps plein qui travaillait avec un enfant souffrant d’un type particulier d’autisme, et l’administration avait conçu un programme individualisé pour cet élève. Cependant, il existe une formule complexe pour la détermination du nombre d’élèves dans une classe conformément à la convention collective, et certaines politiques de financement au sein de l’administration scolaire peuvent être contraignantes. Selon M. Carroll, s’occuper d'élèves doués présente des problèmes en plus des difficultés d’apprentissage ou des difficultés émotives.

[11] La partie du témoignage donné par Lorraine Ford, directrice à Choice, dans l’appel Collins qui est pertinente en l'espèce est exposée ci-après. Afin d’éviter toute confusion pour le lecteur, je signale que les numéros des pièces mentionnés sont ceux de l’appel Collins et ne font pas partie des présents appels. De plus, comme le contre-interrogatoire de Mme Ford n’est pas pertinent pour les présents appels, il n’a pas été reproduit.

[12] Lorraine Ford a témoigné qu’elle était directrice de Choice depuis quatre ans et qu’auparavant elle avait été enseignante et directrice adjointe à la même école. À titre de directrice, elle consacre quand même environ 20 % de son temps à l'enseignement. Elle est titulaire d’un baccalauréat en arts appliqués et d’un baccalauréat en éducation obtenus de la University of British Columbia, et elle travaille actuellement à l'obtention de sa maîtrise en éducation. Elle a aussi obtenu 30 crédits supplémentaires dans le domaine des troubles du comportement, des incapacités relatives au langage pédagogique, des troubles d’apprentissage spéciaux et de l’enseignement correctif de la lecture. Chacun de ces cours aide à mieux comprendre le THADA. Il y a actuellement 113 élèves à Choice, 12 enseignants, elle-même (occupant le poste de directrice) et une adjointe administrative. Les classes vont de la maternelle à la dixième année. Il y a huit salles de classe ainsi qu’une salle de musique et d’activités, une salle des ordinateurs munie de 15 ordinateurs personnels, un laboratoire, une bibliothèque et, à l’extérieur de l’immeuble, un terrain de jeux et un terrain de soccer. Mme Ford a expliqué qu’avant d’être admis à Choice, l’élève doit subir des tests administrés par un psychologue clinicien, et que les résultats des examens doivent être présentés à Mme Hélène Giroux, directrice chargée des admissions. Elle a reconnu un document (pièce A-11) en date du 25 février 1992, délivré par l’inspecteur des écoles indépendantes, qui est employé de la direction des écoles indépendantes du ministère de l’Éducation de la province de la Colombie-Britannique. Ce document atteste que Choice avait le droit de fonctionner comme école indépendante pour la période allant jusqu’au 30 juin 1996. Mme Ford a expliqué que le ministère de l’Éducation procède à une vérification approfondie de l’école et que l’agrément doit être renouvelé à tous les deux ans. Une fois qu’une école indépendante est agréée, elle a le droit de recevoir du ministère un financement correspondant à 50 % du montant par élève payé à une école publique. Il existe aussi une marche à suivre pour l'obtention de sommes supplémentaires pour les enfants ayant des besoins spéciaux et, à cette fin, Mme Ford présente au ministère des rapports et des demandes de financement. Mme Ford a expliqué que Choice a comme politique d’élaborer un programme éducatif personnalisé pour chaque élève après qu’elle a eu, à titre de directrice, des entretiens avec l’élève, avec ses parents ainsi qu’avec les enseignants en vue de pouvoir répondre aux besoins de l'élève sur les plans scolaire, social et affectif, de manière à atteindre des buts à court et à long terme. Avant d’être engagés à Choice, les enseignants doivent subir une entrevue rigoureuse et démontrer qu'ils possèdent les qualités voulues pour être des éducateurs, qu'ils se préoccupent des élèves et qu'ils ont de la compassion. Les professeurs sont réévalués à tous les deux ans. De plus, à Choice, il y a une certaine flexibilité en ce qui concerne le milieu scolaire, les classes de petite taille et l'enseignement individuel étant privilégiés, selon les besoins. Selon la politique de l’établissement, on entretient des rapports constants avec les parents, et ceux-ci reçoivent périodiquement des rapports et des notes au sujet de l’élève et de l’école. En ce qui concerne l’enseignement du programme éducatif obligatoire, il existe un programme accéléré qui n’exige que 60 % des heures disponibles de sorte qu'on dispose du reste du temps pour s’occuper des besoins affectifs de l’enfant. De l’avis de Mme Ford, il faut donner une attention spéciale aux enfants doués. Elle s'est référée au certificat de constitution en personne morale (pièce A-12) de la Choice Learning Centre For Exceptional Children Society, daté du 30 avril 1985 et délivré conformément à laSociety Act de la Colombie-Britannique. Mme Ford s'est référée en outre aux statuts de Choice (pièce A-13) et à l’un de ses buts (énoncé au paragraphe 2), c'est-à-dire, d'une part, permettre aux enfants ayant des capacités intellectuelles exceptionnelles de faire des études leur permettant de se développer au maximum et, d’autre part, offrir des programmes spécialisés à cette fin. Mme Ford a fait observer que, bien qu’un enfant ait un handicap ou des difficultés d’apprentissage, il ne peut être admis à Choice que s’il possède une capacité intellectuelle exceptionnelle. Actuellement, sur 113 élèves, il y a cinq enfants qui souffrent du THADA et 28 autres ayant diverses formes de dyslexie. Pendant la période de 1993 à 1995, il y avait à Choice sept élèves qui souffraient du THADA. Pour être employé comme enseignant à Choice, il faut avoir au moins un baccalauréat en éducation. De plus, on demande à l’enseignant d'assister à des séminaires et à se renseigner sur le THADA en suivant des cours offerts par des universités ou des districts scolaires. L'enseignant est aussi encouragé à suivre des cours sur l’enseignement pour les enfants doués. Bien qu’il n’existe aucune convention collective, chaque enseignant à Choice doit être membre du British Columbia College of Teachers. Mme Ford s’est reportée à un manuel des politiques, des méthodes et des directives (pièce A-14) publié par la direction des programmes spéciaux du ministère de l’Éducation, des Compétences et de la Formation de la province de la Colombie-Britannique; elle a précisé que Choice doit se conformer aux politiques énoncées dans ce document pour conserver son agrément. Dans la pièce A-14, à la section E-1, on mentionne le THADA ainsi que d’autres affections et syndromes qui influent sur les besoins éducatifs des élèves. À la page E-11 du manuel se trouve une définition des difficultés d’apprentissage qui comprend, entre autres, le THADA. Mme Ford a affirmé qu’à titre de directrice de Choice, elle veille à ce que tous les enseignants connaissent le contenu du manuel, que des exemplaires en soient distribués et que divers sujets y traités soient abordés à l’occasion des réunions du personnel. À ces réunions, le dossier de chaque élève est examiné, et, pour la plupart des élèves il y a un dossier personnel qui, dans certains cas, comprend des documents fournis par une école publique qu’a fréquentée l’enfant auparavant. Mme Ford s’est référée à la lettre datée du 4 septembre 1996 (pièce A-10) de Mme Giroux, fondatrice et directrice générale de Choice. Mme Ford a indiqué qu’elle est d’accord avec les énoncés qui s’y trouvent et qu’elle est convaincue que Choice répond à toutes les exigences du ministère de l’Éducation.

[13] Les avocats de l’intimée ont reconnu que Mme Joan Pinkus était une praticienne qualifiée du fait qu'elle est psychologue (exerçant à Vancouver en Colombie-Britannique) et membre du College of Psychologists of British Columbia de même que de la British Columbia Psychological Association. Elle a obtenu son doctorat en psychologie à l’Université de Toronto il y a 21 ans et elle exerce sa profession de psychologue depuis 23 ans.

[14] L’appelant, Robert Burns, a procédé à l’interrogatoire principal de Mme Pinkus pour lui-même et à titre de représentant de sa femme, Janet Burns. Mme Pinkus a témoigné que les deux appelants (les parents de Jody Burns) lui avaient demandé de voir leur enfant dans le but d’effectuer une évaluation psychologique. Elle a déclaré que les parents s’inquiétaient du comportement et du développement de leur enfant ainsi que de sa conduite dans le programme préscolaire où il était inscrit. Jody exprimait beaucoup de colère et éprouvait de la difficulté à nouer des relations avec d’autres enfants. La première fois qu'il s'est rendu au cabinet de Mme Pinkus, Jody n’avait que quatre ans, mais c’était un enfant de grande taille, et il était évident qu’il était avancé sur le plan de l’acquisition du langage. Mme Pinkus a reconnu le rapport (pièce A-1) en date du 15 novembre 1990 qu’elle avait rédigé après avoir effectué l’évaluation de Jody Burns. Se reportant à la page 4 du rapport, elle a expliqué que Jody présentait des signes marqués d’asynchronisme, terme servant à désigner le cas où le développement de l’enfant ne se fait pas de façon égale ou simultanée. À titre d’exemple, Mme Pinkus a fait remarquer que certains enfants sont capables de courir mais incapables de s’exprimer bien alors que d’autres peuvent parler mais ont du mal à bouger. Au bout du compte, la plupart des « coureurs deviennent des parleurs et les parleurs deviennent des coureurs » . Chez certains enfants dont le développement est nettement asynchrone, un aspect de leur personnalité se développe beaucoup plus rapidement que l’autre, et l’aspect plus faible peut en fait se développer à un degré inférieur à celui qui est normal pour un enfant de cet âge. Cet écart crée un handicap considérable chez ces enfants parce qu’ils peuvent être capables de penser rapidement, de faire une utilisation merveilleusement expressive du langage, sans être capables d’exprimer par écrit leurs pensées ou de les organiser; ces enfants se rendent alors compte que ce qu’ils ont écrit ne constitue pas du tout l'expression fidèle de ce qu’ils pensent ou de ce qu’ils avaient l’intention d’exprimer. Chez les jeunes enfants, cette situation peut entraîner des comportements tels que lancer des crayons, parce qu’ils deviennent tellement frustrés, et ils demanderont à leur mère de dessiner ce qu’ils ont dans leur tête. Dans ce genre de situation, l’enfant piquera habituellement une crise de colère. Mme Pinkus a indiqué qu’il existe un développement asynchrone normal et qu’il existe un type de développement asynchrone qui crée un handicap chez l’enfant. Au moment où elle a vu Jody, celui-ci présentait des variations considérables dans son développement. En ce qui concerne les aptitudes langagières, l’enfant se trouvait dans la première tranche d’un pour cent de la population; par contre, ses habiletés motrices fines, ses habiletés visuomotrices, ses aptitudes à copier, à tenir un crayon, à dessiner des formes et en reproduire se situaient bien au-dessous de ses aptitudes langagières, ce qui indiquait que l’écriture serait difficile pour cet enfant. En ce qui concerne son aptitude à utiliser un crayon, Jody se situait au 16e centile pour son âge, ce qui signifie que si la psychologue avait demandé à Jody et à 99 autres enfants d'accomplir la même tâche, 84 d’entre eux auraient eu de meilleurs résultats que Jody, mais les aptitudes langagières de ce dernier le plaçaient au 99,9 centile. Mme Pinkus a déclaré que malgré le fait que Jody n’était âgé que de 4 ans et 5 mois à l’époque où elle a effectué son évaluation, elle avait des raisons valables de supposer que son dysfonctionnement allait se prolonger, bien que certains enfants parviennent à combler leur retard sur le plan des habiletés motrices de sorte que l’écart diminue. Chez Jody, l’écart entre les habiletés motrices et les habiletés langagières était très grand et, selon Mme Pinkus, il est extrêmement rare qu'un tel écart s’amoindrisse avec le temps et, le plus souvent, il s’agrandit. L’une des difficultés réside dans le fait que l’enfant cherche délibérément à éviter de faire face à sa faiblesse, et celle-ci empire de sorte qu’elle peut se répercuter, et ce, de façon dramatique, sur ses résultats scolaires. Mme Pinkus a expliqué que le processus d’apprentissage est fortement entravé parce que si l’apprentissage doit se mesurer par ce que l'enfant écrit, alors l’enfant produira peu, et son apprentissage s’en trouvera affecté. Mme Pinkus a déclaré que, dans l’exercice de sa profession, elle avait observé des enfants âgés de 10 ans dont les aptitudes langagières étaient celles d’une personne de 18 ans, mais dont les habiletés visuomotrices nécessaires pour copier étaient celles d’un enfant de six ans. L’enfant devient frustré, est souvent incité par son professeur à faire et à refaire un devoir jusqu’à ce qu’il soit mieux et, au bout du compte, l’enfant refuse; à ce moment-là, il sera considéré comme ayant un trouble de comportement. L’écart considérable entre les aptitudes langagières et les habiletés motrices s’observe souvent à l’intérieur de certaines familles et plus souvent chez les garçons. Les enfants qui souffrent de ce dysfonctionnement créé par l’écart entre certaines habiletés auront généralement moins de difficultés à utiliser un clavier et un écran comme moyen d'interaction qu’à travailler avec un stylo ou un crayon. Mme Pinkus a déclaré qu’elle avait lu un article rédigé par Mel Levine, spécialiste de ce type de trouble d’apprentissage aux États-Unis. Celui-ci était d’avis que ce trouble ou cet handicap était évident lorsque l’on mettait un stylo dans la main de l’enfant et que toutes les énergies créatrices de celui-ci étaient dirigées vers le stylo; on pouvait voir l’enfant se raidir de sorte qu’il n’arrivait à reproduire sur papier que très peu de ses pensées. Mme Pinkus a déclaré que le problème réside dans le fait que l’enseignant s’attend à ce que l’enfant exceptionnellement intelligent écrive beaucoup, mais les résultats ne correspondent pas à la capacité intellectuelle de l’enfant et ce dernier se rend compte de cet écart, ce qui entraîne souvent des crises de colère et des difficultés affectives. Lorsqu’on lui a demandé de commenter la définition du terme « handicap mental » de son point de vue de psychologue, Mme Pinkus a déclaré qu’elle avait du mal à définir ce que l’on entend par ce terme et que dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM), on n’en retrouve pas de définition. On y mentionne les termes « handicapé mental » et « troubles mentaux » . À la question de savoir si Jody Burns avait ou non un handicap qui interférait avec ses processus mentaux, lesquels ne correspondaient pas à ses habiletés exceptionnelles, Mme Pinkus a répondu que oui et a ajouté qu’il souffrait également d’un léger handicap physique dans la mesure où ses habiletés motrices nuiraient à sa capacité à utiliser ses processus mentaux pleinement. Dans le DSM, on utilise le terme « handicapé mental » pour désigner des personnes dont le quotient intellectuel est très faible et Mme Pinkus a fait remarquer que ce serait absurde de dire d'une personne qu'elle est à la fois « douée » et « handicapée mentale » , mais qu’une personne peut être douée et souffrir de troubles mentaux, lesquels peuvent comprendre des difficultés d’apprentissage. Parlant plus précisément de Jody Burns, elle a expliqué qu'il avait un problème physique, mental ou affectif qui interférait avec son fonctionnement normal. Mme Pinkus a dit qu'elle avait discuté à fond avec les deux appelants des possibilités qui existaient sur le plan scolaire et d’activités qui stimuleraient le développement des habiletés motrices de Jody. Au cours de ces discussions, on avait mentionné Choice ainsi que l’école publique locale. À son avis, comme elle l’a signalé aux appelants dans son rapport (pièce A-1), Choice représentait une école qui convenait à Jody dans la mesure où Choice était conçu pour répondre aux besoins d’enfants dont les habiletés se trouvaient au-dessus de celles des enfants dont les écoles publiques pouvaient facilement s’occuper. Les classes à Choice étaient petites : 15 enfants au maximum par classe, et celle dans laquelle Jody s’est retrouvé par la suite n’avait que 12 élèves. Dans ce contexte, il se trouvait dans un groupe d'enfants de son âge, tout en ayant cependant la possibilité de continuer à développer ses aptitudes langagières, nettement supérieures, au rythme qui lui convenait, et on ne s’attendait pas à ce que ses habiletés motrices soient au même niveau. De par la nature individualisée du programme éducatif offert à Choice, Jody serait capable de développer ses habiletés motrices sans être retardé dans son développement intellectuel ou verbal à cause de sa faiblesse motrice relative. De l'avis de Mme Pinkus, Choice disposait du personnel nécessaire pour s’occuper d’apprenants aux prises avec le type de problèmes que vivait Jody. Son professeur, Sherry Haines, convenait tout à fait à Jody, tout comme ses autres enseignants plus tard. Mme Pinkus a déclaré qu’elle avait rencontré les deux appelants ainsi que Jody en 1992, 1993 et 1994, relativement aux difficultés émotives qu'éprouvait Jody et qui ne se rapportaient pas uniquement à l’école, mais tenaient à certains aspects de la dynamique familiale. Mme Pinkus a indiqué qu’elle avait observé Jody après son inscription à Choice : il était heureux, mais il ne se sentait pas tout à fait l’aise à cause de la situation matrimoniale de ses parents. Elle a déclaré qu’elle avait été mise au courant de Choice avant son ouverture et qu’elle avait rencontré Hélène Giroux, fondatrice et directrice de Choice, et avait discuté avec cette dernière de la philosophie d’une école destinée aux apprenants doués. Mme Pinkus a déclaré qu’elle n’avait jamais fait partie du conseil d’administration de Choice, et qu’elle n’avait jamais fait des consultations directement à l’école. Dans l’exercice de sa profession, elle rencontre des enseignants à l’école pour parler d'un enfant donné, mais uniquement à la demande des parents. Elle a également donné au personnel de l'école des cours de perfectionnement professionnel portant sur la reconnaissance de doubles habiletés, des forces et des faiblesses, et sur la façon d'essayer de répondre aux besoins individuels de l’enfant, de la même manière qu’elle l'a fait dans bon nombre d’écoles différentes des basses terres du Fraser. Mme Pinkus a déclaré qu’elle se consacrait entièrement aux enfants dans l’exercice de sa profession et qu'elle s’efforçait de se tenir au courant de ce qui se publiait sur différents sujets se rapportant à son domaine d'exercice. Elle s'est référée à un article (pièce A-4) rédigé par Linda Silverman, dont elle savait personnellement qu'elle était une experte dans le domaine des enfants doués et des difficultés d’apprentissage. Elle a déclaré que Mme Silverman avait animé à plusieurs reprises au cours des dernières années des ateliers dans la région de Vancouver pour différentes commissions scolaires. Mme Pinkus a fait remarquer que Choice offre un programme éducatif qui permet à l’enfant de développer sa confiance en lui et celui-ci est en conséquence davantage à même de faire face à son handicap parce qu’on lui a enseigné des stratégies à cette fin et lui a donné des possibilités d’apprendre la façon la plus efficace d'exprimer ses pensées ou de se débrouiller avec un handicap. À son avis, que ce soit grâce à différentes techniques d’apprentissage, à l’utilisation de l’ordinateur ou à l'emploi d'autres véhicules pour leurs projets à Choice, elle constatait qu'un plus grand nombre d’élèves à Choice étaient en mesure de « maîtriser davantage leurs aptitudes » . Les enfants aux prises avec des difficultés d’apprentissage font preuve de la même résistance à l’égard de leur handicap que les enfants qui souffrent d’handicaps physiques, tels que le diabète ou l’épilepsie, et qui se retrouvent souvent à l’hôpital, où des équipes d’urgence (dont Mme Pinkus fait partie) s’efforcent d’aider ces enfants à se débrouiller sur les plans physique et psychologique. Bref, Mme Pinkus a expliqué qu’un handicapé mental est une personne qui, aux fins de diagnostic, a un Q.I. inférieur à 70 et qu’une personne douée ne peut pas être un handicapé mental dans ce sens-là. Cependant, du point de vue pratique, compte tenu de la différence considérable entre les aptitudes langagières et les habiletés motrices et vu le préjudice que cela porte à la capacité d’apprentissage, un enfant donné peut très bien avoir un handicap. Mme Pinkus a fait remarquer que ce qui a été écrit dans ce domaine (notamment l’article de Mme Silverman) et sa propre expérience indiquent qu’un sixième des enfants doués présentent un type quelconque de difficultés d’apprentissage, habituellement non détectées avant les évaluations. On dit des enfants doués ayant des difficultés d’apprentissage cachées qu'ils présentent une double atypie. En plus de troubles d’apprentissage, d’autres enfants doués souffrent de troubles déficitaires de l’attention, de troubles d’hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA), de troubles oppositionnels avec provocation, de troubles bipolaires, de schizophrénie et de fragilité émotive. On a tendance à considérer les enfants doués – qui se trouvent dans la première tranche de 5 % de la population sur le plan des capacités intellectuelles – comme des enfants sans problèmes. En outre, il existe une différence entre un enfant doué avec un Q.I. de 125 et un autre avec un Q.I. de 160, ce dernier se trouvant dans le 99,9e centile.

[15] Au cours du contre-interrogatoire, l’avocat a renvoyé Mme Pinkus à la partie de son rapport (pièce A-1) sur Jody Burns où elle indiquait qu'il était difficile de dire avec certitude quels problèmes Jody pourrait rencontrer plus tard dans sa formation scolaire. Elle a précisé qu’on est réticent à « cataloguer » un enfant de quatre ans et à affirmer de façon définitive que cet enfant s’est engagé dans une voie déterminée. On a renvoyé Mme Pinkus à un extrait (pièce R-1) tiré du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 4e édition (DSM-IV), qui se rapporte aux troubles de l’expression écrite ou dysgraphie ainsi qu’à certains critères s'appliquant au diagnostic. Mme Pinkus a expliqué que l’un des tests que l’on administre à un enfant de quatre ans est le test d’intégration visuomotrice de Beery, qui se subdivise en deux parties, de sorte que l’on est en mesure de distinguer la composante visuelle de la composante motrice. Un certain nombre de tests d’écriture et de performance scolaire sont compris dans le test de performance individuelle de Wechsler. Étant donné que la plupart des tests permettant de diagnostiquer la dysgraphie exigent que l’enfant ait eu le temps de développer son aptitude à écrire, il est rare que ce diagnostic puisse être posé à l'égard d'un enfant de six ou sept ans. Par conséquent, lorsque Jody Burns avait quatre ans, on n’avait pas fait de diagnostic de dysgraphie à son égard. Mme Pinkus reconnaît qu’elle n’a pas administré de test précis d’écriture à Jody lorsqu'il était plus vieux et quand les appelants l’ont consultée plus tard pour qu’elle vienne en aide à Jody, il ne s’agissait pas alors de régler un problème de manque d’aptitude à écrire. En outre, Mme Pinkus a expliqué qu’elle ne savait pas que Jody souffrait d’une déficience sensorielle mentionnée dans l'extrait susvisé. Se reportant à l’article de Mme Silverman (pièce A-4), Mme Pinkus a déclaré que les recherches ont permis de constater un écart moyen de 18,6 points entre le score verbal et le score de performance chez les enfants doués, ce qui représentait à peu près deux fois la différence observée chez les enfants normaux, soit 9,7. Dans cet article, l’auteur a également signalé que les enfants en difficulté d’apprentissage présentaient un ensemble caractéristique d’habiletés et de déficiences dans un test connu sous le nom de WISC-R. Mme Pinkus a dit qu’elle avait administré des tests semblables à Jody (alors âgé de quatre ans) et qu’elle avait établi que l’écart entre ses aptitudes verbales et sa performance était de 37, ce qui est très élevé. Elle a expliqué que Jody se situait au 77e centile sur le plan des aptitudes de performance, ce qui correspondrait à un Q.I. de 111, mais que ses aptitudes verbales le situaient au 99,9 centile, ce qui correspondrait à un Q.I. de 148, pour un écart de 37 points entre les deux types d’aptitudes. L’écart entre les aptitudes verbales et les habiletés motrices de Jody lorsqu’il avait quatre ans et demi était très marqué, mais Mme Pinkus n’était pas prête à dire si cet écart se réduirait avec le temps. Elle a indiqué qu’elle n’avait pas examiné les travaux scolaires de Jody, ni consulté ses professeurs à Choice au sujet de la difficulté qu'il éprouvait à écrire, mais qu’elle était convaincue qu’on l’aidait à faire face à son problème en l’encourageant à présenter les travaux et les devoirs sous forme de présentations vidéo, par enregistrement sonore et oralement, c'est-à-dire par des moyens physiques plutôt que de s'attendre simplement à ce qu'ils soient écrits à la main. En même temps, bon nombre d’autres élèves étaient capables de très bien écrire et étaient traités différemment. En réponse à une question posée par la Cour, Mme Pinkus a déclaré que lorsqu’elle a soumis Jody Burns à des tests, l’écart entre son quotient intellectuel verbal et son quotient intellectuel performance n’aurait pas constitué à ce moment-là un trouble d’apprentissage mais qu’il représentait un trouble potentiel, et qu'elle était prête à dire qu’il s’agissait d’un trouble d’apprentissage naissant qui se manifesterait probablement à mesure que l’on s’attendait à ce que l’enfant en apprenne davantage, parce qu’un trouble d’apprentissage ne se manifeste en fait que lorsque l’enfant se trouve en milieu scolaire. En réponse à une autre question posée par la Cour, elle a reconnu qu’en recommandant que Jody fréquente Choice, elle l’avait fait en grande partie dans un but préventif, car des enfants doués, qui, tout simplement, s’ennuient mortellement à l’école, peuvent devenir tellement frustrés qu’ils se jettent à terre ou qu’ils se réfugient sous un bureau d’où ils refusent de sortir; c’est à ce moment-là que le comportement de l’enfant permet de poser un diagnostic. Mme Pinkus a mentionné comme exemple de la frustration d'un enfant doué l'exclamation d'un élève de première année qui, n'y tenant plus devant un enseignant qui répétait encore et encore comment épeler le mot « avec » , s’est levé de son pupitre et a crié : « C’est assez! » L’enseignant l’a expulsé de la classe. De l’avis de Mme Pinkus (avis étayé par des écrits se rapportant à son domaine d'exercice), il se peut que 50 % des enfants doués qui ne présentent pas de difficultés d’apprentissage identifiables s’ennuient, qu'ils soient frustrés et qu’ils développent une fragilité émotive, à tel point que leur comportement tombe dans l’une ou l’autre des catégories de troubles reconnus comme pouvant être diagnostiqués, tels que les troubles de l’humeur, la dépression clinique et la manifestation d'agressivité envers les autres. De plus, Mme Pinkus a dit croire que, dans un système d'écoles publiques qui n’offre pas d’éducation spécialisée à ce genre d’élève, tout enfant dont le Q.I. est de 150 et qui est sans troubles reconnus est « assimilable à un handicapé » parce qu’il ne parvient pas à établir des relations avec ses pairs ni ne s’intègre facilement dans le système social. En ce qui concerne la différence dans les scores obtenus par Jody dans ses tests, Mme Pinkus a déclaré qu’en 23 ans de pratique elle n’a jamais vu un écart de 37 points se réduire, simplement avec le passage du temps, à un écart acceptable de 8 à 10 points, ou même à 18,6 points, soit la moyenne constatée par Mme Silverman dans son article. Mme Pinkus reconnaît qu’elle aurait davantage été sûre de l’écart numérique si elle avait pu soumettre Jody encore à des tests à l’âge de huit ans ou plus tard. Selon elle, sa performance scolaire indique qu’il continuera d’y avoir un écart considérable dans ses scores, et les enfants qui ont un score verbal élevé et un score de performance faible ont davantage de difficultés à l’école que ceux qui ont un score verbal faible et un score de performance élevé, parce que les enseignants exigent d’eux d’écrire d’une façon acceptable et que, de façon générale, les enseignants apprécient moins chez un enfant de huit ans l’aptitude à faire des casse-tête qu'une écriture net. Par ailleurs, les enfants dont les aptitudes verbales sont plus faibles peuvent souvent éviter les professions axées sur la conversation et se servir de leurs aptitudes de performance plus grandes pour se diriger vers des professions basées sur la mécanique en se faisant ingénieur, mécanicien ou quelque chose de semblable.

[16] Robert Burns a fait valoir pour lui-même et pour Janet Burns que, d'après la preuve, leur fils Jody, à toutes les époques en cause, souffrait d’un handicap mental. Il s’est référé à l’opinion de Mme Pinkus, praticienne qualifiée, selon laquelle Choice était l’école qu’il fallait pour les problèmes de Jody puisque cet établissement disposait d’un personnel qualifié et était doté d'une structure appropriée, soit des petites classes et des programmes éducatifs individualisés permettant de faire face aux difficultés particulières de leur fils. En outre, Robert Burns a souligné que son témoignage et celui de Janet Burns (qui n’ont pas été contestés au cours du contre-interrogatoire) se rapportant aux difficultés d’apprentissage que continuait d'éprouver leur fils concordaient avec les prévisions faites par Mme Pinkus concernant les difficultés qui se présenteraient pour lui à l’école primaire.

[17] Les avocats de l’intimée ont fait valoir que les témoignages n'établissaient pas que Jody Burns souffrait d’un handicap mental; ils ont fait valoir en outre qu'aucun handicap n’avait jamais été attesté par Mme Pinkus, qui a déclaré qu’il avait été trop tôt pour diagnostiquer un trouble d’apprentissage en particulier. Les avocats ont souligné que Mme Pinkus n’avait pas effectué d’autres tests et que Jody avait continué à fréquenter Choice – où il n’avait pas reçu de soin spécial ni de soin et de formation, si ce n'est dans le cadre d'un programme éducatif pour élèves doués – et qu’il avait poursuivi ses études à Point Grey, où son dernier bulletin indiquait une moyenne globale de 74 % comparativement à la moyenne de 82 % pour la classe. Les avocats ont fait valoir qu’il faut qu’il y ait certaines preuves de troubles quelconques ou de difficultés d’apprentissage pouvant être considérés comme un handicap mental et que bien que ce soit toujours une question de degré, les tests auxquels Jody Burns a été soumis à l'âge de quatre ans n’ont pas indiqué autre chose qu’un problème éventuel et, même là, ils étaient insuffisants pour permettre de savoir si un trouble identifiable se manifesterait.

[18] La disposition pertinente de la Loi est l’alinéa 118.2(2)e) qui se lit comme suit :

(2) Frais médicaux - Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés

[...]

e) pour le soin dans une école, une institution ou un autre endroit - ou le soin et la formation - du particulier, de son conjoint ou d’une personne à charge visée à l’alinéa a), qu’une personne habilitée à cette fin atteste être quelqu’un qui, en raison d’un handicap physique ou mental, a besoin d’équipement, d’installations ou de personnel spécialisés fournis par cette école ou institution ou à cet autre endroit pour le soin - ou le soin et la formation - de particuliers ayant un handicap semblable au sien [...]

[19] À la lecture de la disposition ci-dessus, on se rend compte qu’il y a plusieurs critères à respecter, à savoir :

1. Le contribuable doit payer un montant pour le soin, ou le soin et la formation, dans une école, une institution ou un autre endroit.

2. Le patient doit souffrir d’un handicap mental.

3. L’école, l’institution ou l’autre endroit doit fournir au patient qui souffre du handicap de l’équipement, des installations ou du personnel spécialisés pour le soin, ou pour le soin et la formation, d’autres personnes ayant un handicap semblable au sien.

4. Une personne habilitée à cette fin doit attester que le handicap mental ou physique est la raison pour laquelle le patient a besoin que l’école fournisse de l’équipement, des installations ou du personnel spécialisés pour le soin, ou pour le soin et la formation, de particuliers ayant un handicap semblable au sien.

[20] En premier lieu, on ne conteste pas que les appelants ont bien payé les droits de scolarité dont ils demandent la déduction ou que les paiements ont été faits à Choice, qui est une école au sens de l'alinéa 118.2(2)e).

[21] En deuxième lieu, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : est-ce que Jody Burns souffrait d’un handicap mental à une époque à laquelle se rapporte le présent appel? Le terme « handicap mental » n'est défini ni dans la Loi ni dans la jurisprudence relative à l’article 118.2 ou à la disposition antérieure qui y correspondait. Les avocats des parties m’ont présenté des définitions du terme « handicap » figurant dans divers dictionnaires, dont les suivantes :

Webster's Third New International Dictionary :

[TRADUCTION]

b) - désavantage qui rend la réussite exceptionnellement difficile.

The New Collins Concise Dictionary of the English Language :

[TRADUCTION]

handicap :

1. ce qui gêne ou entrave,

2. compétition, notamment une course, dans laquelle les concurrents se voient attribuer des avantages ou des désavantages relativement au poids, à la distance, etc., afin d'égaliser leurs chances.

Le Shorter Oxford English Dictionary consacre 48 lignes à la définition du terme anglais « handicap » - substantif et verbe - en tant qu'il se rapporte à des activités sportives, surtout aux courses de chevaux, ce qui ne nous aide pas particulièrement.

The Concise Oxford Dictionary of Current English :

[TRADUCTION]

handicap - (fig., en parlant de circonstances) mettre (une personne) en désavantage; (au pp.) qui souffre d’une déficience physique ou mentale.

The Merriam Webster Dictionary, New Edition :

[TRADUCTION]

handicap : (2) désavantage qui rend la réussite exceptionnellement difficile.

Dans le Stedman's Medical Dictionary (25e édition, Williams & Wilkins), on trouve la définition suivante :

[TRADUCTION]

handicap - État physique, mental ou affectif qui entrave le fonctionnement normal d’une personne. Voir aussi déficience.

[22] Comme le présent appel porte sur le droit à un crédit d’impôt pour frais médicaux et que la portée de la disposition s'est progressivement élargie de sorte que sont maintenant déductibles des dépenses pour soins, pour le transport, pour l’achat de matériel, d’appareils et de produits, les frais de déplacement, les frais de chambre et pension et les frais liés à l'achat et au soin d’un animal spécialement dressé pour aider un particulier invalide, je préfère la définition du Stedman’s Medical Dictionary à celles axées surtout sur l’étiquette à respecter dans des activités comme le golf, les courses de chevaux ou le jeu de boules.

[23] Dans l’affaire Speering v. North Bay (City) 7. M.P.L.R. (2d) 308, le juge Bernstein de la Cour de l’Ontario (Division générale), dans un jugement daté du 21 octobre 1991, a abordé la question de savoir si une disposition dérogatoire dans la Loi sur la prescription des actions s’appliquait à une personne ayant subi une blessure à la suite d’une chute sur un trottoir municipal couvert de glace, de manière qu'elle puisse intenter son action en justice malgré le fait qu’elle n’avait pas signifié à la ville l’avis requis dans le délai de sept jours prescrit par la loi. S’il n’a trouvé, dans la Loi sur la prescription des actions, aucun article qui soit de quelque secours à la demanderesse, le juge Bernstein a conclu que l’obligation de donner un avis était discriminatoire à l'endroit des personnes qui, en raison d’un handicap mental ou physique, étaient incapables d'aviser la municipalité de leurs blessures et que l’article 15 de la Charte avait été violé. Voici ce que déclare le juge Bernstein à la page 314 de son jugement :

[TRADUCTION]

À cette étape de l'instance, j’ai devant moi des preuves selon lesquelles la demanderesse blessée a été incapable de donner un avis à la municipalité parce qu’elle avait, à l’époque pertinente, un handicap physique. Pour autant que je sache, la jurisprudence relative à l’article 15 n’a pas défini le terme « handicap physique » . David Lepofsky, dans son article intitulé Equality and Disabled Persons (16 avril 1986), Centre de formation juridique, Barreau du Haut-Canada, à la page A-3, dit qu’un handicapé physique ou mental est une personne « ayant une caractéristique physique ou un trouble mental identifiable, grave ou mineur, qui peut la rendre incapable d’entreprendre une tâche donnée » . Pour ce qui est du handicap, la législation sur les droits de la personne a été interprétée comme visant une large gamme de caractéristiques permanentes et temporaires, qu’elles soient attribuables à des facteurs congénitaux, accidentels ou pathologiques.

[24] Il convient de signaler que le présent appel ne porte pas sur une demande de crédit d’impôt pour personnes handicapées fondée sur l’article 118.3 de la Loi de l’impôt sur le revenu, car en pareil cas la norme extrêmement exigeante à respecter découle de la formulation restrictive de l’article et des définitions qu’on y trouve, dont aucune ne s’applique vraiment en l'espèce. Dans la décision Congo c. Canada, [1996] A.C.I. no 671, l’honorable juge Taylor de la Cour canadienne de l’impôt, bien qu’il ait rejeté l’appel, a reconnu que le trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA) était un handicap, et il a tenu, à la page 2, les propos suivants :

[...] Ces problèmes de concentration et de mémoire portant même sur les obligations les plus élémentaires avaient de sérieuses répercussions sur la vie de Mark, sur tous ceux qui l’entouraient (notamment sa famille, ses amis et ses professeurs) et même sur ses relations avec le grand public.

[25] Voici la définition de « mental handicap » (handicap mental) que l’on trouve dans The New Collins Concise Dictionary of the English Language (Collins) :

[TRADUCTION]

mental : 1. qui a rapport à l’esprit. 2. qui se produit seulement dans l’esprit;

déficience mentale : état de faible développement intellectuel nécessitant une éducation spéciale et l'exercice d'emplois spéciaux. Appelée aussi handicap mental.

[26] J’en viens maintenant au témoignage de Mme Joan Pinkus qui, pris dans son ensemble, indique qu’elle reconnaît que Jody Burns en tant qu'enfant doué ayant une intelligence supérieure ne peut sur cette seule base être qualifié de « handicapé mental » . Je souligne que l’alinéa pertinent de la Loi n'exige pas que la personne visée soit un handicapé mental, mais seulement qu'elle soit une personne à l'égard de qui on a attesté valablement qu’elle souffre d’un handicap mental. Mme Pinkus a témoigné que quelqu’un peut être doué et en même temps souffrir de troubles mentaux, et que bon nombre de personnes douées répondraient aux critères diagnostiques relatifs aux troubles mentaux et aux difficultés d’apprentissage. Elle a déclaré qu’il lui était difficile de réagir au terme « handicap mental » car il ne lui était pas familier : elle ne le rencontrait pas dans l’exercice de sa profession, et elle ne connaissait pas la définition qu'en donnaient les manuels de diagnostic appropriés. Elle a témoigné que Jody Burns souffrait d’un handicap qui interférait avec ses processus mentaux relatifs à ses aptitudes exceptionnelles révélées par le score qu’il a obtenu dans la partie des tests qui portait sur les aptitudes verbales. En outre, elle était d’avis que Jody souffrait d’un handicap physique relativement léger qui était relié à sa capacité à utiliser ses habiletés motrices suffisamment bien pour concrétiser ses pensées. Selon elle, Jody souffrait d'un trouble physique, mental ou affectif qui interférait avec son fonctionnement normal, et la bonne façon de traiter ce trouble consistait à l’inscrire à Choice, une école dont les enseignants avaient reçu une formation spéciale, où les classes étaient petites et qui offrait un programme éducatif personnalisé pouvant l’aider à faire face à son handicap. À la fin de son contre-interrogatoire, j'ai posé la question suivante à Mme Pinkus :

[TRADUCTION]

Maintenant, l’écart entre le Q.I. verbal et le Q.I. de performance que vous avez observé chez le jeune enfant qu'était Jody à ce moment-là, constituait-il, selon vous, un trouble d’apprentissage?

[27] Voici la réponse qu’a donnée Mme Pinkus :

[TRADUCTION]

C'était certainement une possibilité.

[28] Mme Pinkus a adopté le terme « trouble naissant » que je lui avais proposé comme pouvant convenir dans les circonstances et elle a poursuivi en disant que, selon elle, les résultats obtenus par Jody dans les tests révélaient son trouble naissant, qui allait probablement se manifester à mesure que les attentes à son égard sur le plan de l'apprentissage grandissaient au cours de sa formation scolaire. Elle a également reconnu qu’elle aurait eu une plus grande certitude quant à l’écart entre le Q.I. verbal et le Q.I. de performance si elle avait soumis l’enfant à de nouveaux tests à l’âge de huit ans, mais, compte tenu de l'information anecdotique qu'elle a pu obtenir des appelants et compte tenu également du bulletin de Point Grey, elle soupçonnait que l’écart entre son score verbal et son score de performance ne s'était pas réduit sensiblement. En outre, elle connaît bien cette école-là et ses enseignants et elle a déclaré qu’ils n’avaient pas reçu de formation particulière pour s’occuper des difficultés d’apprentissage. Il ressort du témoignage de Mme Pinkus qu’elle considère les enfants doués (notamment ceux ayant un Q.I. qui les placent au 97e centile et plus) qui fréquentent des écoles publiques au niveau primaire comme « équivalant à des personnes handicapées » .

[29] La preuve ne me convainc pas que Jody Burns avait un handicap mental, bien qu’il ait présenté certaines difficultés d’apprentissage qui doivent être placées dans le contexte de ce qui se passait dans sa vie à la suite de certains événements malheureux qui s’étaient produits dans sa famille, et aussi dans le contexte d’un enfant doué qui possédait des aptitudes verbales exceptionnelles et des aptitudes moindres en ce qui a trait à la performance (à l’âge de 4 ans et 5 mois). Il n’y a aucune preuve établissant qu’il recevait un traitement spécial à Choice, si ce n’est qu'on reconnaissait que sa qualité d'enfant doué lui était propre en tant que personne qui éprouvait des difficultés par rapport à certaines habiletés motrices liées à l’écriture. Selon moi, il est impossible de le considérer comme ayant été un « patient » au moment où il fréquentait Choice. On ne lui administrait pas d'autres tests et il ne recevait aucune thérapie se rapportant aux difficultés d’apprentissage que l’on prévoyait, et rien ne permet de conclure qu'il souffrait alors d'un trouble pouvant constituer un handicap mental. Les parents sont toujours libres d'anticiper des problèmes ou de faciliter la vie à un enfant en prenant des initiatives, mais il n’en découle pas nécessairement un allégement fiscal étant donné que la disposition pertinente de la Loi ne reconnaît pas les dépenses basées sur la clairvoyance, sur une appréhension raisonnable ou même sur une opinion éclairée ne constituant cependant pas une conclusion relativement sûre (pouvant être considérée comme une attestation) reconnue par la discipline médicale concernée. Si des parents choisissent de renoncer à faire subir à leur enfant de nouveaux tests en temps opportun quand les résultats pourraient permettre de poser un diagnostic confirmant peut-être des opinions préliminaires, ils risquent de se trouver dans une position où il y a manque de preuves relatives à certains critères énoncés dans l’alinéa pertinent de la Loi. Dans l’appel Gordon Giroday c. Sa Majesté la Reine, 97-721(IT)I, concernant Michael Giroday, le fils du contribuable, qui avait également fréquenté Choice, j’ai déclaré ce qui suit à la page 3 :

Compte tenu des faits, il est évident que Michael n’avait pas de handicap mental et qu’une personne habilitée à cette fin n’avait pas attesté qu’il en avait un. Le fait que le système des écoles publiques dans le district de l’appelant n’offre pas de programmes appropriés aux élèves aussi talentueux que Michael nuit aux progrès scolaires de celui-ci et à la réalisation de son plein potentiel. Toutefois, on ne saurait dire que Michael a un handicap mental simplement à cause de ses aptitudes intellectuelles supérieures. Un grand athlète peut envisager de s’installer dans une nouvelle municipalité afin de trouver des installations d’entraînement adéquates ou de participer à de grosses compétitions, mais cette personne douée ne peut être considérée comme victime d’un handicap physique en raison de l’absence d’installations.

[30] Auparavant, j’avais entendu les appels dans l'affaire Patricia M. Collins c. Sa Majesté la Reine, ci-dessus, et, dans une autre décision, Deborah Robinson c. Sa Majesté la Reine (97-640(IT)I), où il s'agissait également de la fréquentation de Choice par les enfants de la contribuable, j’ai déclaré ce qui suit aux pages 19 à 21 :

Pour revenir aux faits du présent appel, je ne suis pas convaincu selon la preuve que Geoffrey avait un handicap mental même s'il est reconnu que son comportement - causé en plus grande partie par l’insatisfaction d'être obligé de commencer ses études dans un milieu contraignant et abrutissant, que les bureaucrates, contraints par les règles, qui administraient le réseau des écoles publiques n’ont pu corriger faute d’imagination – a beaucoup déconcerté l’appelante et son mari, et surtout Geoffrey. Il peut souvent être irritant, frustrant, exaspérant, ennuyant ou accablant d’être au-dessus du commun pour ce qui est de la capacité intellectuelle, selon les capacités d’adaptation que possède une personne, mais il ne s’agit pas, sans plus, d’un handicap mental. Le milieu où une personne douée est forcée de fonctionner peut ne pas lui offrir de bonnes possibilités de s’épanouir entièrement au rythme optimal dans un système d’éducation moins que parfait et financé par les fonds publics, mais la faute en revient au système et ne peut être imputée à la personne du fait qu’on établirait que la capacité supérieure est un handicap mental qu'a la personne douée. Les parents consciencieux font de vastes efforts et dépensent beaucoup d’argent pour essayer d’offrir une bonne éducation à leurs enfants dans un milieu qui leur convient. Comme les frais à cette fin sont souvent très élevés, il est naturel de demander un allégement fiscal quelconque puisqu'il n’existe dans le réseau public aucun financement satisfaisant pour offrir des programmes éducatifs personnalisés aux enfants doués au niveau élémentaire. Toutefois, même si le fisc considère que tout l’argent gagné est un revenu, ce ne sont pas toutes les dépenses dans la vie qui sont déductibles.

La preuve relative à Michael Robinson n’a pas démontré qu’il avait un handicap mental et le Dr Pinkus n’a rien déclaré - oralement ou par écrit - qui puisse être considéré de quelque façon comme une attestation à cet effet. Dans l’affaire Collins, précitée, l’enfant du contribuable, même s'il était doué, était atteint d’hyperactivité avec déficit de l’attention ce qui, dans les circonstances particulières à sa situation, constituait un handicap mental et a été ainsi attesté par le Dr Pinkus et le Dr Weiss, psychiatre se spécialisant dans le traitement des enfants. Dans l’affaire Giroday, l’enfant était doué et, heureusement, n’avait pas manifesté de problèmes de comportement autres que de l’ennui à l’école, ce qui ne nuisait pas à ses capacités. Il suffit d’examiner les motifs des jugements dans ces affaires et, je le présume, dans les appels à venir portant sur la fréquentation de Choice par des enfants doués, pour illustrer que les faits dans chaque cas doivent être suffisants pour répondre aux critères exigés par l’alinéa pertinent de la Loi. Cette Cour n’a pas compétence pour établir le droit en récrivant la Loi dans chaque cas ou dans l’ensemble, pour corriger une certaine omission possible par le législateur malgré des décisions récentes à cet égard qui ont été rendues par d’autres tribunaux dans un autre contexte.

[31] Dans les présents appels, je ne puis conclure que Mme Pinkus avait attesté (dans le sens d’affirmer catégoriquement) que Jody Burns, à l’époque en cause, souffrait d’un handicap mental, bien qu’elle ait indiqué aux appelants, en se basant sur l'évaluation qu'elle avait faite, qu’il vaudrait mieux pour Jody qu'il fréquente Choice, et qu'elle leur ait également indiqué que, connaissant les résultats des tests subis par l’enfant et ayant été informés des besoins spéciaux des enfants doués, les appelants devraient suivre son évolution de près.

[32] Il ressort des décisions rendues dans les affaires Collins, Giroday et Robinson, et des présents appels, que les décisions traitant d'enfants doués et de la présence ou l’absence d’handicaps mentaux jugés avoir été attestés valablement au moment pertinent continueront de dépendre des faits. Ceux-ci dicteront où sur le continuum un appelant donné se situera une fois tous les témoignages entendus.

[33] Il est utile de citer le dernier paragraphe d’un article (pièce A-4) rédigé par Linda Silverman, directrice du Gifted Child Development Center (Centre de développement des enfants doués) à Denver (Colorado), intitulé « Invisible Gifts, Invisible Handicaps » , Roeper Review, volume 12, no 1, dans lequel elle dit :

[TRADUCTION]

Nous vivons à une époque où les mots « accessible aux personnes handicapées » sont ancrés dans la conscience de la plupart des Américains. Mais, nous n’avons toujours pas rendu l’éducation des enfants doués « accessible aux personnes handicapées » . Les enfants doués ayant des difficultés d’apprentissage sont systématiquement tenus à l’écart des programmes pour enfants doués partout dans le monde. En raison des exigences d’admission restrictives fondées sur des raisons budgétaires plutôt que sur la préoccupation du bien-être des enfants, il nous a été très difficile de reconnaître et d’améliorer la situation. Plutôt que de laisser pour compte les enfants doués ayant des difficultés d’apprentissage, il est temps de voir à offrir les types d’intervention dont ces enfants ont désespérément besoin. Voilà le défi qu’il faudra relever au cours de la prochaine décennie.

[34] Après avoir entendu quatre appels distincts de contribuables ayant des enfants doués qui ont fréquenté Choice, il est évident pour moi que la situation aujourd’hui dans la région des basses terre du Fraser et, je le soupçonne, à peu près partout ailleurs au Canada, n’est pas bien différente de celle dont parlait Mme Silverman. Par conséquent, le nombre d’enfants doués qui deviendront des « âmes en peine » ira en augmentant parce que le système d’éducation actuel n'est pas en mesure de reconnaître les besoins spéciaux de ces enfants en tant qu'élèves qui se trouvent à l’autre extrémité du continuum. Il est illogique qu’un enfant doué soit obligé de demeurer dans le système et d'essayer de jouer le jeu jusqu’à ce qu’il devienne suffisamment frustré, ennuyé et irrité pour que son comportement dégénère en véritables troubles mentaux pouvant alors être catalogués et reconnus comme constituant un handicap mental. La solution à ce problème, comme à bien des autres soumis à cette cour, ne réside pas dans l’élargissement de la portée de la jurisprudence, mais dans l'obtention de programmes et installations appropriés du palier de gouvernement qui est responsable de l’éducation des enfants aux termes de la Constitution.

[35] Les appels des deux appelants sont par les présentes rejetés.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique) ce 29e jour de mai 1998.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 9e jour de décembre 1998.

Erich Klein, réviseur

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