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Date: 19980727

Dossiers: 96-705-GST-G; 96-706-GST-G

ENTRE :

JUDY-ANNE TAYLOR, JOSEPH ET SANDRA REDMOND,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Garon, C.C.I.

[1] L'appelante Judy-Anne Taylor a interjeté appel contre une cotisation de taxe sur les produits et services datée du 1er mai 1995, d'un montant de 45 009,35 $, relative à l'acquisition d'un droit sur une maison en rangée située à Vancouver.

[2] En ce qui concerne les appelants Joseph et Sandra Redmond, leurs appels se rapportent à des cotisations de taxe sur les produits et services datées du 1er mai 1995, d'un montant de 47 134,50 $, relatives à l'acquisition d'un droit sur une maison en rangée située à Vancouver.

[3] À l'audition de ces appels, un “ Exposé conjoint des faits ” ainsi que 25 documents qui y étaient joints, signés par les avocats des appelants et de l'intimée, ont été présentés en preuve :

[TRADUCTION]

L'appelante et l'intimée conviennent de ce qui suit :

1. Le 19 juin 1994, l'appelante Judy-Anne Taylor (“ Mme Taylor ”) a conclu un contrat avec Polygon Sandringham Development Limited (“ Polygon ”) en vue d'acquérir un droit sur une maison en rangée, soit l'unité 7 du 5650, Hampton Place, Vancouver (Colombie-Britannique), désignée légalement comme étant le lot 7, plan de condominiums à bail LMS1415, cette maison étant destinée à lui servir de résidence personnelle. Une copie dudit contrat figure à l'onglet 1 des présentes.

2. La maison en rangée était l'une de 32 unités que Polygon avait construites sur un terrain non bâti que lui donnait à bail la University of British Columbia, qui est un organisme public. Les améliorations effectuées par Polygon étaient assujetties aux restrictions énoncées à la partie 3 de la Condominium Act. Une copie du bail foncier initial figure à l'onglet 2 des présentes.

3. Polygon a converti le bail foncier pour le projet de construction de maisons en rangée en baux individuels de lots en copropriété en déposant, avec le consentement de l'UBC, un plan de condominium à bail conformément à la partie 3 de la Condominium Act.

4. Polygon a soutenu que l'opération était assujettie à la TPS. Par lettre datée du 12 juillet 1994, l'avocat de Mme Taylor a contesté l'assertion de Polygon selon laquelle la TPS était payable par suite de l'achat de l'unité en question. Une copie de la lettre du 12 juillet 1994 figure à l'onglet 3 des présentes.

5. Le 13 juillet 1994, l'avocat de Mme Taylor a confirmé qu'ils concluraient l'opération et paieraient sous réserve la TPS demandée par Polygon. Une copie de la lettre du 13 juillet 1994 figure à l'onglet 4 des présentes.

6. Pour achever l'opération, Mme Taylor a payé au titre de la TPS un montant de 45 009,35 $, qui correspondait à 7 p. 100 de la somme de 642 990,65 $. Une copie de l'état des rajustements de Mme Taylor figure à l'onglet 5 des présentes.

7. Le 14 juillet 1994, Mme Taylor a reçu la cession de bail enregistrée portant le numéro BG298419 afférente au lot no 7, DL 6494, plan LMS 1415, sur paiement de la somme de 642 990,65 $. Une copie de ladite cession figure à l'onglet 6 des présentes.

8. À l'onglet 7 figure un certificat de quasi-achèvement des unités initiales situées au 5650, Hampton Place, daté du 7 juin 1994, et un certificat de quasi-achèvement des travaux daté du 28 juin 1994, à l'égard du reste du projet de construction de maisons en rangée au 5650, Hampton Place, Vancouver (Colombie-Britannique).

9. Mme Taylor a demandé à Revenu Canada (Impôt) le remboursement de la TPS le 22 juillet 1944. La demande de remboursement figure à l'onglet 8 des présentes.

10. Mme Taylor a écrit à Randy Jang de Revenu Canada (Impôt) le 26 juillet 1996, pour faire confirmer le conseil que Revenu Canada lui avait donné de demander, à l'égard du remboursement de la TPS, une décision relative à l'application de la TPS. Une copie de ladite lettre figure à l'onglet 9 des présentes.

11. Le 18 août 1994, Ray Ng de Revenu Canada (Impôt) a rendu ce qui a été décrit comme une décision ayant force obligatoire. Une copie de ladite décision figure à l'onglet 10 des présentes.

12. Le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a par la suite établi à l'égard de Mme Taylor, le 1er mai 1995, une cotisation dans laquelle il rejetait sa demande de remboursement de la TPS. Ladite cotisation figure à l'onglet 11.

13. Mme Taylor a déposé un avis d'opposition à ladite cotisation daté du 20 juillet 1995. Ledit avis d'opposition figure à l'onglet 12.

14. Le 8 février 1996, le ministre a délivré un avis de décision ratifiant la cotisation et confirmant que la demande de remboursement de la taxe payée par erreur avait été rejetée avec raison. Ledit avis de décision figure à l'onglet 13.

15. Le 15 février 1994, l'appelant Joseph Redmond (pour son propre compte et pour le compte de l'appelante Sandra Redmond) (les “ Redmond ”) a conclu un contrat avec Polygon en vue d'acquérir un droit sur une maison en rangée, soit l'unité 1 du 5650, Hampton Place, Vancouver (Colombie-Britannique), désignée légalement comme étant le lot 1 indiqué sur un plan projeté de condominiums à bail visant le lot 1, pièce 3, lot de district 6494, plan 22697, district de New Westminster, cette maison étant destinée à servir de résidence personnelle. Ledit contrat figure à l'onglet 14.

16. Joseph Redmond a obtenu une décision par anticipation relative à la TPS, laquelle décision, décrite comme ayant force obligatoire, a été rendue par Ray Ng de Revenu Canada (Impôt) le 22 juillet 1994. Ladite décision figure à l'onglet 15.

17. Le 27 juillet 1994, l'avocat de Polygon a écrit à l'avocat des Redmond pour l'informer que ses clients n'étaient pas d'accord pour qu'il y ait retenue du montant de la TPS et qu'ils s'attendaient à recevoir le paiement intégral du prix conformément à l'état des rajustements. Une copie de ladite lettre figure à l'onglet 16.

18. L'état des rajustements des Redmond figure à l'onglet 17.

19. Les Redmond ont payé 47 134,50 $ au titre de la TPS à l'égard de l'acquisition de leur droit sur la maison en rangée.

20. Le 3 août 1994, les Redmond ont reçu la cession de bail enregistrée no BG298419 à l'égard du lot no 1, lot de district 6494, plan de condominiums à bail LMS1415. Ladite cession figure à l'onglet 18.

21. Le 5 août 1994, Joseph Redmond a demandé à Revenu Canada le remboursement de la TPS payée à l'égard de l'acquisition du droit des Redmond sur la maison en rangée. Ladite demande figure à l'onglet 19.

22. Le 16 août 1994, Ray Ng de Revenu Canada (Impôt) a écrit à Joseph Redmond pour l'informer que les Redmond devaient chercher à obtenir du fournisseur inscrit le remboursement de la TPS. Ladite lettre figure à l'onglet 20.

23. Le 1er mai 1994, le ministre a établi à l'égard des Redmond une cotisation qui rejetait leur demande de remboursement. Ladite cotisation figure à l'onglet 21.

24. Joseph Redmond a répondu à la cotisation du 1er mai 1995 par une lettre datée du 11 mai 1995, laquelle figure à l'onglet 22.

25. Le 19 mai 1995, Melvin Bellefontaine de Revenu Canada (Impôt) a répondu à Joseph Redmond pour l'informer que l'application de la TPS à la fourniture de lots de condominiums à bail était à l'étude. La lettre du 19 mai 1995 figure à l'onglet 23.

26. Le 19 mai 1995, les Redmond se sont opposés aux cotisations; l'avis d'opposition figure à l'onglet 24.

27. Le 8 février 1996, Revenu Canada a délivré un avis de décision ratifiant la cotisation et disant que la demande de remboursement de la taxe payée par erreur par les Redmond avait été rejetée avec raison. L'avis de décision figure à l'onglet 25.

28. L'intimée soutient que les faits admis aux paragraphes 10, 11, 16 et 22 n'ont rien à voir avec le présent appel.

[4] Aucune preuve n'a été présentée à part l'exposé conjoint des faits précité et les documents y joints.

Arguments de l'appelante

[5] L'avocat des appelants a commencé par souligner qu'une unité indiquée sur un plan de condominiums à bail avait été acquise moyennant paiement à l'avance, comme le montre le contrat de vente du 19 juin 1994 conclu entre Polygon Sandringham Development Limited (“ Polygon ”) et Mme Taylor.

[6] Dans la demande (formulaire C) que la University of British Columbia a déposée au bureau d'enregistrement de Vancouver le 20 août 1993, le droit mentionné au paragraphe 3 est décrit comme étant une “ tenure à bail ”, le cédant étant l'UBC et le cessionnaire Polygon. Le bail foncier et le bail de condominium type étaient joints audit formulaire C.

[7] Il a été fait mention d'un certain nombre de dispositions figurant dans le bail foncier du 20 août 1993, conclu entre la University of British Columbia (l'“ UBC ”) et Polygon Development XXII Limited (“ Polygon ”) (onglet 2).

[8] Dans les attendus de cet acte, l'UBC est désignée comme étant le bailleur et Polygon comme étant le preneur. De plus, il y est déclaré que le bailleur est propriétaire des fonds et que le bailleur a consenti à louer ces fonds pour la période stipulée dans le bail foncier afin que le preneur puisse y ériger des bâtiments, convertir le bail en vertu du paragraphe 96(1) de la Condominium Act, et avoir l'usage et la jouissance des fonds et des bâtiments qui s'y trouvent pendant toute la durée du bail.

[9] La clause 2.01 du bail foncier stipule que le montant de 6 555 555 $ devait être payé par le preneur au plus tard à la date de commencement, soit “ le 20 août 1993 ”. À cet égard, l'avocat des appelants a fait remarquer que si le loyer avait été payé mensuellement, il n'y aurait pas eu de litige, mais que le loyer avait été payé à l'avance. Le paragraphe 2.02 du contrat stipule que toutes les sommes versées au bailleur par le preneur sont “ réputées être un loyer ”.

[10] Au paragraphe 12.01, le bailleur se voit conférer le droit, pendant la durée du bail, d'accéder à tout moment raisonnable aux fonds et aux bâtiments pour en examiner l'état. Le paragraphe 12.02 stipule que le bailleur a le droit d'afficher des écriteaux disant que les fonds et les bâtiments sont à vendre ou à louer au cours des 12 derniers mois du bail.

[11] Le paragraphe 16.01, qui se rapporte à la sous-location par le preneur, renferme les dispositions que comporte habituellement un bail.

[12] Le paragraphe 23.01 stipule qu'à l'expiration du bail, Polygon cédera les fonds et les bâtiments à l'UBC, sans que cette dernière l'indemnise, sauf de la façon prévue dans le bail de condominium type, qui figure à l'annexe A du bail foncier.

[13] Le paragraphe 24.01 renferme un engagement à permettre la jouissance paisible.

[14] Le paragraphe 26 du bail foncier traite de la conversion du bail foncier en vertu de la Condominium Act, au moyen d'un plan de condominiums à bail, en une série de baux individuels incorporant les conditions du bail de condominium type, comme l'exige le paragraphe 26.03 du bail foncier et l'article 96 de la Condominium Act.

[15] Certaines dispositions du bail de condominium type ont été examinées.

[16] Dans ce bail, l'UBC est désignée comme étant le bailleur et les preneurs comme étant les propriétaires parce que la Condominium Act désigne le preneur à bail d'une unité en copropriété comme étant propriétaire. Selon l'avocat des appelants, cela ne veut pas dire que le preneur est propriétaire en fief simple.

L'alinéa 1.01d) définit le loyer de base, en renvoyant au paragraphe 2.01, comme étant “ la quote-part proportionnelle du loyer de base impayé pour chaque lot en copropriété, laquelle sera égale au produit du loyer de base impayé en vertu du bail foncier, divisé par le nombre de lots ”.

[17] Le paragraphe 2.03 décrit l'obligation du preneur à l'égard du paiement du loyer de base.

[18] Le paragraphe 16.01 énonce les conditions auxquelles le preneur doit se conformer à l'égard de l'utilisation du lot en copropriété.

[19] Le paragraphe 16.02 traite de la sous-location et de la cession par le preneur.

[20] L'avocat des appelants a terminé son examen du bail de condominium type en mentionnant son paragraphe 26.01, qui traite de l'achat par le bailleur du droit du preneur sur le lot en copropriété. Il a également fait remarquer que le paragraphe 26.01 du bail de condominium type traite de l'effet de la Condominium Act. Il a fait remarquer que l'alinéa 26.01b) prévoit que “ pour l'application de l'alinéa 97(2)a) de la Condominium Act, l'alinéa 26.01b) constitue une annexe déposée avec le plan de condominiums à bail ”. Il a en outre mentionné les autres dispositions de l'alinéa 26.01b), qui établissent une formule permettant de déterminer le prix que doit payer le bailleur pour acheter le droit du preneur. Selon l'avocat des appelants, l'alinéa 26.01b) est essentiellement de la nature d'une “ réduction de loyer ”. À cet égard, l'avocat a ajouté ceci1 : “ Vous avez eu le fonds et le bâtiment pendant 99 ans. Vous avez payé le loyer à l'avance. La période de 99 ans tire à sa fin; nous vous offrons un incitatif. Il peut arriver l'une de deux choses : vous pouvez le laisser aller, ce qui a réellement posé un problème dans bien des secteurs, ou vous pouvez l'entretenir. Nous avons intérêt à ce que vous l'entreteniez. Si vous l'entretenez, nous allons faire quelque chose pour vous. Nous allons faire quelque chose en ce qui concerne le loyer. Nous allons payer ce que nous estimons être la juste valeur marchande de ce bâtiment. Cependant, fondamentalement, aux fins de l'appel, cela ne change en rien la nature du bail lui-même. Ce dont il s'agit en fait c'est un rajustement de loyer qui se fera à un moment donné. Voilà essentiellement ce qui a été cédé aux appelants, ce bail type. ” L'avocat des appelants a expliqué la logique de la partie de la formule qui prévoit que la juste valeur marchande du droit du preneur doit être déterminée en tenant compte du fait qu'aucune valeur n'est attribuable aux fonds parce que l'UBC ne les a jamais transférés. L'UBC ne vas pas payer quoi que ce soit pour les fonds eux-mêmes.

[21] Dans son examen des diverses dispositions de la Loi sur la taxe d'accise, l'avocat des appelants a souligné qu'en vertu de l'article 165, l'acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer la taxe. En ce qui concerne la première question, soit celle de savoir s'il existe une fourniture, il a répondu par l'affirmative compte tenu de la définition de “ fourniture ”, qui s'entend de la livraison de biens, notamment par vente ou louage. Étant donné la portée générale de la définition de “ bien ” figurant au paragraphe 123(1), l'avocat des appelants a admis que, dans ce cas-ci, il y avait eu livraison de biens. Il a convenu que la fourniture par Polygon avait été effectuée dans le cadre d'une activité commerciale.

[22] Pour le compte des appelants, il a été soutenu que la fourniture par Polygon du droit qu'il avait sur les fonds est exonérée en vertu des alinéas 7a) et c) de la partie I de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise. À l'appui de cet argument, l'avocat des appelants a soutenu que la cession du bail aux appelants par Polygon est exonérée s'il s'agit de la cession d'un bail admissible en vertu du sous-alinéa 7a)(i) ou (ii). Il a appliqué ces dispositions à la présente situation en soulignant qu'il y avait d'abord eu entre l'UBC et Polygon un bail foncier qui visait expressément à permettre la construction d'un ensemble d'habitations. Puis, il y avait une nouvelle fourniture parce que Polygon devait obtenir le consentement de l'UBC pour enregistrer un bail de lot en copropriété. Par conséquent, selon l'avocat, chacun des appelants est admissible en vertu de l'alinéa 7c) parce que Polygon a cédé le bail à chacun d'eux. De l'avis de l'avocat, toute la preuve du ministre du Revenu national est fondée sur le concept de la propriété et sur le fait qu'une vente a été conclue. L'avocat des appelants a soutenu qu'un bail n'a pas pour effet de transférer la propriété d'un bien. Il a parlé de l'obligation précise de Polygon à l'égard du paiement du loyer prévu dans le bail foncier, dans le bail de condominium type et dans la cession, et de l'obligation de l'UBC d'accorder la jouissance paisible.

[23] Dans sa réponse aux arguments de l'intimée, l'avocat des appelants a fait de très brèves remarques au sujet des règles relatives à la fourniture à soi-même figurant à l'article 191 de la Loi sur la taxe d'accise, après avoir déclaré qu'il ne s'appuyait pas sur cet article.

[24] Enfin, l'avocat des appelants a parlé de la question des “ décisions ” et a souligné au départ qu'il ne soulevait pas la question de la préclusion. Toutefois, il a déclaré que s'il existe un doute au sujet de l'interprétation des dispositions d'une loi et de la façon dont celles-ci devraient s'appliquer, il faut se reporter aux “ décisions ”. Il a souligné que le ministre, ayant publié un ensemble de politiques et d'interprétations, ne devrait pas pouvoir se présenter en cour et changer d'idée dans le cas des contribuables dont la cour entend la cause. À l'appui de ce point de vue, l'avocat a invoqué les décisions rendues par la Cour suprême du Canada dans les affaires Nowegijick v. The Queen et al. 83 DTC 5041, et Mattabi Mines Limited v. The Minister of National Revenue (Ontario), [1988] 2 C.T.C. 294. L'avocat des appelants a attiré l'attention de la Cour sur le fait que, dans l'arrêt Nowegijick, on mentionne le jugement que la Cour suprême du Canada a rendu dans l'affaire Harel c. Le sous-ministre du Revenu de la province de Québec, [1978] 1 R.C.S. 851.

Arguments de l'intimée

[25] L'avocate de l'intimée a soutenu que Polygon avait vendu aux appelants le droit de tenure à bail qu'elle avait sur certains fonds. L'intimée ne soutient pas que les appelants ont acquis une franche tenure ou un domaine en fief simple. Elle soutient plutôt que par suite du régime législatif qui a été établi par la Condominium Act, les appelants sont en fait propriétaires des lots de leurs condominiums à bail, et que toutes les restrictions auxquelles une tenure à bail est assujettie s'appliquent, puisqu'ils ont acquis ce droit de propriété directement de Polygon.

[26] L'intimée soutient que le fait que les appelants ont acquis par cession la tenure à bail qu'avait Polygon ne veut pas dire qu'il s'agissait d'une fourniture effectuée par bail, licence ou accord semblable, au sens de l'alinéa 7a) de la partie I de l'annexe V. Selon l'avocate de l'intimée, il faut tenir compte du fond de l'opération conclue entre Polygon et les appelants et non simplement de la forme. Il faut tenir compte de ce qui a réellement été cédé. Le droit de propriété ne doit pas nécessairement être un droit en fief simple. L'avocate a soutenu qu'il est possible en effet d'être propriétaire d'un droit de tenure à bail. À cet égard, elle a soutenu que la Condominium Act elle-même, en créant les lots en copropriété, déroge énormément aux principes de common law qui s'appliquent à la propriété ordinaire en fief simple parce qu'un grand nombre de restrictions sont apportées à l'ensemble des droits qui se rattachent normalement à la propriété d'un logement en copropriété.

[27] L'avocate de l'intimée a cité des dispositions de la Condominium Act et a souligné en premier lieu que l'article 95 prévoit que, sur dépôt du plan de condominiums à bail, le registrateur du bureau d'enregistrement concerné doit enregistrer des nouveaux titres indéfectibles au nom du propriétaire en fief simple du fonds pour chacun des lots indiqués sur le plan. Polygon n'a plus rien à voir avec un lot particulier après qu'elle a cédé sa tenure à bail y afférente. Il a été fait mention du fait qu'à l'article 92, le preneur du lot en copropriété est assimilé à un propriétaire ou à un acheteur. En vertu de l'article 97 de la Condominium Act, une obligation absolue est imposée à l'organisme public d'acheter à l'expiration du bail le droit que possède le preneur à bail du lot en copropriété. Il a été soutenu qu'il est possible d'inférer, à partir des faits, que le prix que chaque appelant a payé lorsqu'il a acheté son bien ne correspondait qu'à la valeur du bâtiment. Or, aucun des documents de cession n'attribue un montant aux bâtiments par opposition au fonds. Les appelants ont payé environ 660 000 $ pour acquérir leurs unités respectives. Polygon avait déjà versé 6 655 555 $ à l'UBC avant de céder à chaque appelant la tenure à bail qu'elle avait à l'égard du lot en copropriété en question.

[28] Il a en outre été soutenu pour le compte de l'intimée que même si les appelants n'étaient pas devenus propriétaires en fief simple de l'ensemble du bien-fonds, “ ils avaient acquis quelque chose qui s'en rapprochait énormément ”. Le droit de propriété propre aux appelants est protégé par le paragraphe 97(4), qui prévoit que s'il y a un différend au sujet de la valeur appropriée de ce genre de droit sur un bien, il faut renvoyer l'affaire à l'arbitrage. L'article 98 de la Condominium Act exige qu'une ordonnance soit rendue exigeant la vente du droit de l'acheteur si ce dernier manque à l'une quelconque de ses obligations et responsabilités. Il s'agit là d'une autre mesure visant à protéger le droit de l'acheteur, droit tout à fait distinct de celui qui résulte d'une relation locataire-propriétaire.

[29] L'article 69 de la Condominium Act prévoit entre autres que, lorsque le promoteur-propriétaire transfère à quelqu'un la possession d'un lot résidentiel en copropriété au moyen d'un bail, d'un sous-bail ou d'une cession de bail pour une durée d'au moins trois ans, il est réputé avoir cédé à l'occupant la totalité des droits, pouvoirs et obligations découlant de ladite loi ou de règlements. De l'avis de l'avocate, cet article assimile le promoteur-propriétaire, soit Polygon en l'occurrence, à un propriétaire au sens de l'article 2 de la Condominium Act. En vertu de la Condominium Act, les personnes qui achètent la tenure à bail du promoteur-propriétaire en sont propriétaires. Il s'ensuit, selon l'intimée, que du fait de la longue durée du bail et par l'application de l'article 97 à l'effet duquel vient s'ajouter la protection fournie par l'article 98, les “ propriétaires ont la possibilité de bénéficier de toute augmentation de la valeur nette du droit de tenure à bail, sous réserve uniquement de la juste valeur marchande ou de l'échéancier dont il a été convenu ”.

[30] L'avocate de l'intimée a souligné que le propriétaire de tout domaine découlant d'un droit créé par la Condominium Act verra son exclusivité de possession et de jouissance limitée de plusieurs façons importantes, en sus des restrictions qu'impose à tout bien immeuble l'existence d'un droit incorporel ou une loi. On a donné de nombreux exemples de cas se rapportant à la “ vie commune à proximité immédiate ” qui constituent une atteinte à l'ensemble des droits se rattachant normalement au droit de propriété au sens classique. De plus, il a été fait mention de l'article 12 de la Condominium Act, qui prévoit essentiellement qu'une part dans le bien commun, dans les installations communes et dans les autres actifs de l'association condominiale ne doit pas être considérée séparément du lot en copropriété du propriétaire.

[31] La position que le ministre du Revenu national a prise aux fins de l'application de la Loi sur la taxe d'accise est qu'il n'y avait pas eu de fourniture par bail, licence ou accord semblable et que, par conséquent, à son avis, la fourniture n'est pas exonérée. Selon le ministre, il s'agit de la vente d'un bien au sens de l'article 123 de la Loi sur la taxe d'accise et non d'une fourniture à soi-même visée par l'article 191 de cette loi.

[32] En ce qui concerne l'application de la Loi sur la taxe d'accise, il a d'abord été soutenu pour le compte de l'intimée que les alinéas 7a) ou c) n'aident pas les appelants étant donné qu'ils portent sur la fourniture d'un fonds, indépendamment des constructions ou améliorations s'y trouvant, car “ les droits des acheteurs sur le droit de tenure à bail du promoteur sont achetés par ceux-ci aux termes des contrats de vente ”. Il a en outre été soutenu pour le compte de l'intimée que de par son essence chaque opération conclue entre Polygon et les appelants ressemble davantage à une vente, terme qui “ est suffisamment large pour inclure une vente au moyen de l'aliénation ou du transfert de la propriété par cession ”, compte tenu de la définition du mot “ vente ” figurant au paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise.

[33] Le principal argument de l'intimée sur ce point est que les appelants ont carrément acheté le droit de tenure à bail du vendeur. C'est ce qu'ils acquis en fin de compte parce que c'était ce que le vendeur avait à vendre. L'acquisition de ce droit répond aux définitions de “ bien ” et de “ vente ” figurant au paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise.

[34] À l'appui de l'argument susmentionné, l'avocate a invoqué la décision rendue par cette cour dans l'affaire Granbury Developments Ltd v. Canada, [1995] G.S.T.C. 73, où il a été dit, à la page 73-5 que “ le point de vue du législateur et de l'administrateur sur la définition de “ vente ” est qu'une vente inclut soit un transfert de la propriété, soit un transfert de la possession ”.

[35] Étant donné le point de vue du ministre quant à la nature et l'essence de l'opération, à savoir qu'elle comporte tous les attributs d'une vente et aucun des attributs réels d'un bail, l'avocate de l'intimée a soutenu qu'aucune des dispositions d'exonération de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise se rapportant à la cession d'un bail ou aux fournitures par bail ne s'applique.

[36] D'autres motifs ont été invoqués par l'intimée à l'appui de sa position selon laquelle l'article 7 de la partie I de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise ne s'applique pas. L'intimée a notamment affirmé que l'article 7 vise les fonds, indépendamment de toute structure qui s'y trouve. En vertu de la Loi, une fois déposé le plan de lots en copropriété et après la conversion automatique, on ne peut pas séparer le fonds et les améliorations. De plus, il a été soutenu que le terme générique “ habitation ” employé à l'alinéa 7a) n'est pas censé comprendre les “ logements en copropriété ” dont il est ici question. Selon l'intimée, si l'alinéa 7a) ne s'applique pas à cause de la nature du bien visé, l'alinéa 7c) n'est d'aucun secours lui non plus. L'alinéa 7c) ne fait qu'étendre l'application de l'alinéa 7a) aux cas dans lesquels il y a cession d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable.

[37] Un autre argument a été formulé concernant la raison de l'inapplicabilité des alinéas 7a) et 7c) de la partie I de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise. Suivant cet argument, les acheteurs ne sont pas propriétaires, locataires, occupants ou possesseurs tant que Polygon n'a pas cédé son droit de tenure à bail. Cela étant, la fourniture par bail ou cession de bail ne relève pas de ces alinéas parce que les appelants n'ont pas reçu le bien en qualité de propriétaires, de locataires ou de possesseurs. Les appelants “ n'acquièrent pareille qualité qu'après le transfert, après la cession ”, comme l'a dit l'avocate de l'intimée.

[38] Si l'opération n'est pas un bail, une licence ou un accord semblable au sens de l'article 7, était-ce une fourniture à soi-même? L'article 191 énonce les règles relatives à la fourniture à soi-même et l'alinéa 4b) de la partie I de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise prévoit une exonération si le constructeur est réputé avoir effectué une fourniture à soi-même.

[39] L'intimée n'a pas contesté que l'alinéa 191(1)a) s'applique en l'espèce. En ce qui concerne l'alinéa b), elle a fait remarquer que le constructeur effectue une fourniture de son propre droit de propriété afférent à la tenure à bail et que le sous-alinéa 191(1)b)(i) ne s'applique donc pas. Il n'est pas destiné à s'appliquer aux opérations où le constructeur cède ou vend son droit de propriété. C'est ce que Polygon a fait ici. Par conséquent, il ne s'agit pas d'une fourniture à soi-même visée au sous-alinéa 191(1)b)(i). Il ne s'agit pas non plus d'une fourniture à soi-même visée au sous-alinéa 191(1)b)(ii). Les opérations en cause ne sont pas visées par le sous-alinéa (ii), et ce, pour les raisons pour lesquelles elles ne sont pas visées par l'article 7 de la partie I de l'annexe V. De plus, le sous-alinéa 191(1)b)(ii) de la Loi sur la taxe d'accise prévoit une opération composée de deux étapes.

[40] Il a en outre été avancé pour le compte de l'intimée que l'article 191 ne s'applique pas en l'espèce parce que la fourniture d'un bail de lot en copropriété par Polygon est une fourniture d'un droit de tenure à bail, et que cela est strictement conforme à la partie 3 de la Condominium Act. Il ne s'agit aucunement d'une fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment, puis d'une fourniture distincte du fonds par bail. De l'avis de l'avocate de l'intimée, Polygon n'est pas propriétaire en fief simple du bâtiment ou du fonds et elle ne pourrait donc pas effectuer pareil transfert en faveur de l'utilisateur ou de l'acheteur final. Une fourniture effectuée aux appelants par Polygon au moyen d'un bail nécessiterait qu'il existe une relation continue entre ces parties en leur qualité de propriétaire et de locataires et, bien sûr, il n'existe aucune relation de ce genre.

[41] En ce qui concerne la Property Purchase Tax Act, la preuve montre que chaque appelant a payé la taxe sur l'achat d'un bien. Selon l'intimée, la taxe sur l'achat d'un bien ne serait payable que s'il y avait vente d'un droit de tenure à bail plutôt que cession ou fourniture par bail. La définition de l'expression “ taxable transaction ” (opération taxable) à l'alinéa 1(1)d) de la Property Purchase Tax Act vise notamment les baux dont la durée est de plus de 30 ans. Le montant de la taxe, en ce qui concerne une telle opération, est dû le jour où le droit de tenure à bail est enregistré au bureau d'enregistrement des droits immobiliers. De la même façon, la taxe est due lorsque la vente d'un lot en copropriété en fief simple est enregistrée au bureau d'enregistrement des droits immobiliers.

[42] L'avocate de l'intimée s'est ensuite référée au Mémorandum-TPS 300-4-1 sur les “ Fournitures exonérées — Immeubles ”, et en particulier au paragraphe 12 intitulé : “ Loyers résidentiels à long terme ”. Elle a soutenu que ce paragraphe du mémorandum traite de la location d'une maison ou d'un appartement, en d'autres termes, d'un bail résidentiel normal. À son avis, le paragraphe 12 du mémorandum ne s'applique pas aux baux régis par l'article 7 de la partie I de l'annexe V. L'avocate estime que les paragraphes 15, 16 ou même 17 du mémorandum 300-4-1 sont peut-être les plus pertinents en l'espèce.

[43] En ce qui concerne le contrat de vente du 19 juin 1994 signé par Mme Taylor, l'avocate de l'intimée a fait savoir qu'il s'agit d'une entente conclue entre Polygon et l'appelante. Ce qui importe, selon l'avocate, c'est que Mme Taylor a acquis son droit de Polygon et non de l'UBC. Une somme d'argent a manifestement été versée à Polygon et non à l'UBC. Le second aspect de ce contrat est que Mme Taylor est désignée à titre d'acheteur. Le paragraphe 5 dudit contrat est pertinent; il porte sur l'achat, moyennant paiement à l'avance, d'un droit de tenure à bail sur le lot en copropriété projeté. De plus, conformément au paragraphe 7 de ce contrat, Polygon était tenue de signer les documents de conclusion de l'opération uniquement au nom de l'acheteur. Dans les faits, Mme Taylor remplace Polygon. Le transfert du risque de Polygon à Mme Taylor, effectué par le paragraphe 9 du contrat de vente, est un indice classique d'une vente. Le risque est un attribut de la propriété. Le paragraphe 20 du contrat de vente, qui concerne le paiement de la taxe sur les produits et services, a également été mentionné.

[44] L'avocate de l'intimée a par la suite parlé de diverses dispositions du bail foncier.

[45] Aux termes de l'article 2, Polygon convient de payer le loyer de base de 6 555 555 $, au plus tard à la date de commencement, soit le 20 août 1993. Polygon a versé ce loyer à l'UBC bien avant que Mme Taylor et les Redmond eussent conclu leurs contrats de vente respectifs. Une fois que l'exigence relative au loyer de base est éliminée, il ne reste en pratique, selon l'avocate de l'intimée, que l'entente par laquelle les acheteurs s'engagent à rembourser à l'UBC tout montant qu'ils ont convenu de payer et que l'UBC paie pour leur compte. Ainsi, étant donné que l'UBC est propriétaire du fonds, ce serait elle qui recevrait le relevé d'impôt foncier. Les appelants ont donc convenu d'indemniser l'UBC à l'égard du paiement des taxes municipales.

[46] On a attiré l'attention de la Cour sur le paragraphe 7 du bail foncier, qui stipule que si un preneur omet d'effectuer les réparations nécessaires, le bailleur (l'UBC) est autorisé à les faire et à en faire supporter le coût au preneur comme loyer additionnel. Il ne reste pas de loyer de base à payer étant donné qu'il avait été payé avant la date de commencement, qui est le 20 août 1993.

[47] En vertu de l'article 3 du bail foncier, les appelants, en leur qualité de preneurs, doivent payer les taxes, même celles à l'égard desquelles le bailleur (l'UBC) est exonéré, de sorte qu'ils se trouvent essentiellement, en leur qualité de preneurs à bail ou d'acheteurs, dans la même situation que n'importe quel propriétaire.

[48] L'avocate de l'intimée s'est référée à la clause intitulée : [traduction] “ Cession par le preneur ” au paragraphe 16.02 du bail foncier. Selon l'intimée, cette clause se rapporte à la cession avant la construction d'un bâtiment et elle prévoit le cas où Polygon céderait son droit à une autre personne aux fins de l'aménagement du fonds.

[49] En raison de la clause 26.04 du bail foncier, l'intimée a soutenu qu'après avoir aliéné son droit en faveur des appelants, Polygon n'avait à l'égard du bien en cause plus aucune responsabilité en vertu du bail foncier : Polygon était tirée d'affaire, comme l'a dit l'avocate.

[50] À l'appui de la position selon laquelle, au moment où les appelants ont acquis leur droit sur le lot en copropriété, “ il ne restait aucune partie du loyer de base à payer ”, on s'est référé, dans le cas de Mme Taylor, à l'article 2.01 du bail de condominium type et au paragraphe 4 du titre foncier, auquel document était joint le contrat du 8 juillet 1994. Les appelants n'avaient aucune obligation, en leur qualité d'acheteurs, de payer une partie quelconque du loyer de base. Les seuls autres paiements à effectuer par les appelants en leur qualité d'acheteurs sont ceux au titre des dépenses courantes, comme les taxes, les réparations et l'assurance, qui découlent toutes d'un droit de propriété sur un bien.

[51] En ce qui concerne l'article 26.01 du bail type de condominium, l'avocate de l'intimée a mentionné que les parties n'ont pas la capacité de se soustraire à l'application de l'article 97 de la Condominium Act, qui exige que le bailleur rachète le droit de tenure à bail du preneur. Les parties ont uniquement de la latitude en ce qui concerne la façon de déterminer la valeur de rachat du droit de tenure à bail de l'acheteur.

[52] Les dispositions du paragraphe 29.07 du bail type se rapportant à l'exonération de responsabilité montrent que Polygon ne transférait pas simplement un droit de tenure à bail, mais qu'elle aliénait tous les droits qu'elle avait sur les parcelles en question.

[53] L'avocate de l'intimée a également fait des remarques, dans le cas de Mme Taylor, au sujet de la clause I de la cession du 8 juillet 1994, où il est déclaré que “ le vendeur, en sa qualité de propriétaire bénéficiaire, cède par les présentes à l'acheteur son droit sur le lot en copropriété ”. Elle a signalé que cela revient à dire que Polygon est en fait propriétaire bénéficiaire d'un droit sur le lot en copropriété, et qu'il s'agit d'un droit de tenure à bail. Elle a mentionné que selon la clause 2, les parties envisageaient que le lot en copropriété ferait l'objet d'un bail distinct, moyennant le loyer stipulé dans le bail. Selon l'intimée, cela montre que “ les parties à ces opérations envisageaient une cession du bail qui se ferait indépendamment de la vente du droit de tenure à bail ”. À son avis, les parties achetaient et vendaient un droit de tenure à bail. À cet égard, l'avocate a fait remarquer que dans une lettre datée du 22 juillet 1994, adressée à Revenu Canada, Mme Taylor mentionnait elle-même qu'elle venait d'acheter un droit de tenure à bail.

[54] Parmi les jugements que l'avocate de l'intimée a cités en ce qui concerne la question de la distinction entre un bien possédé en vertu d'un droit de tenure à bail ou en vertu d'un bail et un bien qui fait l'objet d'une vente effective, les suivants sont à retenir :

Gateway Lodge Limited v. M.N.R., 67 DTC 5138

Dow Holdings v. M.N.R., 76 DTC 1199

Viceroy Rubber and Plastics Limited v. M.N.R., 93 DTC 347

[55] En ce qui concerne la question des décisions par anticipation, l'intimée a soutenu que ces décisions ne sont pas pertinentes, étant donné que les appelants n'ont pas agi sur la foi de celles-ci. Dans le cas de Mme Taylor, la décision était datée du 18 août 1994, alors que l'opération avait été conclue le 14 juillet 1994. En ce qui concerne les Redmond, le contrat de vente les liait à compter du 8 février 1994 et la décision qui les concernait était datée du 22 juillet 1994. L'intimée a également signalé que les décisions par anticipation diffèrent des bulletins d'interprétation en ce sens qu'elles ne relèvent pas du domaine public et que les tribunaux ne devraient pas en tenir compte, étant donné qu'il ne s'agit pas de politiques et d'interprétations administratives au sens de l'arrêt Nowegijick,précité. À cet égard, l'avocate de l'intimée s'est fondée sur la décision récente de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Owen Holdings v. The Queen, 97 DTC 5401.

Analyse

[56] La question générale est de savoir si les fournitures que Polygon a effectuées en faveur des appelants étaient des fournitures taxables au sens des dispositions de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise concernant la taxe sur les produits et services. Plus précisément, compte tenu des arguments des parties, chaque opération donnait-elle lieu à une fourniture exonérée en ce qui concerne les appelants?

[57] Il faudrait tenir compte de certaines dispositions générales de la partie de la Loi sur la taxe d'accise qui se rapporte à la taxe sur les produits et services.

[58] L'article 165 prévoit que l'acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer au gouvernement du Canada une taxe calculée au taux de 7 p. 100 sur la valeur de la contrepartie de la fourniture, à moins qu'il ne s'agisse d'une fourniture détaxée.

[59] Il faudrait prendre note des définitions de certaines expressions de nature générale employées à l'article 165 ou ailleurs dans la Loi sur la taxe d'accise. Ces définitions figurent au paragraphe 123(1) de la Loi.

“ fourniture ” — “ fourniture ” Sous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

“ fourniture taxable ” — “ fourniture taxable ” Fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale.

“ activité commerciale ” — “ activité commerciale ” Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

a) l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l'exception de quelque projet ou affaire qu'entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l'affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

c) la réalisation de fournitures, sauf des fournitures exonérées, d'immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu'elle accomplit dans le cadre ou à l'occasion des fournitures.

“ fourniture exonérée ” — “ fourniture exonérée ” Fourniture figurant à l'annexe V.

[60] Il y a trois genres de fournitures pour les fins de la taxe sur les produits et services : la “ fourniture taxable ”, la “ fourniture détaxée ” et la “ fourniture exonérée ”.

[61] Compte tenu de ces dispositions législatives générales et avant d'analyser les dispositions qui sont ici déterminantes, il convient d'établir en premier lieu la nature précise de la fourniture en question que Polygon a effectuée en faveur de chaque appelante en l'espèce.

[62] Au moyen d'un bail foncier daté du 20 août 1993 enregistré au bureau d'enregistrement des droits immobiliers de Vancouver, l'UBC a loué à Polygon un grand terrain non bâti afin que celle-ci puisse y construire une série de maisons en rangée en ayant recours à des baux de lots en copropriété, conformément à la Condominium Act de la Colombie-Britannique. Polygon a procédé à la réalisation de ce projet, construisant des unités condominiales sur ces lots et elle a par la suite transféré les unités à des personnes telles que les appelants. Le dépôt du plan de condominiums à bail au bureau d'enregistrement immobilier en vertu de la Condominium Act avait pour effet de convertir le bail foncier conclu entre l'UBC et Polygon en baux individuels de lots en copropriété enregistrés au nom de Polygon. De plus, par suite du dépôt du plan de condominiums à bail, l'UBC a reçu, en sa qualité de propriétaire en fief simple, des certificats de titre pour chacun des nouveaux lots en copropriété indiqués sur le plan. En l'espèce, il est donc incontestable que le fonds appartient à l'UBC et qu'il est loué à Polygon au moyen d'un bail foncier.

[63] À mon avis, les opérations conclues entre Polygon et les appelants comportent non seulement la cession par Polygon de son droit afférent aux baux des lots en copropriété mais aussi la vente par Polygon des unités condominiales en question aux appelants.

[64] Les contrats de vente du 8 février 1994 et du 19 juin 1994 conclus entre les Redmond et Mme Taylor respectivement et Polygon montrent que les appelants sont devenus propriétaires de leurs maisons en rangée respectives et de certaines autres choses. Je cite les paragraphes 9 et 20 de ces deux contrats, qui sont identiques dans les deux cas et qui se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

9. RISQUE : Polygon continuera à assumer le risque à l'égard de la maison et de toutes les autres choses incluses dans le contrat de vente jusqu'à la date de la conclusion, à 2 h 01, après quoi l'acheteur en assumera le risque.

20. TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES : Le prix d'achat comprendra tout montant payable au titre de la taxe sur les produits et services à l'égard de la vente de la maison. L'acheteur versera à Polygon un montant égal à la taxe sur les produits et services qui est payable à l'égard de tout élément additionnel que Polygon aura convenu de fournir à l'acheteur.

[65] Dans les cessions de bail du 8 juillet et du 3 août 1994 que Polygon avait effectuées en faveur des appelants, où Polygon est appelée le “ vendeur ” et les appelants sont appelés l'“ acheteur ”, il est dit dans la clause I que le “ vendeur, en sa qualité de propriétaire bénéficiaire, cède par les présentes à l'acheteur le droit qu'il a sur le lot en copropriété ”. Dans la clause 2 de chaque cession, il est stipulé que “ l'acheteur s'engage envers le vendeur et l'université à respecter, pendant le reste de la durée du bail et pendant toute période de reconduction, les engagements pris par le preneur ainsi que les conditions énoncées dans le bail, et ce, aussi pleinement et efficacement que si ledit bail renfermait un transport distinct à bail du lot en copropriété moyennant le loyer stipulé dans le bail ”.

[66] Cette conclusion est étayée par le paragraphe 97(1) de la Condominium Act, qui prévoit essentiellement que le bailleur, soit en l'occurrence l'UBC, est tenu d'acheter le droit qu'a le preneur à bail du lot en copropriété sur ce lot à l'expiration du bail y afférent. À l'article 26.01 du bail type, qui est incorporé dans le bail foncier du 20 août 1993, conclu entre l'UBC et Polygon, il est stipulé que le prix d'achat du droit du preneur à bail est déterminé en tenant pour acquis que le droit sur le lot en copropriété comprend uniquement le bâtiment qui se trouve sur le lot en copropriété et le droit sur les parties communes et les installations communes, compte tenu de la part des améliorations qui est attribuable à l'unité qui se trouve sur le lot en copropriété. Aucune valeur n'est attribuée au terrain loué dans le calcul du prix d'achat. Le fondement précis sur lequel la juste valeur marchande du droit du preneur à bail au moment stipulé doit être fixée est énoncé dans le passage suivant tiré dudit article 26.01 :

[TRADUCTION]

[...] Aux fins de la détermination de cette valeur marchande et conformément aux dispositions de la Condominium Act, le droit du preneur sur le lot en copropriété est déterminé :

(i) en tenant compte du fait que le droit que possède le preneur sur le lot en copropriété est uniquement composé de la partie du bâtiment qui se trouve sur le lot en copropriété ainsi que du droit du preneur sur les parties communes et sur les installations communes, compte tenu de la part des améliorations apportées aux fonds qui est attribuable à l'unité qui se trouve sur le lot en copropriété, aucune valeur n'étant attribuable aux fonds;

(ii) en tenant compte du fait que le lot en copropriété n'est grevé d'aucun privilège, d'aucune charge et d'aucune sûreté;

(iii) en tenant compte du fait que les fonds peuvent uniquement être utilisés aux fins prévues dans le présent bail, et que le prix d'achat doit être calculé à la date d'expiration du bail.

[67] De plus, en vertu de l'article 98 de la Condominium Act, le bailleur (l'UBC) n'a à l'égard du lot en copropriété aucun droit d'y rentrer ou d'en prendre possession, ou d'agir autrement pour faire en sorte que le bail y afférent soit résilié si le preneur, soit en l'espèce chaque appelant, manque à ses obligations. Le bailleur doit plutôt demander à la cour compétente d'ordonner la vente. Ici encore, cela montre que chaque appelant a un droit de propriété sur l'unité condominiale, de sorte que le bailleur n'a pas le droit d'en reprendre possession, mais doit l'acheter aux enchères publiques ou de gré à gré, avec l'approbation de la cour compétente.

[68] De plus, le bail type relatif au lot en copropriété comporte des dispositions prévoyant que les taxes, les réparations, l'assurance et tous les autres frais accessoires qu'entraîne le droit de propriété sont à la charge des acheteurs, en l'occurrence les appelants.

[69] En conclusion, je suis d'avis que les appelants ont obtenu un droit, un droit de propriété sur leurs unités condominiales respectives, en plus de leurs droits respectifs sur les baux de lot en copropriété.

[70] Étant donné que les opérations conclues entre Polygon et les appelants comportaient la vente par Polygon d'unités condominiales aux appelants et l'achat par les appelants des unités en question, il est nécessaire de déterminer si ces opérations relatives aux unités condominiales sont des fournitures exonérées pour les acquéreurs, soit les appelants.

[71] Il faudrait donc prendre en considération l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise, qui contient huit parties dont chacune est consacrée à une catégorie générale de fournitures exonérées. La partie I, intitulée “ Immeubles ”, est la seule qui nous intéresse. Étant donné que les débats en l'espèce ont été axés principalement sur l'application de l'article 7 de la partie I de l'annexe V, j'examinerai d'abord cette question.

[72] Comme il en a ci-dessus été fait mention, on a soutenu pour le compte des appelants que la fourniture que chacun d'eux avait reçue est exonérée en vertu des alinéas 7a) et c) de la partie I de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise. Au moment pertinent, l'article 7 se lisait comme suit :

7. La fourniture :

a) d'un fonds, sauf un emplacement dans un parc à roulottes résidentiel, par bail, licence ou accord semblable d'une durée d'au moins un mois, effectuée selon le cas :

(i) au profit du propriétaire, du locataire, de l'occupant ou du possesseur d'une habitation fixée, ou à fixer, sur le fonds en vue de son utilisation à titre résidentiel,

(ii) au profit d'une personne qui acquiert la possession du fonds en vue d'y construire un immeuble d'habitation dans le cadre d'une activité commerciale;

b) d'un emplacement dans un parc à roulottes résidentiel, par bail, licence ou accord semblable d'une durée d'au moins un mois, effectuée au profit du propriétaire, du locataire, de l'occupant ou du possesseur, selon le cas :

(i) d'une maison mobile installée ou à installer sur l'emplacement,

(ii) de quelque véhicule ou remorque — notamment une remorque de tourisme ou une maison motorisée — installé ou à installer sur l'emplacement;

c) d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable visé aux alinéas a) ou b), par cession.

Le présent article ne s'applique pas au fonds sur lequel l'habitation, la maison mobile, le véhicule ou la remorque est fixé ou installé, ou doit l'être, ni au fonds contigu à ce fonds, qui n'est pas raisonnablement nécessaire à l'utilisation de l'habitation, de la maison, du véhicule ou de la remorque à titre résidentiel.2

[73] L'alinéa 7a) exonère entre autres la fourniture d'un fonds effectuée aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable au profit d'une personne qui acquiert la possession du fonds en vue d'y construire un immeuble d'habitation dans le cadre d'une activité commerciale. L'alinéa 7c) exonère également “ la fourniture [...] d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable visé aux alinéas a) ou b), par cession ”.

[74] Je ne puis donc pas retenir l'argument des appelants selon lequel la fourniture d'une unité condominiale est comprise dans la fourniture d'un fonds. En effet, le sous-alinéa 7a)(ii) traite de la fourniture d'un fonds aux termes d'un bail “ au profit d'une personne qui acquiert la possession du fonds en vue d'y construire un immeuble d'habitation dans le cadre d'une activité commerciale ”. Donc, le sous-alinéa 7a)(ii) vise exclusivement la fourniture d'un fonds étant donné que l'immeuble d'habitation est à construire ultérieurement. De plus, le libellé du sous-alinéa 7a)(i) montre clairement que l'habitation peut être ou ne pas être fixée sur le fonds au moment où la fourniture du fonds est effectuée au profit du propriétaire, du locataire ou de la personne désignée dans cette disposition.

[75] De toute évidence, les alinéas 7a) et c) de la partie I de l'annexe V traitent de la fourniture du fonds seulement, indépendamment des améliorations. La fourniture d'un fonds est exonérée si elle est effectuée d'une des façons décrites aux alinéas a), b) et c). L'article 7 ne traite pas de la fourniture d'une habitation fixée, ou à fixer, sur le fonds, et il ne se rapporte pas non plus au cas d'une fourniture combinée où la fourniture de l'habitation est accessoire à la fourniture du fonds.

[76] Si je comprends bien, l'article 7 vise d'une façon générale à exonérer la fourniture d'un fonds ou d'un emplacement dans un parc à roulottes résidentiel, aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable, ou par cession de pareil accord, lorsque ce fonds ou cet emplacement est utilisé ou destiné à être utilisé à des fins résidentielles précises.

[77] Je conclus donc que l'article 7 de la partie I de l'annexe V exonère uniquement la fourniture d'un fonds et ne peut donc pas aider les appelants en ce qui concerne la partie de la fourniture qui consiste dans la vente par Polygon des maisons en rangée ici en cause aux appelants.

[78] Il n'a pas été soutenu pour le compte des parties que d'autres dispositions d'exonération de la partie I de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise pourraient s'appliquer en l'espèce, si ce n'est l'alinéa 4b) de la partie I de ladite annexe, qui, lui, renvoie aux règles relatives à la fourniture à soi-même figurant à l'article 191 de la Loi sur la taxe d'accise.

[79] L'alinéa 4b) de la partie I de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise est ci-dessous reproduit en partie :

4. La fourniture par vente d'un immeuble d'habitation à logement unique ou d'un logement en copropriété, ou d'un droit dans un tel immeuble ou logement, effectuée par son constructeur si :

a) [...]

b) dans tous les cas, le constructeur reçoit par vente une fourniture exonérée de l'immeuble ou du logement ou est réputé par les paragraphes 191(1) ou (2) de la loi avoir reçu par vente une fourniture taxable de l'immeuble ou du logement, et cette fourniture constitue la dernière fourniture par vente de l'immeuble ou du logement effectuée au profit du constructeur.

[80] Le paragraphe 191(1) se lit comme suit :

191. (1) Fourniture à soi-même d'un immeuble d'habitation à logement unique ou d'un logement en copropriété - Pour l'application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) la construction ou les rénovations majeures d'un immeuble d'habitation — immeuble d'habitation à logement unique ou logement en copropriété — sont achevées en grande partie,

b) le constructeur de l'immeuble :

(i) soit en transfère la possession à une personne aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable (sauf un accord qui est connexe à un contrat de vente visant l'immeuble et qui porte sur la possession ou l'occupation de l'immeuble jusqu'au transfert de sa propriété à l'acheteur aux termes du contrat) conclu en vue de l'occupation de l'immeuble à titre résidentiel,

(ii) soit en transfère la possession à une personne aux termes d'une convention, sauf une convention portant sur la fourniture d'une maison mobile et d'un emplacement pour celle-ci dans un parc à roulottes résidentiel, portant sur l'une des fournitures suivantes :

(A) la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment dans lequel est située l'habitation faisant partie de l'immeuble,

(B) la fourniture par bail du fonds faisant partie de l'immeuble ou la fourniture d'un tel bail par cession,

(iii) soit, s'il est un particulier, occupe lui-même l'immeuble à titre résidentiel,

c) le constructeur, la personne ou le particulier locataire de celle-ci ou titulaire d'un permis de celle-ci est le premier à occuper l'immeuble à titre résidentiel après que les travaux sont achevés en grande partie,

le constructeur est réputé :

d) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l'immeuble au dernier en date du jour où les travaux sont achevés en grande partie et du jour où la possession de l'immeuble est transférée à la personne ou l'immeuble est occupé par lui;

e) avoir payé à titre d'acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l'immeuble ce jour-là.

[81] Les expressions “ immeuble d'habitation ” et “ logement en copropriété ” employées à l'alinéa 4b) de la partie I de l'annexe V et au paragraphe 191(1) sont définies au paragraphe 123(1). Aux fins de la présente analyse, il suffit de reproduire la définition de “ logement en copropriété ” :

“ logement en copropriété ” — “ logement en copropriété ” Immeuble d'habitation qui est, ou est censé être, un espace délimité dans un bâtiment et désigné ou décrit comme étant une unité distincte sur le plan ou la description enregistrés y afférents, ou sur un plan ou une description analogues enregistrés en conformité avec les lois d'une province, ainsi que tous droits et intérêts fonciers afférents à la propriété de l'unité.

[82] Les parties ont reconnu que les maisons en rangée que les appelants ont acquises sont visées par la définition de “ logement en copropriété ”.

[83] L'alinéa 4b) de la partie I de l'annexe V exonère notamment la vente subséquente d'un logement en copropriété par un constructeur lorsque ce dernier est réputé par le paragraphe 191(1) de la Loi sur la taxe d'accise avoir reçu par vente une fourniture, qui constitue la dernière fourniture effectuée à son profit.

[84] Il est maintenant nécessaire d'analyser le paragraphe 191(1) de la Loi en vue de déterminer si, suivant ce paragraphe, le constructeur est réputé avoir conclu une vente.

[85] De toute évidence, les conditions énoncées aux alinéas 191(1)a) et c) sont remplies dans le cas de chaque appelant. En effet, Polygon a transféré à chaque appelant la possession d'un “ logement en copropriété ” lorsque les travaux étaient achevés en grande partie, et chaque appelant était le premier à occuper le logement à titre résidentiel après que les travaux ont été achevés en grande partie.

[86] Il ne reste qu'à déterminer si l'une des trois conditions énoncées à l'alinéa 191(1)b) est remplie en l'espèce.

[87] Compte tenu des faits susmentionnés, il suffit d'examiner le sous-alinéa 191(1)b)(ii).

[88] Pour que le sous-alinéa 191(1)b)(ii) s'applique, deux conditions doivent être remplies :

a) Selon la première condition énoncée dans la division 191(1)b)(ii)(A), le constructeur de l'immeuble doit en transférer la possession à une personne aux termes d'une convention portant sur la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment dans lequel est située l'habitation faisant partie de l'immeuble. À mon avis, cette première condition a été remplie en l'espèce lorsque Polygon a vendu les habitations aux appelants. L'opération conclue entre Polygon et Mme Taylor est considérée comme une vente de la “ maison ” et d'autres choses, comme l'indique la clause 9 du contrat de vente du 19 juin 1994 entre Polygon et Mme Taylor. Il en va de même du contrat de vente du 8 février 1994 entre les Redmond et Polygon, qui renferme une clause 9 dont le libellé est identique.

b) La seconde condition est libellée sous la forme d'une alternative. Selon la seconde possibilité de cette alternative, le constructeur de l'immeuble doit avoir effectué la fourniture, par cession, du bail du fonds faisant partie de l'immeuble. Cette seconde condition énoncée dans la division 191(1)b)(ii)(B) est remplie dans le cas de Mme Taylor, étant donné que Polygon a cédé à cette l'appelante, sur consentement de l'UBC, son droit de tenure à bail sur le fonds, comme le révèle le contrat du 8 juillet 1994 conclu entre Polygon, l'UBC et Mme Taylor. La seconde condition est également remplie dans le cas des Redmond étant donné que, le 3 août 1994, Polygon a effectué une cession en faveur des Redmond sur consentement de l'UBC.

[89] Comme il en a ci-dessus été fait mention, l'avocate de l'intimée a soutenu que le sous-alinéa 191(1)b)(ii) ne s'applique pas en l'espèce parce que cette disposition prévoit une opération comportant deux étapes et que le fonds et l'unité condominiale ne peuvent pas être cédés séparément compte tenu de l'article 12 de la Condominium Act.

[90] Je ne puis constater l'existence d'aucune exigence claire, au sous-alinéa 191(1)b)(ii), selon laquelle le fonds et le logement doivent faire l'objet de cessions distinctes. Il me semble plutôt que ce qui est envisagé pourrait être effectué en une seule opération composée de deux éléments différents, à savoir la cession d'un droit de tenure à bail sur le fonds et la vente d'un bâtiment. Quoi qu'il en soit, nous avons ici deux contrats (respectivement datés du 8 février et du 19 juin 1994) portant sur l'achat, par paiement anticipé, d'un droit de tenure à bail sur le lot en copropriété projeté, et l'achat d'une “ maison ” particulière et d'autres choses, et nous avons aussi, deux cessions subséquentes auxquelles l'UBC a consenti, respectivement datées du 8 juillet et du 3 août 1994.

[91] À mon avis, la raison d'être du sous-alinéa 191(1)b)(ii) est bien expliqué dans le communiqué de presse no 91-032 du ministère des Finances, daté du 27 mars 1991, qui se lit en partie comme suit :

La Loi sera modifiée de telle sorte que le constructeur d'un immeuble d'habitation neuf qui fournit par bail à un locataire le terrain relié à l'immeuble ou qui cède à un locataire son droit dans un bail visant un tel terrain, soit soumis aux mêmes règles concernant les fournitures à soi-même que s'il avait fourni par bail le bâtiment relié à l'immeuble en plus du terrain. Au moment où il transfère la possession de l'immeuble au locataire, le constructeur sera réputé avoir vendu le terrain et le bâtiment à leur juste valeur marchande et avoir payé, à titre d'acquéreur, et perçu, à titre de fournisseur, la taxe sur la vente réputée. [...]

[92] Étant donné que les conditions énoncées au paragraphe 191(1) sont remplies dans le cas de chaque appelant, les dispositions déterminatives figurant aux alinéas d) et e) s'appliquent. Par conséquent, le constructeur Polygon est réputé avoir effectué et reçu, par vente, au moment où la possession de l'immeuble a été transférée à chaque appelant, la fourniture taxable de l'immeuble, et avoir payé à titre d'acquéreur et perçu à titre de fournisseur la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l'immeuble.

[93] J'estime donc que l'article 7 de la partie I de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise n'exonère pas la partie de la fourniture reçue par les appelants qui se rapporte à l'achat de leurs logements respectifs, mais uniquement la partie de la fourniture qui consiste dans l'acquisition par chaque appelant du bail du fonds par cession. Je suis également arrivé à la conclusion que, en vertu de l'application conjointe de l'alinéa 4b) de la partie I de l'annexe V et du paragraphe 191(1) de la Loi sur la taxe d'accise, la partie de la fourniture que les appelants ont reçue qui se rapporte à l'acquisition par eux de leurs logements respectifs est exonérée en vertu de la partie IX de ladite loi.

[94] Force m'est donc de conclure que les appelants n'ont en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise aucune responsabilité à l'égard de la cession du droit de tenure à bail afférent au fonds en question ni à l'égard de l'acquisition de leurs logements respectifs.

[95] Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis arrivé, je n'ai pas à me pencher sur la question des décisions rendues par le ministre du Revenu national en ce qui concerne Mme Taylor et les Redmond.

[96] Pour ces motifs, les appels sont accueillis avec dépens et les cotisations sont annulées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 1998.

“ Alban Garon ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 29e jour de janvier 1999.

Erich Klein, réviseur



1                Ligne 24 de la page 23b de la transcription à la ligne 12 de la page 24.

2                L'article 7 précité, auquel on s'est référé lors de l'audition de ces appels, a été modifié par l'article 88 du chapitre 10 des Lois du Canada, 1997; il s'appliquait rétroactivement au 14 septembre 1992 à certaines fins. Cette modification n'est pas pertinente en l'espèce.

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