Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980717

Dossier: 97-956-GST-I

ENTRE :

JOHN A. BURROWS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1] Cet appel relatif à la taxe sur les produits et services (la “ TPS ”) est interjeté en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”), contre une nouvelle cotisation, dont l'avis est daté du 18 juillet 1996 et porte le numéro 960790492129P 7, concernant une demande de remboursement de TPS.

[2] Par voie d'avis de cotisation, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) avait rejeté la demande de remboursement (de 3 526,79 $ de TPS) pour habitations neuves présentée par l'appelant à l'égard d'une maison à Portland (Ontario).

FAITS

[3] Pour rejeter la demande de remboursement pour habitations neuves de l'appelant, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

[TRADUCTION]

a) la maison sis sur le lot 26 de la concession 3 du canton de North Burgess (Ontario), soit les parties 11 et 14 du plan 27R2762, à l'égard de laquelle l'appelant a demandé un remboursement pour habitations neuves, n'a pas été construite pour servir de résidence habituelle à l'appelant;

b) la maison servant de résidence habituelle à l'appelant était le 904-160, rue George, Ottawa (Ontario);

c) l'appelant et sa conjointe exercent tous les deux un emploi à Ottawa.

[4] D'après l'appelant la résidence à Portland est sa résidence habituelle et il considère l'appartement à Ottawa comme un séjour temporaire. Il soutient qu'il a acheté la résidence d'Ottawa pour ne plus avoir à faire la navette entre Ottawa et Portland. L'appartement en question avait été choisi parce qu'il était situé à proximité du lieu de travail de l'appelant. Ce dernier soutient que le caractère transitoire de cette résidence est attesté par le fait qu'il a occupé trois autres résidences depuis qu'il est propriétaire de la résidence de Portland, et qu'il entend disposer de l'appartement d'Ottawa lorsqu'il prend sa retraite. Il soutient en outre que le fait qu'il paie un impôt foncier plus élevé pour la résidence de Portland étaye son assertion selon laquelle cette maison est sa résidence habituelle.

POINT EN LITIGE

[5] L'appelant a-t-il droit à un remboursement en vertu de l'article 256 de la Loi? Plus particulièrement, est-ce que l'appelant a construit la résidence de Portland pour qu'elle lui serve de résidence habituelle comme l'exige l'alinéa 256(2)a) de la Loi?

ÉLÉMENTS DE PREUVE IMPORTANTS

[6] L'appelant dit qu'il entendait que la résidence de Portland soit sa résidence habituelle, et qu'elle l'est effectivement.

[7] L'appelant dit aussi que lui et son épouse passaient plus d'heures à la résidence de Portland qu'à celle d'Ottawa. Cependant, en jours, ils passaient plus de temps à la résidence d'Ottawa qu'à celle de Portland. Il souligne que ses papiers et autres documents, par exemple son permis de conduire et ses déclarations de revenus, indiquent comme adresse la résidence de Portland. L'appelant affirme que la valeur de sa résidence de Portland est supérieure à celle de sa résidence d'Ottawa et que ce facteur est à son avis important dans la détermination de laquelle constitue sa résidence habituelle.

[8] En contre-interrogatoire, l'appelant a admis que les relevés bancaires, les avis de police d'assurance, les formulaires T5 et les reçus pour dons de charité étaient envoyés à son adresse à Ottawa.

[9] Aux fins de l'impôt sur le revenu, en 1994, l'appelant a choisi d'effectuer une disposition réputée de la propriété de Portland, afin d'utiliser l'exemption pour gains en capital qui arrivait à expiration. Aux fins de l'impôt sur le revenu, pour ladite année d'imposition, la résidence de Portland n'a pas été considérée comme une résidence principale selon la définition de ce terme donnée dans la Loi de l'impôt sur le revenu.

[10] La déposition d'un témoin appelé par l'intimée (soit le directeur de la construction de la municipalité où était située la résidence de Portland) indiquait que, à l'époque où le permis de construction avait été obtenu pour la résidence de Portland, le bien-fonds faisait partie d'une zone affectée à des résidences saisonnières et que, sur cette base, un permis avait été délivré pour les travaux préparatoires à la construction d'un chalet. Le règlement de zonage a été modifié depuis et prévoit maintenant un usage “ résidentiel avec services limités ”. Le fonctionnaire municipal susmentionné a également dit qu'aucun permis d'occuper n'avait été accordé à l'appelant relativement à la propriété en question.

ANALYSE

[11] Le paragraphe 256(2) de la Loi prévoit un remboursement de TPS pour une habitation construite par soi-même. En vertu de ce paragraphe, si un particulier construit un immeuble d'habitation à logement unique pour que celui-ci lui serve de résidence habituelle, il a droit à un remboursement de TPS, sous réserve de certaines conditions.

256.(2) Remboursement — habitation construite par soi-même

Le ministre verse un remboursement à un particulier dans le cas où, à la fois :

a) le particulier, lui-même ou par un intermédiaire, construit un immeuble d'habitation à logement unique, ou y fait des rénovations majeures, pour qu'il lui serve de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche;

[...]

Le montant remboursable est égal au montant suivant :

[...][1].

[12] La politique sous-jacente à cette disposition est celle d'accorder un remboursement aux particuliers achetant une habitation neuve dont la valeur est inférieure à une valeur spécifiée. Cette politique vise ainsi à faire en sorte qu'un particulier puisse acheter une habitation abordable. Donc, le remboursement s'applique seulement à une habitation à logement unique qui est la résidence habituelle du particulier plutôt qu'à des habitations secondaires comme des chalets et des maisons d'été. La question est de savoir si la résidence de Portland est la “ résidence habituelle ” comme l'exige l'alinéa 256(2)a).

[13] La position du ministre quant à savoir ce qu'est une “ résidence habituelle ” est énoncée dans le Mémorandum sur la TPS 500-4-5, Remboursements pour habitations et autres immeubles, qui dit :

“lieu de résidence habituelle” Habitation, en propriété conjointe ou autre, qui est destinée à être habitée par le particulier de façon permanente. Une seule résidence peut constituer le lieu de résidence habituelle d'une personne. Aux fins du remboursement, si une personne a plus d'un lieu de résidence, on tient compte des trois facteurs suivants pour déterminer si la résidence peut être considérée comme le lieu de résidence habituelle: l'intention du particulier ou des particuliers d'utiliser l'habitation à titre de lieu de résidence habituelle, la durée pendant laquelle le lieu est habité, et la désignation de l'adresse qui figure sur les documents personnels de la personne.

[14] L'énoncé de politique P-130 du ministre intitulé Lieu de résidence précise la position du ministre quant au sens de l'expression “ résidence habituelle ”. Ce document dit que, bien qu'une personne puisse avoir plus d'une résidence, elle ne peut avoir qu'une seule résidence habituelle. Pour déterminer le lieu de résidence habituelle, on devrait, selon l'énoncé de politique, prendre en considération l'objet du séjour, la durée de celui-ci et la présence physique à la résidence.

[15] La Loi ne définit pas le membre de phrase “ pour qu'il lui serve de résidence habituelle ” (en anglais “ for use as the primary place of residence ”) ni l'expression “ résidence habituelle ” (en anglais “ primary place of residence ”). Dans The Shorter Oxford English Dictionary, le terme anglais “ primary ” (correspondant au mot “ habituelle ” utilisé dans la version française) et le terme anglais “ residence ” (correspondant au mot “ résidence ” utilisé dans la version française) sont définis comme suit[2] :

[TRADUCTION]

Primary. 2. De première importance; principal, premier.

Residence. 3. Le lieu où réside une personne; son habitation; la demeure d'une personne.

[16] Dans la présente espèce, l'appelant considère la résidence de Portland comme étant la résidence de première importance.

[17] Le lieu qu'il considère comme sa résidence principale et qu'il veut avoir comme sa résidence habituelle est la résidence de Portland. Il considère la résidence d'Ottawa comme transitoire et a l'intention de la vendre lorsqu'il arrêtera de travailler, ce qu'il fera dans un avenir prévisible.

[18] Il n'y a pas d'uniformité dans la désignation de la résidence habituelle de l'appelant, tantôt une des propriétés tantôt l'autre étant ainsi désignée.

[19] Le manque de conformité aux règlements municipaux concernant le zonage et l'occupation doit être soupesé avec les autres facteurs pertinents. Il ressort toutefois de la preuve présentée à la Cour que, de toute façon, les gens semblaient faire fi des règlements de zonage.

[20] Bien que la preuve indique clairement que, dans une année donnée, l'appelant passe plus de jours à Ottawa, j'estime qu'il est peut-être plus réaliste de tenir compte des jours d'occupation plutôt que des heures d'occupation en considérant le temps pendant lequel la propriété est habitée. Cependant, selon le point de vue de l'appelant, le nombre d'heures est plus important.

[21] En définitive, l'intention de l'appelant est que Portland soit son lieu de résidence habituelle, et, en ce qui concerne l'habitation, sa vie est centrée sur la résidence de Portland.

CONCLUSION

[22] Me fondant là-dessus et en l'absence d'autres exigences législatives, je conclus que la résidence habituelle de l'appelant au cours de la période en question était la résidence de Portland.

DÉCISION

[23] L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 18 juillet 1996 et porte le numéro 960790492129P 7, est accueilli, et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que la résidence de l'appelant à Portland était sa

“ résidence habituelle ” aux fins de la demande de remboursement pour habitations neuves présentée par lui.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de juillet 1998.

“ D. Hamlyn ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 31e jour de décembre 1998.

Erich Klein, réviseur



[1]                Les autres exigences relatives à l'admissibilité à un remboursement, qui figurent aux alinéas 256b) à f) et au paragraphe 256(3), ne semblent pas être en cause dans la présente espèce.

[2]                The Shorter Oxford English Dictionary, vol. 2, 3e édition (Oxford, Clarendon Press, 1991).

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