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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2001-3582(IT)I

 

ENTRE :

 

DIXIE FUNK,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

 

 

Appel entendu le 7 juin 2002, à Winnipeg (Manitoba), par

l'honorable juge R. D. Bell

 

Comparutions

 

Avocat de l'appelante :              Me Antoine Hacault

 

Avocat de l'intimée :                  Me Michael Van Dam, stagiaire

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de la prestation fiscale canadienne pour enfants pour les années de base 1998 et 1999, cotisation dont l'avis est daté du 18 mai 2001, est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d'août 2002.

 

 

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de juillet 2004.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date : 20020815

Dossier : 2001-3582(IT)I

 

ENTRE :

 

DIXIE FUNK,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bell, C.C.I.

 

QUESTION EN LITIGE

 

[1]     Il s'agit de savoir si l'appelante était, pour la période du 1er septembre 1999 au 30 avril 2001, un « particulier admissible », au sens de l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), à la prestation fiscale canadienne pour enfants (la « prestation »).

 

[2]     Le terme « particulier admissible » est ainsi défini à l'article 122.6 :

 

« particulier admissible » S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

 

a) elle réside avec la personne à charge;

 

            b) elle est la personne — père ou mère de la personne à charge — qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

 

c) elle réside au Canada ou, si elle est l'époux ou le conjoint de fait visé d'une personne qui est réputée, par le paragraphe 250(1), résider au Canada tout au long de l'année d'imposition qui comprend ce moment, y a résidé au cours d'une année d'imposition antérieure;

 

d) elle n'est pas visée aux alinéas 149(1)a) ou b);

 

e) elle est, ou son époux ou conjoint de fait visé est, soit citoyen canadien, soit :

 

(i) résident permanent au sens de la Loi sur l'immigration,

 

(ii) visiteur au Canada ou titulaire de permis au Canada (ces expressions s'entendant au sens de la Loi sur l'immigration) ayant résidé au Canada durant la période de 18 mois précédant ce moment,

 

(iii) quelqu'un à qui a été reconnu, en vertu de la Loi sur l'immigration  ou de ses règlements, le statut de réfugié au sens de la Convention,

 

(iv) quelqu'un qui fait partie d'une catégorie précisée dans le Règlement sur les catégories d'immigrants précisées pour des motifs d'ordre humanitaire pris en application de la Loi sur l'immigration.

 

Pour l'application de la présente définition :

 

f) si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

 

g) la présomption visée à l'alinéa f) ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

 

h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne.

 

[3]     Le terme « personne à charge admissible » est défini à l’article 122.6 comme suit :

 

« personne à charge admissible » S'agissant de la personne à charge admissible d'un particulier à un moment donné, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

 

a) elle est âgée de moins de 18 ans;

 

b) elle n'est pas quelqu'un pour qui un montant a été déduit en application de l'alinéa 118(1)a) dans le calcul de l'impôt payable par son époux ou son conjoint de fait en vertu de la présente partie pour l'année de base se rapportant au mois qui comprend ce moment;

 

c) elle n'est pas quelqu'un pour qui une allocation spéciale prévue par la Loi sur les allocations spéciales pour enfants est payable pour le mois qui comprend ce moment.

 

 

FAITS LIÉS À LA QUESTION DE SAVOIR SI L’APPELANTE « RÉSIDE » AVEC LA PERSONNE À CHARGE ADMISSIBLE

 

 

[4]     Comme les conditions énoncées dans la définition reproduite ci-dessus sont cumulatives, je vais exposer les faits se rapportant à chaque alinéa pertinent, en commençant par l’alinéa a) de la définition de « particulier admissible ». 

 

[5]     L’appelante a demandé et reçu la prestation pour la période allant du 1er septembre 1999 au 30 avril 2001. Un avis de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (« ADRC »), daté du 18 mai 2001, l’informait qu’elle n’était pas admissible à la prestation pour cette période et demandait le remboursement d’un paiement en trop de 2 900 $. 

 

[6]     Au cours de la période en question, l’appelante et Todd Trueman (« M. Trueman »), le père de Saxon, né le 1er octobre 1985, ont vécu dans des logements distincts. 

 

[7]     Par voie d’une ordonnance de consentement rendue par la Cour du Banc de la Reine du Manitoba (Division de la famille), datée du 13 avril 1995, l’appelante s’est vu accorder la garde exclusive de Saxon, M. Trueman ayant [traduction] « un droit de visite raisonnable et libéral à l’égard dudit enfant aux moments convenus entre les parties ».  

 

[8]     L’avocat de l’appelante a fait témoigner Margaret Funk (« Mme Funk »), la mère de l’appelante, Mlle Taylor, une amie de l’appelante, et l’appelante elle-même. Bien que le témoignage de Mme Funk ait consisté essentiellement dans du ouï-dire, elle a déclaré relativement à l’appelante :  

 

[traduction]

 

Oui, elle avait une chambre en plus, et Saxon venait habituellement à la maison les fins de semaine, du vendredi soir au dimanche matin. 

 

Elle a ensuite changé ses propos pour dire dimanche soir plutôt que dimanche matin. Au contre-interrogatoire de Mme Funk, l’échange suivant a eu lieu :

 

[traduction]

 

Q.        Saxon Funk, votre petit-fils, a décidé d’habiter chez son père —

 

R.         Oui, c’est ce qu’il a décidé.

 

Q.        Et pas avec sa mère?

 

R.         C’est exact. Enfin, il n’habitait pas vraiment chez son père; il habitait chez les grands-parents.

 

[9]     La transcription du réinterrogatoire de Mme Funk contient ce qui suit :

 

[traduction]

 

Q.        Les fins de semaine, il était chez votre fille, et durant la semaine, il était surtout avec ses grands-parents?

 

R.         Exactement.

 

[10]    Selon le témoignage de Mlle Taylor, à l’été 2000, Saxon, qui était ami de son fils, a passé au moins trois semaines du mois d’août chez elle. Le reste de son témoignage n’avait rien à voir avec la question de résidence.

 

[11]    Le témoignage de l’appelante portait sur le conflit et les querelles entre elle et Saxon et visait essentiellement à établir qu’elle répondait au critère énoncé à l’alinéa b) de la définition de « particulier admissible » citée plus haut. À un certain moment, elle a dit au sujet d’un calendrier qu’elle a produit en preuve :

 

[traduction]

 

Partout dans le calendrier il est indiqué que, lorsque Saxon venait à la maison, chaque fin de semaine pour laquelle il y avait un accord que mon fils, maintenant inscrit à l'école Lindenwood, où il n’était pas censé être mais où il était maintenant, et afin de garder une assez bonne entente entre moi et Saxon, je lui permettais de rester chez ses grands-parents pour aller à l'école Lindenwood, et l’accord était qu’il devait venir à la maison chaque fin de semaine pendant que nous tentions de régler nos différends.

 

L’appelante a déclaré qu’elle gardait une chambre libre pour Saxon. Une partie du témoignage de l’appelante se lit comme suit :

 

[traduction]

 

Q.        Saxon Funk est allé vivre chez son père du lundi au vendredi à partir du mois d’août ou septembre 1999?

 

R.         Il s’est enfui chez ses grands-parents, où habitait son père.

 

[12]    M. Trueman a témoigné que Saxon, durant la période pertinente, vivait chez lui et a dit : 

 

[traduction]

 

En permanence, 24 heures par jour.

 

Il a affirmé que Saxon est allé chez sa mère environ trois fois au cours de la période de douze mois commençant en juillet 1999. Il a ajouté :

 

[traduction]

 

Et je crois qu’il a peut-être même couché là une fois, peut-être deux. 

 

Il a témoigné qu’il avait fait une demande de prestation. 

 

Au contre-interrogatoire, l’échange suivant a eu lieu entre M. Trueman et l’avocat de l’appelante : 

 

[traduction]

 

Q.        Si je vous dis qu’il était là régulièrement les fins de semaine, vous êtes d’accord ou pas?

 

R.         Je suis totalement et absolument en désaccord.

 

Cela avait trait à la résidence de l’appelante.

 

ANALYSE ET CONCLUSION

 

[13]    Les témoignages de l’appelante et de M. Trueman concernant le lieu de résidence de Saxon divergeaient considérablement. De manière évidente, le témoignage de l’un d'eux ou de tous les deux ne concorde pas avec la réalité. 

 

[14]    J’ai remarqué, lors de l’audition, que Saxon, qui était alors dans sa dix-septième année, n’était pas présent pour témoigner. Son témoignage aurait énormément aidé la Cour à déterminer où il habitait durant la période en cause. Dans Blatch v. Archer (1774), I Cowp. 63, à la page 65, Lord Mansfield déclare :

 

[traduction]

 

Il existe certainement un principe voulant que tous les faits soient appréciés à la lumière de la preuve que l'une des parties était en mesure de produire et que l'autre partie était en mesure de réfuter.

 

Dans The Law of Evidence in Civil Cases, de Sopinka et Lederman, les auteurs traitent des conséquences de l’omission de citer un témoin et, après avoir reproduit le passage ci-dessus, ils citent l’extrait suivant : 

 

[traduction]

 

L'application de ce principe a conduit à établir une règle bien connue selon laquelle l'omission d'une partie ou d'un témoin de produire une preuve que la partie ou le témoin était en mesure de produire et qui aurait peut-être permis d'élucider les faits, fonde la Cour à déduire que la preuve de la partie ou du témoin en question aurait été défavorable à la partie à laquelle l'omission a été attribuée.

 

Dans le cas d'un demandeur auquel il incombe d'établir un point, l'effet de cette déduction peut être que la preuve produite sera insuffisante pour s'acquitter du fardeau de la preuve. (Lévesque et al. c. Comeau et al., [1970] R.C.S. 1010, (1971), 16 D.L.R. (3d) 425.) [Souligné dans l'original.]

 

Voir aussi les jugements Markakis c. M.R.N., C.C.I., 24 février 1986 (86 DTC 1237), Succession de John Sedelnick c. M.R.N., C.C.I., n° 80-1266, 4 juillet 1986 (86 DTC 1563), et Christensen c. Canada, [1998] A.C.I. no 361 (Q.L.) (98 DTC 1893).

 

Aucune explication satisfaisante n’ayant été donnée concernant l’omission de citer Saxon comme témoin, cela soulève évidemment la question du motif de cette omission. L’inférence logique est que l’appelante ne voulait pas qu’il témoigne ou ne voulait pas qu’il soit contre-interrogé, ou les deux.

 

[15]    Il incombait à l’appelante d’établir que son appel devrait être accueilli. En substance, son témoignage, qui n’a pas été exposé ci-dessus, concernait les soins qu’elle avait donnés à son fils.  Les parties s’entendent sur le fait que Saxon vivait au moins cinq jours par semaine ailleurs que chez sa mère. Cela, combiné à l’omission de faire témoigner Saxon, qui aurait pu beaucoup aider la Cour à déterminer chez qui il résidait, me fait conclure que l’appelante ne s’est pas acquittée du fardeau qu’elle avait de prouver que la condition énoncée dans la définition de « particulier admissible » (c’est-à-dire qu’elle résidait avec Saxon, la personne à charge admissible) avait été remplie.   

 

[16]    L’appelante n’ayant pas réuni les premières conditions pour être considérée comme un « particulier admissible », il n’est nul besoin d’examiner les autres conditions. Par conséquent, l’appel sera rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d'août 2002.

 

 

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de juillet 2004.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur

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