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Date: 19981028

Dossier : 97-1392-GST-G

ENTRE :

398722 ALBERTA LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Teskey, C.C.I.

[1] L’appelante interjette appel contre un avis de cotisation aux termes de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi » ) couvrant la période du 1er avril 1992 au 31 décembre 1995. Le numéro de compte TPS de l’appelante est le : 109383943 et l’avis de cotisation porte le numéro : 10CT9601498.

Questions en litige

[2] L’appelante soulève les questions suivantes :

a. L’appelante est-elle en droit, en tant que réputé acquéreur en vertu du paragraphe 191(3), de réclamer un crédit de taxe sur les intrants (CTI) sur la juste valeur marchande du quadruplex pour compenser la TPS qu’elle est réputée avoir payée en tant qu’acquéreur ?

b. En outre ou subsidiairement, l’appelante est-elle en droit de réclamer un CTI, en tant qu’inscrit en vertu de l’article 193 de la Loi sur la taxe d’accise, et si oui, quelle somme ?

c. En outre ou subsidiairement, la réputée fourniture à soi-même du quadruplex est-elle une fourniture exempte, en tout ou en partie, aux termes de l’article 6.1 ou de l’article 7 de l’Annexe V de la Loi sur la taxe d’accise ?

d. En outre ou subsidiairement, l’appelante a-t-elle droit à un remboursement en vertu de l’article 256 de Loi sur la taxe d’accise ?

e. En outre ou subsidiairement, la fourniture du quadruplex est-elle réputée ne pas être une fourniture en vertu du paragraphe 191(7) de la Loi sur la taxe d’accise ?

f. En outre ou subsidiairement, la fourniture du quadruplex a-t-elle été nécessairement faite dans le cadre des activités commerciales de l’appelante à Banff, auquel cas les règles relatives à la fourniture à soi-même ne s’appliqueraient pas ou l’appelante serait en droit de réclamer un CTI calculé sur la juste valeur marchande du quadruplex ?

Les faits

[3] Aucun témoin n’a déposé à l’audience. Les parties ont produit un exposé conjoint des faits (pièce A-1), un exposé conjoint des faits additionnel (pièce A-2) et des documents en liasse (pièce A-3). L’exposé conjoint des faits est ainsi rédigé :

[TRADUCTION]

Exposé conjoint des faits

1. L’avis de cotisation en vertu de la Loi sur la taxe d’accise en l’espèce, couvre la période du 1er avril 1992 au 31 décembre 1995. Le numéro de compte TPS de l’appelante est le 109383943 et l’avis de cotisation porte le numéro 10CT9601498.

2. L’appelante, une société de l’Alberta qui exerce ses activités dans le parc national de Banff, la ville de Banff et dans les environs, a été constituée le 7 mars 1989.

3. Le 21 mai 1991, l’appelante acquière pour 225 000 $ un intérêt à bail dans un bien-fonds situé dans la ville de Banff. La description cadastrale du bien-fonds est la suivante :

Plan 7524GC

Bloc 22

Lot 4A

En sont exclus tous les minéraux et les mines

(la « propriété de la rue Beaver » )

Une copie conforme du certificat de titre de la propriété de la rue Beaver se trouve dans les documents déposés en liasse, sous l’onglet 8.

4. Dans la ville de Banff, les biens-fonds appartiennent à la Couronne qui les aliène par cession à bail. L’appelante a acquis un intérêt à bail au moyen d’une cession de bail. Une copie conforme de la cession de bail relative à la propriété de la rue Beaver se trouve dans les documents déposés en liasse, sous l’onglet 9.

5. Lors de l’acquisition, une maison était située sur le bien-fonds. L’appelante n’a payé aucune TPS relativement à l’acquisition de la propriété de la rue Beaver.

6. L’appelante a demandé et, le 22 juillet 1992, obtenu un permis d’aménagement (le « permis d’aménagement de la propriété de la rue Beaver » ) lui permettant d’y construire un quadruplex. Une copie conforme de la lettre d’accompagnement du permis d’aménagement de la propriété de la rue Beaver se trouve dans les documents déposés en liasse, sous l’onglet 10.

7. Avant d’obtenir le permis d’aménagement de la propriété de la rue Beaver, l’appelante a demandé à la ville de Banff d’accepter de tenir compte des logements dans le quadruplex dans l’éventualité où l’appelante réaliserait un projet commercial sur la propriété au 208 de la rue Bear.

8. Le conseil municipal a accueilli la demande conformément aux lignes de conduite applicables à l’époque.

9. La construction du quadruplex a débuté en août 1992 et s'est terminée le 31 mars 1993. Les coûts de construction se sont élevés à 223 974 $. Une copie conforme des feuilles de travail comptables relatives aux coûts de construction sur la propriété de la rue Beaver se trouve dans les documents déposés en liasse, sous l’onglet 18.

10. L'appelante a acquis et mis en valeur le bien-fonds pour satisfaire son obligation de construire des logements dans le cadre de ses activités commerciales existantes et projetées dans la ville de Banff. À l’époque de l’acquisition du bien-fonds et de la construction du quadruplex, l’appelante n’administrait pas de locaux résidentiels, mais elle était propriétaire de quelques immeubles commerciaux à Banff.

11. Dans ses déclaration de TPS produites entre le mois d’août 1992 et le mois de juin 1993, l’appelante a demandé des crédits de taxe sur les intrants « CTI » totalisant 14 650 $ relativement aux coûts de construction. L’appelante produisait ses déclarations de TPS chaque trimestre.

12. En février 1993, la construction du quadruplex était achevée en grande partie et l’appelante transférait la possession d’un logement à une personne aux termes d’un bail conclu en vue de l’occupation du logement par la personne à titre résidentiel et cette personne n’était pas un acheteur en vertu d’un contrat de vente du quadruplex.

13. À la date du transfert, la juste valeur marchande du quadruplex était établie à 455 000 $. La copie d’une évaluation de la propriété de la rue Beaver se trouve dans les documents déposés en liasse, sous l’onglet 13.

14. En tout moment pertinent en l’espèce, le règlement sur l’utilisation du sol de la ville de Banff était ainsi rédigé :

8.18.0 LOGEMENTS QUI DOIVENT ÊTRE CONSTRUITS

8.18.1 Lorsqu’un promoteur propose de construire un projet immobilier ou de modifier l’usage d’un complexe immobilier existant, ou lorsqu’un complexe immobilier est, de l’avis du fonctionnaire autorisé à approuver les aménagements, substantiellement agrandi, il faut prévoir de nouveaux locaux résidentiels conformément aux règles et aux normes prévues dans la présente section :

...

b) hôtels

...

(ii) pour les hôtels comptant de 60 à 100 locaux commerciaux : une chambre à coucher par 8 locaux commerciaux;

Une copie des articles pertinents du règlement sur l’utilisation du sol se trouve dans les documents déposés en liasse, sous l’onglet 15.

15. En novembre 1994, l’appelante demande un permis d’aménagement pour construire un hôtel de 63 chambres sur le bien-fonds ci-après décrit :

Plan 6719 BC

Bloc 6

Lot 27

Plan 6395FP

Bloc 6

Lots 28, 29 & 30

Plan 8810133

Bloc 6

Lot 31

Ce bien-fonds est situé au 208 de la rue Bear (aussi connue comme la rue Caribou) à Banff, en Alberta (la « propriété de la rue Bear » ).

16. La ville a accordé un permis d’aménagement (le « permis d’aménagement de la rue Bear » ) parce que, entre autres, l’appelante avait satisfaisait à son obligation de fournir des logements en construisant le quadruplex et qu’elle avait accepté d’en tenir compte. Des copies conformes de la Convention d’aménagement de la propriété de la rue Bear et du permis d’aménagement se trouvent dans les documents déposés en liasse, sous l’onglet 14.

17. L’hôtel a été construit entre septembre 1995 et juin 1996. Une copie du permis d’occupation de l’hôtel se trouve dans les documents déposés en liasse, sous l’onglet 17.

18. L’appelante est le propriétaire et l’exploitant de l’hôtel. Des copies conformes des permis de place d’affaires pour 1997 et 1998 relatifs à l’hôtel se trouvent dans les documents déposés en liasse, sous l’onglet 16.

19. L’appelante n’a pas payé de TPS sur la juste valeur marchande du quadruplex et n’a pas indiqué dans ses déclarations qu’une TPS était payable.

20. Le ministère a établi une nouvelle cotisation et, dans l’avis de cotisation du 15 mai 1996, il réclame à l’appelante 61 677, 95 $ en TPS et 17 313,74 $ en intérêt et pénalités, soit la somme de 78 991, 69 $. Le montant de TPS se compose de la somme de 29 766, 36 $ relative la fourniture à soi-même du quadruplex. Le montant de pénalités et d’intérêt relatifs à la TPS attribuable à la fourniture à soi-même du quadruplex se chiffre à environ 8 355, 78 $.

21. L’appelant a payé la TPS, les pénalités et l’intérêts réclamés dans l’avis de cotisation par compensation d’autres montants que l’intimée devait lui rembourser.

22. L’appelante a déposé un avis d’opposition qui porte le numéro 114536824 (Voir sous l’onglet 6, dans les documents déposés en liasse).

23. Le 18 février 1997, l’appelante a reçu l’Avis de décision daté du 10 février 1997 se rapportant à son opposition (Voir sous l’onglet 7, dans les documents déposés en liasse). Son opposition avait été rejetée.

24. L’appelante était un inscrit aux fins de la TPS.

25. L’appelante agissait comme son propre entrepreneur lorsqu’elle a construit le quadruplex.

26. À tous les moments pertinents en l’espèce, l’appelante est demeurée propriétaire du quadruplex et elle ne l’a pas aliéné ni en totalité ni en partie.

Exposé conjoint des faits additionnel

1. La construction et l’exploitation d’un hôtel sur la propriété de la rue Bear sont précisément le projet de construction et les activités commerciales projetées évoqués dans les paragraphes 7 et 10 de l’exposé conjoint des faits.

2. Avant de construire l’hôtel sur la propriété de la rue Bear, l’appelante a loué à des sous-locataires commerciaux des locaux pour commerces de détail et pour bureaux.

3. À tous les moments pertinents en l’espèce, l’appelante avait retenu les services d’un cabinet d’experts-comptables pour la conseiller sur ses obligations relativement à la TPS et l’aider à produire ses déclarations de TPS.

4. L’appelante n’avait pas été avisée des règles relatives à la fourniture à soi-même et n’est devenue consciente de la fourniture à elle-même du quadruplex que lors de la nouvelle cotisation en 1996.

5. Les premiers occupants du quadruplex avaient conclu des locations au mois.

6. À tous les moments pertinents en l’espèce, l’appelante et les occupants du quadruplex avaient conclu des locations au mois.

[4] L’article 9 de la Convention d’aménagement conclue entre l’appelante et la ville de Banff (sous l’onglet 14 de la pièce A-3) est ainsi rédigé :

[TRADUCTION]

9 LOCAUX RÉSIDENTIELS

9.1 Le promoteur reconnaît que la ville ne délivrera pas de permis d’occupation pour le complexe immobilier à moins et jusqu'à ce que le promoteur ait construit ou fait construire des logements à un endroit acceptable à la ville et qu’un permis d’occupation pour les logements ait été délivré par la ville.

9.2 Le promoteur reconnaît que les logements serviront exclusivement à loger le personnel affecté à l’exploitation du complexe immobilier.

9.3 Le promoteur reconnaît que s’il néglige de conserver les logements prévus à la présente convention et de les utiliser aux fins mentionnées au paragraphe 9.2, la ville aura toute latitude :

9.3.1 de refuser de délivrer le permis d’occupation pour le complexe immobilier,

9.3.2 d’annuler le permis d’aménagement si le permis d’occupation a déjà été délivré.

Analyse

[5] L’intimée prétend que le quadruplex doit être considéré comme un immeuble d’habitation distinct en vertu du paragraphe 141(5) et que, dans les circonstances, il y a eu disposition lors de l’occupation aux termes de l’article 191 et du paragraphe 169(1) qui s’applique aux crédits de taxes sur les intrants. Le « B » employé dans le calcul équivaut à zéro et, par conséquent, aucun crédit de taxe sur les intrants n’est remboursable à l’appelante.

[6] Si la position de l’intimée est bien fondée, il y aurait, dans les circonstances, double imposition. L’appelante aurait payé la TPS sur tous les matériaux pendant la construction du quadruplex et elle paierait la TPS de nouveau sur la valeur marchande du quadruplex lors de son occupation.

[7] Une telle position irait totalement à l’encontre du régime et de l’intention de la Loi. La Loi prévoit que chaque entité doit percevoir la TPS sur tous les produits et les services. Chaque fois qu’un produit ou un service change de mains, le fournisseur perçoit la TPS, mais il reçoit un crédit de taxe sur les intrants pour la TPS qu’il a payée. Ainsi, d’opération en opération, le consommateur ultime paye en définitive sept pour cent sur la valeur finale du produit ou du service, chaque fournisseur qui a vendu le produit ou le service recevant un crédit de taxe sur les intrants pour la TPS qu’il a payée.

[8] L’appelante, qui n’était pas un promoteur de projets domiciliaires, a décidé de construire un hôtel de 63 chambres à Banff. Avant d’obtenir les approbations nécessaires pour construire l’hôtel, l’appelante a dû construire le quadruplex. Ce quadruplex ne peut dont pas être considéré isolément comme un complexe domiciliaire mais doit être considéré comme faisant partie intégrante du complexe commercial comprenant l’hôtel de 63 chambres.

[9] Le paragraphe 141(1) de la Loi est ainsi rédigé :

Pour l’application de la présente partie, la consommation ou l’utilisation d’un bien ou d’un service par une personne, sauf une institution financière, est réputée se faire en totalité dans le cadre de ses activités commerciales si elle se fait presque en totalité dans ce cadre.

[10] Il n’est pas nécessaire d’appliquer ce paragraphe pour conclure que le quadruplex faisait partie intégrante du complexe commercial de l’appelante. En vertu du paragraphe 141(5), le quadruplex est un bien distinct aux fins de l’application et de l’interprétation de certains articles de la Loi. Le paragraphe 141(5) prévoit ceci :

Pour l’application des paragraphes (1) à (4), dans le cas où un immeuble comprend un immeuble d’habitation et une autre constituante qui ne fait pas partie de l’immeuble d’habitation :

(a) l’immeuble d’habitation et l’autre constituante sont réputés chacun être des biens distincts;


[11] L’article 191 porte sur la fourniture à soi-même d’un immeuble d’habitation et le paragraphe (3) sur la fourniture à soi-même d’un immeuble d’habitation à logements multiples. Paraphrasé, le paragraphe (3) serait ainsi rédigé :

Lorsque les conditions suivantes sont réunies

(a) la construction d’un immeuble d’habitation à logements multiples est achevée en grande partie,

(b) le constructeur en transfère la possession à une personne qui n’est pas l’acheteur aux termes d’un bail

la personne est la première à occuper un logement dans l’immeuble à titre résidentiel,

le constructeur est réputé

(d) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l’immeuble au dernier en date du jour où les travaux sont achevés en grande partie et du jour où la possession du logement est transférée à la personne ou le logement est occupé par lui;

(e) avoir payé à titre d’acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l’immeuble ce jour-là.

[12] Ainsi, cet article s’applique au quadruplex et il est réputé y avoir eu aliénation lors de l’occupation.

[13] Le paragraphe 169(1) qui traite des crédits de taxe sur les intrants est ainsi rédigé :

Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu’elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :

A x B

où :

A représente la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;

B

a) .... (ne s’applique pas)

b) .... (ne s’applique pas)

c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l’a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

[14] Il est possible de paraphraser l’alinéa c) de sorte qu’il soit ainsi rédigé : « dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle l’appelante a acquis l’immeuble pour utilisation dans le cadre de ses activités commerciales » .

[15] Ainsi, pour l’application de l’article 191, le quadruplex est considéré comme un bien distinct de l’hôtel, ce qui était le cas à tout événement. Toutefois, le paragraphe 145(5) ne modifie ni ne peut modifier le fait que l’appelante a utilisé le quadruplex dans le cadre de ses activités commerciales comme propriétaire et exploitant d’un hôtel de 63 chambres. Ainsi, dans le calcul, « B » équivaut à 100 pour cent.

[16] L’appel est donc accueilli avec dépens et l’avis de cotisation est déféré au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour le motif qu’il y a eu une aliénation du quadruplex aux termes de l’article 191 et que l’appelante a droit au remboursement d’un crédit de taxe pour intrants conformément au paragraphe 169(1) de la Loi. Les pénalités et l’intérêt ne devront être calculés que sur la différence nette.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d'octobre 1998.

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 11e jour de juin 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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