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Date : 20140611


Dossier : A-237-13

Référence : 2014 CAF 155

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

JACK KLUNDERT

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 10 juin 2014.

Jugement rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 11 juin 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE NEAR

 


Date : 20140611


Dossier : A-237-13

Référence : 2014 CAF 155

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE NEAR

ENTRE :

JACK KLUNDERT

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]               Pour les motifs publiés sous la référence 2013 CCI 208, un juge de la Cour canadienne de l’impôt (le juge) a radié l’avis d’appel de l’appelant et rejeté les appels qu’il avait interjetés à l’égard de nouvelles cotisations établies sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi), pour les années d’imposition 1993 à 1996. Il s’agit de l’appel de cette décision.

[2]               Les faits sous‑jacents pertinents sont résumés de façon concise par le juge au paragraphe 3 de ses motifs :

Les faits eux-mêmes qui entourent les questions en litige en l’espèce sont constants. L’appelant, optométriste exerçant ses activités à Windsor, en Ontario, a soit produit des déclarations de revenus ne faisant état d’aucun revenu, soit manqué à son obligation de produire des déclarations de revenus pour les années d’imposition 1993 à 1997. Il a d’abord fait l’objet d’une vérification et ensuite d’une enquête pénale dans le contexte de laquelle un mandat de perquisition et de saisie a été exécuté en application de l’article 487 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, dans sa version modifiée. L’appelant a fait l’objet de trois procès pour fraude fiscale devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, de deux appels devant la Cour d’appel de l’Ontario, et sa demande d’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada a été rejetée. Le 20 mai 2010, une décision a été rendue dans le troisième et dernier procès qui s’est tenu devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, avec jury, par laquelle l’appelant a été déclaré coupable de fraude fiscale aux termes de l’article 239 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »); l’appelant a interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel de l’Ontario, qui a rejeté son appel le 12 septembre 2011, et sa demande de pourvoi devant la Cour suprême du Canada a été refusée le 5 avril 2012. En se fondant sur les conclusions de ce troisième procès, à l’occasion duquel il fut conclu que l’appelant avait manqué à son obligation de déclarer des sommes de 241 625 $, de 270 403 $, de 434 931 $, de 254 520 $ et de 272 910 $ respectivement pour les années comprises entre 1993 et 1997, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant sur la même base exactement.

[3]               Dans son avis d’appel, l’appelant ne contestait pas le montant de la nouvelle cotisation établie par le ministre ni des éléments de cette nouvelle cotisation qui auraient pu modifier le montant de sa dette fiscale. Il y relatait plutôt les faits par ordre chronologique et reprenait ses simples affirmations suivant lesquelles l’Agence du revenu du Canada avait usé de ses pouvoirs de vérification pour recueillir des renseignements pour l’enquête criminelle en cours. Par conséquent, l’appelant cherchait à obtenir un jugement déclarant que tous les éléments de preuve recueillis en vertu des pouvoirs de vérification de l’Agence du revenu du Canada alors qu’il faisait l’objet d’une enquête criminelle violaient des droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) et devaient être écartés en application du paragraphe 24(2) de la Charte dans le cadre de l’instance introduite devant la Cour de l’impôt. L’appelant n’a fait valoir aucun argument fondé sur un abus des pouvoirs de vérification à quelque moment que ce soit au cours du procès criminel.

[4]               Le juge a invoqué deux motifs pour justifier sa décision de radier l’avis d’appel et de rejeter l’appel.

[5]               En premier lieu, le juge a conclu que l’acte de procédure ne révélait aucune cause d’action et qu’il ne faisait que relater une série de faits chronologiques, sans allégation précise quant aux renseignements précis qui auraient été obtenus ou utilisés de façon irrégulière. En second lieu, le juge a conclu que l’avis d’appel constituait un abus de procédure.

[6]               Je suis d’accord pour dire que l’avis d’appel ne révélait aucune cause d’action, essentiellement pour les mêmes raisons que celles exposées par le juge. Dans l’arrêt R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757, la Cour suprême s’était penchée sur la distinction entre une vérification effectuée pour l’application de la Loi et une enquête susceptible de déboucher sur des accusations en vertu de l’article 239 de la Loi. Dès lors que l’« objet prédominant » de l’enquête porte sur des enquêtes et des poursuites relatives à des infractions, l’Agence du revenu du Canada ne peut plus user de ses pouvoirs de vérification pour recueillir des renseignements ou des documents susceptibles d’être utilisés pour les enquêtes et les poursuites en question.

[7]               Cela étant dit, la Cour suprême a expressément confirmé que, même après qu’une enquête a été ouverte, l’Agence du revenu du Canada peut utiliser ses pouvoirs administratifs et ses pouvoirs de vérification pour appliquer la Loi, notamment lorsqu’il s’agit d’établir une nouvelle cotisation (voir également l’arrêt Romanuk c. Canada, 2013 CAF 133, 445 N.R. 353, rendu par notre Cour).

[8]               En l’espèce, à partir de janvier 1996, l’Agence du revenu du Canada a commencé à exercer ses pouvoirs administratifs (en signifiant notamment à l’appelant une demande péremptoire de renseignements et de production de documents) en vue d’obtenir des renseignements. Ces démarches faisaient suite aux déclarations de revenus de l’appelant, un optométriste en exercice, faisant état d’un revenu nul pour les années d’imposition 1993 et 1994. L’appelant avait inscrit la mention suivante sur sa déclaration de revenus de 1993 : [traduction] « le gouvernement du Canada viole la Constitution en percevant l’impôt sur le revenu ».

[9]               L’appelant n’a pas produit de déclaration pour les années d’imposition 1995 et 1996. Il a produit une déclaration pour l’année d’imposition 1997 dans laquelle il a déclaré un revenu nul.

[10]           Le 31 mars 1999, des mandats de perquisition ont été exécutés au domicile et au cabinet de l’appelant.

[11]           Comme les renseignements recueillis avaient été obtenus à la suite du mandat de perquisition et des processus administratif et de vérification, il incombait à l’appelant de signaler les éléments de preuve précis qui avaient été obtenus de façon irrégulière. Il n’a toutefois allégué aucun fait substantiel pour démontrer quels renseignements avaient été obtenus de façon irrégulière ou de quelle manière ils avaient été obtenus ou encore que les renseignements obtenus de façon irrégulière avaient effectivement été utilisés.

[12]           Je suis d’accord avec le juge pour dire que l’exposé des faits chronologiques qu’a fait l’appelant combiné à ses simples affirmations s’est traduit par un appel fondé sur des conjectures, des hypothèses et des insinuations.

[13]           Le juge a également rejeté la demande de modification de l’avis d’appel. À mon avis, le juge a rejeté à bon droit cette demande, parce que la modification proposée ne concernait que la réparation demandée et n’aurait donc pas permis de corriger les lacunes de l’acte de procédure.

[14]           La conclusion suivant laquelle l’avis d’appel ne révélait aucune cause d’action tranchait le sort de la requête en radiation. Il n’est donc pas nécessaire de se demander si l’avis d’appel constituait un abus de procédure. Par conséquent, nous n’acceptons ni ne rejetons l’analyse du juge à cet égard.

[15]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Johanne Trudel, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

D.G. Near, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-237-13

 

 

INTITULÉ :

JACK KLUNDERT c.
SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (colombie‑britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 JUIN 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 JUIN 2014

 

COMPARUTIONS :

Christopher D.R. Maddock, c.r.

POUR L’APPELANT

 

Elizabeth McDonald

POUR L’INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Christopher D.R. Maddock, c.r.

Avocat

Victoria (Colombie-Britannique)

 

PoUR L’APPELANT

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

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