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Date : 20141028


Dossiers : A-380-13

A-95-14

A-270-14

Référence : 2014 CAF 242

CORAM :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

 

 

Dossier : A-380-13

ENTRE :

JANSSEN INC.

appelante

et

ABBVIE CORPORATION, ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

intimées

Dossier : A-95-14

ET ENTRE :

JANSSEN INC.

appelante

et

ABBVIE CORPORATION, ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

intimées

Dossier : A-270-14

ET ENTRE :

JANSSEN INC.

appelante

et

ABBVIE CORPORATION, ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

intimées

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 8 octobre 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 octobre 2014,

à la suite de motifs prononcés les 8 et 28 octobre 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA COUR

 


Date : 20141028


Dossiers : A-380-13

A-95-14

A-270-14

Référence : 2014 CAF 242

CORAM :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

 

 

Dossier : A-380-13

ENTRE :

JANSSEN INC.

appelante

et

ABBVIE CORPORATION, ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

intimées

Dossier : A-95-14

ET ENTRE :

JANSSEN INC.

appelante

et

ABBVIE CORPORATION, ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

intimées

Dossier : A-270-14

ET ENTRE :

JANSSEN INC.

appelante

et

ABBVIE CORPORATION, ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

[1]               Dans un appel connexe (A‑95‑14), Janssen Inc. interjette appel d'une décision du 17 janvier 2014 de la Cour fédérale par laquelle le juge Hughes (le juge) a conclu que les revendications 143 et 222 du brevet canadien no 2 365 281 (le brevet 281) étaient valides et contrefaites (2014 CF 55). Le titulaire du brevet est l'une des sociétés intimées, AbbVie Deutschland GmbH & Co. KG (collectivement, AbbVie). Le juge a conclu que Janssen avait contrefait les revendications en procédant à la promotion et à la vente de son produit STELARA® pour le traitement du psoriasis chez l'humain. Le juge a ensuite rejeté la demande reconventionnelle de l'appelante, qui faisait valoir que les revendications n'étaient pas valides pour cause d'évidence, d'insuffisance, de portée excessive et d'ambiguïté. En appel, Janssen n'a pas contesté la conclusion de contrefaçon, mettant plutôt l'accent sur le rejet par le juge de ses arguments relatifs à l'invalidité.

[2]               Janssen a interjeté appel de deux autres décisions rendues par le juge dans des instances connexes. Dans le dossier A‑380‑13, elle a fait appel du rejet par le juge de sa requête préalable à l'audience visant à modifier l'annexe A de sa défense et demande reconventionnelle (2013 CF 1148). Dans le dossier A‑270‑14, elle a fait appel de l'ordonnance d'injonction après jugement rendue par le juge (dossier T‑1310‑09). L'instruction des trois appels a été fixée à la même date. Les présents motifs ont trait au dossier A‑380‑13 et visent l'ordonnance par laquelle le juge a rejeté la requête en modification de Janssen.

[3]               Dans une requête en modification, il convient d'appliquer le critère exposé dans la décision Continental Bank Leasing Corp. c. La Reine, [1993] A.C.I. no 18 (QL) (Continental), et cité par notre Cour dans Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, [2004] 2 R.C.F. 459, au paragraphe 30, autorisation d'appel à la C.S.C. refusée, no 30193 (6 mai 2004) (voir les motifs du juge dans le dossier A‑380‑13, au paragraphe 10) :

[…] je préfère tout de même examiner la question dans une perspective plus large : les intérêts de la justice seraient‑ils mieux servis si la demande de modification ou de rétraction était approuvée ou rejetée? Les critères mentionnés dans les affaires entendues par d'autres tribunaux sont évidemment utiles, mais il convient de mettre l'accent sur d'autres facteurs également, y compris le moment auquel est présentée la requête visant la modification ou la rétractation, la mesure dans laquelle les modifications proposées retarderaient l'instruction expéditive de l'affaire, la mesure dans laquelle la thèse adoptée à l'origine par une partie a amené une autre partie à suivre dans le litige une ligne de conduite qu'il serait difficile, voire impossible, de modifier, et la mesure dans laquelle les modifications demandées faciliteront l'examen par la Cour du véritable fond du différend. Il n'existe aucun facteur qui soit prédominant, ou dont la présence ou l'absence soit nécessairement déterminante. On doit accorder à chacun des facteurs le poids qui lui revient dans le contexte de l'espèce. Il s'agit, en fin de compte, de tenir compte de la simple équité, du sens commun et de l'intérêt qu'ont les tribunaux à ce que justice soit faite. [Non souligné dans l'original.]

[4]               Nous sommes tous d'avis, en appliquant la décision Continental aux faits de l'espèce, que la modification sollicitée par Janssen aurait dû être autorisée. Le juge n'a pas accordé suffisamment de poids à tous les facteurs pertinents.

[5]               Le juge a estimé que, de tous les facteurs mentionnés dans la décision Continental, les suivants militaient contre l'octroi de la requête : « le moment auquel est présentée la requête, la mesure dans laquelle les modifications retarderaient l'instruction de l'affaire [et] la mesure dans laquelle la thèse adoptée par la partie demandant les modifications amènerait l'autre partie à modifier sa thèse » (au paragraphe 11 des motifs). AbbVie s'était appuyée sur l'affidavit de son avocat principal à l'instance pour établir le préjudice qu'elle subirait si la modification était autorisée.

[6]               Quant à la question du moment de la présentation de la requête, nous retenons ce qui suit. En 2009, AbbVie a tout d'abord soutenu que Janssen avait contrefait l'ensemble des 223 revendications du brevet 281. Ce nombre a été réduit à 154 revendications en février 2010, à 95 en octobre 2012, à 94 en juin 2013 et finalement à 2 le 10 septembre 2013 (mémoire des faits et du droit de Janssen, au paragraphe 9, et mémoire des faits et du droit d'AbbVie, au paragraphe 2). Il convient de souligner que, lors de la conférence préparatoire présidée par le juge en juillet 2013, AbbVie faisait toujours valoir que Janssen avait contrefait 94 revendications. L'affaire n'a cessé de changer, de même que « le paysage dans lequel la personne versée dans l'art se trouv[ait] ».

[7]               À ce moment, les deux parties recouraient toujours aux services d'experts afin de régler, du moins en partie, la question des antériorités. Par exemple, les services de M. Chizzonite, et ceux de Mme Sarfati, ont été respectivement retenus par AbbVie et Janssen à peu près en même temps, soit en mai ou en juin 2013. Les parties se sont échangées leurs rapports d'experts en septembre et en octobre 2013. Plus précisément, le rapport de Mme Sarfati a été signifié à l'avocat d'AbbVie le 16 septembre 2013. Ce rapport faisait état des nouvelles antériorités dont Janssen a demandé l'ajout à l'annexe A de sa défense et demande reconventionnelle.

[8]               Pour ce qui est du retard éventuel dans l'instruction de l'affaire, mentionnons que, selon l'avocat principal d'AbbVie, un délai d'au moins deux mois — à l'époque, jusqu'en février 2014 — serait nécessaire pour procéder à la communication préalable requise et examiner les 20 nouvelles antériorités mentionnées dans le rapport de Mme Sarfati (affidavit de Me Reddon, recueil de Janssen, onglet 19, page 290, au paragraphe 3p).

[9]               Le juge s'est penché sur certains des facteurs énoncés dans la décision Continental. Cependant, d'autres facteurs sont importants dans cette affaire et le juge aurait dû les examiner plus longuement. Comme la Cour l'a déclaré dans l'arrêt Sanofi‑Aventis Canada Inc. c. Teva Canada Limitée, 2014 CAF 65, [2014] A.C.F. no 254 (QL), au paragraphe 15, la partie qui sollicite une modification doit satisfaire à deux critères indépendants : a) toute injustice imposée à l'autre partie peut être corrigée par l'adjudication de dépens, et b) les intérêts de la justice doivent être servis. Avec égards, le juge n'a pas tenu pleinement compte de ces critères et, substituant notre pouvoir discrétionnaire au sien, nous concluons que Janssen satisfait aux deux critères.

[10]           Lorsque le juge a traité des dépens, il a cité, au paragraphe 7 de ses motifs dans le dossier A‑380‑13, la décision Bande de Montana c. La Reine, 2002 CFPI 583, [2002] A.C.F. no 774 (QL) (Bande de Montana), mais il ne s'est jamais demandé pourquoi, en l'espèce, AbbVie ne pourrait être dédommagée par l'adjudication de dépens, compte tenu du fait que, selon son avocat principal, un simple délai de deux mois serait nécessaire pour procéder à la communication préalable requise et examiner les nouvelles antériorités.

[11]           AbbVie s'appuie également sur les motifs du juge Hugessen dans la décision Bande de Montana pour affirmer qu'elle n'aurait pas pu être indemnisée par l'octroi de dépens si l'on avait autorisé la modification. Elle a tort de s'en remettre aveuglément à la décision Bande de Montana.

[12]           Premièrement, plus de 25 personnes étaient parties à l’affaire Bande de Montana – l’intitulé s’étend sur toute une page.

[13]           Deuxièmement, l'affaire Bande de Montana portait sur des droits d'exploitation du sous‑sol de certaines terres de réserve de la bande. La cour était saisie de neuf instances distinctes. Les questions en litige étaient non seulement complexes, mais aussi étroitement liées entre elles.

[14]           Troisièmement, le juge Hugessen a souligné que, si la modification proposée était autorisée, les autres parties devraient revoir en profondeur leurs actes de procédure et procéder à une nouvelle communication préalable. Même abstraction faite des problèmes découlant de la fixation de nouvelles dates d'audience, un ajournement d'au moins un an aurait été requis. Ce contexte factuel est très différent de celui qui nous occupe.

[15]           Dans ses motifs de rejet de la requête, le juge a peu parlé des intérêts de la justice. Il s'agissait en l'espèce d'un facteur important à prendre en considération. Le juge a reconnu ce qui suit, au paragraphe 9 de ses motifs : « Les modifications proposées en l'espèce ne sont pas négligeables ni simplement formalistes; elles se rapportent à l'essence de l'une des principales questions d'invalidité soulevées par [Janssen]; celle du caractère évident, à l'égard de laquelle l'antériorité est essentielle. » Nul ne conteste que l'évidence était une question clé, et que Janssen l'a invoquée comme motif d'invalidité dès le début de l'instance. Les conclusions sur l'évidence ont aussi une incidence, dans une certaine mesure, sur la question de la portée excessive — c.‑à‑d. le lien existant entre la cytokine humaine, connue sous le nom d'interleukine 12 ou IL‑12, et le psoriasis (motifs dans le dossier A‑95‑14, au paragraphe 168).

[16]           Plus particulièrement, les parties ont mis l'accent sur deux documents précis mentionnés dans le rapport de Mme Sarfati, soit l'étude de 1999 de M. Ehrhardt et l'étude de 1998 de M. Yawalkar. Les experts des deux parties ont convenu dans ce dernier cas qu'à compter du 25 mars 1998, l'étude de M. Yawalkar faisait partie des connaissances générales courantes. Quant à l'étude de M. Ehrhardt, les parties ne s'entendaient pas sur sa date de publication, ni quant à savoir s'il s'agissait d'une antériorité. Il appartenait au juge du procès de trancher la question.

[17]           Dans la présente affaire, il aurait été dans l'intérêt de la justice que le juge dispose de toutes les antériorités pertinentes pour pouvoir examiner en profondeur la question de l'évidence, surtout que Janssen ne cherchait pas à l'aveuglette « le » document d'antériorité qui aurait étayé sa position. Comme nous l'avons mentionné, les experts des deux camps connaissaient l'existence de l'étude de M. Yawalkar. On a allégué que M. Chizzonite, spécialiste de l'IL‑12 et, a‑t‑on dit, de son utilisation éventuelle dans le traitement de maladies était l'auteur d'un des documents d'antériorité additionnels. Pourtant, AbbVie avait demandé à M. Chizzonite de ne pas parler de l'étude de M. Yawalkar dans son rapport.

[18]           La jurisprudence sur les modifications nous apprend qu'aucun facteur n'est à lui seul déterminant. La liste des facteurs à prendre en compte n'est pas exhaustive. Il faut procéder à un exercice de pondération et, bien qu'aucun facteur ne soit à lui seul prédominant, l'on doit accorder le poids qui convient aux facteurs pertinents dans chaque cas particulier. À notre avis, le juge a mal appliqué le critère énoncé et il n'a pas dûment tenu compte des facteurs pertinents, notamment le caractère particulier de l'affaire, qui porte sur une nouvelle technologie dont les aspects scientifiques et commerciaux complexes touchent au cœur du marché conclu entre l'inventeur et le public. Si le juge avait examiné tous les facteurs pertinents et les avait correctement appliqués à l'affaire qui nous occupe, il aurait autorisé la modification. Encore une fois, l'intérêt de la justice requérait que le juge dispose de l'ensemble des antériorités pertinentes.

[19]           Nous ne voulons pas laisser entendre, par ces propos, qu'il faudrait autoriser toute modification demandée par une partie dans les mois ou les semaines précédant le début du procès. L'exercice d'équilibre délicat qui vise à déterminer si une modification est ou non opportune doit être fait au cas par cas. Nous comprenons aussi l'importance de l'affaire pour les parties et les inconvénients qu'il y aurait à la renvoyer devant la Cour fédérale. Compte tenu toutefois des autres facteurs examinés précédemment, notre conclusion reste inchangée. Les parties sont des plaideurs d'expérience et elles sauront sans doute trouver des solutions pour réduire la durée de la prochaine audience. L'appel sera par conséquent accueilli, avec dépens.

[20]           Cela dit, et après que la Cour avait rendu les présents motifs et ordonné que l'affaire soit renvoyée à la Cour fédérale pour un nouveau procès, l'avocat d'AbbVie a demandé une réparation différente de celle sollicitée dans son mémoire des faits et du droit. AbbVie demandait à l'origine le rejet de l'appel de Janssen avec dépens, et rien de plus. Elle demande maintenant plutôt à la Cour de faire une déclaration en application du sous‑alinéa 52b)(iii) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7. AbbVie demande plus précisément à la Cour de rendre l'ordonnance que la Cour fédérale aurait dû rendre sur la requête en modification, et de renvoyer l'affaire pour poursuite de l'instruction sur les seules questions de l'évidence et de la portée excessive. Janssen veut pour sa part un nouveau procès portant sur l'ensemble des questions en litige.

[21]           Compte tenu de la demande d'AbbVie, la Cour a invité les parties à lui présenter la jurisprudence pertinente pouvant l'aider à arriver à une conclusion finale au sujet de la mesure de réparation appropriée. AbbVie soutient essentiellement que la conclusion du juge selon laquelle Janssen a contrefait les revendications 143 et 222 n'a pas été portée en appel.

[22]           Selon AbbVie, compte tenu du jugement de la Cour accueillant l'appel de Janssen dans le dossier A‑380‑13, les questions à trancher devraient être limitées aux alinéas 72a) et b) de la déclaration du témoin faite par Mme Sarfati (recueil de Janssen dans le dossier A‑380‑13, à la page 7352). Toute autre ordonnance aurait pour effet de placer Janssen dans une meilleure position que celle où elle était avant l'appel. La déclaration qu'elle demande devrait donc être prononcée.

[23]           Le problème que pose la déclaration demandée est qu'il ne reste plus de « points en suspens » au sens du sous‑alinéa 52b)(iii) (« the issues that remain to be determined », selon la version anglaise) : Démocratie en surveillance c. Campbell, 2009 CAF 79, [2010] 2 R.C.F. 139. Le juge a tiré des conclusions de droit et de fait à l'égard de toutes les questions en litige.

[24]           Janssen soutient que la demande d’AbbVie a pour effet de dissocier entièrement la conclusion du juge sur la contrefaçon de ses conclusions sur l’évidence et la portée excessive.

[25]           Bien qu'il s'agisse de notions indépendantes qui apportent chacune leur éclairage sur des questions différentes, on pourrait raisonnablement avancer que cette indépendance est quelque peu limitée, étant donné que l'absence de contrefaçon et la validité d'un brevet sont fonction de la portée de l'invention brevetée et, par conséquent, de l'interprétation donnée aux revendications. Ainsi, la réponse à la question de savoir si le STELARA® « s'inscri[t] dans les paramètres des revendications 143 et 222 » dépend de l'interprétation faite de ces revendications. De même, les motifs d'invalidité sont également fonction de l'interprétation des revendications, quoique à des degrés différents. Par exemple, lorsqu'une partie fait valoir l'évidence comme moyen de défense, il est nécessaire de comparer les revendications interprétées et les antériorités. Encore une fois, l'exercice de comparaison met en évidence l'idée originale de la revendication en cause (Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265, au paragraphe 67, citant Windsurfing International Inc. v. Tabur Marine (Great Britain) Ltd., [1985] R.P.C. 59 (C.A.)). Pour déterminer si les antériorités révèlent les limites d'une revendication précise, il faut examiner quelles sont ces limites et ce qu'elles signifient. En fin de compte, la conclusion sur la contrefaçon et la manière dont le juge est arrivé à cette conclusion peuvent avoir une incidence sur le reste de l'analyse.

[26]           Si nous devions retenir l'argument d'AbbVie et ne renvoyer pour nouvelle instruction que les questions touchées par la modification des actes de procédure, il faudrait que la preuve, y compris les nouveaux éléments de preuve, soit soumise à notre appréciation et que nous nous prononcions sur les conclusions pouvant être touchées par les nouveaux documents. Pour ce faire, la Cour devrait « se transformer en tribunal de première instance et tirer de nouvelles conclusions de fait ainsi que des conclusions de droit d'après ces faits » (Canada c. Première Nation de Brokenhead, 2011 CAF 148, [2011] A.C.F. no 638 (QL)). Nous ne sommes pas disposés à assumer ce rôle.

[27]           Tel qu'AbbVie l'a souligné, Janssen n'a pas fait appel de la conclusion sur la contrefaçon tirée par le juge. Cela ressort clairement de l'avis d'appel de Janssen, et rien dans son mémoire des faits et du droit n'explique pourquoi elle n'a pas interjeté appel de cette partie du jugement.

[28]           Le juge a toutefois fait remarquer ce qui suit, au début de la brève partie de ses motifs portant sur la question de la contrefaçon :

103      Aux paragraphes 48 et 103 de ses observations finales, Janssen concède que, si j'interprète les revendications 143 et 222 comme visant tous les anticorps humains fabriqués par n'importe quelle méthode, y compris, par exemple, la méthode de la souris transgénique, STELARA tombera sous le coup des revendications en litige, sous réserve d'essais pour en déterminer l'adhésivité et la puissance.

[29]           Au paragraphe 107 de ses motifs, le juge a également déclaré ce qui suit :

107      Si elles sont tenues pour valides, j'estime que Janssen a contrefait les revendications 143 et 222.

[30]           Il est manifeste que la conclusion tirée par le juge au sujet de la contrefaçon était subordonnée à sa conclusion sur la validité des revendications 143 et 222. Comme nous avons conclu qu'il y avait lieu d'annuler la conclusion du juge sur la validité de ces revendications, il s'ensuit nécessairement que sa conclusion selon laquelle ces revendications étaient contrefaites doit aussi être annulée.

[31]           Encore une fois, nous sommes bien conscients du fardeau imposé aux parties, qui devront plaider de nouveau l'affaire. Il convient toutefois de répéter que les avocats des parties sont chevronnés et qu'ils sont tenus, en tant qu'officiers de justice, de faire tout le nécessaire pour réduire le nombre de questions à trancher par la Cour fédérale lors du nouveau procès. Étant au fait de la preuve, les avocats seront sûrement en mesure de s'entendre sur certaines questions en litige et de veiller, de concert avec la Cour fédérale, à ce que le nouveau procès se déroule de manière efficace et conformément à l'intérêt de la justice.

[32]           Par conséquent, l'appel interjeté par Janssen à l'encontre de l'ordonnance rejetant sa requête visant à faire modifier l'annexe A de sa défense et demande reconventionnelle afin de supprimer certains renvois aux antériorités et d'en ajouter d'autres sera accueilli, avec dépens, et, rendant l'ordonnance que la Cour fédérale aurait dû rendre, la Cour accueillera la requête en modification de Janssen sans frais. Janssen sera autorisée à modifier l'annexe A de sa défense et demande reconventionnelle tel qu'il est prévu dans sa requête. Le jugement du juge Hughes répertorié sous 2014 CF 55 sera annulé. L'affaire sera par conséquent renvoyée à la Cour fédérale pour nouveau procès devant un autre juge.

« Johanne Trudel »

j.c.a.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Richard Boivin »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-380-13

 

 

INTITULÉ :

JANSSEN INC. c. ABBVIE CORPORATION, ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

 

 

ET DOSSIER :

A-95-14

 

 

INTITULÉ :

JANSSEN INC. c. ABBVIE CORPORATION, ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

 

 

ET DOSSIER :

A-270-14

 

 

INTITULÉ :

JANSSEN INC. c. ABBVIE CORPORATION, ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 octobre 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

 

DATE DU JUGEMENT : :

LE 28 OCTOBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Peter Wilcox

 

Pour l'appelante

JANSSEN INC.

 

David W. Aitken

 

Pour les intimées

ABBVIE CORPORATION,

ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET

ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

 

Marguerite F. Ethier

Alexandra Wilbee

 

Pour l'appelante

JANSSEN INC.

 

Andrew J. Reddon

Steven G. Mason

Fiona Legere

 

Pour les intimées

ABBVIE CORPORATION,

ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET

ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

 

Marguerite F. Ethier

Alexandra Wilbee

 

Pour l'appelante

JANSSEN INC.

 

Andrew J. Reddon

Steven G. Mason

Fiona Legere

 

Pour les intimées

ABBVIE CORPORATION,

ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET

ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Belmore Neidrauer LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l'appelante

JANSSEN INC.

 

Aitken Klee LLP

Ottawa (Ontario)

 

Pour les intimées

ABBVIE CORPORATION,

ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET

ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

 

Lenczner Slaght Royce Smith Griffin LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l'appelante

JANSSEN INC.

 

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

Pour les intimées

ABBVIE CORPORATION,

ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET

ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

 

Lenczner Slaght Royce Smith Griffin LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l'appelante

JANSSEN INC.

 

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

Pour les intimées

ABBVIE CORPORATION,

ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET

ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

 

 

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