Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20140923


Dossier : A‑369‑13

Référence : 2014 CAF 208

CORAM :

LE JUGE NOËL

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

appelant

et

EURO‑LINE APPLIANCES INC.

intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 9 septembre 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE NEAR  


Date : 20140923

Dossier : A‑369‑13

Référence : 2014 CAF 208

CORAM :

LE JUGE NOËL

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

appelant

et

EURO‑LINE APPLIANCES INC.

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté par le Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) à l’encontre d’une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE) accueillant un appel formé par Euro‑Line Appliances Inc. (l’intimée) en ce qui a trait au classement tarifaire de réfrigérateurs et congélateurs‑conservateurs de modèle CS2060 fabriqués par Liebherr (les marchandises en cause).

FAITS ET PROCÉDURES

[2]               Les marchandises en cause sont des unités autonomes d’une largeur de 36 pouces munies d’une porte permettant d’accéder au compartiment de réfrigération situé dans la partie supérieure et de deux tiroirs, situés dans la partie du dessous, servant de contenants pour le compartiment de congélation. Elles sont aussi munies de compresseurs distincts, dont l’un pour la réfrigération et l’autre pour la congélation, et sont vendues pour usage domestique.

[3]               Par suite d’une demande de décision anticipée, l’ASFC a conclu que les marchandises en cause devaient être classées dans le numéro tarifaire 8418.10.90 de l’annexe du Tarif des douanes, L.C. 1997, ch. 36 (le Tarif des douanes) à titre d’[traduction] « [a]utres [combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs‑conservateurs munis de portes extérieures séparées] » (le texte des dispositions pertinentes du Tarif des douanes est joint en annexe aux présents motifs). En appel, le TCCE, mettant l’accent sur le fait que la composante des marchandises en cause destinée à la congélation était munie de tiroirs plutôt que de portes, a conclu qu’elles étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 8418.69.90 à titre « d’autres [matériel, machines et appareils pour la production du froid] ». En concluant ainsi, le TCCE a rejeté le moyen subsidiaire de l’ASFC portant que les marchandises en cause devraient être classées dans le numéro tarifaire 8418.21.00 comme « réfrigérateurs de type ménager : [à] compression ».

[4]               L’ASFC n’attaque pas la conclusion selon laquelle les marchandises en cause ne peuvent pas être classées dans le numéro tarifaire 8418.10.90 parce qu’elles sont munies de tiroirs plutôt que de portes. La controverse dont nous sommes saisis porte maintenant sur la note 3 de la section XVI (note 3 de la section), aux termes de laquelle le TCCE est tenu, selon l’ASFC, d’appliquer la sous‑position no 8418.21. Cette note est ainsi libellée :

Sauf dispositions contraires, les combinaisons de machines d’espèces différentes destinées à fonctionner ensemble et ne constituant qu’un seul corps, ainsi que les machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes, alternatives ou complémentaires, sont classées suivant la fonction principale qui caractérise l’ensemble.

[Non souligné dans l’original]

Unless the context otherwise requires, composite machines consisting of two or more machines fitted together to form a whole and other machines designed for the copurpose of performing two or more complementary or alternative functions are to be classified as if consisting only of that component or as being that machine which performs the principal function.

[Emphasis added]

La note explicative de la section XVI (la note explicative) précise que la note 3 de la section ne s’applique pas :« [s]auf dispositions contraires » — lorsque la « combinaison de machines est comprise comme telle par une position distincte ». [Non souligné dans l’original.]

[5]               Le TCCE a refusé d’appliquer la note 3 de la section pour deux raisons. Disant s’appuyer sur une jurisprudence antérieure du TCCE, Costco Wholesale Canada Ltd. c. Président de l’ASFC, AP‑2011‑009 [Costco], il a conclu, dans un premier temps, qu’il s’agissait d’un cas où les mots « [s]auf dispositions contraires » jouaient parce que les marchandises en cause étaient comprises « comme telles » dans la sous‑position n8418.69. En concluant de la sorte, le TCCE a rejeté l’argument avancée par l’ASFC selon laquelle le classement dans la sous‑position no 8418.69 ne pouvait être appliqué parce que celle-ci englobe le « refrigerating or freezing equipment » [visé dans la version anglaise de la position no 84.18] [« autres matériel, machines et appareils pour la production du froid » dans la version française]. [Non souligné dans l’original.] Selon le TCCE, le mot « or » [ou] tel qu’utilisé dans la position n84.18 présente un caractère conjonctif plutôt que disjonctif.

[6]               Dans ce qu’il convient de considérer comme une conclusion subsidiaire formulée dans une note de bas de page, le TCCE opine que la note 3 de la section ne pouvait de toute façon s’appliquer parce que ni la composante de réfrigération ni celle de congélation des marchandises en cause ne sont subordonnées l’une à l’autre, de sorte que ni l’une ni l’autre n’« assure la fonction principale ».

[7]               A l’appui de son appel, l’ASFC soutient que le TCCE a mal interprété la note 3 de la section ainsi que le mot « or » utilisé dans la version anglaise de la position no 84.18. L’ASFC demande à la Cour de conclure que le TCCE a commis une erreur en n’appliquant pas la note 3 de la section et de rendre un jugement déclarant que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8418.21.00.

[8]               Par les motifs qui suivent, lesquels diffèrent cependant en partie de ceux du TCCE, je suis d’avis de rejeter l’appel.

LES ARGUMENTS EN APPEL

L’ASFC

[9]               L’ASFC soutient que le TCCE a commis une erreur fondamentale en interprétant de façon trop large l’exception d’application de la note 3 de la section. L’ASFC soutient plus précisément que les mots « ([s]auf dispositions contraire » envisagent l’existence d’une sous‑position spécifique qui désigne ou décrit des combinaisons de marchandises. Il s’ensuit que l’existence d’une sous‑position résiduelle, comme la sous‑position no 8418.69, ne peut justifier le refus de donner effet à la note 3 de la section.

[10]           Selon l’ASFC, s’il en était autrement, la note 3 de la section ne pourrait jamais s’appliquer parce que, quel que soit son niveau, la disposition résiduelle rendrait toujours impossible l’application de cette note.

[11]           L’ASFC soutient l’argument selon laquelle les marchandises couvertes en raison de l’application des dispositions résiduelles ne peuvent faire jouer l’exception de la note 3 de la section par renvoi à la note explicative, laquelle signale que l’exception s’applique lorsque « la combinaison de machines est couverte comme telle par une position distincte ». [Non souligné dans l’original.] S’appuyant sur une entrée de dictionnaire qui donne à l’expression « comme telles » le sens suivant [traduction] « constituer, avoir la qualité de ce qui a été désigné ou nommé […] », l’ASFC soutient que la portée d’une sous‑position résiduelle n’est jamais visée par cette définition, car par sa raison d’être (soit couvrir toutes les marchandises que la position englobe et qui n’y sont pas expressément nommées ou désignées), une sous‑position ne renvoie jamais à des marchandises distinctes.

[12]           À l’appui de son interprétation de la note explicative, l’ASFC fait état de nombreux exemples de positions qui, selon elle, couvriraient « comme telles » une combinaison distincte de machines. Le premier de ces exemples est en fait tiré d’un extrait plus étendu de la note explicative, ainsi rédigée dans le paragraphe en question :

Le recours à la Note 3 de la Section XVI n’est pas nécessaire lorsque la combinaison de machines est couverte comme telle par une position distincte, ce qui est le cas, par exemple, de certains groupes pour le conditionnement de l’air (no 84.15).

Note 3 to Section XVI need not be invoked when the composite machine is covered as such by a particular heading, for example, some types of air conditioning machines (heading 84.15).

[Souligné par l’ASFC.]

[13]           L’ASFC produit aussi un extrait de la position no 84.15, à laquelle la note explicative fait référence :

Machines et appareils pour le conditionnement de l’air comprenant un ventilateur à moteur et des dispositifs propres à modifier la température et l’humidité, y compris ceux dans lesquels le degré hygrométrique n’est pas réglable séparément.

Air conditioning machines, comprising a motor driven fan and elements for changing the temperature and humidity, including those machines in which humidity cannot be separately regulated.

[14]           L’ASFC donne quatre autres exemples de positions spécifiques semblables tirées du Tarif des douanes (mémoire de l’ASFC, au paragraphe 38). L’ASFC compare le caractère spécifique du libellé de ces positions au libellé général utilisé dans la sous‑position no 8418.69, faisant valoir que le contraste entre les deux favorise l’interprétation plus stricte de l’exception de la note 3 de la section, laquelle écarterait la possibilité pour une disposition résiduelle de couvrir « comme telles » toutes marchandises spécifiques.

[15]           L’ASFC s’appuie également sur deux jurisprudences antérieures du TCCE où le tribunal a appliqué la note 3 de la section, malgré l’existence d’une disposition résiduelle qui aurait pu couvrir, selon l’interprétation que prône l’ASFC en l’espèce, les marchandises en cause (Royal telecom Inc. c. Canada (Revenu national), AP‑90‑027 (TCCE), et Panasonic Canada Inc. c. Canada (Services frontaliers), AP‑2005‑035 (TCCE)).

[16]           Selon l’ASFC, la jurisprudence Costco du TCCE ne va pas dans le sens de la thèse suivant laquelle une disposition résiduelle peut écarter l’application de la note 3 de la section au motif que les marchandises en cause dans cette affaire étaient spécifiquement définies dans le libellé de la position ultimement appliquée.

[17]           En ce qui a trait à l’analyse du TCCE portant sur la fonction principale, l’ASFC a répété devant notre Cour les thèses relatives à la commercialisation et à la capacité de réfrigération ou de congélation défendues devant le TCCE qui les avait rejetées. Ces thèses sont davantage exposées dans l’analyse qui suit.

[18]           Enfin, en ce qui a trait à l’analyse faite par le TCCE du mot « or » utilisé dans la version anglaise de la position no 84.18, l’ASFC affirme simplement que la conclusion tirée par le TCCE était déraisonnable sans donner d’autres explications que de déclarer qu’en effet le mot [traduction] « “ou ” signifie “ou” ».

L’intimée

[19]           En réponse, l’intimée défend la décision du TCCE en soulignant pour l’essentiel le caractère raisonnable des motifs qu’il a exposés.  

[20]           En ce qui a trait au refus du TCCE d’appliquer la note 3 de la section, l’intimée réitère que même si la sous‑position n8418.69 s’intitule simplement « [a]utres », il ressort de l’interprétation contextuelle de la sous‑position  qu’elle couvre toutes les marchandises visées par la position no 84.18, mais pas celles visées par l’une ou l’autre des sous‑positions d’autres positions.

[21]           Selon l’intimée, la décision du TCCE ne vide pas de son sens la note 3 de la section. Le TCCE a plutôt donné une signification à la note 3 de la section, mais il a simplement jugé qu’elle ne s’appliquait pas aux faits en l’espèce.

ANALYSE ET DÉCISION

[22]           La norme de contrôle applicable aux décisions du TCCE en matière de classement tarifaire est celle de la décision raisonnable (voir, par exemple, Président de l’Agence des services frontaliers du Canada c. Saf‑Holland Canada Ltd., 2014 CAF 3 [Saf‑Holland]). Cette norme s’applique aux décisions portant sur l’interprétation des dispositions du Tarif des douanes ainsi que sur celle des notes de section et des notes explicatives.

[23]           La décision du TCCE satisfait au critère du caractère raisonnable « si elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit et dont les motifs témoignent de “ la justification de la décision […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel” » (Saf‑Holland, au paragraphe 5, citant Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[24]           En ce qui a trait aux motifs rendus par le TCCE et aux thèses avancées par les parties, les questions auxquelles nous devons répondre sont, dans l’ordre, les suivantes :

1)    La signification du mot « or » utilisé dans la version anglaise de la position no 84.18 est‑elle de nature conjonctive permettant ainsi aux marchandises en cause (qui assurent à la fois des fonctions de réfrigération et de congélation) d’être classées à titre d’« [a]utres » matériel, machines et appareils visés par la sous‑position no 8418.69?

2)    Le fait que les marchandises en cause soient couvertes par la description résiduelle énoncée à la sous‑position n8418.69, et non par aucune autre sous‑position distincte, justifie‑t‑il pour une raison fondée sur le contexte l’exception d’application de la note 3 de la section?

3)    Les composantes de congélation et de réfrigération des marchandises en cause assurent‑elles des fonctions d’égale importance de façon à rendre inapplicable le critère de la fonction principale énoncé à la note 3 de la section?

Première question

[25]           En ce qui concerne la première question, le TCCE a fait état de trois arguments différents à l’appui de sa conclusion selon laquelle la signification du mot « or » dans la version anglaise était de nature conjonctive plutôt que disjonctive, aux fins de l’application de la sous-position no 8418.69. Dans un premier temps, le TCCE a fait remarquer que les textes législatifs utilisaient souvent le mot dans ce sens (au paragraphe 63 des motifs, citant Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd., Markham: Lexis Nexis (2008), à la page 82); le TCCE a précisé que la position no 8418.69, en raison de sa nature résiduelle, a un objet de nature inclusive; enfin, le TCCE s’est reporté à la version française de la position n84.18 (au paragraphe 64 des motifs, citant le texte français de la position, qui englobe les « autres matériel, machines et appareils pour la production du froid » [caractères gras par le TCC]). Se fondant sur le sens commun, le TCCE a conclu que le mot « or », dans la version anglaise, était de nature conjonctive plutôt que disjonctive.

[26]           Bien que chacun des deux premiers arguments, concernant respectivement les usages normalisés en matière de législation et l’intention du législateur, aurait pu appeler, de manière intelligible et plausible une interprétation inclusive, le troisième argument va plus loin en fournissant une réponse convaincante et définitive à la question qui se pose en l’espèce.

[27]           L’ASFC n’explique pas pourquoi la règle du sens commun ne doit pas jouer en l’espèce. Selon cette règle, lorsque, dans un cas donné, il est possible d’interpréter de diverses façons une disposition dans une langue, mais qu’une seule interprétation n’est permise dans l’autre, le « sens commun » l’emporte. En effet, cette règle a été suivie par notre Cour dans l’affaire de classification tarifaire Deltonic Trading Corp. c. Sous‑ministre du Revenu national, Douanes et Accise, (1990), 113 N.R. 7; 3 T.C.T. 5173 (C.A.F.).

[28]           À mon avis, l’interprétation donnée par le TCCE du mot « or » dans la version anglaise, aux fins de l’application de la sous‑position no 8418.69, satisfait aisément au critère de la décision raisonnable.

Deuxième question

[29]           Le raisonnement du TCCE sur lequel est fondée sa réponse affirmative à la deuxième question est énoncé aux paragraphes 56 à 59 et 65 des motifs de sa décision. Citant sa décision Costco, le TCCE fait remarquer que les mots « [s]auf dispositions contraires » figurant dans la note 3 de la section précisent que les combinaisons de machines ne sont pas classées dans tous les cas en fonction du critère de la fonction principale. Plus particulièrement, si les marchandises en cause « sont visées par une autre sous‑position de la position no 84.18 », la note 3 de la section ne s’appliquerait pas (au paragraphe 58 des motifs).

[30]           Relevant que les marchandises en cause ne sont pas comme telles visées par les sous‑positions nos 8418.21, 8418.29, 8418.30, 8418.40, 8418.50 ou 8418.61, le TCCE dit que la seule question à examiner est celle de savoir si elles sont visées par la sous‑position no 8418.69, laquelle comprend les « autres matériel, machines et appareils pour la production du froid » (au paragraphe 59 des motifs). Après avoir conclu que le mot « or » utilisé dans la version anglaise de la position no 84.18 ne constitue pas un obstacle à l’application aux marchandises en cause de la sous‑position no 8418.69, le TCCE a conclu que les marchandises en cause « sont comprises comme telles dans la sous-position no 8418.69 » (au paragraphe 65 des motifs). [Non souligné dans l’original.]

[31]           Rien n’explique la conclusion selon laquelle les marchandises en cause sont englobées « comme telles » par le mot « [a]utres ». Nulle part dans ses motifs le TCCE ne discute de la question de savoir comment il est possible de soutenir que des marchandises soient classifiées « comme telles » dans une sous‑position de nature résiduelle. Par définition, les mots « comme telles » appellent une description spécifique. En effet, le raisonnement élaboré dans la décision Costco, sur lequel se fonde largement le TCCE, indique clairement qu’il est possible d’exclure l’application de la note 3 de la section seulement lorsque les marchandises sont décrites « comme telles dans une position tarifaire donnée » (Costco, au paragraphe 39 [premier soulignement dans l’original; deuxième soulignement ajouté.]; voir aussi aux paragraphes 40 et 41, où le même point est souligné à deux reprises).

[32]           La difficulté évidente qui découle de la décision du TCCE d’écarter l’application de la note 3 de la section en raison d’une sous‑position de nature résiduelle est que cette note ne sera jamais appliquée à l’endroit de marchandises qui sont visées par une sous‑position en raison du fait qu’elles ne sont pas spécifiquement décrites ou détaillées ailleurs. Pourtant, la note 3 de la section n’a d’autre raison d’exister que d’être appliquée dans cette situation précise.

[33]           L’intimée soutient que la décision du TCCE n’a pas [traduction] « rendu lettre morte » la note 3 de la section. Selon l’intimée, le TCCE a simplement décidé, en s’appuyant sur les circonstances portées à sa connaissance, que la note 3 de la section ne s’appliquait pas (au paragraphe 34 du mémoire de l’intimée).

[34]           Je conviens que la décision du TCCE, tout comme l’ensemble des décisions rendues en matière de classification, dépendent des faits sur lesquels elles reposent. Toutefois,  son enseignement signifierait qu’une sous‑position décrit des marchandises « comme telles » même si ni cette sous‑position ni le numéro tarifaire attribué n’offrent aucune autre description que le mot « autre ». Une telle solution doit être rejetée.

[35]           À mon avis, l’ASFC a réussi à démontrer que cet aspect de la décision du TCCE est déraisonnable.

Troisième question

[36]           À l’appui de son attaque de la décision du TCCE relativement à la troisième question, l’ASFC réitère les arguments avancées devant le TCCE, sur lesquelles il s’est d’ailleurs prononcé, et demande à notre Cour de conclure différemment.

[37]           Plus particulièrement, l’ASFC soutient que le réfrigérateur assure la fonction principale en raison de sa capacité relative (soit parce que la plus grande capacité est celle de réfrigération) et du fait que les marchandises en cause sont essentiellement commercialisées en tant que réfrigérateurs.

[38]           À l’appui de sa thèse, l’ASFC cite un extrait du paragraphe 61 de la décision Tyco Safety Products c. Président de l’ASFC, AP‑2010‑055, suivant lequel, dans le cadre d’une analyse de la note 3 de la section :

[…] l’importance relative de chaque fonction dépend, en grande partie, des exigences du marché et du niveau technologique nécessaire à l’accomplissement de cette fonction.

[39]           En rejetant cet argument, le TCCE semble avoir retenu celui de l’intimée portant que les marchandises en cause assurent des fonctions distinctes dont l’importance est la même pour les utilisateurs alors que la note 3 de la section vise à être appliquée au classement de machines assurant des fonctions complémentaires (au paragraphe 55 des motifs). Voici le raisonnement détaillé du TCCE (à la note de bas de page no 59 des motifs):

Quoi qu’il en soit, le Tribunal n’est pas convaincu par l’argument de l’ASFC selon lequel c’est le réfrigérateur qui assure la fonction principale des marchandises en cause. Bien que le Tribunal accepte que le réfrigérateur ait une capacité supérieure et même si les combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs‑conservateurs sont souvent simplement décrites, aux fins de la commercialisation, comme des « réfrigérateurs », cela n’est pas déterminant dans les circonstances. En fait, les éléments de preuve indiquent qu’« [un] réfrigérateur est conçu pour fonctionner à environ 5 degrés Celsius [tandis qu’un] [...] congélateur fonctionne en moyenne à ‑18 [degrés Celsius] [...] » [traduction]. Transcription de l’audience publique, 7 mai 2013, à la p. 48. Par conséquent, les marchandises en cause répondent aux exigences de températures de conservation de différents aliments. Sur cette base, le Tribunal conclut que le réfrigérateur et le congélateur assurent des fonctions différentes, qui ne sont pas subordonnées l’une à l’autre en termes d’importance. Le Tribunal est d’avis que cette conclusion est appuyée par le fait que M. Eglington ait reconnu qu’il est difficile de trouver de simples réfrigérateurs sur le marché et le fait que, bien qu’ils aient besoin d’un appareil qui assure les deux fonctions, les consommateurs n’ont généralement pas suffisamment d’espace dans leur résidence pour installer à la fois un réfrigérateur et un congélateur. Transcription de l’audience publique, 7 mai 2013, aux pp. 47‑48, 62‑63.

[40]           Lorsque les fonctions respectives d’une combinaison de machines d’espèces différentes sont d’égale importance, il apparait évident que l’application du critère énoncé à la note 3 de la section devient impossible. La question qui se pose alors est donc celle de savoir si le TCCE pouvait conclure que les deux fonctions sont d’égale importance en s’appuyant sur le critère proposé par l’intimée et retenu par le TCCE.

[41]           Je reconnais qu’il aurait été possible de recourir à différents critères comme ceux proposés par l’ASFC. La note 3 de la section n’énonce cependant pas de méthode précise pour résoudre la question. En réalité, il ressort clairement de la jurisprudence citée par l’ASFC que l’approche peut varier en fonction des particularités de la combinaison des machines en cause. En l’espèce, le TCCE a invoqué le fait que les marchandises en cause assurent des fonctions distinctes qui ont la même importance pour les utilisateurs et il a réglé le litige sur ce fondement.

[42]           À mon avis, l’approche utilisée par le TCCE est justifiable si l’on tient compte des faits et du droit et elle répond donc aux critères du caractère raisonnable. Comme l’importance équivalente des fonctions de réfrigération et de congélation des marchandises en cause constitue un motif justifiant à lui seul la non-application de l’exception à la note 3 de la section, le TCCE n’a pas commis d’erreur en refusant de lui donner effet.

[43]           Étant donné que l’application de la note 3 de la section est la seule question soulevée par l’ASFC à l’appui de sa contestation de la décision du TCCE, la conclusion tirée ci‑dessus permet de trancher l’appel.

[44]           Je rejetterais l’appel avec dépens.

« Marc Noël »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Johanne Gauthier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

D.G. Near, j.c.a. »

Traduction

ANNEXE

Dispositions législatives pertinentes :

Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2suppl.), ch.1

Customs Act, R.S.C. 1985 (2nd Supp), c. 1

Décisions anticipées

Advance rulings

43.1 (1) L’agent chargé par le président, individuellement ou au titre de son appartenance à une catégorie d’agents, de l’application du présent article est tenu, sur demande d’un membre d’une catégorie réglementaire présentée dans le délai réglementaire, selon les modalités réglementaires, en la forme et avec les renseignements déterminés par le ministre, de rendre, avant l’importation de marchandises, une décision anticipée:

[…]

43.1 (1) Any officer, or any officer within a class of officers, designated by the President for the purposes of this section shall, before goods are imported, on application by any member of a prescribed class that is made within the prescribed time, in the prescribed manner and in the prescribed form containing the prescribed information, give an advance ruling with respect to

c) sur le classement tarifaire des marchandises

[…]

(c) the tariff classification of the goods.

Demande de révision

Request for review

60. (2) Toute personne qui a reçu une décision anticipée prise en application de l’article 43.1 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de la décision anticipée, en demander la révision.

[…]

60. (2) A person may request a review of an advance ruling made under section 43.1 within ninety days after it is given to the person.

Intervention du président

President’s duty on receipt of request

60. (4) Sur réception de la demande prévue au présent article, le président procède sans délai à l’une des interventions suivantes: […]

60. (4) On receipt of a request under this section, the President shall, without delay, …

b) la confirmation, la modification ou l’annulation de la décision anticipée […]

(b) affirm, revise or reverse the advance ruling …

Appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur

Appeal to the Canadian International Trade Tribunal

67. (1) Toute personne qui s’estime lésée par une décision du président rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur en déposant par écrit un avis d’appel auprès du président et du secrétaire de ce Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis de décision.

[…]

67. (1) A person aggrieved by a decision of the President made under section 60 or 61 may appeal from the decision to the Canadian International Trade Tribunal by filing a notice of appeal in writing with the President and the Secretary of the Canadian International Trade Tribunal within ninety days after the time notice of the decision was given.

Recours devant la Cour d’appel fédérale

Appeal to Federal Court

68. (1) La décision sur l’appel prévu à l’article 67 est, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où elle est rendue, susceptible de recours devant la Cour d’appel fédérale sur tout point de droit, de la part de toute partie à l’appel, à savoir : […]

68. (1) Any of the parties to an appeal under section 67, namely, …

b) le président […]

(b) the President …

Tarif des douanes, L.C. 1997, ch. 36

Customs Tariff, S.C. 1997, c. 36

Classement des marchandises dans la liste des dispositions tarifaires

Classification of goods in the List of Tariff Provisions

10. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé et les Règles canadiennes énoncées à l’annexe.  […]

10. (1) Subject to subsection (2), the classification of imported goods under a tariff item shall, unless otherwise provided, be determined in accordance with the General Rules for the Interpretation of the Harmonized System and the Canadian Rules set out in the schedule. …

Interprétation de la liste des dispositions tarifaires

Interpretation

11. Pour l’interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes).

[…]

11. In interpreting the headings and subheadings, regard shall be had to the Compendium of Classification Opinions to the Harmonized Commodity Description and Coding System and the Explanatory Notes to the Harmonized Commodity Description and Coding System, published by the Customs Co-operation Council (also known as the World Customs Organization), as amended from time to time.

Les générales pour l’interprétation du Système harmonisé

General Rules for the Interpretation of the Harmonized System

1. Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes.

[…]

1. The titles of Sections, Chapters and sub-Chapters are provided for ease of reference only; for legal purposes, classification shall be determined according to the terms of the headings and any relative Section or Chapter Notes and, provided such headings or Notes do not otherwise require, according to the following provisions.

6. Le classement des marchandises dans les sous‑positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous‑positions et des Notes de sous‑positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous‑positions de même niveau. Aux fins de cette Règle, les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires.

[…]

6. For legal purposes, the classification of goods in the subheadings of a heading shall be determined according to the terms of those subheadings and any related Subheading Notes and, mutatis mutandis, to the above Rules, on the understanding that only subheadings at the same level are comparable. For the purpose of this Rule the relative Section and Chapter Notes also apply, unless the context otherwise requires.

Section XVI

Section XVI

MACHINES ET APPAREILS, MATÉRIEL ÉLECTRIQUE ET LEURS PARTIES; APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON, APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DES IMAGES ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET PARTIES ET ACCESSOIRES DE CES APPAREILS

MACHINERY AND MECHANICAL APPLIANCES; ELECTRICAL EQUIPMENT; PARTS THEREOF; SOUND RECORDERS AND REPRODUCERS, TELEVISION IMAGE AND SOUND RECORDERS AND REPRODUCERS, AND PARTS AND ACCESSORIES OF SUCH ARTICLES

Chapitre 84

Chapter 84

RÉACTEURS NUCLÉAIRES, CHAUDIÈRES, MACHINES, APPAREILS ET ENGINS MÉCANIQUES; PARTIES DE CES MACHINES OU APPAREILS

NUCLEAR REACTORS, BOILERS, MACHINERY AND MECHANICAL APPLIANCES; PARTS THEREOF

84.18

Réfrigérateurs, congélateurs-conservateurs et autres matériel, machines et appareils pour la production du froid, à équipement électrique ou autre; pompes à chaleur autres que les machines et appareils pour le conditionnement de l’air du no 84.15.

84.18

Refrigerators, freezers and other refrigerating or freezing equipment, electric or other; heat pumps other than air conditioning machines of heading 84.15.

8418.10

- Combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs munis de portes extérieures séparées-

8418.10

- Combined refrigerator-freezers, fitted with separate external doors

8418.10.10

--- À absorption, combinés au gaz et à l’électricité, devant être installés de façon permanente dans des véhicules de loisirs et devant servir à la fabrication de ces véhicules

8418.10.10

--- Absorption-type, combination gas and electric powered, designed for permanent installation in recreational vehicles and for use in the manufacture of such vehicles

8418.10.90

--- Autres

8418.10.90

--- Other

8418.21

- Réfrigérateurs de type ménager :

8418.21

- Refrigerators, household type:

8418.21.00

--- À compression

8418.21.00

--- Compression-type

8418.69

- Autres

8418.69

- Other

8418.69.20

--- Installations frigorifiques commerciales du type pour magasins

8418.69.20

­--- Commercial refrigerating installations (store type)

8418.69.90

--- Autres

8418.69.90

--- Other

Note 3 de la section XVI

Note 3 to Section XVI

Sauf dispositions contraires, les combinaisons de machines d’espèces différentes destinées à fonctionner ensemble et ne constituant qu’un seul corps, ainsi que les machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes, alternatives ou complémentaires, sont classées suivant la fonction principale qui caractérise l’ensemble.

Unless the context otherwise requires, composite machines consisting of two or more machines fitted together to form a whole and other machines designed for the purpose of performing two or more complementary or alternative functions are to be classified as if consisting only of that component or as being that machine which performs the principal function.

Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, vol. 4 Sections XIV-XVI, Chapitres 71-84, 5e éd., Bruxelles, Organisation Mondiale des Douanes, 2012.

Explanatory Notes to the Harmonized Commodity Description and Coding System, vol. 4 Sections XIV-XVI, Chapters 71-84, 5th ed. (Brussels: World Customs Organization, 2012).

Partie VI (Section 3)

Part VI (Section 3)

« Le recours à la Note 3 de la Section XVI n’ est pas nécessaire lorsque la combinaison de machines est couverte comme telle par une position distincte [...] »

“Note 3 to Section XVI need not be invoked when the composite machine is covered as such by a particular heading …”


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A‑369‑13

 

 

RÉFÉRENCE :

PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA c. EURO‑LINE APPLIANCES INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 SEPTEMBRE 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 SEPTEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Max Binnie

 

pOUR L’APPELANT

 

Michael Kaylor

 

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du  Canada

 

pOUR L’APPELANT

 

Lapointe Rosenstein Marchand Melançon s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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