Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20140930


Dossier : A-290-13

Référence : 2014 CAF 215

CORAM :

LE JUGE NOËL

LE JUGE SCOTT

LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

MAURICE ARIAL (ancien combattant – décédé), MADELEINE ARIAL (conjointe survivante)

appelants

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Québec (Québec), le 16 septembre 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 30 septembre 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE SCOTT

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20140930


Dossier : A-290-13

Référence : 2014 CAF 215

CORAM :

LE JUGE NOËL

LE JUGE SCOTT

LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

MAURICE ARIAL (ancien combattant - décédé), MADELEINE ARIAL (conjointe survivante)

appelants

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]               La conjointe survivante de Maurice Arial qui se représente elle-même fait appel en son nom et en celui de son défunt mari Maurice Arial (les appelants) d’une décision de la Cour fédérale par laquelle le juge Roy (le juge de la Cour fédérale) a rejeté une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un comité de réexamen du Tribunal des Anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) portant que les appelants avaient été suffisamment indemnisés, en vertu des articles 39 et 56 de la Loi sur les pensions, L.R.C (1985), ch. P-6 (la Loi), pour les manquements commis par le ministère des Anciens combattants du Canada (ACC) à son devoir de fournir un service de consultation à monsieur Maurice Arial.

[2]               La question qui se dégage des arguments soulevés par les parties est à savoir si le juge de la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que la décision du Tribunal de ne pas retourner l’affaire au ministre des Anciens combattants (le ministre) était raisonnable.

[3]               Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’elle l’était, et que l’appel doit donc être rejeté.

[4]               Les dispositions de la Loi qui sont pertinentes à l’analyse qui suit sont reproduites en annexe.

FAITS PERTINENTS

[5]               Feu monsieur Maurice Arial est un ancien combattant ayant servi durant la Seconde Guerre mondiale. Il était l’époux de madame Madeleine Arial et père de Sonia Arial, représentante des appelants dans les présentes procédures.

[6]               Le 7 mars 1996, les appelants déposent un formulaire de demande de pension d’invalidité en raison des problèmes à l’estomac dont souffrait monsieur Arial depuis son service militaire. S’ensuivent, entre les années 1996 et 2005, plusieurs échanges entre les représentants de l’ACC et les appelants, au cours desquels les appelants auraient été mal conseillés, voir même induits en erreur.

[7]               Monsieur Arial décède le 25 septembre 2005.

[8]               Le 8 août 2006, une décision ministérielle refuse son droit à la pension, décision confirmée par le comité de révision du Tribunal le 24 janvier 2007, sur la base d’une absence de lien de causalité entre les troubles à l’estomac de monsieur Arial et son service militaire.

[9]               Le 30 octobre 2007, un comité d’appel du Tribunal accorde un droit à la pension, dont il fixe l’entrée en vigueur au 9 novembre 2005. Le Tribunal refuse toutefois d’octroyer une compensation supplémentaire.

[10]           Les appelants demandent le réexamen de cette décision, réclamant la modification de la date d’entrée en vigueur de la pension et l’octroi de la compensation supplémentaire. Les appelants essuient un premier refus le 24 juin 2008, mais obtiennent finalement gain de cause le 14 mai 2009, lorsqu’un second comité du Tribunal consent à reculer la date d’entrée en vigueur de la pension au 30 octobre 2004 et à leur accorder la compensation supplémentaire maximale de 24 mois au titre du paragraphe 56(2) de la Loi, en raison des difficultés administratives auxquelles ils ont fait face.

[11]           Le 2 décembre 2010, un troisième comité du Tribunal rejette une nouvelle demande de réexamen déposée par les appelants, concluant que les agents de l’ACC n’ont pas contrevenu à leur devoir de consultation prévu au paragraphe 81(3) de la Loi en traitant la demande de pension d’invalidité de monsieur Arial, et confirmant la date de versement de la pension établit au 30 octobre 2004.

[12]           Insatisfaits, les appelants logent une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de cette dernière décision devant la Cour fédérale.

[13]           Dans une décision datée du 8 juillet 2011, la Cour fédérale, sous la plume du juge Shore, conclut que l’ACC a manqué à son devoir de renseignements qui lui incombait en vertu du paragraphe 81(3) de la Loi d’offrir « sur demande, un service de consultation pour aider les demandeurs ou les pensionnés en ce qui regarde l’application de la […] loi et la préparation d’une demande », ce qui avait engendré un retard dans le versement de la pension (motifs au para. 61). Par conséquent, le juge Shore accueille la demande de contrôle judiciaire et ordonne le renvoi de l’affaire devant le Tribunal pour qu’il se penche à nouveau sur la rétroactivité de la pension à la lumière de la violation de l’obligation de renseignements. Les passages pertinents des motifs du juge Shore se lisent comme suit :

[65]      Par ailleurs, le rôle de cette Cour n’est pas de déterminer si la pension devrait être rétroactive au 7 mars 1996 ou non, mais bien de déterminer si le dossier devrait être renvoyé devant un nouveau tribunal afin que les faits et le droit soit réétudiés dans le cas où une erreur de fait ou de droit aurait été commise. Ce sera au nouveau tribunal de déterminer si la rétroactivité doit être étendue jusqu’au 7 mars 1996. Il est évident que le législateur ne légifère pas en vain; comme le législateur a prévu des obligations de renseignements pour les agents de pension de l’ACC envers les anciens combattants qui souhaitent obtenir de l’information concernant les demandes de pension, un manquement à une telle obligation ne peut pas être sans conséquence.

[68]      La structure législative ne permettra peut-être pas d’accorder un plus grand nombre d’années rétroactives aux demandeurs; cependant, le fait que le tribunal n’ait pas reconnu que le dossier de monsieur Arial avait subi de grandes difficultés au cours des onze dernières années démontre une erreur de fait et de droit.

[…]

[76]      Le manquement de l’ACC envers monsieur Arial a résulté en une baisse de qualité de vie pour cet ancien combattant. La Cour renvoie le dossier au Tribunal des Anciens Combattants pour que celui-ci révise sa responsabilité envers la famille Arial. Ce sera au Tribunal des Anciens Combattants de déterminer à quoi un manquement important à son obligation d’information équivaut selon la loi et la jurisprudence […].

[Mon soulignement]

[14]           Conformément à la décision du juge Shore, le Tribunal rend une nouvelle décision le 4 janvier 2012, décision qui fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente au présent appel. Notant que les appelants recevaient les compensations maximales prévues par la Loi, le Tribunal maintient la période de rétroactivité maximale – laquelle permet l’entrée en vigueur de la pension en date du 30 octobre 2004 – ainsi que la compensation supplémentaire maximale équivalant à deux années de pension.

[15]           Le Tribunal a par ailleurs rejeté la prétention des appelants selon laquelle le dossier devrait être renvoyé au ministre pour le versement d’une compensation additionnelle suivant l’article 85 de la Loi afin de compenser aux manquements constatés par le juge Shore.

[16]           Le 3 février 2012, les appelants déposent une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision du Tribunal, laquelle a été rejetée par la Cour fédérale, d’où le présent appel.

DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE

[17]           Examinant d’abord le contexte de la demande de contrôle judiciaire, le juge de la Cour fédérale note que la décision en révision porte à toutes fins pratiques sur le suivi à donner à la décision du juge Shore. En ce sens, le juge de la Cour fédérale se réfère aux paragraphes 65 et 76 des motifs du juge Shore et observe que « la Cour n’a pas pré-ordonné une conclusion par le comité de réexamen », s’étant plutôt contentée de retourner le dossier pour qu’il soit réétudié (motifs aux paras. 23 et 24). 

[18]           Par ailleurs, le juge de la Cour fédérale prend acte du fait que les appelants ont concédé, dans leur mémoire soumis à la Cour, que le Tribunal leur avait accordé les compensations maximales prévues par la Loi, rendant donc sa décision inattaquable sur ce point (motifs aux paras. 27, 28 et 36).

[19]           Le juge de la Cour fédérale se tourne par conséquent vers le moyen subsidiaire des appelants, selon lequel le Tribunal aurait dû compenser le défaut de l’ACC de fournir un service de consultation en renvoyant l’affaire au ministre conformément à l’article 85 de la Loi (motifs aux paras. 29 et s.). Le juge de la Cour fédérale rappelle que l’article 85 ne permet pas au ministre de contourner l’application des limites aux paiements de pension contenues dans la Loi (motifs au para. 34) :

[34]      Une disposition comme l’article 85 ne peut être lue comme permettant à un ministre de faire comme bon lui semble, comme si la Loi n’existait pas par ailleurs. Le législateur a choisi de limiter la responsabilité de l’État quant aux paiements de pension dans une loi qui traite de pensions. Le pouvoir de l’article 85 doit se lire en fonction de cette limite expresse. Le texte de l’article 85 ne saurait être interprété comme donnant au ministre le pouvoir extravagant de passer outre à la Loi, comme d’offrir une compensation pour une faute alléguée que le tribunal même ne peut pas considérer. Le texte même du paragraphe 56(2) semble viser la situation en l’espèce et le tribunal a déjà accordé le maximum de ce que la Loi prévoit pour ces cas.

[20]           En outre, le Tribunal ne peut renvoyer au ministre que les demandes de compensation à l’égard desquelles il est compétent, c’est-à-dire toute « pension, indemnité, allocation ou boni payable en vertu de la Loi » (motifs au para. 33). De la même manière, le ministre n’est habilité qu’à étudier les demandes de compensation payables en vertu de la Loi (motifs au para. 35). Ainsi, suivant cette logique, l’argumentaire des appelants se heurte à une difficulté considérable : « [c]’est l’une de deux choses l’une : ou bien la faute est de l’ordre de ce qui est décrit au paragraphe 56(2) et la Loi établit son propre remède, ou la faute est d’un autre ordre et nous sommes alors en matière de responsabilité civile où le tribunal n’a aucune juridiction » (motifs au para. 35).

[21]           Au final, le juge de la Cour fédérale estime que le Tribunal était fondé de refuser de référer l’affaire au ministre sur la base de l’article 85 de la Loi, d’autant plus que le juge Shore n’a aucunement ordonné cette solution dans sa décision (motifs au para. 37). L’opportunité du renvoi au ministre est une décision discrétionnaire qui relève de l’expertise particulière du Tribunal et qui est donc susceptible de contrôle suivant la norme de la décision raisonnable (motifs au para. 37). Pour ces motifs, le juge de la Cour fédérale se dit d’avis que la décision du Tribunal revêt les attributs de la raisonnabilité et doit donc demeurer inchangée.

POSITION DES PARTIES

[22]           Les appelants allèguent que le juge de la Cour fédérale a erré en concluant que la décision du Tribunal était conforme aux motifs du juge Shore et en omettant de tenir compte de précédents où le ministre serait intervenu (mémoire des appelants aux pp. 14 à 20).

[23]           À cet égard, les appelants relèvent plusieurs passages des motifs du juge Shore laissant entendre que les manquements de l’ACC ne pouvaient rester sans conséquence et que le Tribunal devait remédier au mauvais traitement dont les appelants ont été victimes. Selon les appelants, le juge Shore avait ici à l’esprit un remède en droit administratif, et non un recours civil (mémoire des appelants aux pp. 15 à 17).

[24]           Les appelants invoquent par ailleurs une série de décisions au soutien du pouvoir discrétionnaire du ministre d’examiner des demandes de compensation (mémoire des appelants aux pp. 17 à 19).

[25]           Les appelants mettent également en doute l’impartialité du Tribunal, sans toutefois préciser la conduite susceptible de susciter une crainte raisonnable de partialité. Les appelants évoquent plutôt la « position défavorable » dans laquelle ils sont placés d’un point de vue juridique, ainsi que les lacunes de services mis à la disposition des anciens combattants (mémoire des appelants aux pp. 17 à 19).

[26]           Le Procureur général du Canada (le Procureur général), pour sa part, demande le rejet de l’appel. Il maintient que le juge de la Cour fédérale n’a commis aucune erreur susceptible de révision en concluant que la décision du Tribunal de ne pas renvoyer le dossier au ministre était raisonnable. À cet égard, le Procureur général s’en remet essentiellement au raisonnement du juge de la Cour fédérale

ANALYSE ET DÉCISION

[27]           Tel que récemment réitéré par cette Cour, « le rôle […] en appel d’une décision rendue dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire est bien établi : il consiste à vérifier si le juge a employé la norme de contrôle appropriée et s’il l’a appliquée correctement » (Desgagnés Transarctik inc. c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 14, [2014] A.C.F. no 65 au para. 34, citant Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226 aux paragraphes 43 et 44; Canada (Agence du revenu) c. Telfer, 2009 CAF 23, [2009] A.C.F. no 71 au paragraphe 18; Canada (Agence du revenu) c. Slau Limited, 2009 CAF 270, [2009] A.C.F. no 1194 au paragraphe 26 et Alliance de la fonction publique du Canada c. Société canadienne des postes, 2010 CAF 56, [2011] 2 R.C.F. 221 au paragraphe 84).

[28]           La seule question dans le présent appel est celle de savoir si le Tribunal a commis une erreur en choisissant de ne pas renvoyer la décision au ministre. Il s’agit là d’une décision discrétionnaire, qui commande donc une certaine retenue de la part d’une Cour siégeant en contrôle judiciaire (Robertson c. Canada, 2010 CF 233, [2010] A.C.F. no 263). C’est d’ailleurs ce qu’a reconnu le juge de la Cour fédérale en révisant la décision du Tribunal suivant la norme de la raisonnabilité (motifs au para. 37).

[29]           Le juge de la Cour fédérale a donc bien identifié la norme de contrôle applicable. Reste à savoir s’il l’a bien appliquée.

[30]           À mon sens, c’est à bon droit que le juge de la Cour fédérale a conclu que le refus du Tribunal de se prévaloir de l’article 85 de la Loi était raisonnable. Pour rappel, en ordonnant le réexamen, le juge Shore n’a pas dicté de solution au Tribunal, mais l’a plutôt enjoint à tenir compte des difficultés auxquelles avaient été confrontés les appelants dans leurs échanges avec l’ACC. Comme le relève le juge de la Cour fédérale, le Tribunal dans sa décision du 14 mai 2009 a consenti les compensations maximales disponibles aux appelants au titre des paragraphes 39(2) et 56(2) de la Loi, lesquels visent justement à compenser les bénéficiaires des « difficultés administratives indépendantes de la volonté des [appelants] » (motifs au para. 37).

[31]           Les appelants prétendent que le ministre aurait pu leur offrir des compensations supplémentaires si le Tribunal avait accepté de lui référer l’affaire. Le juge de la Cour fédérale a tiré la conclusion contraire et son analyse m’apparaît exempte d’erreurs. L’article 85 de la Loi ne donne pas ouverture à un recours autonome de compensation pour manquement à l’obligation de fournir un service de consultation, tel qu’énoncé au paragraphe 81(3) de la Loi. Les articles 39 et 56, lus en conjonction avec la définition du terme « compensation » apparaissant à l’article 3 de la Loi, établissent les balises dans le cadre desquelles le pouvoir de réexamen du ministre peut être exercé et le ministre ne pourrait y outrepasser.

[32]           Le caractère impératif de ces dispositions est confirmé par une jurisprudence bien établie. À cet égard, je crois utile de reproduire les passages clés de l’affaires Leclerc c. Canada (Procureur général), 1998 CanLII 7445 (CF) aux paragraphes 18 à 21 tels que reproduits dans Cadotte c. Canada (Anciens combattants), 2003 CF 1195, [2003] A.C.F. no 1513 :

[18]      Autant les dispositions de la loi doivent être interprétées de façon à maximiser les paiements au profit des bénéficiaires, autant [le paragraphe] 39(1) est clair quant à ses effets dans le contexte du présent litige. En effet, la raison d'être de cet article est de limiter à une période maximale de trois ans l'effet rétroactif de l'octroi de toute pension. La seule exception à cette limite est celle prévue [au paragraphe] 39(2) qui permet au Tribunal d'accorder une compensation supplémentaire dont le montant ne peut dépasser la valeur annuelle cumulative de deux années de pension.

[19]      La limite ainsi imposée au paiement rétroactif des pensions est rendue nécessaire par le régime législatif mis en place pour le bénéfice des pensionnés. En effet, le régime fait en sorte qu'une pension, une fois accordée, est toujours révisable et que lors de ces révisions le Tribunal peut tenir compte de toute nouvelle preuve et modifier ses conclusions antérieures de fait ou de droit dans la mesure où il les considère erronées. C'est dans le but de maximiser le bénéfice issu des pensions, et aussi en reconnaissance du fait que les affections physiques sont évolutives, que le législateur a institué un régime qui permet aux bénéficiaires de faire valoir, à tout moment, et aussi souvent que nécessaire tout fait nouveau ou tout argument de droit susceptible d'affecter le montant de la pension qui leur est payée. Dans la perspective du payeur cependant, ceci fait en sorte que le fardeau financier relié au régime des pensions n'est jamais arrêté et c'est dans ce contexte que le législateur, par le biais [du paragraphe] 39(1), a cru bon de limiter dans le temps l'effet rétroactif de l'octroi de toute pension.

[20]      Le requérant fait remarquer que dans l'instance, c'est la rectification d'une erreur de droit qui mena à l'octroi de sa pleine pension et qu'il n'est aucunement responsable du fait que dix ans se soient écoulés avant que ce droit ne lui soit reconnu. Le fait que la cause du retard ne soit pas imputable au requérant n'écarte pas [le paragraphe] 39(1) lequel s'applique à toute pension sans égard aux circonstances dans lesquelles elle est octroyée.

[Mon soulignement]

[33]           La pension qui peut être versée suite au décès d’un ancien combattant en vertu du paragraphe 56(1) est assujettie aux mêmes limites que celle versée du vivant d’un ancien combattant en vertu du paragraphe 39(1). La seule exception est celle prévue aux paragraphes 39(2) et 56(2) qui autorisent un paiement supplémentaire équivalant à deux années de pension. Ce régime s’applique à toute forme de compensation payable en vertu de la Loi – y compris pension, indemnité, allocation ou boni selon la définition prévue à l’article 3 – de sorte que la compensation maximale versée en vertu de la Loi ne peut, en tout état de cause, jamais excéder la rétroactivité de trois ans (paragraphes 39(1) et 56(1)) et la compensation supplémentaire équivalente à deux années de pension (paragraphes 39(2) et 56(2)). Or, les appelants se sont vus accorder les montants maximums à ces deux chapitres. La décision de la Cour fédérale dans l’affaire MacKenzie c. Canada (Procureur général), 2007 CF 481, [2007] A.C.F. no 645 longuement citée dans celle du juge Shore ne modifie en rien ces balises.

[34]           Il s’ensuit que le refus du juge de la Cour fédérale d’ordonner que le dossier soit renvoyé au ministre est nécessairement raisonnable puisque, le cas échéant, les appelants n’auraient pu se voir octroyer aucun autre montant supplémentaire.

[35]           L’on peut voir de ce qui précède que le jugement du juge Shore, même s’il ne garantissait aucun résultat, a créé de faux espoirs, ce qui est malheureux compte tenu du fait que l’état du droit, quant aux montants maximums qui peuvent être versés aux appelants en vertu de la Loi, est on ne peut plus clair. Dans ces circonstances, la décision du Procureur général de ne pas exiger que les appelants paient les dépens reliés à l’appel est à la fois honorable et appropriée.

[36]           Finalement, je précise que l’allégation de partialité dirigée à l’encontre du Tribunal est clairement infondée puisqu’aucune conduite susceptible de susciter une crainte raisonnable de partialité n’est évoquée.

[37]           Pour les motifs qui précèdent, je rejetterais l’appel, sans dépens.

« Marc Noël »

j.c.a.

« Je suis d’accord

A.F. Scott j.c.a. »

« Je suis d’accord

Richard Boivin j.c.a. »


DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

Loi sur les pensions (L.R.C. (1985), ch. P-6)

Pension Act (R.S.C., 1985, c. P-6)

Définitions

Definitions

3. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 (1) In this Act,

« compensation » Pension, indemnité, allocation ou boni payable en vertu de la présente loi.

“award”« compensation » “award” means a pension, compensation, an allowance or a bonus payable under this Act;

Date à partir de laquelle est payable une pension d’invalidité

Date from which disability pension payable

39. (1) Le paiement d’une pension accordée pour invalidité prend effet à partir de celle des dates suivantes qui est postérieure à l’autre :

39. (1) A pension awarded for disability shall be made payable from the later of

a) la date à laquelle une demande à cette fin a été présentée en premier lieu;

(a) the day on which application therefor was first made, and

b) une date précédant de trois ans la date à laquelle la pension a été accordée au pensionné.

(b) a day three years prior to the day on which the pension was awarded to the pensioner.

Compensation supplémentaire

Additional award

(2) Malgré le paragraphe (1), lorsqu’il est d’avis que, en raison soit de retards dans l’obtention des dossiers militaires ou autres, soit d’autres difficultés administratives indépendantes de la volonté du demandeur, la pension devrait être accordée à partir d’une date antérieure, le ministre ou le Tribunal, dans le cadre d’une demande de révision ou d’un appel prévus par la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), peut accorder au pensionné une compensation supplémentaire dont le montant ne dépasse pas celui de deux années de pension.

(2) Notwithstanding subsection (1), where a pension is awarded for a disability and the Minister or, in the case of a review or an appeal under the Veterans Review and Appeal Board Act, the Veterans Review and Appeal Board is of the opinion that the pension should be awarded from a day earlier than the day prescribed by subsection (1) by reason of delays in securing service or other records or other administrative difficulties beyond the control of the applicant, the Minister or Veterans Review and Appeal Board may make an additional award to the pensioner in an amount not exceeding an amount equal to two years pension.

Date à compter de laquelle la pension pour décès est payable

Date from which death pension payable

56. (1) La pension accordée par suite du décès d’un membre des forces est payable comme il suit :

56. (1) Pensions awarded with respect to the death of a member of the forces shall be payable with effect as follows:

a.1) dans le cas où le membre ne recevait pas, à son décès, une pension supplémentaire visée aux alinéas 21(1)a) ou (2)a) à l’égard de cette personne ou dans le cas où une pension est accordée en vertu de l’article 48, à cette personne, ou à l’égard de celle-ci, à compter de la date précédant de trois ans celle à laquelle la pension a été accordée ou, si elle est postérieure, la date de présentation initiale de la demande de pension;

(a.1) to or in respect of the member’s survivor or child, or to the member’s parent or any person in place of a parent who was wholly or to a substantial extent maintained by the member at the time of the member’s death, if no additional pension referred to in paragraph 21(1)(a) or (2)(a) was at the time of death being paid in respect of that person or that person is awarded a pension under section 48, from the later of

 

(i) the day on which application for the pension was first made, and

 

(ii) a day three years prior to the day on which the pension was awarded with respect to the death of the member;

Compensation supplémentaire

Additional award

(2) Malgré les paragraphes (1) et (1.1), s’il est d’avis que, en raison soit de retards dans l’obtention des dossiers militaires ou autres, soit d’autres difficultés administratives indépendantes de la volonté du demandeur, la pension ou l’augmentation devrait être accordée à partir d’une date antérieure, le ministre ou, dans le cadre d’une demande de révision ou d’un appel prévus par la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le Tribunal peut accorder au pensionné une compensation supplémentaire, à concurrence d’un montant équivalant à deux années de pension ou d’augmentation.

(2) Notwithstanding subsections (1) and (1.1), where a pension is awarded with respect to the death of a member of the forces, or an increase to that pension is awarded, and the Minister or, in the case of a review or an appeal under the Veterans Review and Appeal Board Act, the Veterans Review and Appeal Board is of the opinion that the pension or the increase, as the case may be, should be awarded from a day earlier than the day prescribed by subsection (1) or (1.1) by reason of delays in securing service or other records or other administrative difficulties beyond the control of the applicant, the Minister or Veterans Review and Appeal Board may make an additional award to the pensioner in an amount not exceeding an amount equal to two years pension or two years increase in pension, as the case may be.

Première étape

Application made to Minister

81. (1) Toute demande de compensation doit être présentée au ministre.

81. (1) Every application must be made to the Minister.

Examen par le ministre

Consideration of applications

(2) Le ministre examine la demande dès sa réception; il peut décider que le demandeur a droit à la compensation et en déterminer le montant payable aux termes de la présente loi ou il peut refuser d’accorder le paiement d’une compensation; il doit, dans tous les cas, aviser le demandeur de sa décision.

(2) The Minister shall consider an application without delay after its receipt and shall

 

(a) where the Minister is satisfied that the applicant is entitled to an award, determine the amount of the award payable and notify the applicant of the decision; or

 

(b) where the Minister is not satisfied that the applicant is entitled to an award, refuse to approve the award and notify the applicant of the decision.

Service de consultation

Counselling service

(3) Le ministre fournit, sur demande, un service de consultation pour aider les demandeurs ou les pensionnés en ce qui regarde l’application de la présente loi et la préparation d’une demande.

(3) The Minister shall, on request,

 

(a) provide a counselling service to applicants and pensioners with respect to the application of this Act to them; and

 

(b) assist applicants and pensioners in the preparation of applications.

Autorisation préalable du Tribunal

Permission of Board required

85. (1) Le ministre ne peut étudier une demande de compensation déjà jugée par le Tribunal ou un de ses prédécesseurs — le Tribunal d’appel des anciens combattants, un comité d’évaluation, un comité d’examen ou le Conseil de révision des pensions — que si le demandeur a obtenu l’autorisation du Tribunal ou si celui-ci lui a renvoyé la demande pour réexamen.

85. (1) The Minister may not consider an application for an award that has already been the subject of a determination by the Veterans Review and Appeal Board or one of its predecessors (the Veterans Appeal Board, the Pension Review Board, an Assessment Board or an Entitlement Board) unless

 

 

(a) the applicant has obtained the permission of the Veterans Review and Appeal Board; or

 

(b) the Veterans Review and Appeal Board has referred the application to the Minister for reconsideration.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-290-13

 

INTITULÉ :

MAURICE ARIAL (ancien combattant - décédé), MADELEINE ARIAL (conjointe survivante) c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 septembre 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE SCOTT

LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 septembre 2014

 

COMPARUTIONS :

Sonia Arial

 

Pour les appelants

 

Benoït de Champlain

 

Pour l'intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR L'INTIMÉ

 

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