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Date : 20140930


Dossier : A-371-13

Référence : 2014 CAF 218

CORAM :

LA JUGE EN CHEF

PAR INTÉRIM DAWSON

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE NEAR

ENTRE :

 

KIMBERLY NEWMAN

 

appelante

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimé

 

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 15 septembre 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 30 septembre 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE EN CHEF PAR INTÉRIM DAWSON

LE JUGE NEAR

 


Date : 20140930


Dossier : A-371-13

Référence : 2014 CAF 218

CORAM :

LA JUGE EN CHEF

PAR INTÉRIM DAWSON

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE NEAR

ENTRE :

 

KIMBERLY NEWMAN

 

appelante

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               La question à trancher en l’espèce consiste à savoir si le comité d’appel constitué sous le régime de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 (la « LTAC »), a commis une erreur justifiant l’intervention de la Cour lorsqu’il a rejeté la demande d’indemnité présentée par l’appelante, Kimberly Newman, au titre de l’article 45 de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, L.C. 2005, ch. 21 (la « Loi sur l’indemnisation »). Je suis d’avis qu’il y a effectivement eu erreur et que Mme Newman a droit de voir sa demande d’indemnité faire l’objet d’un nouvel examen et de se voir accorder l’indemnité demandée conformément à l’alinéa 45(1)a) de la Loi sur l’indemnisation.

Les faits et l’historique des procédures

[2]               Madame Newman s’est enrôlée dans les Forces armées canadiennes en 1985, à l’âge de 21 ans. Elle a servi au début comme matelot de 3e classe; lorsqu’elle a pris sa retraite en 2009, elle détenait le grade de capitaine. Mme Newman a toujours été connue pour son travail rigoureux et sa productivité et a fait l’objet d’évaluations élogieuses. Pendant une courte période après avoir pris sa retraite, elle a servi en qualité de membre de la force de réserve.

[3]               Il n’est pas contesté qu’au moment où elle a pris sa retraite, Mme Newman souffrait de dysthymie chronique. Il n’est pas contesté non plus qu’il s’agissait d’une « invalidité » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’indemnisation. En 2009, Mme Newman a présenté une demande au titre de l’article 45 de la Loi sur l’indemnisation en vue d’obtenir une indemnité d’invalidité pour son affection.

[4]               Pour l’application de l’alinéa 45(1)a) de la Loi sur l’indemnisation, seule l’invalidité causée par une blessure ou maladie consécutive ou rattachée directement au service dans les Forces canadiennes donne droit à une indemnité d’invalidité (voir la définition de blessure ou maladie « liée au service » au paragraphe 2(1) de la Loi sur l’indemnisation).

[5]               À titre subsidiaire, pour l’application de l’alinéa 45(1)b) de la Loi sur l’indemnisation, seule l’invalidité causée par une blessure ou maladie non liée au service dont l’aggravation est consécutive ou rattachée directement au service dans les Forces canadiennes donne droit à une indemnité d’invalidité (voir la définition de « due au service » au paragraphe 2(1) de la Loi sur l’indemnisation). Dans ce cas, seule la fraction, calculée en cinquièmes, du degré d’invalidité qui représente l’aggravation due au service donne droit à une indemnité d’invalidité.

[6]               La demande d’indemnité présentée par Mme Newman a été dans un premier temps rejetée par un arbitre (représentant du ministre des Anciens Combattants) qui a conclu que l’état de santé de Mme Newman n’était pas lié au service militaire et que son aggravation n’était pas due au service. Selon la LTAC, Mme Newman pouvait interjeter appel de cette décision devant le tribunal des anciens combattants (révision et appel), et c’est ce qu’elle a fait. Un comité de révision a conclu que l’aggravation de son état de santé était due au service militaire et qu’elle représentait un cinquième de son invalidité.

[7]               Madame Newman a alors interjeté appel devant un comité d’appel, mais sans succès. Ensuite, elle a demandé au comité d’appel de réexaminer sa décision, alléguant des erreurs de droit et de fait. Elle cherchait également à présenter de nouveaux éléments de preuve.

[8]               L’article 32 de la LTAC porte sur le nouvel examen d’une décision rendue par le comité d’appel. Le comité d’appel peut ainsi accepter de nouveaux éléments de preuve et il est tenu, même s’il n’accepte pas ces éléments, de réexaminer sa décision initiale si l’auteur de la demande de réexamen allègue des erreurs de droit et de fait. Voici les extraits pertinents de l’article 32 (je souligne) :

32. (1) […] le comité d’appel peut, de son propre chef, réexaminer une décision rendue en vertu du paragraphe 29(1) ou du présent article et soit la confirmer, soit l’annuler ou la modifier s’il constate que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées; il peut aussi le faire sur demande si l’auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l’interprétation du droit étaient erronées ou si de nouveaux éléments de preuve lui sont présentés.

32. (1) … an appeal panel may, on its own motion, reconsider a decision made by it under subsection 29(1) or this section and may either confirm the decision or amend or rescind the decision if it determines that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law, or may do so on application if the person making the application alleges that an error was made with respect to any finding of fact or the interpretation of any law or if new evidence is presented to the appeal panel.

[9]               Le comité d’appel n’a pas accepté les nouveaux éléments de preuve que Mme Newman cherchait à présenter. Il a examiné de novo sa décision initiale, mais il n’a relevé aucune erreur de droit ou de fait. La demande de réexamen de Mme Newman a donc été rejetée.

[10]           Madame Newman a demandé à la Cour fédérale le contrôle judiciaire de la décision en réexamen en invoquant des erreurs de droit et de fait (elle n’a pas contesté la décision du comité d’appel de ne pas accepter de nouveaux éléments de preuve). La Cour fédérale a examiné la décision selon la norme de la décision raisonnable et l’a jugée raisonnable. La demande de Mme Newman a été rejetée avec dépens (2013 CF 354). Mme Newman interjette maintenant appel devant notre Cour.

[11]           Saisie de l’appel d’une décision par laquelle la Cour fédérale a statué sur une demande de contrôle judiciaire, notre Cour doit décider si la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement : Canada (Agence du revenu) c. Telfer, 2009 CAF 23, au paragraphe 18; Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 45 à 47. Les parties conviennent, et je suis aussi de cet avis, que la Cour fédérale a estimé à bon droit que la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable.

[12]           Pour déterminer si la norme de contrôle de la décision raisonnable a été appliquée correctement, notre Cour doit se mettre à la place de la Cour fédérale et se concentrer sur la décision administrative faisant l’objet du contrôle judiciaire (Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, [2012] 1 R.C.S. 23), à savoir la décision en réexamen du comité d’appel.

[13]           Une décision est raisonnable si elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47). Compte tenu de l’article 32 de la LTAC (cité ci‑dessus), la décision en réexamen rendue par le comité d’appel n’est pas raisonnable si sa décision initiale reposait sur une erreur de droit ou de fait qu’il aurait dû corriger, mais ne l’a pas fait.

Analyse

[14]           Selon l’article 45 de la Loi sur l’indemnisation, le ministre doit déterminer la cause de l’invalidité qui fait l’objet d’une demande d’indemnité. Si la décision du ministre est portée en appel sous le régime de la LTAC, il appartient au comité de révision ou au comité d’appel, selon le cas, de déterminer la cause de l’invalidité.

[15]           La cause de l’invalidité doit être établie de manière à respecter les présomptions légales énoncées à l’article 43 de la Loi sur l’indemnisation, dont voici le libellé :

43. Lors de la prise d’une décision au titre de la présente partie ou de l’article 84, le ministre ou quiconque est désigné au titre de l’article 67 :

43. In making a decision under this Part or under section 84, the Minister and any person designated under section 67 shall

a) tire des circonstances portées à sa connaissance et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible au demandeur;

(a) draw from the circumstances of the case, and any evidence presented to the Minister or person, every reasonable inference in favour of an applicant under this Part or under section 84;

b) accepte tout élément de preuve non contredit que le demandeur lui présente et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to the Minister or the person, by the applicant, that the Minister or person considers to be credible in the circumstances; and

c) tranche en faveur du demandeur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

(c) resolve in favour of the applicant any doubt, in the weighing of the evidence, as to whether the applicant has established a case.

[16]           Pour l’essentiel, les mêmes présomptions se retrouvent à l’article 39 de la LTAC.

[17]           D’autres présomptions favorables au demandeur d’une indemnité d’invalidité figurent aux articles 50, 51 et 52 du Règlement sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, DORS/2006-50 (le « Règlement »). Ces dispositions sont ainsi libellées :

50. Pour l’application du paragraphe 45(1) de la Loi, le militaire ou le vétéran est présumé démontrer, en l’absence de preuve contraire, qu’il souffre d’une invalidité causée soit par une blessure ou une maladie liée au service, soit par une blessure ou maladie non liée au service dont l’aggravation est due au service, s’il est établi que la blessure ou la maladie, ou leur aggravation, est survenue au cours :

50. For the purposes of subsection 45(1) of the Act, a member or veteran is presumed, in the absence of evidence to the contrary, to have established that an injury or disease is a service-related injury or disease, or a non-service-related injury or disease that was aggravated by service, if it is demonstrated that the injury or disease or its aggravation was incurred in the course of

[…]

f) d’une opération, d’un entraînement ou d’une activité administrative militaire, soit par suite d’un ordre précis, soit par suite d’usages ou de pratiques militaires établis, que l’omission d’accomplir l’acte qui a entraîné la blessure ou la maladie, ou leur aggravation, eût entraîné ou non des mesures disciplinaires contre le militaire ou le vétéran […].

(f) any military operation, training or administration, as a result of either a specific order or an established military custom or practice, whether or not a failure to perform the act that resulted in the injury or disease or its aggravation would have resulted in disciplinary action against the member or veteran ….

51. Sous réserve de l’article 52, lorsque l’invalidité ou l’affection entraînant l’incapacité du militaire ou du vétéran pour laquelle une demande d’indemnité a été présentée n’était pas évidente au moment où il est devenu militaire et n’a pas été consignée lors d’un examen médical avant l’enrôlement, l’état de santé du militaire ou du vétéran est présumé avoir été celui qui a été constaté lors de l’examen médical, sauf dans les cas suivants :

51. Subject to section 52, if an application for a disability award is in respect of a disability or disabling condition of a member or veteran that was not obvious at the time they became a member of the forces and was not recorded on their medical examination prior to enrolment, the member or veteran is presumed to have been in the medical condition found on their enrolment medical examination unless there is

a) il a été consigné une preuve que l’invalidité ou l’affection entraînant l’incapacité a été diagnostiquée dans les trois mois qui ont suivi l’enrôlement;

(a) recorded evidence that the disability or disabling condition was diagnosed within three months after enrolment; or

b) il est établi par une preuve médicale, hors de tout doute raisonnable, que l’invalidité ou l’affection entraînant l’incapacité existait avant l’enrôlement.

(b) medical evidence that establishes beyond a reasonable doubt that the disability or disabling condition existed prior to enrolment.

52. Les renseignements fournis par le militaire ou le vétéran, lors de son enrôlement, concernant l’invalidité ou l’affection entraînant son incapacité, ne constituent pas une preuve que cette invalidité ou affection existait avant son enrôlement, sauf si ces renseignements sont corroborés par une preuve qui l’établit hors de tout doute raisonnable.

52. Information given by a member or veteran at the time of enrolment with respect to a disability or disabling condition is not evidence that the disability or disabling condition existed prior to their enrolment unless there is corroborating evidence that establishes beyond a reasonable doubt that the disability or disabling condition existed prior to the time they became a member of the forces.

[18]           Il convient en l’espèce d’examiner ces dispositions en commençant par la dernière.

[19]           L’article 52 du Règlement n’est pas applicable, parce que la demande d’enrôlement de Mme Newman ne fait pas état de la dysthymie chronique ou d’un autre problème de santé semblable.

[20]           Il n’est pas contesté que Mme Newman a droit au bénéfice de la présomption énoncée à l’article 51 du Règlement, selon laquelle il faut présumer, aux fins de sa demande d’indemnité d’invalidité, qu’au moment de son enrôlement son état de santé était celui qui a été constaté lors de l’examen médical.

[21]           La présomption énoncée à l’article 51 est subordonnée à deux exceptions. Dans le cas de Mme Newman, la première exception rendrait la présomption inapplicable s’il était consigné une preuve que la dysthymie chronique avait été diagnostiquée dans les trois mois suivant l’enrôlement. Or, en l’espèce, il n’y a aucun élément de preuve à cet effet. La deuxième exception s’appliquerait s’il était établi par une preuve médicale, hors de tout doute raisonnable, que l’invalidité existait avant l’enrôlement. Le dossier ne renferme aucune preuve médicale (et, encore moins, il n’est pas établi par une preuve médicale, hors de tout doute raisonnable) que Mme Newman souffrait de dysthymie chronique avant son enrôlement.

[22]           Compte tenu de la présomption figurant à l’article 51 du Règlement, le comité d’appel a donc été obligé d’instruire la demande de Mme Newman en tenant pour acquis que cette dernière ne souffrait pas de dysthymie chronique avant son enrôlement. Étant donné qu’il est bien établi que Mme Newman souffrait de cette affection au moment de prendre sa retraite, elle doit avoir commencé à en ressentir les symptômes au cours de sa carrière militaire. Il ne reste alors qu’à déterminer la cause de cette affection.

[23]           Il incombe à Mme Newman de prouver que la dysthymie chronique dont elle souffre répond à la définition de blessure ou maladie « liée au service » prévue par la loi. Pour déterminer si les éléments de preuve présentés sont suffisants pour satisfaire à cette obligation, il faut appliquer en sa faveur les présomptions générales énoncées à l’article 43 de la Loi sur l’indemnisation, selon lesquelles il faut (1) tirer les conclusions les plus favorables possible à Mme Newman; (2) accepter tout élément de preuve non contredit et vraisemblable qu’elle présente; et (3) trancher en sa faveur toute incertitude quant au bien‑fondé de la demande, ainsi que la présomption plus précise figurant à l’alinéa 50f) du Règlement.

[24]           Le comité d’appel a conclu, dans sa première décision ainsi que dans sa décision en réexamen, à [traduction] « l’absence d’éléments de preuve établissant que des facteurs liés au service ont effectivement contribué à causer » sa dysthymie au‑delà du cinquième d’indemnité d’invalidité qui lui avait été accordée. J’estime que cette conclusion n’accorde pas l’importance nécessaire à la preuve médicale présentée par Mme Newman, compte tenu des présomptions prévues par la loi dont bénéficie celle‑ci.

[25]           Selon l’alinéa 50f) du Règlement, Mme Newman est présumée démontrer, en l’absence de preuve contraire, qu’elle souffre de dysthymie chronique liée au service si la preuve présentée établit que la dysthymie chronique est survenue au cours « d’une opération, d’un entraînement ou d’une activité administrative militaire, soit par suite d’un ordre précis, soit par suite d’usages ou de pratiques militaires établis » ou, autrement dit, dans le cadre de ses fonctions comme membre des Forces canadiennes.

[26]           Si les conclusions les plus favorables possible à Mme Newman sont tirées et que toute incertitude est tranchée en sa faveur, la preuve médicale de Mme Newman permet d’établir l’existence du lien de causalité nécessaire entre les activités militaires qu’elle a exercées et la dysthymie chronique dont elle souffre. Il ressort ainsi de la preuve qu’au début de sa carrière militaire, on a diagnostiqué chez Mme Newman une dépression réactionnelle, ce qui a entraîné un changement dans son cheminement professionnel. Par la suite, elle a été traitée à plusieurs reprises pour de l’anxiété et de la dépression, attribuables directement, selon les notes des médecins rédigées au moment du diagnostic et durant le traitement, au stress associé aux exigences de l’emploi. Cette preuve n’a été ni contestée ni contredite. Le comité d’appel n’a exprimé aucune réserve quant à sa crédibilité.

[27]           Par conséquent, Mme Newman a droit au bénéfice de la présomption énoncée à l’alinéa 50f) du Règlement. Le comité d’appel aurait dû par conséquent conclure que la dysthymie chronique dont elle souffre est liée au service, à moins de « preuve contraire », c’est‑à‑dire une preuve établissant que la dysthymie chronique de Mme Newman était due à une cause autre que le stress associé au lieu de travail.

[28]           La Couronne fait valoir l’existence d’une preuve contraire, à savoir la déclaration de Mme Newman portant qu’elle avait souffert, à l’âge d’environ 16 ans, de ce qu’elle croyait être une « dépression » apparemment liée à une situation familiale difficile à l’époque. Selon Mme Newman, cette maladie avait été traitée par médication et ne s’était pas manifestée de nouveau. Des rapports médicaux datés de 1985, 1989, 2000 et 2007 consignent cette affection dans le cadre des antécédents médicaux de Mme Newman, se fondant semble‑t‑il sur les déclarations de Mme Newman elle‑même.

[29]           Selon la Couronne, le comité d’appel s’est fondé sur ces éléments de preuve lorsqu’il a conclu que [traduction] « les facteurs qui ont précédé son enrôlement ont eu une influence considérable sur la dépression chronique et l’anxiété dont elle souffre actuellement ». Cette affirmation vague permettrait de conclure que la dysthymie chronique de Mme Newman était due à une cause antérieure à son enrôlement. Or, elle permettrait aussi bien de conclure que Mme Newman était prédisposée à la dysthymie chronique. L’une ou l’autre conclusion ne pouvait se fonder que sur la déclaration formulée par Mme Newman au sujet des problèmes vécus à l’âge de 16 ans.

[30]           Je suis disposée à tenir pour acquis que la conclusion du comité d’appel à l’existence d’une [traduction] « preuve contraire », pour l’application de l’alinéa 50f) du Règlement, repose en effet sur les problèmes vécus par Mme Newman alors qu’elle était adolescente. La question à trancher est de savoir s’il était raisonnablement loisible au comité d’appel de tirer cette conclusion.

[31]           Le dossier ne révèle aucun avis médical selon lequel la dysthymie chronique de Mme Newman pourrait être attribuable aux problèmes vécus à l’âge de 16 ans. Étant donné qu’il faut accorder à Mme Newman le bénéfice de toutes les présomptions raisonnables et trancher en sa faveur toute incertitude, la déclaration formulée par Mme Newman au sujet de ces problèmes ne permet pas à elle seule de réfuter la preuve médicale selon laquelle sa dysthymie chronique était expressément liée au stress associé aux activités militaires qu’elle avait exercées. Le fait que sa déclaration a été réitérée par les médecins n’a pas pour effet de renforcer sa valeur probante.

[32]           J’estime qu’il n’était raisonnablement loisible au comité d’appel que de conclure, eu égard à la preuve, que la dysthymie chronique de Mme Newman était liée à son service militaire, et que rien n’indique une autre cause de ses problèmes de santé. Par conséquent, Mme Newman a droit de voir examiner sa demande d’indemnité d’invalidité au regard de l’alinéa 45(1)a) de la Loi sur l’indemnisation.

Conclusion

[33]           Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel et j’annulerais le jugement de la Cour fédérale. En prononçant le jugement que la Cour fédérale aurait dû prononcer, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire, j’annulerais la décision du comité d’appel relative au réexamen et je renverrais l’affaire au comité d’appel pour nouvel examen avec instruction de modifier la décision initiale du comité d’appel suivant l’article 32 de la LTAC, au motif que l’invalidité de Mme Newman est causée par une blessure ou maladie « liée au service », au sens de l’article 2 de la Loi sur l’indemnisation. J’accorderais à Mme Newman ses dépens devant notre Cour et la Cour fédérale.

« K. Sharlow »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Eleanor R. Dawson, juge en chef par intérim »

« Je suis d’accord.

D. G. Near, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

A-371-13

(APPEL DU JUGEMENT PRONONCÉ LE 9 AVRIL 2013 PAR MONSIEUR LE JUGE JAMES W. O’REILLY DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA AU DOSSIER NUMÉRO T-926-12)

INTITULÉ :

KIMBERLY NEWMAN c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

lieu DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 SEPTEMBRE 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE EN CHEF PAR INTÉRIM DAWSON ET LE JUGE NEAR

DATE DES MOTIFS :

LE 30 SEPTEMBRE 2014

COMPARUTIONS :

Darryl R. Buxton

POUR L’AppElantE

Susan K. Eros

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Myers Weinberg LLP

Winnipeg (Manitoba)

POUR L’AppelantE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

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