Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20140403


Dossier :

A-260-13

 

Référence : 2014 CAF 90

CORAM :     

LE JUGE NOËL

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

 

 

 

ENTRE :

VINOD KUMAR MOUDGILL

 

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

DU CHEF DU MANITOBA

 

intimée

 

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 2 avril 2014.

Jugement rendu à Winnipeg (Manitoba), le 3 avril 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                     

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

 

 


Date : 20140403


Dossier :

A-260-13

 

Référence : 2014 CAF 90

CORAM:      

LE JUGE NOËL

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

 

 

 

ENTRE :

VINOD KUMAR MOUDGILL

 

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

DU CHEF DU MANITOBA

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]               La Cour est saisie de l’appel d’une ordonnance par laquelle le juge Annis, de la Cour fédérale (le juge de la Cour fédérale), a refusé de modifier l’ordonnance du protonotaire Lafrenière (le protonotaire) qui faisait droit à une requête présentée par Sa Majesté la Reine du chef du Manitoba (l’intimée) en vue de faire radier la demande de contrôle judiciaire de M. Vinod Kumar Moudgill (l’appelant).

[2]               Dans la requête en radiation, présentée en vertu de la Règle 221(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), l’intimée allègue que la Cour fédérale n’a compétence à l’égard d’aucune des questions soulevées dans la demande de contrôle judiciaire. Voici comment le protonotaire expose ces questions dans son ordonnance (au paragraphe 2) :

 

[traduction]

[L’appelant] a déposé un avis de demande dans lequel il sollicite une réparation de la nature d’un mandamus contre Sa Majesté la Reine du chef du Manitoba. Bien que l’acte de procédure soit quelque peu alambiqué, il semble que [l’appelant] allègue que l’ombudsman du Manitoba n’a pas exercé les pouvoirs que lui confère la Loi sur l’ombudsman du Manitoba pour enquêter sur la conduite répréhensible de la Commission des droits de la personne du Manitoba et de Sa Majesté du chef du Manitoba. [L’appelant] sollicite un jugement déclarant que les dispositions de diverses lois provinciales sont inconstitutionnelles ainsi qu’une réparation pour être indemnisé du préjudice personnel et des pertes financières qu’il a subis.

 

 

[3]               Le protonotaire a rejeté sommairement la demande de contrôle judiciaire de l’appelant au motif qu’elle n’avait « aucune chance d’être accueilli[e] » (citant l’arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc. (C.A.F.), [1995] 1 C.F. 588, [1994] A.C.F. no 1629 (David Bull Laboratories)). Le protonotaire a fait observer que, conformément à la directive émise par notre Cour dans l’arrêt David Bull Laboratories, on ne peut invoquer la Règle 221 pour faire radier une demande. Il convient plutôt de formuler une objection fondée sur l’absence de compétence de la Cour en invoquant le pouvoir inhérent de la Cour de rejeter sommairement une demande vouée à l’échec.

 

[4]               Le protonotaire s’est dit d’avis que la demande était effectivement vouée à l’échec, étant donné que la Cour fédérale n’a pas compétence pour contrôler les agissements ou les décisions des organismes provinciaux ou pour se prononcer sur la constitutionnalité des lois provinciales.

 

[5]               Le juge de la Cour fédérale a rejeté l’appel interjeté par l’appelant de cette décision. Dans la décision qu’il a rendue, le juge de la Cour fédérale a repris à son compte le deuxième paragraphe de la page 3 de l’ordonnance du protonotaire (le premier paragraphe complet) dans lequel le protonotaire exposait les raisons pour lesquelles il estimait que la Cour fédérale n’avait pas compétence :

[traduction]

Sans me prononcer sur le fond des plaintes formulées par [l’appelant] contre Sa Majesté la Reine du chef du Manitoba, j’estime qu’il est évident et manifeste que la Cour fédérale n’a pas compétence sur l’objet de la demande ou sur les parties. La Cour fédérale est une juridiction dont la compétence est d’origine législative. Les articles 18.1 à 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales définissent le régime du contrôle judiciaire des décisions des offices fédéraux, Commission ou autres tribunaux. À défaut d’ensemble de règles de droit fédérales qui soient essentielles à la solution du litige et qui constituent le fondement de l’attribution légale de sa compétence, la Cour fédérale n’a pas compétence pour contrôler les décisions et les agissements des entités provinciales ou la constitutionnalité des lois provinciales.

 

 

[6]               À l’audience et dans le mémoire déposé à l’appui de son appel, l’appelant a insisté sur le bien‑fondé de sa demande de contrôle judiciaire et sur le présumé défaut du juge de la Cour fédérale de bien examiner les moyens d’ordre constitutionnel qu’il invoquait pour contester certaines des dispositions de la législation manitobaine. L’appelant a également fait valoir que le juge de la Cour fédérale avait commis une erreur en omettant d’exercer sa compétence en vertu de l’article 25 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7 et en ne motivant pas suffisamment sa décision (mémoire de l’appelant, paragraphes 65, 66 et 67).

 

ANALYSE ET DÉCISION

[7]               Il est bien établi que notre Cour ne peut modifier la décision rendue par le juge des requêtes au sujet d’une décision d’un protonotaire « que si le juge des requêtes n’avait aucun motif de modifier la décision du protonotaire ou, advenant l’existence d’un tel motif, si la décision du juge des requêtes était mal fondée ou manifestement erronée » (Z.I. Pompey Industrie c. ECU-Line N.V., 2003 CSC 27, au paragraphe 18 (Z.I. Pompey); Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, au paragraphe 20). D’ailleurs, on ne doit modifier l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire que si elle est « entachée d’une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits », ou que si le protonotaire a mal exercé son pouvoir discrétionnaire « relativement à une question ayant une influence déterminante sur la décision finale quant au fond » (Z.I. Pompey, au paragraphe 18).

 

[8]               À mon avis, le juge des requêtes a à bon droit refusé de modifier la décision du protonotaire, étant donné qu’elle n’était pas « entachée d’une erreur flagrante » et que le protonotaire n’avait pas mal exercé son pouvoir discrétionnaire. Par ailleurs, la décision à laquelle le protonotaire est arrivé était la seule qu’il lui était loisible de rendre, compte tenu des questions soulevées dans la demande de contrôle judiciaire.

 

[9]               L’article 25 de la Loi sur les Cours fédérales n’est d’aucune utilité pour l’appelant, car il ne s’applique pas lorsque la Cour supérieure d’une province a compétence pour accorder une réparation comme celle demandée en l’espèce (Powderface c. Baptiste, (1996) 118 F.T.R. 258 (1re inst.)).

[10]           Enfin, l’appelant ne peut obtenir gain de cause en ce qui concerne son argument que la décision du juge des requêtes n’est pas suffisamment motivée, vu l’arrêt Turberfield c. Canada, 2012 CAF 170, dans lequel notre Cour a déclaré, au paragraphe 19, qu’« il n’existe aucune obligation générale de la part du juge du procès de prononcer des motifs “lorsque la décision est par ailleurs appuyée par la preuve ou lorsque le fondement de la décision est évident compte tenu des circonstances” » (citant l’arrêt R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, au paragraphe 4; voir également Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du trésor), 2011 CSC 62, quoique dans le contexte d’un contrôle judiciaire). Bien que le juge des requêtes n’ait pas expliqué dans ses propres mots la raison pour laquelle la Cour fédérale n’avait pas compétence, il a fait siens les motifs du protonotaire, ce qu’il lui était parfaitement loisible de faire. D’ailleurs, il s’agit d’un excellent exemple de retenue et d’efficacité dans le contexte d’un appel.

 

[11]           Je rejetterais l’appel.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

            Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            Wyman W. Webb, j.c.a. »

 

 

 

Traduction

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


(APPEL D’UNE ORDONNANCE RENDUE LE 3 JUILLET 2013 DANS LE DOSSIER T‑555-13 PAR LE JUGE ANNIS DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA.)

 

DOSSIER :

A-260-13

 

INTITULÉ :

VINOD KUMAR MOUDGILL c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU MANITOBA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                                                                Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                                                                LE 2 AVRIL 2014

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

                                                                                                LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                          

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

 

 

DATE DES MOTIFS :

                                                                                                LE 3 AVRIL 2014

 

 

COMPARUTIONS :

Vinod Kumar Moudgill

 

pour L’APPELANT (AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Michael Bodner

 

POUR L’INTIMÉe

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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