Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20140704

Dossier : A-151-14

Référence : 2014 CAF 178

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

RACHEL EXETER

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL, STATISTIQUE CANADA)

intimé

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 4 juillet 2014

MOTIFS DE L'ORDONNANCE 

LA JUGE SHARLOW

 



Date : 20140704

Dossier : A-151-14

Référence : 2014 CAF 178

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

RACHEL EXETER

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL, STATISTIQUE CANADA)

intimé

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SHARLOW

[1]               L'intimé (la Couronne) sollicite le rejet sommaire du présent appel au motif que celui‑ci n'a aucune chance d'être accueilli, qu'il n'est fondé sur aucun fait, qu'il constitue un abus de procédure et qu'il est vexatoire et frivole. L'appelante, Rachel Exeter, s'oppose à la requête. Pour les motifs exposés ci‑après, la requête de la Couronne sera rejetée.

[2]               La procédure dont il est question en première instance est une demande de contrôle judiciaire. Mme Exeter a déposé une requête interlocutoire dans cette instance afin de pouvoir contre‑interroger à nouveau l'auteur d'un affidavit déposé pour le compte de la Couronne et afin d'obtenir d'autres réparations. La requête a été instruite par un protonotaire le 15 mai 2013. Le protonotaire a rejeté la requête; toutefois, Mme Exeter a été autorisée à contre‑interroger de nouveau l'auteur de l'affidavit. Mme Exeter a porté cette ordonnance en appel devant un juge de la Cour fédérale en vertu de l'article 51 des Règles. L'appel n'a pas encore été instruit.

[3]               Il semble qu'à l'appui de son appel interjeté en vertu de l'article 51 des Règles, Mme Exeter entend présenter une copie de l'enregistrement sonore de l'audience du 15 mai 2013. Les documents qui m'ont été présentés ne permettent pas de comprendre entièrement la raison pour laquelle Mme Exeter souhaite produire l'enregistrement; toutefois, je suis disposée à tenir pour acquis aux fins des présentes qu'elle entend alléguer un manquement à l'équité procédurale.

[4]               Peu après l'audience du 15 mai 2013, Mme Exeter a demandé une copie de l'enregistrement. Conformément à la directive du protonotaire, le greffe a remis l'enregistrement à Mme Exeter sur une clé USB. Mme Exeter affirme que l'enregistrement sonore est incomplet étant donné que les commentaires négatifs que le protonotaire aurait formulés pendant l'audience ne sont pas enregistrés. Elle allègue que l'enregistrement a été modifié par un employé du greffe.

[5]               Madame Exeter a déposé une autre requête interlocutoire afin d'obtenir une ordonnance [TRADUCTION] « exigeant les services d'un expert en enregistrements sonores », selon toute vraisemblance dans le but d'obtenir la preuve que l'enregistrement avait été modifié. Mme Exeter a appuyé sa requête sur son propre affidavit qu'elle avait souscrit le 27 janvier 2014, auquel est joint l'affidavit de Claudette Williams, souscrit le 20 juin 2013. Mme Williams affirme avoir assisté à l'audience du 15 mai 2013 et avoir entendu les remarques défavorables que Mme Exeter attribue au protonotaire. Un juge de la Cour fédérale a ordonné le rejet de la requête de Mme Exeter et celle‑ci a interjeté appel. Je suis maintenant saisie d'une requête interlocutoire dans l'appel interjeté par Mme Exeter.

[6]               Le juge n'a pas donné de motifs distincts pour son ordonnance; toutefois, il semble, selon l'ordonnance, qu'il est parvenu aux conclusions suivantes : (1) Mme Exeter met en doute l'authenticité de l'enregistrement sonore qui lui a été remis; (2) il n'existe aucune preuve convaincante appuyant son allégation selon laquelle l'enregistrement a été modifié par le personnel du greffe; (3) même si l'allégation était prouvée, Mme Exeter n'a subi aucun préjudice en raison de la modification; (4) à la lumière de ces conclusions, il n'est pas utile de se pencher sur les arguments constitutionnels de Mme Exeter.

[7]               La loi confère à Mme Exeter le droit de porter un jugement ou une ordonnance de la Cour fédérale en appel. Elle n'est pas tenue d'obtenir l'autorisation d'interjeter appel. Aucune disposition d'une loi ou des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, ne permet expressément à la Cour de rejeter un appel sans audience pour l'un ou l'autre des motifs énoncés par la Couronne. Il n'existe aucun jugement publié où la Cour a rejeté un appel sans audience pour l'un des motifs énoncés par la Couronne dans la présente requête, ce qui signifie nécessairement que la seule jurisprudence pouvant être invoquée doit être appliquée par analogie.

[8]               Je conviens que la Cour a le pouvoir inhérent d'empêcher les abus de procédure et qu'elle peut exercer ce pouvoir en rejetant une requête sans audience. La Cour a parfois exercé ce pouvoir lorsqu'un appelant a tardé sans motif raisonnable à prendre les mesures requises afin de mettre l'appel en état d'être instruit ou lorsqu'un appelant a omis à plusieurs reprises de se conformer aux Règles ou aux ordonnances de la Cour. Également, un appel peut être rejeté sommairement lorsqu'il est manifeste, à la lecture de l'avis d'appel, que la Cour n'a pas compétence pour instruire l'appel (voir par exemple Rock‑St Laurent c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 192). Je conviens qu'en théorie, le rejet sommaire d'un appel peut être justifié en faisant une analogie avec des jugements ordonnant la radiation d'actes de procédure. Toutefois, le pouvoir de rejeter un appel sommairement pour ce motif doit être exercé avec modération et seulement lorsqu'il est manifeste que l'appel ne sera pas accueilli.

[9]               Le pouvoir de rejeter sommairement une instance est conféré à la Cour afin de lui permettre de contrôler ses propres procédures et d'éviter le gaspillage des ressources judiciaires limitées. Une audience exige des ressources importantes, mais a pour fonction cruciale de permettre aux parties de préciser les questions de droit et de fait soulevées dans l'avis d'appel et dans les mémoires des faits et du droit. La Cour tente de parvenir à ce but à l'audience en écoutant les parties et en les amenant à participer à une conversation où leurs arguments sont analysés et contestés. Une audience remplit également la fonction importante de permettre à l'appelant, qui estime invariablement qu'une injustice a été commise, d'être entendu par un tribunal impartial.

[10]           Dans le cas présent, la Couronne cherche à faire rejeter un appel sommairement parce qu'il serait non fondé, en ajoutant des allégations d'inconduite de la part de Mme Exeter afin d'ajouter du poids à son argument. Je n'exprime aucune opinion concernant la validité de ces allégations; toutefois, même si elles étaient fondées, elles ne démontrent pas le genre d'inconduite dont il est question au paragraphe 8 ci‑dessus.

[11]           Il faut donc se demander s'il est manifeste que l'appel est voué à l'échec. Mme Exeter a énoncé un certain nombre de moyens d'appel. Par exemple, elle a indiqué que le juge avait mal interprété sa requête, qu'il avait statué sur une question qui ne lui avait pas été présentée, qu'il n'avait pas suffisamment motivé son jugement et qu'il n'avait pas compris que son objectif était directement lié à son appel fondé sur l'article 51 des Règles (voir le paragraphe 3 ci‑dessus). Je n'émets aucune opinion concernant le bien‑fondé de ces moyens d'appel. Ces moyens pourraient être jugés recevables ou non; toutefois, il s'agit généralement de moyens sur lesquels la Cour se prononce après une audience. De manière implicite, plusieurs de ces moyens constituent une contestation de la conclusion du juge selon laquelle il n'existe aucune preuve appuyant les allégations factuelles de Mme Exeter. Je ne suis pas en mesure de conclure que l'appel est tellement indigne de l'attention de la Cour que Mme Exeter devrait se voir refuser une audience.

[12]           Pour ces motifs, la requête de la Couronne sera rejetée avec dépens en faveur de Mme Exeter quelle que soit l'issue de la cause.

« K. Sharlow »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

A-151-14

 

INTITULÉ :

RACHEL EXETER c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL, STATISTIQUE CANADA)

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE LA COUR :

 

LA JUGE SHARLOW 

DATE DES MOTIFS :

Le 4 juillet 2014

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Rachel Exeter

pour son propre compte

 

POUR L'APPELANTE

Lea Bou Karam

 

POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rachel Exeter

pour son propre compte

Ottawa (Ontario)

 

POUR L'APPELANTE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L'INTIMÉ

 

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