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Date : 20140522

 

Dossier : A-71-13

 

Référence : 2014 CAF 135

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

WEBASTO PRODUCT NORTH AMERICA, INC.

appelante

et

SHASTA EQUITIES LTD. ET LORNE SHANDRO

intimés

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 12 décembre 2013

 

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 mai 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

 

 

Y SONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

 

LA JUGE TRUDEL

 

 

 


 


Date : 20140522

 

Dossier : A-71-13

 

Référence : 2014 CAF 135

 

CORAM :      LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE TRUDEL

                        LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

WEBASTO PRODUCT NORTH AMERICA, INC.

appelante

et

SHASTA EQUITIES LTD. ET LORNE SHANDRO

intimés

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NEAR

INTRODUCTION

[1]               L'appelante, Webasto Product North America, Inc., interjette appel de l'ordonnance du 30 janvier 2013, répertoriée sous la référence 2013 CF 101, par laquelle le juge Harrington (le juge des requêtes) a conclu que l'un des documents en cause dans un litige sous‑jacent était protégé par le secret professionnel de l'avocat et que les autres documents étaient protégés par le privilège relatif aux litiges. Par le fait même, le juge des requêtes a annulé l'ordonnance rendue le 30 novembre 2012 par le protonotaire Lafrenière (le protonotaire), qui avait conclu qu'aucun des documents n'était protégé par le privilège relatif aux litiges.

 

[2]               Pour les motifs exposés ci‑après, j'accueillerais l'appel en partie.

 

I.          LES FAITS

[3]               Pour les besoins du présent appel, un bref rappel des faits suffira.

 

[4]               Les intimés, Shasta Equities Ltd. et Lorne Shandro, sont propriétaires d'un yacht, l'Helios I, ou ont un droit sur ce dernier. Ce yacht était équipé d'un appareil de chauffage fabriqué par l'appelante, Webasto Product North America, Inc.

 

[5]               Le matin du 13 octobre 2009, un incendie a éclaté à bord de l'Helios I alors qu'il était amarré à la marina de Coal Harbour, à Vancouver, en Colombie‑Britannique. L'incendie a causé des dommages aux navires et aux biens qui se trouvaient aux alentours. Plus tard ce jour‑là, Paul Mendham, le courtier d'assurance des intimés, a été mis au courant de l'incendie et a pris contact avec Timothy McGivney, d'Aegis Marine Surveyors Ltd., et Chris Reed, de Sereca Fire Consulting Ltd. Il leur a confié le mandat de se rendre sur les lieux et d'enquêter sur les faits liés à la cause de l'incendie, en les avisant qu'il retiendrait sous peu les services d'un avocat qui leur donnerait des instructions et de qui ils relèveraient concernant leur enquête.

 

[6]               Le même jour, M. Mendham a chargé Me Kim Wigmore, du cabinet d'avocats Whitelaw Twining Law Corporation, de mener les enquêtes nécessaires au sujet de l'incendie. M. Mendham se disait que les propriétaires des autres navires de plaisance endommagés présenteraient peut‑être des réclamations. Au cours de l'après‑midi, l'avocat mandaté par certains de ces propriétaires a téléphoné au bureau de Me Wigmore afin de demander une inspection commune de l'Helios I, ce à quoi Me Wigmore a consenti.

 

[7]               Le 13 octobre 2009, Me Wigmore a chargé Aegis Marine Surveyors Ltd. de faire une inspection préliminaire et de lui présenter un rapport d'expertise. M. Shandro, d'autres propriétaires de yachts, des membres des services de police et d'incendie de Vancouver et des représentants de la marina, de la Société du port de Vancouver et de la Garde côtière canadienne étaient présents durant l'inspection, comme le signale le juge des requêtes au paragraphe 15 de ses motifs. Toujours le 13 octobre 2009, Me Wigmore a également demandé à Sereca Fire Consulting Ltd. de faire enquête sur les événements entourant l'incendie et de lui présenter un rapport.

 

[8]               Le 4 novembre 2009, Me Wigmore a demandé au cabinet Canadian Claims Services Inc. de mener une entrevue avec M. Shandro et de lui remettre un rapport.

 

[9]               L'appelante demande la production des divers rapports d'inspection et des documents connexes à l'égard desquels les intimés revendiquent un privilège relatif aux litiges, et, dans le cas d'un document, le privilège du secret professionnel de l'avocat. Les documents en question correspondent aux numéros 3 à 20 et 22 de la liste établie à l'annexe 2 du projet de troisième affidavit de documents supplémentaire modifié (les documents litigieux).

 

II.        L'HISTORIQUE DE L'INSTANCE

[10]           Le 18 mai 2011, plusieurs personnes dont les biens ont été endommagés par l'incendie qui a pris naissance à bord de l'Helios I ont intenté une action contre les intimés devant la Cour fédérale.

 

[11]           Le 15 juin 2011, les intimés ont déposé une réclamation contre l'appelante au motif que l'appareil de chauffage installé à bord de l'Helios I avait [TRADUCTION] « entraîné, causé ou accéléré » l'incendie. L'appelante a donc été jointe à l'action en qualité de défenderesse et de mise en cause.

 

[12]           En cours d'instance, les intimés ont revendiqué un privilège relatif aux litiges à l'égard des documents litigieux. Le 19 septembre 2012, l'appelante a présenté une requête par laquelle elle demandait notamment la communication de ces documents.

 

a.         L'ordonnance du protonotaire

[13]           Le protonotaire a ordonné la production de tous les documents litigieux. Après avoir appliqué le critère à deux volets établi pour le privilège relatif aux litiges, il a conclu que les intimés n'avaient pas fait la preuve 1) qu'on envisageait de façon raisonnable le litige à la date d'établissement des documents litigieux, 2) que l'établissement des documents avait pour objet principal la préparation de ce litige : ordonnance du protonotaire Lafrenière, 30 novembre 2012 (l'ordonnance du protonotaire), à la page 5.

 

[14]           En ce qui a trait au premier volet du critère, le protonotaire a souligné que la possibilité que des parties exercent un recours existait, mais que jusqu'à ce qu'ils procèdent à une enquête préliminaire sur les causes de l'incendie, ni les intimés ni leur assureur n'étaient en mesure d'estimer quelle était la probabilité que cette éventualité se réalise : ordonnance du protonotaire, à la page 5.

 

[15]           Concernant le deuxième volet du critère, il a conclu, en se fondant sur l'affidavit de Me Wigmore, qu'il y avait plus d'une motivation derrière l'établissement des documents litigieux : ordonnance du protonotaire, à la page 5. Vu le caractère confus et imprécis de la preuve, il a jugé que les documents n'avaient pas été [TRADUCTION] « “totalement ou principalement” établis en prévision d'un litige » : ordonnance du protonotaire, à la page 6.

 

b.         L'ordonnance du juge des requêtes

[16]           Le juge des requêtes a accueilli l'appel après avoir conclu que l'un des documents était protégé par le secret professionnel de l'avocat et tous les autres, par le privilège relatif aux litiges, à l'exception toutefois des rapports d'inspection annexés à l'un des documents litigieux, qui avaient été rédigés avant l'incendie.

 

[17]           Le juge a d'abord déterminé qu'il s'agissait, dans cet appel, de décider si certains documents étaient soustraits à la communication pour cause de privilège : motifs du juge Harrington du 30 janvier 2013, 2013 CF 101 (les motifs du juge des requêtes), au paragraphe 1.

 

[18]           Ayant conclu que l'ordonnance du protonotaire n'était pas de nature discrétionnaire, le juge des requêtes a refusé d'appliquer la norme de contrôle qui s'impose à l'égard de telles ordonnances : motifs du juge des requêtes, au paragraphe 36. Dans le raisonnement par lequel il est arrivé à cette conclusion, il mentionne que les deux parties s'étaient présentées devant lui en tenant pour acquis que le protonotaire avait rendu une décision de nature discrétionnaire.

 

[19]           Dans une remarque incidente, le juge des requêtes ajoute que si l'ordonnance avait été de nature discrétionnaire, il aurait eu à se demander si son effet possible était déterminant pour l'issue du principal : motifs du juge des requêtes, au paragraphe 23. Or, selon lui, la question « n'est pas de savoir si la production des documents est déterminante pour l'issue du principal, mais plutôt de savoir si elle est déterminante pour l'idée fondamentale que nous nous faisons de la justice » : motifs du juge des requêtes, au paragraphe 27. Il n'est pas nécessaire que je me prononce sur la justesse de cet énoncé et je m'abstiendrai de le faire.

 

[20]           Le juge des requêtes a appliqué la norme de contrôle énoncée dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. Il a d'abord conclu que le protonotaire avait commis une erreur de droit, car il aurait dû conclure qu'un des documents était protégé par le secret professionnel de l'avocat : motifs du juge des requêtes, au paragraphe 37.

 

[21]           Le juge des requêtes a ensuite conclu que les autres documents bénéficiaient tous du privilège relatif aux litiges : motifs du juge des requêtes, au paragraphe 38. À son avis, en n'arrivant pas à la conclusion que les parties se trouvaient dans une position contradictoire avant même que ne soient établis les documents litigieux, le protonotaire avait commis une erreur manifeste et dominante dans ses conclusions de fait. Le juge a conclu que l'intervention de Me Wigmore avait pour seul objet d'assurer la défense de l'Helios I contre d'éventuelles réclamations : motifs du juge des requêtes, au paragraphe 41. Ce constat a amené le juge à conclure que l'établissement des documents avait pour objet principal la préparation d'un litige.

 

III.       LA QUESTION EN LITIGE

[22]           Les ordonnances susmentionnées soulèvent la question suivante : le juge des requêtes a‑t‑il commis une erreur en annulant la décision du protonotaire?

 

IV.       ANALYSE

a.         La norme de contrôle

[23]           La norme de contrôle que doit appliquer la Cour à la décision du juge des requêtes est énoncée au paragraphe 18 de l'arrêt Z.I. Pompey Industrie c. ECU‑Line N.V., 2003 CSC 27, [2003] 1 R.C.S. 450, et consiste à déterminer « si le juge des requêtes n'avait aucun motif de modifier la décision du protonotaire ou, advenant l'existence d'un tel motif, si la décision du juge des requêtes était mal fondée ou manifestement erronée ».

 

[24]           Avant d'examiner les documents litigieux afin de décider si un motif quelconque permettait au juge des requêtes de modifier la décision du protonotaire ou si son intervention est mal fondée ou est manifestement erronée, il importe de présenter brièvement les principes généraux applicables au privilège relatif aux litiges.

 

b.         Le privilège relatif aux litiges

[25]           La partie qui revendique un privilège relatif aux litiges doit, pour chaque document concerné, établir ce qui suit :

a)         le litige était en cours, ou raisonnablement envisagé, à la date d'établissement du document;

b)         le document a été créé principalement en vue du litige.

 

Voir Blank c. Canada (Ministre de la Justice), 2006 CSC 39, [2006] 2 R.C.S. 319, au paragraphe 60.

 

[26]           Les tribunaux ont formulé divers facteurs destinés à vérifier si des documents ont été établis principalement en vue d'un litige. Au paragraphe 12 du jugement Jordan et al. c. Towns Marine Electronics Ltd. et al., [1996] A.C.F. no 605 (QL), le juge Marc Noël a mentionné, au nombre des considérations pertinentes, ce qui suit :

1)         l'identité de l'auteur du rapport et de la personne qui en a commandé la rédaction;

2)         la date à laquelle les rapports ont été produits;

3)         la date à laquelle les assureurs ont mandaté un avocat;

4)         l'identité des parties auxquelles les rapports étaient adressés;

5)         le contenu des rapports en soi.

 

[27]           Pour pouvoir conclure au privilège relatif aux litiges, il faut que le document remplisse les deux critères applicables, à savoir qu'un litige était en cours, ou raisonnablement envisagé, à la date où le document a été établi et que son établissement avait pour objet principal ce litige. C'est à la partie qui revendique le privilège qu'il appartient de faire la démonstration du respect de ces critères à l'égard de chaque document visé.

 

c.         Application aux faits de l'espèce

[28]           À mon avis, il est nécessaire d'examiner les documents litigieux. En ayant à l'esprit les principes généraux susmentionnés, je me propose maintenant d'examiner chacun des documents. Par souci de commodité, j'en reproduis la liste ici :

No

Date

Description

3

14 octobre 2009

Rapport remis à Me Kim Wigmore par Aegis Marine Surveyors Ltd.

 

4

20 octobre 2009

Rapport remis à Me Kim Wigmore par Sereca Fire Consulting Ltd.

 

5

15 novembre 2009

Rapport remis à Me Kim Wigmore par Canadian Claims Services Inc. et auquel est annexée une déclaration de Lorne Shandro

 

6-20

6 janvier 2010

Courriels d'Aegis Marine Surveyors Ltd. envoyés à Ginelle Hocaluk (Whitelaw Twining), avec photographies en pièces jointes

 

22

19 mars 2011

Rapport remis à Me Kim Wigmore par Canadian Claims Services Inc.

 

Le document no 3

[29]           Le protonotaire a conclu que le document no 3 n'était pas protégé par le privilège relatif aux litiges. Au vu du dossier, il a jugé qu'aucun litige n'était en cours ni raisonnablement envisagé au moment de l'établissement du document. La question à laquelle notre Cour doit maintenant répondre est celle de savoir si le juge des requêtes avait des motifs de modifier la décision du protonotaire. Le document no 3 est le rapport initial remis par Aegis Marine Surveyors Ltd. Le jour de l'incendie, le courtier d'assurance, M. Mendham, a d'abord pris contact avec cette société et a retenu ses services en l'informant de son intention de retenir les services d'un avocat plus tard dans la journée.

 

[30]           Le document no 3 a été remis à Me Wigmore le 14 octobre 2009. Même s'il était possible qu'une poursuite soit intentée, comme c'est presque toujours le cas lors d'un sinistre provoqué par un incendie, aucune des parties n'était en mesure d'apprécier la nature et les circonstances de l'incident. Elles en étaient à enquêter sur les faits et les circonstances entourant la cause et l'origine de l'incendie et sur les dommages consécutifs. En outre, le rapport est qualifié de rapport provisoire et son contenu correspond à celui d'un examen préliminaire portant sur les événements qui ont eu lieu le jour de l'incendie. Ce constat permet de conclure que les parties en étaient au stade préliminaire de l'enquête.

 

[31]           À mon avis, le dossier étaye la conclusion du protonotaire selon laquelle aucun litige n'était en cours ou raisonnablement envisagé au moment de l'établissement du document. Il n'y avait donc pas lieu de modifier la conclusion du protonotaire ni son appréciation des faits.

 

Le document no 4

[32]           Au vu du dossier dont il disposait, le protonotaire a conclu que le document no 4 n'était pas protégé par le privilège relatif aux litiges puisqu'aucun litige n'était en cours ni raisonnablement envisagé au moment de son établissement. Le document no 4 est un rapport rédigé par M. Reed, de Sereca Fire Consulting Ltd., le 20 octobre 2009, soit une semaine après l'incendie. Le courtier d'assurance, M. Mendham, a aussi pris contact initialement avec Sereca le jour de l'incendie. D'après la preuve produite, M. Reed a parlé à Me Wigmore un peu plus tard ce jour‑là et aurait ainsi appris que les avocats de plusieurs propriétaires d'autres yachts avaient demandé une inspection commune de l'Helios I. Me Wigmore lui aurait demandé sa coopération à l'égard de cette inspection.

 

[33]           Le juge des requêtes a conclu que la demande d'inspection commune adressée le jour de l'incendie signifiait que les parties se trouvaient dans une situation contradictoire et que le protonotaire avait mal apprécié les faits en arrivant à la conclusion inverse : motifs du juge des requêtes, au paragraphe 41. Or, à mon avis, le fait que les avocats représentant d'autres parties initient un contact afin de demander de collaborer à l'enquête initiale sur l'incendie le jour où celui‑ci a eu lieu ne suffit pas à transformer une enquête préliminaire en situation contradictoire.

 

[34]           Le rapport de Sereca est concis et majoritairement composé de photographies prises sur les lieux du sinistre. L'auteur y énonce des hypothèses quant aux diverses causes possibles de l'incendie et conclut que ces hypothèses nécessitent des analyses plus poussées, avant de préciser que Sereca attend des directives supplémentaires.

 

[35]           Comme pour le document no 3, le juge des requêtes n'avait à mon avis aucun motif de modifier la décision du protonotaire. Le dossier étaye la conclusion de ce dernier selon laquelle aucun litige n'était en cours ou raisonnablement envisagé au moment de l'établissement du document. Il n'y avait donc pas lieu de modifier la conclusion du protonotaire ni son appréciation des faits.

 

Le document no 5

[36]           Le document no 5 est un rapport remis par Canadian Claims Services Inc. à Me Wigmore. Est annexée à ce rapport une longue déclaration détaillée de M. Shandro. Les services de Canadian Claims Services ont été retenus directement par Me Wigmore le 4 novembre 2009. L'entrevue avec M. Shandro a eu lieu à Edmonton, son lieu de résidence, le 13 novembre suivant.

 

[37]           Le juge des requêtes a conclu que le document no 5 était protégé par le secret professionnel de l'avocat : motifs du juge des requêtes, au paragraphe 37. Il n'explique pas pourquoi ce privilège s'appliquerait au document no 5, sauf pour affirmer en termes généraux qu'à son avis, les parties étaient dans une relation de nature contradictoire depuis le jour de l'incendie.

 

[38]           Les intimés n'ont jamais revendiqué le secret professionnel de l'avocat à l'égard du document no 5. À mon avis, le juge des requêtes a conclu à tort que le document no 5 était protégé par un privilège qui n'avait pas été invoqué.

 

[39]           Le document no 5 diffère des documents nos 3 et 4 à plusieurs égards :

1)         l'enquêteur a été directement mandaté par l'avocat;

2)         il a été rédigé quelque temps après la date de l'incendie et après la réception des rapports préliminaires aux documents nos 3 et 4, à un moment où un litige était plus aisément envisageable;

3)         l'entrevue est beaucoup plus exhaustive et se rapproche, par sa nature, de l'interrogatoire d'un éventuel témoin.

 

[40]           Le protonotaire a estimé que les documents litigieux, y compris le document no 5, avaient été établis à plus d'une fin. Compte tenu de ces multiples objets, il a conclu que l'application du privilège relatif aux litiges n'avait pas été démontrée. À mon avis, c'est sur cet aspect de la décision du protonotaire que le juge des requêtes était fondé à intervenir. Bien que de multiples raisons puissent motiver l'établissement d'un document, le principal objet peut être la préparation d'un litige. Compte tenu de cette réalité et des autres facteurs susmentionnés qui le distinguent des documents nos 3 et 4, le document no 5 est protégé par le privilège relatif aux litiges.

 

Les documents nos 6 à 20

[41]           Les documents nos 6 à 20 sont de très brefs courriels qui ont été envoyés par Aegis Marine Surveyors Ltd. au cabinet Whitelaw Twining et auxquels des photographies ont été jointes. Ils sont tous datés du 6 janvier 2010. Les photographies ont déjà été communiquées au cours de l'enquête préalable. Les courriels font état des plus récentes estimations des enquêteurs quant aux dommages causés aux autres navires et indiquent quelles sont les réparations jugées économiquement viables. Le 6 janvier 2010, il était raisonnable d'envisager un litige, et les documents 6 à 20 ont été établis principalement en vue de s'y préparer. À mon avis, le dossier étaye la conclusion du juge des requêtes, lequel a estimé, en se fondant sur leur contenu, que les documents étaient protégés par le privilège relatif aux litiges. Cela dit, il est intéressant de relever les remarques qu'il formule au paragraphe 43 de ses motifs : « Les parties sont bien conscientes qu'un fait n'est pas soustrait à la divulgation parce qu'il a été constaté par un expert, voire par un avocat. Quand le représentant d'une partie est prié, au cours de l'enquête préalable, de dire ce qu'il tient pour véridique sur la foi de renseignements concernant tel ou tel aspect, les faits et les renseignements doivent être divulgués quelle que soit leur source. »

 

Le document no 22

[42]           Pour finir, le document no 22 est un rapport très concis du 19 mars 2011 que Canadian Claims Services Inc. a adressé à Me Wigmore. Il s'agit simplement d'une mise à jour du dossier accompagnée du dernier état de compte de la société. Je conviens avec le juge des requêtes que ce document est également protégé par le privilège relatif aux litiges, et ce, pour des raisons identiques à celles exposées relativement aux documents nos 6 à 20.

 

CONCLUSION

[43]           Pour les motifs qui précèdent, j'accueillerais l'appel en partie, avec dépens à l'appelante, et j'annulerais l'ordonnance du juge des requêtes. Les documents nos 3 et 4 ne sont protégés par aucun privilège et doivent être communiqués dans les 30 jours suivant la date du jugement accompagnant les présents motifs. Les autres documents sont protégés par le privilège relatif aux litiges.

 « David G. Near »

j.c.a.

 

« Je suis d'accord.

            Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

 

« Je suis d'accord.

            Johanne Trudel, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :

A-71-13

 

APPEL DE L'ORDONNANCE DU 30 JANVIER 2013 RENDUE PAR LE JUGE HARRINGTON DANS LE DOSSIER NO T-877-11

 

INTITULÉ :

WEBASTO PRODUCT NORTH AMERICA, INC. c. SHASTA EQUITIES LTD.

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 12 DÉCEMBRE 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 MAI 2014

 

COMPARUTIONS :

 

J. DOYLE

VERNON J. PAHL

POUR L'AppelantE

 

 

MICHAEL SILVA

FRANCO CABANOS

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Guild Yule LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR L'AppelantE

 

 

Whitelaw Twining Law Corporation

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LES INTIMÉS

 

 

 

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