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Date : 20140107


Dossier :

A-192-13

 

Référence : 2014 CAF 1

CORAM :     

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MAINVILLE

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

DAVID JOLIVET

demandeur

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR (SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA)

défendeur

 

Audience tenue à Ottawa, le 7 janvier 2014

Jugement prononcé à l’audience à Ottawa (Ontario), le 7 janvier 2014

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                               LA JUGE SHARLOW

 


Date : 20140107


Dossier :

A-192-13

 

Référence : 2014 CAF 1

CORAM :     

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MAINVILLE

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

DAVID JOLIVET

demandeur

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR (SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA)

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 7 janvier 2014)

LA JUGE SHARLOW

[1]        Le demandeur, M. Jolivet, est membre de la Canadian Prisoners’ Labour Confederation (CPLC), organisation réunissant des détenus incarcérés dans des établissements correctionnels fédéraux et ayant pour objet d’obliger le Service correctionnel du Canada à s’engager dans un processus de négociation collective au sujet des conditions applicables aux détenus participant à des programmes de travail en établissement.

 

[2]        M. Jolivet, après que les représentants du Service correctionnel du Canada lui ont refusé ainsi qu’à d’autres organisateurs de la CPLC le droit de recruter à l’Établissement de Kent, a déposé auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique une plainte fondée sur l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, alléguant une contravention au paragraphe 186(1) de la Loi, lequel est ainsi conçu :

186. (1) Il est interdit à l’employeur et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, qu’il agisse ou non pour le compte de l’employeur :

 

 

a) de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale ou d’intervenir dans l’une ou l’autre ou dans la représentation des fonctionnaires par celle-ci;

 

b) de faire des distinctions illicites à l’égard de toute organisation syndicale.

186. (1) Neither the employer nor a person who occupies a managerial or confidential position, whether or not the person is acting on behalf of the employer, shall

 

(a) participate in or interfere with the formation or administration of an employee organization or the representation of employees by an employee organization; or

 

(b) discriminate against an employee organization.

 

 

 

[3]        La Commission a rejeté la plainte sans examen au fond. M. Jolivet demande à présent le contrôle judiciaire de cette décision. Après avoir examiné avec soin le dossier ainsi que l’argumentation écrite et orale de M. Jolivet, nous sommes arrivés à la conclusion, pour les motifs exposés ci‑dessous, qu’il y a lieu de rejeter la demande.

 

[4]        La Commission a estimé que la plainte ne relevait pas de sa compétence, parce que les détenus d’établissements correctionnels fédéraux participant à un programme de travail en établissement n’étant pas nommés par la Commission de la fonction publique à un poste créé par le Conseil du Trésor, ils ne sont pas des fonctionnaires au sens du paragraphe 2(1) de la Loi. Cette conclusion s’inscrit dans une jurisprudence constante comprenant l’arrêt de principe Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1991] 1 R.C.S. 614 (souvent appelé arrêt Econosult).

[5]        M. Jolivet a invoqué de nombreux arguments à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire, mais sa position est essentiellement axée sur deux éléments. Il soutient d’abord que l’arrêt Econosult n’est plus juridiquement valable. Il fait ensuite valoir qu’en rejetant la plainte sans examen au fond, la Commission a dérogé à plusieurs principes juridiques et constitutionnels importants et a notamment porté atteinte à ses droits au chapitre de la liberté d’association et de la liberté d’expression garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.

 

[6]        La compétence de la Commission est définie par la Loi. Il tombe sous le sens que la Commission n’est habilitée à procéder à un examen au fond de la plainte de M. Jolivet que si cette plainte relève des attributions que la Loi a conférées à cet organisme.

 

[7]        La plainte de M. Jolivet a nécessairement pour prémisse que les détenus participant aux programmes de travail en établissement, dont il fait partie, sont visés par la Loi. La Commission a déclaré cette prémisse erronée en se fondant sur les définitions de « fonctionnaire » et d’« organisation syndicale » énoncées au paragraphe 2(1) de la Loi, de sorte qu’elle ne pouvait faire autrement que de se déclarer sans compétence pour examiner la plainte au fond ou pour statuer sur les arguments constitutionnels de M. Jolivet. La Cour ne saurait intervenir dans cette conclusion à moins qu’il n’existe un motif juridique justifiant de l’annuler.

 

[8]        Les parties ne s’entendent pas au sujet de la norme applicable au contrôle judiciaire en l’espèce. Il n’est pas nécessaire de trancher cette question, selon nous, parce que l’issue serait la même que l’on applique la norme de la décision raisonnable ou celle de la décision correcte.

 

[9]        Nous souscrivons tant à la décision de la Commission qu’à ses motifs. Nous estimons, plus particulièrement, que son appréciation factuelle est conciliable avec la preuve dont elle disposait, qu’elle a bien expliqué son analyse de la jurisprudence et des dispositions législatives applicables et que le raisonnement qui la sous‑tend est valide. Nous estimons notamment que les principes formulés dans l’arrêt Econosult, sur lequel la Commission s’est fondée, liaient la Commission comme ils lient la Cour.

 

[10]      Bien que les règles régissant l’emploi dans la fonction publique aient évolué depuis l’arrêt Econosult, le principe fondamental établissant qu’il est assujetti à des formalités légales particulières demeure valide. Les détenus participant à des programmes de travail appliqués par le Service correctionnel du Canada n’ont pas été nommés à un poste de la fonction publique fédérale. En conséquence, ils ne sont pas des « fonctionnaires » au sens de la Loi.

 

[11]      La Couronne n’a pas requis les dépens. Toutefois, M. Jolivet a demandé que les dépens lui soient adjugés quelle que soit l’issue de la cause. La Cour a pour règle de n’adjuger les dépens à la partie déboutée que dans des circonstances exceptionnelles, et nous ne sommes pas convaincus de l’existence de telles circonstances en l’espèce.

 

[12]      La demande de contrôle judiciaire sera rejetée sans dépens.

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DoSSIER :

                                                                                                A-192-13

(APPEL DE LA DÉCISION 2013 CRTFP 1, RENDUE LE 3 JANVIER 2013 PAR UNE FORMATION DE LA Commission des relations de travail dans la fonction publique constituée de KATE ROGERS, DANS LE DOSSIER N561‑02‑539.)

 

INTITULÉ :

DAVID JOLIVET c. CONSEIL DU TRÉSOR (SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                                                                Ottawa

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                                                                LE 7 JANVIER 2014

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                   

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MAINVILLE

LE JUGE NEAR

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

                                                                                                LA JUGE SHARLOW

COMPARUTIONS :

Jeff Ewert

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Richard E. Fader

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

S/O

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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