Date : 20250929
Dossiers : A-10-24 (dossier principal)
A-11-24
A-16-24
Référence : 2025 CAF 176
[TRADUCTION FRANÇAISE]
CORAM : |
LE JUGE BOIVIN LA JUGE ROUSSEL LA JUGE GOYETTE |
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Dossier : A-10-24 |
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ENTRE : |
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SA MAJESTÉ LE ROI |
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appelant |
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HUTCHISON WHAMPOA LUXEMBOURG HOLDINGS S.À R.L. |
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intimée |
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Dossier : A-11-24 |
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SA MAJESTÉ LE ROI |
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L.F. MANAGEMENT AND INVESTMENT S.À R.L. |
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Dossier : A-16-24 |
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ET ENTRE : |
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HUSKY ENERGY INC. |
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appelante |
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SA MAJESTÉ LE ROI |
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intimé |
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Audience tenue à Toronto (Ontario), le 3 décembre 2024.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 septembre 2025.
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LA JUGE GOYETTE |
Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE BOIVIN LA JUGE ROUSSEL |
Date : 20250929
Dossiers : A-10-24 (dossier principal)
A-11-24
A-16-24
Référence : 2025 CAF 176
CORAM : |
LE JUGE BOIVIN LA JUGE ROUSSEL LA JUGE GOYETTE |
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Dossier : A-10-24 |
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ENTRE : |
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SA MAJESTÉ LE ROI |
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appelant |
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HUTCHISON WHAMPOA LUXEMBOURG HOLDINGS S.À R.L. |
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Dossier : A-11-24 |
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HUSKY ENERGY INC. |
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SA MAJESTÉ LE ROI |
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MOTIFS DU JUGEMENT
LA JUGE GOYETTE
[1] Le Canada exige que soit retenu de l’impôt sur les dividendes que les sociétés canadiennes paient à des non-résidents. Bien que le taux légal des retenues soit de 25 %, le Canada réduit invariablement ce taux par des traités fiscaux bilatéraux qu’il conclut avec d’autres pays. Toutefois, ces traités ne prévoient pas tous la même réduction. Par exemple, si certaines conditions sont remplies, le taux des retenues d’impôt prévu par le traité entre le Canada et la Barbade peut être réduit à 15 %, tandis que celui prévu dans le traité entre le Canada et le Luxembourg peut être réduit à 5 %.
[2] En 2003, peu avant que Husky Energy Inc. ne paie des dividendes importants, trois de ses actionnaires, résidentes de la Barbade, ont prêté leurs actions à des sociétés liées du Luxembourg dans le cadre d’accords de prêt de titres. Husky a payé les dividendes aux sociétés luxembourgeoises et celles-ci ont par la suite rendu les actions aux actionnaires de la Barbade. La Cour canadienne de l’impôt (la Cour de l’impôt) devait juger si les sociétés luxembourgeoises étaient les bénéficiaires effectifs des dividendes et en conséquence pouvaient se prévaloir du taux de retenue de 5 % prévu par le traité entre le Canada et le Luxembourg. La Cour de l’impôt a conclu qu’elles ne l’étaient pas : Husky Energy Inc. c. Le Roi, 2023 CCI 167 (la décision de la CCI). Je suis d’accord et je rejetterais les appels.
I. Contexte
[3] Avant de présenter les opérations en cause dans leurs particularités, il convient de résumer les dispositions législatives et les clauses des traités applicables.
A. Le contexte légal
[4] Le paragraphe 212(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), dispose que toute personne non-résidente paie un impôt sur le revenu de 25 % sur toute somme qu’une société résidant au Canada lui paie. Les traités fiscaux entre le Canada et d’autres pays peuvent prévoir des taux inférieurs.
[5] Par exemple, selon le traité que le Canada a conclu avec la Barbade, lorsque le bénéficiaire effectif de dividendes est un résident de la Barbade, le taux d’imposition canadien est réduit à 15 % : paragraphe X.2. de l’Accord entre le Canada et la Barbade tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, R.T. Can. 1980 no 29 (intégré au droit canadien par la Loi de 1980 sur l’Accord Canada-Barbade en matière d’impôt sur le revenu, S.C. 1980-81-82-83, ch. 44, ann. IX) (le traité avec la Barbade).
[6] De même, selon le traité que le Canada a conclu avec le Luxembourg, le taux est réduit à 5 % lorsque le bénéficiaire effectif des dividendes est un résident du Luxembourg satisfaisant à certaines conditions minimales de propriété ou de droits de vote : alinéa 10.2.a. de la Convention entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir la fraude fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, R.T. Can. 2000 no 22 (intégré au droit canadien par la Loi de 1999 pour la mise en œuvre de conventions fiscales, L.C. 2000, ch. 11, ann. IX) (le traité avec le Luxembourg).
[7] Lorsqu’un traité prévoit un taux inférieur à celui de 25 % prévu par la Loi de l’impôt sur le revenu, le taux inférieur s’applique : paragraphe 10(6) des Règles concernant l’application de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 2 (5e suppl.).
[8] Le paragraphe 215(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu exige que la société qui paie des dividendes à un non-résident retienne l’impôt exigible et le remette au receveur général du Canada au nom du non-résident. Donc, si une société canadienne paie des dividendes de 100 $ à une personne résidente de la Barbade qui en est le bénéficiaire effectif, la société canadienne retiendra 15 $ et remettra cette somme au receveur général. Si le bénéficiaire effectif des dividendes est un résident du Luxembourg qui satisfait aux autres conditions énoncées à l’alinéa 10.2.a. du traité avec le Luxembourg, la société canadienne devra retenir 5 $ et les remettre au receveur général.
[9] Enfin, le paragraphe 215(6) de la Loi de l’impôt sur le revenu dispose que, si la société canadienne omet de retenir la bonne somme, elle est tenue de verser, au nom du non-résident, la totalité de la somme qui aurait dû être déduite ou retenue.
[10] Les dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu et des traités sont reproduites à l’annexe A des présents motifs.
B. Les faits
[11] La Cour de l’impôt présente les faits en détail dans sa décision. Dans les présents motifs, seuls les faits essentiels sont présentés, et ils le sont d’une manière simplifiée. Bien qu’en réalité, certains versements aient été effectués en dollars américains, par souci de simplicité, l’équivalent en dollars canadiens est utilisé dans les présents motifs, lequel a été calculé conformément au taux de change dont les parties ont convenu dans l’exposé conjoint partiel des faits (l’ECPF) : (dossier d’appel commun, p. 301).
[12] Durant la période pertinente, Husky était une société cotée en bourse, résidente du Canada, qui exploitait une entreprise dans le secteur pétrolier et gazier. Collectivement, ses actions, toutes des actions ordinaires, valaient de 15 à 20 milliards de dollars : décision de la CCI au para. 45.
[13] Au 30 juin 2003, trois sociétés résidentes de la Barbade (les sociétés barbadiennes) détenaient environ 71,5 % des actions de Husky. Plus précisément, U.F. Investments (Barbados) Limited (SocBarbade #1) en possédait 35 %, et L.F. Investments (Barbados) Limited et H.F. Investments (Barbados) Ltd. (ci-après appelées collectivement SocBarbade #2) en possédaient ensemble 36,5 %. Le public détenait les 28,5 % restantes : ECPF au para. 8.
[14] Au début de juillet 2003, Husky a fait part de son intention de déclarer un dividende exceptionnel d’un montant considérablement supérieur aux dividendes trimestriels qu’elle payait : décision de la CCI aux para. 2, 81 et 124. Si Husky payait le dividende exceptionnel aux sociétés barbadiennes, les paragraphes 212(2) et 215(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu et le paragraphe X.2. du traité avec la Barbade l’auraient obligée à retenir 15 % du dividende et à remettre cette somme au receveur général. Dans le but de réduire ce taux, les sociétés barbadiennes ont consulté des conseillers fiscaux, qui ont établi le plan décrit aux paragraphes suivants : opinion du cabinet comptable Ernst & Young datée du 7 janvier 2004; dossier d’appel commun à la p 2287; décision de la CCI aux para. 125 à 127 et 153.
[15] Le 22 juillet 2003, chacune des sociétés barbadiennes a conclu un accord de prêt de titres avec une société résidente du Luxembourg à laquelle elle était liée, c’est-à-dire une société dont les actionnaires de contrôle indirect étaient les mêmes que ceux de la société barbadienne en question. SocBarbade #1 a conclu un accord de prêt de titres avec une société existante, Hutchison Whampoa Europe Investments S.à r.l. (SocLux #1). Quant à SocBarbade #2, elle a conclu un accord de prêt de titres avec une société qui a été créée pour la mise en œuvre du plan, L.F. Luxembourg S.à r.l. (SocLux #2) : ECPF aux para. 23 et 29.
[16] Comme l’a souligné Husky, les accords de prêt de titres en cause (les accords de prêt de titres) étaient rédigés suivant le contrat type dit « accord international de prêt de titres »
(overseas securities lender’s agreement) publié par l’International Securities Lending Association. Le contrat type prévoyait que les sociétés barbadiennes prêteraient des actions de Husky aux sociétés luxembourgeoises et remettraient les documents nécessaires pour leur en conférer le titre de propriété à la réception de demandes d’emprunt donnant des précisions sur la description, le titre et le nombre d’actions demandées ainsi que la durée du prêt. En outre, le contrat type obligeait les sociétés luxembourgeoises à fournir des garanties pour les prêts et à rendre des actions équivalentes aux sociétés barbadiennes conformément à l’accord : accords de prêt de titres, dossier d’appel commun aux pp 390, 477 et 515.
[17] Le 22 juillet 2003 également, les sociétés luxembourgeoises ont envoyé des demandes d’emprunt aux sociétés barbadiennes (les demandes d’emprunt) visant toutes les actions de Husky que ces dernières possédaient, pour un prêt se terminant au plus tard le 20 novembre 2003 : ECPF aux para. 23, 25, 29 et 31. Aux termes des demandes d’emprunt, chaque société luxembourgeoise devait payer à la société barbadienne correspondante des [traduction] « frais d’emprunt »
de 50 000 $. De plus, toujours aux termes des demandes d’emprunt, les sociétés luxembourgeoises devaient payer aux sociétés barbadiennes, [traduction] « à titre de paiement compensatoire pour tous les dividendes »
, une somme égale aux dividendes bruts payés sur les actions de Husky empruntées durant la période du prêt. En d’autres mots, si Husky retenait de l’impôt en lien avec un dividende payé sur des actions empruntées, les sociétés luxembourgeoises devaient quand même payer aux sociétés barbadiennes une somme équivalant au montant des dividendes avant impôt : demandes d’emprunt, dossier d’appel commun aux pp 437, 556 et 560.
[18] Le 23 juillet 2003, le conseil d’administration de Husky a déclaré un dividende exceptionnel, qui serait payé le 1er octobre 2003 aux actionnaires inscrits le 29 août 2003 : ECPF au para. 36.
[19] Le 24 juillet 2003, les sociétés barbadiennes ont transféré leurs actions de Husky aux sociétés luxembourgeoises : ECPF aux para. 24 et 30.
[20] Le 1er octobre 2003, Husky a payé des dividendes de 328 986 960 $ aux sociétés luxembourgeoises (les dividendes). Husky a retenu 5 % des dividendes en impôt et a remis cette somme au receveur général : ECPF aux para. 40-41. Rappelons que le taux d’imposition de 5 % est prévu à l’alinéa 10.2.a. du traité avec le Luxembourg.
[21] SocLux #1 a placé la presque totalité du montant net des dividendes qu’elle a reçus dans un dépôt à terme prenant fin le 6 octobre 2003, qui a généré des intérêts de 21 693 $. Le 6 octobre 2003, SocLux #1 a transféré le montant net des dividendes qu’elle a reçus à une société liée, Hutchinson OMF Limited, pour le remboursement partiel d’une facilité de crédit existante portant intérêt. Toutefois, le remboursement partiel de la facilité de crédit existante n’a duré que quelques semaines. Le 20 novembre 2003, SocLux #1 a de nouveau emprunté la même somme, plus le montant de l’impôt retenu sur ses dividendes, afin de satisfaire à son obligation de remettre à SocBarbade #1 le montant brut des dividendes. Il était entendu depuis le début que Hutchinson OMF renoncerait au remboursement de la portion du prêt correspondant à l’impôt retenu, ce qu’elle a fait. En outre, en vertu d’un accord de couverture, Hutchinson OMF a indemnisé SocLux #1 pour les pertes sur change qu’elle a subies parce que Husky a payé les dividendes en dollars américains alors que la monnaie utilisée dans les accords de prêt de titres était le dollar canadien : ECPF aux para. 43 à 48; décision de la CCI au para. 282; accord de couverture, dossier d’appel commun à la p 2274.
[22] À l’évidence : hormis les frais d’emprunt de 50 000 $, les 21 693 $ d’intérêts accumulés et l’absence d’intérêts accumulés pendant quelques semaines sur la portion remboursée de la facilité de crédit auprès de Hutchinson OMF, les accords de prêt de titres et les demandes d’emprunts n’ont entraîné aucune conséquence financière pour SocLux #1. Avant les opérations, cette dernière devait de l’argent à Hutchinson OMF et, après les opérations, elle devait à peu près la même somme.
[23] SocLux #2 a procédé à des opérations similaires, quoique plus simples (sans le remboursement temporaire d’une facilité de crédit), qui ont mené à des résultats quasi identiques : ECPF aux para. 49 à 53.
[24] Le 20 novembre 2003, les sociétés luxembourgeoises ont rendu aux sociétés barbadiennes les actions de Husky empruntées et ont payé une somme égale au montant brut des dividendes payés par Husky et les frais d’emprunt : ECPF aux para. 26, 27, 32 et 33.
C. Cotisations
[25] Tenant pour acquis que les sociétés barbadiennes étaient les bénéficiaires effectifs des dividendes, le ministre du Revenu national a établi des cotisations à l’égard de Husky au titre du paragraphe 215(6) de la Loi de l’impôt sur le revenu, au motif qu’elle avait omis de retenir, sur les dividendes qu’elle avait payés aux sociétés luxembourgeoises, de l’impôt au taux de 15 %, conformément au paragraphe X.2. du traité avec la Barbade, plutôt qu’au taux de 5 % qu’elle avait appliqué. L’impôt manquant s’élevait donc à 32 898 696 $.
[26] Sur le fondement de la même hypothèse, soit que les sociétés barbadiennes étaient les bénéficiaires effectifs des dividendes et devaient donc payer l’impôt sur ceux-ci conformément au paragraphe 212(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu et au paragraphe X.2. du traité avec la Barbade, le ministre a établi des cotisations à l’égard des sociétés successeures des sociétés barbadiennes, Hutchison Whampoa Luxembourg Holdings S.à r.l. et L.F. Management and Investment S.à r.l., pour l’impôt manquant. Puisque l’issue de l’affaire ne repose en rien sur le fait que les cotisations ont été établies à l’égard des sociétés successeures, par souci de simplicité, les présents motifs font comme si les cotisations visaient les sociétés barbadiennes, et la mention des cotisations et des appels des sociétés barbadiennes vaut mention des cotisations et des appels de ces sociétés successeures.
[27] Husky et les sociétés barbadiennes ont fait appel de leurs cotisations à la Cour de l’impôt.
II. Décision de la Cour de l’impôt
[28] La Cour de l’impôt a publié des motifs communs pour les appels de Husky et des sociétés barbadiennes.
A. Les cotisations des sociétés barbadiennes
[29] Comme il est indiqué plus haut, le paragraphe 212(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu dispose que toute personne non-résidente paie un impôt sur le revenu de 25 % sur « toute somme qu’une société résidant au Canada lui paie […] au titre […] d’un dividende imposable »
. Selon l’interprétation que la Cour de l’impôt a faite de cette disposition, la « personne non-résidente »
en question est la personne non-résidente à qui le dividende a été payé, et non le bénéficiaire effectif du dividende. Selon cette interprétation, puisque les dividendes ont été payés aux sociétés luxembourgeoises, seules celles-ci étaient tenues de payer l’impôt et pouvaient faire l’objet d’une cotisation pour l’impôt manquant. Par conséquent, la Cour de l’impôt a accueilli les appels des sociétés barbadiennes : décision de la CCI aux para. 233 à 252.
B. La cotisation de Husky
[30] Pour juger si Husky avait omis de retenir et de remettre le bon pourcentage d’impôt sur les dividendes payés aux sociétés luxembourgeoises, la Cour de l’impôt devait d’abord établir si les sociétés luxembourgeoises étaient les bénéficiaires effectifs des dividendes, parce que l’alinéa 10.2.a. du traité avec le Luxembourg n’autorise la réduction du taux d’imposition à 5 % que si un résident du Luxembourg est le bénéficiaire effectif des dividendes.
[31] La Cour de l’impôt a conclu que les sociétés luxembourgeoises n’étaient pas les bénéficiaires effectifs des dividendes : décision de la CCI aux para. 283, 285 et 287.
[32] Pour tirer cette conclusion, la Cour de l’impôt s’est fondée principalement sur la décision Prévost Car Inc. c. Canada, 2009 CAF 57 [Prévost Car], confirmant Prévost Car Inc. c. La Reine, 2008 CCI 231 [Prévost Car CCI]. Dans cette affaire, une société canadienne avait payé des dividendes à une société néerlandaise, laquelle avait à son tour déclaré des dividendes similaires et les avait versés à ses actionnaires. La question à trancher était de savoir si la société néerlandaise était admissible au taux de retenue de 5 % prévu par le traité, qui imposait la condition de la propriété effective des dividendes. Notre Cour a observé que la Cour de l’impôt avait saisi l’essence du concept de « bénéficiaire effectif »
en affirmant que le bénéficiaire effectif du dividende est « la personne qui le reçoit pour son propre usage et sa propre jouissance, qui assume les risques liés au dividende et qui dispose en maître du dividende »
: Prévost Car aux para. 13 et 14.
[33] En l’espèce, la Cour de l’impôt a conclu que les sociétés luxembourgeoises n’étaient pas les bénéficiaires effectifs des dividendes essentiellement parce que les demandes d’emprunt les obligeaient à payer le montant des dividendes aux sociétés barbadiennes sous forme de paiements compensatoires : décision de la CCI aux para. 269 et 270. La Cour de l’impôt a mis en contraste cette obligation avec les circonstances de l’affaire Prévost Car, où (1) il n’y avait aucune preuve que les dividendes étaient, dès le début, destinés à une autre société et (2) les sociétés n’ont pas eu à prendre des mesures supplémentaires pour transférer les dividendes à une autre entité : décision de la CCI aux para. 271 à 273. En l’espèce, la nature juridique des opérations était telle que les sociétés barbadiennes n’ont jamais perdu leurs droits à la pleine valeur économique des dividendes : décision de la CCI aux para. 274 à 276. La Cour de l’impôt a donc qualifié les sociétés luxembourgeoises de [traduction] « gardiennes temporaires »
des fonds reçus en paiement des dividendes : décision de la CCI au para. 277.
[34] La conclusion de la Cour de l’impôt selon laquelle les sociétés luxembourgeoises n’étaient pas les bénéficiaires effectifs des dividendes l’a amenée à conclure que le taux de 5 % prévu dans le traité avec le Luxembourg ne s’appliquait pas aux dividendes. Puisque la Cour de l’impôt avait également conclu que le ministre ne pouvait pas invoquer le paragraphe 212(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu pour imposer les sociétés barbadiennes, la réduction du taux d’imposition prévue par le traité avec la Barbade ne pouvait pas s’appliquer aux dividendes. Par conséquent, la Cour de l’impôt a jugé que les paragraphes 215(1) et (6) de la Loi de l’impôt sur le revenu exigeaient que Husky retienne et remette de l’impôt à un taux de 25 %. Toutefois, en raison d’un principe de longue date voulant que l’appel d’un contribuable ne puisse donner lieu à une cotisation plus élevée, la Cour de l’impôt n’a pas modifié la cotisation : décision de la CCI aux para. 261, 262 et 286.
[35] Ayant conclu que le paragraphe 212(2) ne s’appliquait pas, la Cour de l’impôt a examiné l’argument subsidiaire de la Couronne selon lequel la règle générale anti-évitement s’appliquait afin d’imposer les sociétés barbadiennes et obliger Husky à retenir de l’impôt à un taux de 15 % : décision de la CCI au para. 287. La Cour de l’impôt a jugé que la règle générale anti-évitement ne s’appliquait pas.
[36] La règle générale anti-évitement est énoncée à l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Elle s’applique lorsqu’une opération ou une série d’opérations comprenant une « opération d’évitement »
donne lieu à un avantage fiscal et que cette opération ou série d’opérations constitue un abus de la Loi de l’impôt sur le revenu ou d’un traité fiscal.
[37] En l’espèce, la Cour de l’impôt a conclu que les opérations ont procuré un avantage fiscal aux sociétés barbadiennes, c’est-à-dire une réduction du taux d’imposition de 15 % à 0 % résultant du fait que Husky ne leur avait pas payé les dividendes : décision de la CCI au para. 313. Elle a également conclu à la présence d’opérations d’évitement parce que l’objectif principal des accords de prêt de titres était la réduction de l’impôt sur les dividendes : décision de la CCI au para. 350. Cependant, la Cour de l’impôt a conclu que ces opérations n’étaient pas abusives. Elle a jugé qu’il n’y aurait lieu d’appliquer la règle générale anti-évitement que si le taux réduit était applicable parce que les sociétés luxembourgeoises étaient les bénéficiaires effectifs des dividendes. Toutefois, dans ce cas de figure, il ne saurait y avoir abus de l’alinéa 10.2.a. du traité avec le Luxembourg puisque les conditions de cette disposition — que le dividende soit payé au bénéficiaire effectif satisfaisant aux exigences minimales de propriété et de droits de vote — seraient remplies : décision de la CCI aux para. 359, 360, 367 et 413 à 416.
[38] Pour ces motifs, la Cour de l’impôt a rejeté l’appel de Husky, mais accueilli ceux des sociétés barbadiennes et a annulé les cotisations de ces dernières.
III. Appels devant notre Cour
[39] Husky interjette appel de la décision de la Cour de l’impôt rejetant son appel.
[40] La Couronne interjette appel par mesure préventive de la décision de la Cour de l’impôt d’annuler les cotisations des sociétés barbadiennes. Plus précisément, le procureur général du Canada soutient que les appels de la Couronne ne devraient être accueillis que si notre Cour devait conclure que les sociétés luxembourgeoises étaient les bénéficiaires effectifs des dividendes et, sur ce fondement, accueillait l’appel de Husky. Le procureur général soutient que, dans ces circonstances, les cotisations des sociétés barbadiennes devraient être confirmées sur le fondement de la règle générale anti-évitement.
[41] Bien que je ne souscrive pas entièrement à l’analyse de la Cour de l’impôt, je souscris à sa conclusion que les sociétés luxembourgeoises n’étaient pas les bénéficiaires effectifs. Par conséquent, il est inutile d’examiner la règle générale anti-évitement.
IV. Questions en litige
[42] En appel, Husky soulève essentiellement deux questions :
-
La Cour de l’impôt a-t-elle commis une erreur en concluant que les sociétés luxembourgeoises n’étaient pas les bénéficiaires effectifs des dividendes aux termes de l’alinéa 10.2.a. du traité avec le Luxembourg?
V. Analyse
A. La Cour de l’impôt a-t-elle commis une erreur en concluant que les sociétés luxembourgeoises n’étaient pas les bénéficiaires effectifs des dividendes aux termes de l’alinéa 10.2.a. du traité avec le Luxembourg?
[43] Husky reconnaît que c’est à bon droit que la Cour de l’impôt a retenu le test énoncé dans la décision Prévost Car comme étant celui à appliquer pour déterminer la propriété effective en vertu de l’alinéa 10.2.a. du traité avec le Luxembourg. Cependant, elle soutient que la Cour de l’impôt a altéré le test : a) en définissant incorrectement les facteurs décisifs de la décision Prévost Car; b) en prenant en considération les conséquences économiques des accords de prêt de titres; et c) en allant au-delà de la notion de propriété effective décrite dans les Commentaires de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et confirmée dans la décision Prévost Car. Ces altérations, selon Husky, constituent des erreurs de droit justifiant l’intervention de notre Cour au motif que les conclusions de la Cour de l’impôt sont incorrectes : Teal Cedar Products Ltd. c. Colombie-Britannique, 2017 CSC 32 aux para. 44 et 45; Smith c. Canada, 2019 CAF 173 au para. 30.
[44] Husky ajoute que la Cour de l’impôt a commis une erreur manifeste et déterminante lorsqu’elle a analysé si les sociétés luxembourgeoises avaient assumé les risques liés aux dividendes.
[45] Je ne souscris pas aux affirmations de Husky.
(1) Il n’y a pas d’erreur manifeste et déterminante dans l’analyse des risques
[46] Pour commencer, la Cour de l’impôt n’a pas commis l’erreur manifeste et déterminante que lui reproche Husky.
[47] Dans la décision Prévost Car, notre Cour s’est dite d’accord que le bénéficiaire effectif de dividendes est « la personne qui le reçoit pour son propre usage et sa propre jouissance, qui assume les risques liés au dividende et qui dispose en maître du dividende »
: Prévost Car au para. 13; Prévost Car CCI au para. 100.
[48] La Cour de l’impôt n’a pas retenu l’observation de Husky selon laquelle les pertes sur change subies par les sociétés luxembourgeoises démontraient qu’elles avaient assumé les risques liés à la réception des dividendes. La Cour de l’impôt a justifié sa conclusion notamment par le fait que les sociétés luxembourgeoises avaient atténué leurs pertes sur change par des accords de couverture conclus avec des entités liées. Selon Husky, la Cour de l’impôt a commis une erreur manifeste et déterminante en tirant cette conclusion : les sociétés luxembourgeoises ont eu besoin d’atténuer les risques, ce qui prouve qu’elles ont assumé les risques. Cet argument ne tient pas au vu des circonstances. Pour comprendre pourquoi, il est utile de dire quelques mots sur la couverture.
[49] Une couverture est comme une police d’assurance en ce sens que la couverture — habituellement un instrument financier appelé un dérivé — protège contre un risque donné. Dans la plupart des situations, la couverture n’élimine pas le risque, mais elle atténue la perte financière qui serait subie si le risque donné se matérialisait. Comme une police d’assurance, la couverture n’est pas gratuite.
[50] Par exemple, le propriétaire d’actions de la Société X pourrait vouloir se couvrir contre une éventuelle baisse de la valeur des actions. Pour ce faire, il pourrait se procurer une option de vente, c’est-à-dire une option lui donnant le droit de vendre les actions à un prix déterminé à l’avance, moyennant une prime.
[51] La « couverture parfaite »
élimine tous les risques concernant un bien, mais elle est difficile à obtenir et, comme toutes les autres couvertures, elle vient à un prix : Bryan A. Garner, dir., Black’s Law Dictionary, 12e éd. (St. Paul, MN : Thomson Reuters, 2024) sub verbo « hedge »
; Jerry White et al, dir., Canadian Dictionary of Finance and Investment Terms, 2e éd. (Hauppauge, NY : Barron’s, 2000) sub verbo « hedge/hedging
»
; « Hedge: Definition and How It Works in Investing
»
Investopedia (16 mai 2025), en ligne : <investopedia.com>; « Beginner’s Guide to Hedging: Definition and Example of Hedges in Finance
»
Investopedia (27 avril 2025), en ligne : <investopedia.com>.
[52] En l’espèce, l’accord de couverture conclu par chacune des sociétés luxembourgeoises et sa société liée stipulait que cette dernière verserait à la société luxembourgeoise une somme équivalant aux pertes sur change que la société luxembourgeoise subirait. En outre, l’accord de couverture ne prévoyait aucun montant que la société luxembourgeoise devait payer pour couvrir les pertes sur change en lien avec l’accord de prêt de titres. Ainsi, les sociétés luxembourgeoises ont pu se prévaloir d’accords de couverture que nul ne peut apparemment se procurer : une couverture parfaite sans frais.
[53] Cette situation atypique, à laquelle s’ajoutent les prêts consentis par les prêteurs liés pour permettre aux sociétés luxembourgeoises de payer les dividendes bruts — et de renoncer à leur remboursement — explique la position des sociétés luxembourgeoises devant le fisc du Luxembourg. Dans leur demande pour obtenir une décision anticipée du fisc du Luxembourg sur les conséquences fiscales de leur accord de prêt de titres, les sociétés luxembourgeoises ont déclaré qu’elles [traduction] « n’assumeraient aucun risque important relativement aux actions de Husky »
et que [traduction] « les profits et les risques liés aux actions de Husky seraient en dernier ressort assumés par les sociétés [liées] »
: décisions anticipées du fisc du Luxembourg, dossier d’appel commun aux pp 2764 et 2768.
[54] Compte tenu de ces circonstances, la Cour de l’impôt n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante en rejetant la thèse de Husky selon laquelle les accords de couverture prouvent que les sociétés luxembourgeoises ont assumé les risques.
[55] L’absence de tout risque pour les sociétés luxembourgeoises peut aussi expliquer pourquoi, dans son analyse, la Cour de l’impôt n’a pas mentionné le jugement Velcro Canada Inc. c. La Reine [Velcro], 2012 CCI 57, alors que, selon Husky, elle aurait dû le faire. Même si la décision Velcro traite de la propriété effective dans un contexte similaire, il existe une différence marquée : contrairement aux circonstances en l’espèce, la Cour de l’impôt avait conclu que les accords ne réduisaient pas les risques : Velcro au para. 40. Ainsi, la décision Velcro ne soutient pas la thèse de Husky à ce sujet.
(2) Cette Cour a approuvé les facteurs pris en compte par la Cour de l’impôt
[56] Passons aux erreurs de droit soulevées par Husky. La première erreur de ce genre se rapporte aux facteurs exposés dans la décision Prévost Car.
[57] Dans la décision Prévost Car CCI, la Cour de l’impôt s’est fondée sur divers facteurs pour conclure que l’entité qui avait reçu les dividendes en était le bénéficiaire effectif. Ces facteurs comprenaient l’absence de preuve que les dividendes étaient dès le début destinés à une autre société et la nécessité que le bénéficiaire des dividendes prenne d’autres mesures d’entreprise avant de pouvoir transférer les fonds à ses actionnaires par voie de dividendes : Prévost Car CCI au para. 102.
[58] Husky avance que la Cour de l’impôt a défini incorrectement ces deux derniers facteurs comme étant décisifs. Encore une fois, cet argument ne tient pas étant donné les circonstances de l’espèce.
[59] Puisque notre Cour a déjà approuvé la prise en compte des facteurs en cause (Prévost Car aux para. 16c) à 18), on ne saurait reprocher à la Cour de l’impôt d’en avoir tenu compte. De plus, la lecture des motifs de la Cour de l’impôt dans leur ensemble révèle que, même s’ils ont joué sur la décision de la Cour de l’impôt, ces facteurs ne sont pas les seuls qui ont été pris en considération. La Cour de l’impôt a aussi accordé un certain poids au fait que les sociétés luxembourgeoises n’assumaient aucun risque par rapport aux dividendes. À cet égard, la Cour de l’impôt a trouvé un fondement dans les demandes des sociétés luxembourgeoises pour obtenir la décision anticipée du fisc du Luxembourg mentionnée ci-dessus : décision de la CCI aux para. 282 et 283.
(3) La nature juridique des opérations doit être prise en considération
[60] La deuxième erreur de droit soulevée par Husky est que la Cour de l’impôt a altéré le test énoncé dans la décision Prévost Car en y appliquant un critère des « conséquences économiques »
.
[61] Certes, la Cour de l’impôt a établi que les conséquences économiques des accords de prêt de titres étaient telles que les sociétés barbadiennes ont continué de bénéficier pleinement des dividendes. Mais elle a ajouté que [traduction] « les conséquences économiques ont été dictées par les obligations juridiques »
: décision de la CCI aux para. 276, 277 et 283.
[62] La lecture des motifs de la Cour de l’impôt en contexte révèle, bien que la Cour de l’impôt ne l’exprime peut-être pas clairement, que cette dernière cherchait à identifier la nature juridique des accords, et non leur raison d’être économique. La nature juridique repose sur l’interprétation des contrats et la prise en considération de toutes les circonstances pour déterminer les droits et obligations juridiques qui découlent des opérations. Cette façon de faire, approuvée par la Cour suprême du Canada, vise à assurer que ce sont les véritables liens juridiques ou les véritables effets juridiques, et non la terminologie ou le libellé inapproprié utilisé qu’il faut retenir : Continental Bank Leasing Corp. c. Canada [Continental Bank], [1998] 2 R.C.S. 298 aux para. 21 et 25; Brian A. Felesky et Sandra E. Jack, « Is There Substance to ‘Substance Over Form’ in Canada
? »
dans Report of Proceedings of the Forty-Fourth Tax Conference, 1992 Conference Report (Toronto : Fondation canadienne de fiscalité, 1993), 50:1 à 50:5. Voir aussi Canada c. Vaillancourt-Tremblay, 2010 CAF 119 au para. 39.
[63] En appliquant ce critère, la Cour de l’impôt a conclu que deux facteurs absents dans l’affaire Prévost Car, mais présents en l’espèce, montraient clairement, dès la conclusion des accords de prêt de titres, que les sociétés barbadiennes bénéficieraient des dividendes : (1) les demandes d’emprunt obligeaient juridiquement les sociétés luxembourgeoises à verser, à titre de paiement compensatoire, une somme égale aux dividendes bruts payés sur les actions de Husky empruntées durant la période du prêt; et (2) ce versement devait être fait dans les sept semaines suivant le paiement des dividendes par Husky : décision de la CCI aux para. 268 à 274. Prise hors contexte, cette approche s’avère problématique, car elle pourrait entraîner des effets inattendus sur les véritables accords de prêt de titres.
[64] Pour comprendre ce que l’on entend par « effets inattendus »
sur les « véritables accords de prêt de titres »
, il est utile de rappeler que les accords de prêt de titres étaient rédigés suivant le contrat type d’accord international de prêt de titres. Ce contrat type oblige l’emprunteur à verser au prêteur une somme d’argent ou lui remettre des biens pour une valeur égale au montant des dividendes payés durant la période du prêt indépendamment du fait que l’emprunteur soit le détenteur des actions lorsque les dividendes sont payés. Ainsi, si un emprunteur s’est départi des actions empruntées, disons, pour les vendre à un tiers, l’emprunteur doit néanmoins indemniser le prêteur même si c’est le tiers acheteur qui a reçu les dividendes. Dans de telles circonstances, nul doute que l’acheteur est le bénéficiaire effectif des dividendes payés durant la période du prêt. Toutefois, l’approche adoptée par la Cour de l’impôt suggère que c’est le prêteur qui serait le bénéficiaire effectif de ces dividendes.
[65] Ces effets inattendus sont évités lorsque les accords en cause sont interprétés et les circonstances de l’espèce prises en considération, comme le veut la règle de la nature juridique : Continental Bank aux para. 23 et 25. Il ressort de cet examen que les accords de prêt de titres en cause ne sont pas de véritables accords de prêt de titres : ils ne sont pas le reflet des intentions des parties et sont dénués d’une caractéristique essentielle des accords de prêt de titres.
[66] Le préambule des accords de prêt de titres stipule que les parties ont conclu ces accords [traduction] « pour permettre à l’emprunteur [c.-à-d. les sociétés luxembourgeoises] […] d’exécuter un contrat de vente [des actions de Husky] ou de prêter à son tour ces [actions] à un tiers pour permettre à ce tiers d’exécuter un contrat de vente de ces [actions] »
: accords de prêt de titres, dossier d’appel commun aux pp 392 et 479. Cependant, il ressort clairement de deux éléments que les parties n’ont jamais eu l’intention de permettre aux sociétés luxembourgeoises de vendre ou de prêter à leur tour les actions empruntées de Husky.
[67] D’abord, la Cour de l’impôt, se fondant sur les témoignages, a conclu que les accords de prêt de titres [traduction] « ne se rapportaient pas à une opération de marché ou de financement de quelque nature que ce soit »
. En fait, [traduction] « la seule raison d’être des accords de prêt de titres était de transférer la réception des dividendes des sociétés barbadiennes aux sociétés luxembourgeoises afin d’obtenir […] un résultat fiscal global plus favorable »
: décision de la CCI au para. 412.
[68] Ensuite, il est absurde de croire que les sociétés barbadiennes auraient convenu de permettre aux sociétés luxembourgeoises de vendre ou de prêter 71,5 % des actions de Husky, d’une valeur de 10,7 à 14,3 milliards de dollars, à des tiers pour permettre à ces derniers de vendre les actions. Le prêt de 71,5 % des actions de Husky à cette fin aurait entraîné des conséquences sismiques, notamment le changement de contrôle de Husky, la volatilité du cours des actions et une dépréciation importante de la valeur des actions. Un tel prêt pourrait aussi avoir des répercussions en droit des valeurs mobilières. En outre, il est difficile — voire impossible — de comprendre comment les sociétés luxembourgeoises honoreraient leur obligation de rendre des actions de Husky équivalentes au terme de leur prêt. Comment deux emprunteurs d’actions — dont le prêt est d’une durée maximale de quatre mois — peuvent-ils vendre ou prêter à leur tour 71,5 % des actions d’une société publique, et racheter ou emprunter ultérieurement le nombre équivalent d’actions pour remplir leur obligation de les restituer au prêteur?
[69] Il est évident, à la lecture du tout premier paragraphe des accords de prêt de titres et compte tenu des circonstances, que le véritable lien juridique qui unit les sociétés luxembourgeoises aux sociétés barbadiennes n’est pas celui qui unit des parties à un accord de prêt de titres.
[70] Mais il y a plus encore. Les emprunteurs visés par un accord de prêt de titres fournissent habituellement des garanties (d’autres valeurs mobilières, une somme d’argent ou des biens) à leur prêteur : Jonathan W. Willson, « Securities Lending: An Overview and Update for Domestic and Cross-Border Transactions »
dans Report of Proceedings of the Sixty-First Tax Conference, 2009 Tax Conference (Toronto : Fondation canadienne de fiscalité, 2010) aux pp 9:1, 9:22 et 9:23. Les accords internationaux de prêt de titres qui suivent le contrat type renferment de nombreuses clauses obligeant l’emprunteur à fournir une garantie pour le prêt. Ces clauses visent à protéger le prêteur au cas où l’emprunteur ne serait pas en mesure de remettre les titres empruntés ou équivalents au terme de la période du prêt. En fait, les accords de prêt de titres prévoient habituellement des garanties dont la valeur excède la valeur des titres empruntés : Jesse Johal, Joanna Roberts et John Sim, « Canadian Securities Lending Market Ecology – Bank of Canada Staff Discussion Paper 2019-5 »
(juillet 2019), en ligne : https://www.banqueducanada.ca/wp-content/uploads/2019/07/sdp2019-5.pdf aux pp 7, 9, 20, 21 et 27. Par exemple, la clause 6.8.1 du contrat type que les sociétés luxembourgeoises et barbadiennes ont suivi stipule que l’emprunteur des titres doit, à moins que les parties n’en conviennent autrement, fournir une garantie d’une valeur égale à celle des titres empruntés ainsi qu’une somme additionnelle calculée selon un pourcentage défini en annexe de l’accord. En l’espèce, cette garantie équivaudrait apparemment à une somme minimale variant de 10,7 milliards à 14,3 milliards de dollars. Toutefois, dans les faits, aucune garantie n’a été fournie. Pourquoi? Parce que les demandes d’emprunt ont éliminé l’obligation des sociétés luxembourgeoises de fournir la garantie visée par les accords de prêt de titres : demandes d’emprunt, dossier d’appel commun aux pp 438, 557 et 561.
[71] Bien que l’accord international de prêt de titres suivant le contrat type stipule que les parties peuvent convenir autrement, dans un cas comme le présent, il est inconcevable qu’aucune garantie n’ait été demandée alors que les actions prêtées valent des milliards de dollars. En fait, l’absence de garantie est un autre élément indiquant que la nature juridique des opérations entre les sociétés luxembourgeoises et les sociétés barbadiennes n’avait rien à voir avec celle d’accords de prêt de titres : aucun prêteur n’accepterait de prêter des actions d’une telle valeur sans demander une protection à moins qu’il soit entendu qu’aucune action posant un risque, certainement pas la vente ou le prêt des actions à des tiers, ne sera prise durant la période du prêt de sorte que les actions seront assurément remises au prêteur. L’absence de toute garantie, en l’espèce, ne s’explique que par le seul objectif des accords, c’est-à-dire de « transférer la réception des dividendes des sociétés barbadiennes aux sociétés luxembourgeoises »
afin que ces dernières paient le montant brut des dividendes aux sociétés barbadiennes.
[72] Par conséquent, analyser la question de la propriété effective au vu de la véritable nature juridique entre les parties n’altère en rien le test énoncé dans la décision Prévost Car et ne constitue pas une application erronée de celui-ci : il faut, au contraire, déterminer la nature juridique des accords pour appliquer la décision Prévost Car correctement.
(4) Les sociétés luxembourgeoises n’étaient pas les bénéficiaires effectifs
[73] La troisième et dernière erreur de droit soulevée par Husky concerne les Commentaires de l’OCDE.
[74] Pour comprendre la pertinence des Commentaires de l’OCDE, il faut se reporter à la Convention de Vienne sur le droit des traités, R.T. Can. 1980 no 37 (la Convention de Vienne), à laquelle le Canada adhère. L’article 31 de la Convention de Vienne énonce les principes généraux régissant l’interprétation des traités. Il prévoit qu’« [u]n traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. »
[75] Tel que discuté plus amplement ci-après, Husky prétend que l’interprétation que la Cour de l’impôt a donnée à la notion de propriété effective ne cadre pas avec l’un de ces principes : le contexte du traité avec le Luxembourg. Pour bien traiter l’argument de Husky, il faut tenir compte de deux autres principes d’interprétation énoncés dans la Convention de Vienne, à savoir : l’intention des parties au traité avec le Luxembourg et la jurisprudence internationale.
a) L’intention des parties au traité avec le Luxembourg
[76] Selon la Convention de Vienne, les tribunaux doivent prendre en considération la véritable intention des parties au traité lorsqu’ils interprètent l’alinéa 10.2.a. du traité avec le Luxembourg. C’est de cette façon que la Cour suprême du Canada a procédé dans l’arrêt Canada c. Alta Energy Luxembourg S.A.R.L., 2021 CSC 49 [Alta Energy] aux para. 37, 42, 43, 50, 62, 66, et 79 à 89, et dans l’arrêt Crown Forest Industries Ltd. c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 802 [Crown Forest] aux para. 22, 43 et 44. Les conclusions de l’arrêt Alta Energy sont particulièrement pertinentes par rapport à la présente affaire.
[77] Dans l’arrêt Alta Energy¸ les juges majoritaires de la Cour suprême ont conclu que le Canada et le Luxembourg voulaient que les sociétés relais puissent se prévaloir d’une disposition du traité avec le Luxembourg relative à l’imposition des gains en capital : Alta Energy aux para. 79 à 89. Ils ont mis cette intention en opposition à l’intention des deux pays en ce qui concerne l’imposition d’autres revenus, notamment les dividendes : par application de l’alinéa 10.2.a., le Luxembourg et le Canada ont choisi de réserver les avantages du traité aux « bénéficiaires effectifs »
des dividendes. Les juges majoritaires ont souligné que cette mesure empêche « les sociétés relais, dont les bénéficiaires effectifs [sont] des résidents de pays tiers, [… de] profiter de [s …] avantages [des dispositions du traité] »
: Alta Energy au para. 84.
b) Les Commentaires de l’OCDE
[78] Le contexte dans lequel s’inscrit le traité avec le Luxembourg appuie encore davantage l’intention du Canada et du Luxembourg en ce qui concerne l’alinéa 10.2.a., comme l’a conclu la Cour suprême dans l’arrêt Alta Energy.
[79] L’alinéa 31.2.b) de la Convention de Vienne dispose que le contexte d’un traité comprend tout instrument établi par une ou plusieurs parties ayant rapport au traité. Pareil instrument inclut, par exemple, le Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE (le Modèle de convention), un instrument pour négocier, interpréter et appliquer les traités fiscaux, ainsi que les Commentaires et les rapports préparés par le Comité des affaires fiscales de l’OCDE qui accompagnent le Modèle : Crown Forest aux para. 54 et 55; Alta Energy au para. 38; Prévost Car au para. 10.
[80] Le traité avec le Luxembourg, qui s’inspire du Modèle de convention, a été signé en 1999. Ainsi, les Commentaires publiés avant la signature du traité avec le Luxembourg, et le rapport de l’OCDE intitulé « Les conventions préventives de la double imposition et l’utilisation de sociétés relais »
(OCDE, L’évasion et la fraude fiscales internationales : Quatre études, Questions de fiscalité internationale no 1 (Paris : OCDE, 1987) (le rapport sur les sociétés relais), sont pertinents quant à son interprétation : Prévost Car aux para. 8 et 12. Conformément à la jurisprudence, les parties reconnaissent que le Commentaire de 2003 sur l’article 10 du Modèle de convention clarifie les points de vue exprimés dans les Commentaires antérieurs et est, par conséquent, aussi pertinent pour interpréter le traité avec le Luxembourg : Alta Energy aux para. 40 à 43; Prévost Car au para. 11. Elles sont toutefois en désaccord sur la façon dont les Commentaires et le rapport sur les sociétés relais s’appliquent à la présente affaire.
[81] La Couronne considère que le Commentaire de 2003 sur l’article 10 et le rapport sur les sociétés relais confirment que l’exigence de la propriété effective [traduction] « vise à assurer que les sociétés relais [en l’occurrence, les sociétés luxembourgeoises] ne puissent tirer profit des avantages du traité »
.
[82] Quant à Husky, elle est d’avis que le Commentaire de 2003 sur l’article 10 et le rapport sur les sociétés relais, tels qu’interprétés dans la décision Prévost Car, [traduction] « montrent clairement que le test de propriété effective ne vise qu’à empêcher les agents, les mandataires et les sociétés relais n’ayant aucune latitude sur l’utilisation des dividendes d’obtenir l’avantage d’un taux de retenue à la source inférieur sur les dividendes en vertu d’un traité fiscal »
. Elle soutient que, puisque les sociétés luxembourgeoises n’étaient pas des agents, des mandataires ou des sociétés relais n’ayant aucune latitude, la Cour de l’impôt [traduction] « est allée bien au-delà de la notion de propriété effective telle que décrite dans les Commentaires pertinents de l’OCDE »
pour arriver à la conclusion que les sociétés luxembourgeoises n’étaient pas les bénéficiaires effectifs des dividendes : mémoire des faits et du droit de Husky aux para. 73 et 74.
[83] L’argument de Husky est en contradiction avec la manière dont les Commentaires et le rapport sur les sociétés relais s’appliquent à la présente affaire.
[84] Les paragraphes 12 et 12.1 du Commentaire de 2003 sur l’article 10 précisent que « [l]e terme « bénéficiaire effectif » n’est pas utilisé dans une acception étroite et technique, mais doit être entendu […] à la lumière de l’objet et du but d[u traité], notamment pour éviter la double imposition et prévenir l’évasion et la fraude fiscales »
. Ils expliquent en outre que, si un agent ou un mandataire reçoit un dividende pour le compte d’une autre personne, il serait contraire à l’objectif d’un traité fiscal que l’État-source (c.‑à‑d. le pays de résidence de la société qui paie le dividende — en l’occurrence, le Canada) applique le taux inférieur selon le traité. La raison est que le pays de résidence de l’agent ou du mandataire n’assimilerait pas cet agent ou ce mandataire au propriétaire du dividende et ne les imposerait donc pas. Autrement dit, les pays n’ont pas à limiter leur pouvoir d’imposition lorsqu’il n’y a pas de risque de double imposition : OCDE, Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune, version abrégée (Paris : OCDE, janvier 2003), Commentaire sur l’article 10.
[85] Si l’on transpose cette notion à la présente affaire, on constate d’abord que la raison pour laquelle le Canada devrait limiter la disponibilité du taux de retenue inférieur dans le traité avec le Luxembourg concorde avec les faits de l’espèce : en vertu du droit fiscal du Luxembourg, les sociétés luxembourgeoises ne sont pas les propriétaires économiques des dividendes, et le Luxembourg n’impose pas ces dividendes. Il en est ainsi parce que l’article 11 de la Loi d’adaptation fiscale (ou Steueranpassungsgesetz) du Luxembourg (la Loi d’adaptation) attribue le revenu tiré d’un bien à son « propriétaire économique »
, et non à son « propriétaire juridique »
: opinion d’expert sur l’article 11 de la Loi d’adaptation fiscale de 1934, dossier d’appel commun à la p 3603. En termes généraux, le propriétaire économique est [traduction] « la personne qui exerce un pouvoir réel sur un bien de façon à exclure définitivement le propriétaire juridique de la valeur économique de l’actif »
. L’article 11 de la Loi d’adaptation prévoit précisément que lorsqu’une personne (le cédant) transfère un bien à une personne qui le détient et le gère au nom du cédant, le cédant est considéré propriétaire du bien en question: décision de la CCI aux para. 168 à 171.
[86] Les sociétés luxembourgeoises ont invoqué cette disposition même dans leur demande pour obtenir une décision anticipée du fisc du Luxembourg. Sous la rubrique [traduction] « Propriété effective des actions de Husky »
, les sociétés luxembourgeoises ont soutenu que l’article 11 de la Loi d’adaptation devait s’appliquer parce qu’elles n’étaient pas les propriétaires économiques des [traduction] « actions de Husky ni des dividendes reçus
». À cet égard, les sociétés luxembourgeoises ont souligné que ce sont les sociétés barbadiennes et leurs sociétés mères qui assument les profits et les risques liés aux actions de Husky. Le fisc luxembourgeois a dit être en accord avec les sociétés luxembourgeoises et a approuvé la décision anticipée demandée : décisions anticipées du fisc luxembourgeois, dossier d’appel commun aux pp 2762 et 2766.
[87] Puisque le Luxembourg ne considère pas que les sociétés luxembourgeoises sont les propriétaires économiques des dividendes, et qu’il ne perçoit pas d’impôt sur ceux-ci, les Commentaires de 2003 étayent la conclusion qu’il serait contraire à l’objectif du traité avec le Luxembourg si le Canada traitait les sociétés luxembourgeoises comme les bénéficiaires effectifs des dividendes.
[88] Cette conclusion s’aligne sur les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Crown Forest, qui traitait d’un accord fiscal entre le Canada et les États-Unis : Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, R.T. Can. 1984 no 15 (adoptée au Canada par la Loi de 1984 sur la Convention Canada‑États‑Unis en matière d’impôts, S.C. 1984, ch. 20, ann. 1 (le traité avec les États-Unis)). Dans cet arrêt, la Cour suprême devait déterminer si Norsk, une société constituée en personne morale aux Bahamas, était résidente des États-Unis aux termes du paragraphe IV.1. du traité avec les États-Unis. Selon ce paragraphe, l’expression « résident des États-Unis »
désigne toute personne qui est assujettie à l’impôt aux États-Unis « en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son lieu de constitution ou de tout autre critère de nature analogue »
. Si Norsk était résidente des États-Unis, elle aurait eu droit à un taux de retenue d’impôt réduit applicable au revenu de location qu’elle tirait du Canada.
[89] La Cour suprême a conclu que Norsk n’était pas une résidente des États-Unis au sens du paragraphe IV.1. du traité avec les États-Unis parce qu’aucun des critères énoncés au paragraphe IV.1. ne constituait un motif d’assujettissement intégral de Norsk à l’impôt aux États‑Unis : Crown Forest aux para. 34 à 36, 40 et 68(1) et (2). En fait, l’assujettissement de Norsk à l’impôt des États-Unis se limitait à son revenu tiré d’une entreprise ou d’un commerce qu’elle y exploitait : Crown Forest au para. 28. En outre, en vertu d’un accord conclu avec les Bahamas, les États-Unis exonéraient d’impôt le revenu de location de Norsk: Crown Forest au para. 49. Cette situation a amené la Cour suprême à souligner, par des commentaires incidents, qu’il n’était pas nécessaire d’éviter la double imposition : Crown Forest au para. 48. S’exprimant au nom des juges majoritaires, le juge Iacobucci a déclaré ce qui suit :
Si on permettait à Norsk de bénéficier de la Convention en l’espèce, elle pourrait ainsi éviter tout impôt sur le revenu de location puisque l’assujettissement à l’impôt invoqué par les autorités canadiennes serait réduit en dépit du fait que les États‑Unis ont choisi de ne pas imposer ce revenu ou n’ont même pas compétence à cet égard.
La Convention a pour objet d’éviter que les compagnies constituées en personne morale dans un pays tiers (les Bahamas) ne bénéficient d’un assujettissement réduit à l’impôt sur le revenu d’une source du seul fait qu’elles traitent avec une compagnie canadienne par l’intermédiaire d’un bureau situé aux États‑Unis.
[…]
Cela pourrait encourager la « course aux traités » grâce auxquels des entreprises pourraient faire passer leurs revenus par certains États de manière à se prévaloir de bénéfices destinés aux seuls résidents des États contractants. Ce résultat serait manifestement contraire à la raison pour laquelle le Canada a cédé sa compétence en matière fiscale à titre de pays‑source du revenu, à savoir que les États‑Unis, à titre de pays de résidence, imposeraient ce revenu.
[Crown Forest aux para. 48, 49 et 52]
[90] Selon les Commentaires de 2003, il serait tout aussi contraire à l’objectif du traité avec le Luxembourg si le Canada accordait un allègement ou une exemption lorsque le revenu est payé à un résident d’un pays partie à un traité « qui agit […] comme un simple relais pour le compte d’une autre personne qui bénéficie réellement du revenu en cause »
. Ainsi, les Commentaires soutiennent l’affirmation du rapport sur les sociétés relais selon laquelle « une société relais ne peut pas être considérée normalement comme le bénéficiaire effectif si, bien qu’étant le propriétaire du revenu dans la forme, elle ne dispose dans la pratique que de pouvoirs très limités qui font d’elle un simple fiduciaire ou un simple administrateur agissant pour le compte des parties intéressées »
: Commentaire de 2003 sur l’article 10 au para. 12.1 [non souligné dans l’original], renvoyant à l’al. 14b) du rapport sur les sociétés relais.
[91] Husky postule que les sociétés luxembourgeoises ne peuvent être des sociétés relais, c’est-à-dire des entités qui relayent les dividendes de Husky aux sociétés barbadiennes, parce qu’elles avaient l’obligation de payer un montant égal aux dividendes bruts même si elles s’étaient départies des actions de Husky et que les dividendes avaient été payés au propriétaire des actions. Mais l’analyse exposée au paragraphe [68] ci-dessus montre clairement que les sociétés luxembourgeoises ne se seraient jamais départies des actions.
[92] Il est justifié de donner une réponse similaire à l’allégation de Husky selon laquelle les sociétés luxembourgeoises jouissaient de l’entière latitude ou du plein pouvoir d’utiliser les dividendes. Les sociétés luxembourgeoises n’ont jamais eu l’intention d’utiliser véritablement les dividendes, autrement que pour encaisser des intérêts minimes et, dans le cas de SocLux #1, pour réaliser des économies minimes en remboursant un prêt intersociétés en attendant de verser le paiement compensatoire (c.-à-d. le montant brut des dividendes) aux sociétés barbadiennes : décision de la CCI aux para. 278 à 284. Comme l’a dit la Cour de l’impôt, les sociétés luxembourgeoises n’avaient [traduction] « véritablement ni le contrôle ni la jouissance des dividendes »
: décision de la CCI aux para. 273 et 277.
[93] L’analyse de la propriété effective à la lumière de la nature juridique des accords entre les sociétés barbadiennes et les sociétés luxembourgeoises et des Commentaires de 2003 ne mène qu’à la conclusion que les sociétés luxembourgeoises étaient des sociétés relais qui jouissaient de pouvoirs très limités sur les dividendes.
[94] Les lecteurs attentifs auront remarqué la référence aux « pouvoirs très limités »
, expression utilisée dans les Commentaires de 2003 plutôt qu’à l’expression « absolument aucune latitude »
, qui est utilisée au paragraphe 100 de la décision Prévost Car CCI et sur laquelle Husky prend appui. Notre Cour a approuvé l’analyse de la Cour de l’impôt (Prévost Car aux para. 13 et 14), mais on ne saurait prétendre que cette approbation l’emporte sur le libellé des Commentaires de 2003. Le passage pertinent, faut-il le répéter, est ainsi libellé : « une société relais ne peut pas être considérée normalement comme le bénéficiaire effectif si, bien qu’étant le propriétaire du revenu dans la forme, elle ne dispose dans la pratique que de pouvoirs très limités qui font d’elle un simple fiduciaire ou un simple administrateur agissant pour le compte des parties intéressées »
: Commentaire de 2003 sur l’article 10 au para. 12.1. La Cour a non seulement souscrit aux Commentaires de l’OCDE, parce qu’ils représentent « un guide largement reconnu en matière d’application et d’interprétation »
des clauses de traités, mais elle a aussi rejeté la définition du terme « bénéficiaire effectif »
telle que proposée par la Couronne parce qu’elle « ne figur[ait] nulle part dans les documents de l’OCDE »
: Prévost Car aux para. 8 à 12, et 15.
[95] Compte tenu de l’analyse ci-dessus, les Commentaires de l’OCDE et le rapport sur les sociétés relais ne soutiennent pas la thèse de Husky voulant que les sociétés luxembourgeoises aient été les bénéficiaires effectifs des dividendes.
c) La jurisprudence internationale
[96] Les mêmes principes ressortent d’une décision suisse.
[97] Bien qu’elle ne lie pas les tribunaux canadiens, la jurisprudence internationale peut aider à l’interprétation des traités fiscaux : Crown Forest au para. 54; David A. Ward, «
Use of Foreign Court Decisions in Interpreting Tax Treaties »
dans Courts and Tax Treaty Law aux pp 161 à 187, plus précisément aux pp 179 et180. À ce sujet, un récent arrêt du Tribunal fédéral suisse est digne d’intérêt : 2C_209/2017 (Suisse, Tribunal fédéral).
[98] À l’instar de l’espèce, l’affaire suisse portait sur un accord de prêt de titres. L’accord en question avait été conclu par une institution financière résidente du Royaume-Uni (la banque du R.‑U.) et une institution financière affiliée résidente du Luxembourg (la banque luxembourgeoise). Selon cet accord, la banque du R.‑U. a prêté des actions d’une société résidente de la Suisse (les actions suisses) à la banque luxembourgeoise, et cette dernière s’est engagée à payer à la banque du R.‑U. une compensation équivalant aux dividendes reçus sur les actions suisses durant la période du prêt.
[99] L’affaire suisse se distingue de la présente affaire à deux égards : a) comme l’accord l’y obligeait, la banque luxembourgeoise avait fourni une garantie d’une somme équivalant à la valeur des actions suisses empruntées, et b) la banque du R.‑U. a encaissé des intérêts substantiels sur la garantie. Le fisc suisse a néanmoins refusé d’appliquer le taux de retenue d’impôt inférieur aux dividendes tirés des actions suisses prévu par le traité fiscal entre la Suisse et le Luxembourg.
[100] Le Tribunal fédéral suisse a appliqué sa propre jurisprudence selon laquelle le bénéficiaire d’un dividende qui a l’obligation juridique ou contractuelle de transmettre le dividende en question à une autre personne n’en est pas le bénéficiaire effectif. Il a convenu avec le tribunal inférieur que la banque luxembourgeoise avait une telle obligation et que l’intention n’a jamais été de transférer les actions suisses à un tiers comme le prévoyait l’accord de prêt de titres. En fait, la vente des actions aurait été incompatible avec l’obligation contractuelle implicite de transmettre les dividendes. Pour ces motifs, le Tribunal fédéral suisse a conclu que la banque luxembourgeoise n’était pas le bénéficiaire effectif des dividendes.
[101] Bien que les approches de la Suisse et du Canada pour déterminer la propriété effective puissent différer, l’arrêt suisse montre que l’analyse suivie ci-dessus et le résultat obtenu ne sont pas exceptionnels.
d) Conclusion
[102] L’interprétation du traité avec le Luxembourg en conformité avec les principes énoncés dans la Convention de Vienne mène à la conclusion que les sociétés luxembourgeoises n’étaient pas les bénéficiaires effectifs des dividendes aux termes de l’alinéa 10.2.a. du traité avec le Luxembourg. La même conclusion s’impose lorsqu’on applique la décision Prévost Car compte tenu de la nature juridique des accords de prêt de titres, car on ne peut soutenir que les sociétés luxembourgeoises « [ont reçu les dividendes] pour [leur] propre usage et [leur] propre jouissance, [ont assumé] les risques liés au[x] dividende[s] et [ont disposé] en maître d[es] dividende[s] »
: Prévost Car aux para. 13 et 14.
B. La Cour de l’impôt a-t-elle commis une erreur en concluant que Husky était tenue de retenir et de remettre un impôt correspondant à 25 % des dividendes?
[103] Comme mentionné plus haut, la Cour de l’impôt a conclu qu’un principe fiscal l’empêchait d’augmenter la cotisation de Husky à 25 % des dividendes. En conséquence, la deuxième question soulevée par Husky — à savoir si la Cour de l’impôt a commis une erreur en concluant que Husky était tenue de retenir et de remettre un impôt correspondant à 25 % des dividendes — est théorique en ce qui concerne l’appel de Husky dans la mesure où une décision sur cette question n’aurait aucun effet pratique sur les droits des parties : Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342 à la p 353.
[104] On ne peut dire de même en ce qui concerne les appels de la Couronne de la décision de la Cour de l’impôt d’annuler les cotisations des sociétés barbadiennes. À cet égard, la question de savoir si la Cour de l’impôt a commis une erreur en concluant que l’application du paragraphe 212(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu ne permet pas d’imposer les sociétés barbadiennes au motif qu’elles n’avaient pas reçu directement les dividendes demeure entière.
[105] Le problème est que la Couronne n’a pas contesté la conclusion de la Cour de l’impôt selon laquelle l’application du paragraphe 212(2) n’entraîne pas l’imposition des sociétés barbadiennes et n’a formulé aucun argument en ce sens devant notre Cour. En fait, la Couronne conteste la décision de la Cour de l’impôt en soutenant que cette dernière a commis une erreur en concluant que la règle générale anti-évitement ne s’appliquait pas pour imposer les sociétés barbadiennes au taux de 15 %. De plus, comme mentionné plus haut, la Couronne interjette appel par mesure préventive de la décision de la Cour de l’impôt d’annuler les cotisations des sociétés barbadiennes et a informé la Cour que ses appels ne devraient être accueillis que si notre Cour accueillait l’appel de Husky.
[106] La position de la Couronne est déconcertante, car elle contredit en apparence le devoir légal du ministre d’établir les cotisations et de rendre des décisions selon les faits et le droit et de ne pas faire des compromis ou adopter des positions qui sont dissociés de son devoir légal : Harris c. Canada, [2000] 4 C.F. 37 (C.A.) au para. 37; CIBC World Markets Inc. c. La Reine, 2012 CAF 3 aux para. 22 à 24; Galway c. Ministre du Revenu national, [1974] 1 C.F. 600 (C.A.) à la p 602. Ce devoir vise à assurer que le droit est appliqué de façon uniforme et que les Canadiens ont confiance en l’administration et en l’application du régime fiscal : Daniel Sandler, « Settling Tax Disputes: Is it All About the Money? »
dans Pooja Mihailovich and John Sorensen, dir., Tax Disputes in Canada: The Path Forward (Toronto : Fondation canadienne de fiscalité, 2022) à la p 422. Il vise également à assurer que le gouvernement et, partant, les Canadiens disposent des sommes d’argent auxquelles ils ont droit.
[107] La position de la Couronne est d’autant plus déconcertante que la décision de la Cour de l’impôt a des répercussions qui vont au-delà de la présente affaire. En effet, l’interprétation que la Cour de l’impôt a donnée au paragraphe 212(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu pourrait entraîner des conséquences fâcheuses sur les opérations commerciales ordinaires où la personne non-résidente qui reçoit directement un dividende n’en est pas le bénéficiaire effectif. Il suffit de penser à la situation suivante : une société canadienne paie un dividende à un dépositaire — une institution financière qui détient les titres pour le compte de l’actionnaire. Ce dépositaire est un non-résident, mais il ne réside pas dans le même pays que l’actionnaire lui aussi non-résident. Le traité entre le Canada et le pays de résidence du dépositaire prévoit un taux de retenue de 15 % alors que le traité entre le Canada et le pays de résidence de l’actionnaire prévoit un taux de retenue de 5 %. Selon l’interprétation de la Cour de l’impôt, le paragraphe 212(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu ne s’appliquera qu’à la personne non-résidente qui reçoit directement le dividende (c.-à-d. le dépositaire), ce qui aura pour effet d’empêcher le bénéficiaire effectif du dividende (c.-à-d. l’actionnaire) d’avoir droit au taux de retenue de 5 % prévu par le traité entre le Canada et le pays de résidence de l’actionnaire.
[108] Or, l’interprétation de la Cour de l’impôt fait notamment fi des éléments suivants :
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a)la question de savoir si les sociétés luxembourgeoises agissaient ou non à titre de mandataires lorsqu’elles ont reçu les dividendes et, si elles agissaient de fait à titre de mandataires, la possibilité que ce fait ait une incidence sur l’interprétation du paragraphe 212(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu;
-
b)le fait que, lorsque le Canada conclut un traité fiscal avec un autre pays, le législateur adopte une loi pour mettre en œuvre ce traité et lui donner force de loi. La loi de mise en œuvre prévoit qu’en cas d’incompatibilité entre les dispositions du traité et celles de toute autre loi, les dispositions du traité l’emportent. Le paragraphe 26(2) de la loi mettant en œuvre le traité avec la Barbade, mentionnée au paragraphe [5] ci-dessus, est une telle disposition. La Cour de l’impôt aurait dû prendre en considération l’effet du paragraphe 26(2) sur l’interprétation du paragraphe 212(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu étant donné que le paragraphe X.2. du traité avec la Barbade réduit le taux de retenue lorsque le bénéficiaire effectif d’un dividende est résident de la Barbade; et
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c)la question de savoir si le paragraphe 10(6) des Règles concernant l’application de l’impôt sur le revenu a une incidence sur l’interprétation du paragraphe 212(2). Le paragraphe 10(6), dont il est fait mention au paragraphe [7] ci-dessus, dispose que, lorsqu’un traité entre le Canada et un autre pays prévoit un taux d’imposition inférieur à payer sur une somme payée ou créditée, ou réputée être payée ou créditée à un résident de cet autre pays, toute mention d’un taux d’imposition dans la Loi de l’impôt sur le revenu doit être interprétée comme une mention du taux précisé dans ce traité.
[109] Bien que ces omissions, entre autres, jettent un doute sur l’analyse de la Cour de l’impôt, le fait que notre Cour les ait relevées ne suffit pas pour déterminer si la Cour de l’impôt a commis une erreur en droit en concluant que l’application du paragraphe 212(2) ne permet pas d’imposer les sociétés barbadiennes. En fait, pour trancher une telle question, la Cour requiert des observations beaucoup plus approfondies que celles que les parties ont présentées en l’espèce.
[110] Il ne fait aucun doute que la Cour demanderait des observations si le fait de ne pas se prononcer sur l’application du paragraphe 212(2) aux sociétés barbadiennes entraînait un manquement du ministre à son devoir de rendre des décisions fondées sur les faits et le droit et privait le gouvernement et les Canadiens des sommes d’argent auxquelles ils ont droit. Mais tel n’est pas le cas en l’occurrence.
[111] Le ministre a établi la cotisation à l’égard de Husky pour l’impôt manquant (c.-à-d. le taux de 15 % en vertu du paragraphe X.2. du traité avec la Barbade moins les 5 % d’impôt retenu par Husky), et les présents motifs ne modifient d’aucune façon cette cotisation. Toute conclusion selon laquelle l’application du paragraphe 212(2) aurait permis d’imposer les sociétés barbadiennes à titre de bénéficiaires effectifs des dividendes n’aurait pas majoré les impôts. Elle aurait simplement donné au ministre une autre voie pour recouvrer l’impôt manquant. À cet égard, il convient de noter qu’il n’est pas rare que le ministre n’établisse que la cotisation à l’égard de la société canadienne qui a payé le dividende pour la retenue d’impôt : voir, par exemple, Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63.
[112] Vu les circonstances, il n’est pas nécessaire que la Cour détermine si la Cour de l’impôt a commis une erreur en droit en concluant que l’application du paragraphe 212(2) ne permet d’imposer que la personne non-résidente qui reçoit directement un dividende. Mieux vaut remettre cette question à plus tard, lorsque la Cour disposera d’observations adéquates. Cela dit, les présents motifs ne doivent aucunement être interprétés comme si cette Cour avait approuvé l’interprétation que la Cour de l’impôt a donnée au paragraphe 212(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu.
VI. Conclusion
[113] Pour les motifs exposés ci-dessus, je rejetterais avec dépens l’appel de Husky dans le dossier A‑16‑24. Je rejetterais aussi avec dépens les appels de la Couronne dans les dossiers A‑10‑24 et A‑11‑24.
[114] Les présents motifs s’appliquent aux trois appels. L’original des motifs doit être déposé dans le dossier A‑10‑24 et une copie doit être versée dans les dossiers A‑11‑24 et A‑16‑24.
« Nathalie Goyette »
j.c.a.
« Je suis d’accord.
Richard Boivin j.c.a. »
« Je suis d’accord.
Sylvie E. Roussel j.c.a. »
Annexe A : Dispositions pertinentes
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COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS
DoSSIERS : |
A-10-24 (dossier principal), A-11-24, A-16-24 |
DOSSIER : |
A-10-24 |
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INTITULÉ : |
SA MAJESTÉ LE ROI c. HUTCHISON WHAMPOA LUXEMBOURG HOLDINGS S.À R.L. |
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ET DOSSIER : |
A-11-24 |
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INTITULÉ : |
SA MAJESTÉ LE ROI c. L.F. MANAGEMENT AND INVESTMENT S.À R.L. |
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ET DOSSIER : |
A-16-24 |
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INTITULÉ : |
HUSKY ENERGY INC. c. SA MAJESTÉ LE ROI |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Toronto (Ontario) |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
le 3 décembre 2024 |
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motifs du jugement : |
la juge GOYETTE |
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Y ONT SOUSCRIT : |
LE JUGE BOIVIN LA JUGE ROUSSEL |
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DATE DES MOTIFS : |
le 29 SEPTEMBRE 2025 |
COMPARUTIONS :
Dossier A-10-24 |
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Pascal Tétrault Montano Cabezas |
POUR L’APPELANT SA MAJESTÉ LE ROI |
Margaret Nixon Pierre-Louis Le Saunier |
POUR L’INTIMÉE HUTCHISON WHAMPOA LUXEMBOURG HOLDINGS S.À R.L. |
Dossier A-11-24 |
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Pascal Tétrault Montano Cabezas |
POUR L’APPELANT SA MAJESTÉ LE ROI |
Louise Summerhill Josh Kumar Monica Carinci |
POUR L’INTIMÉE L.F. MANAGEMENT AND INVESTMENT S.À R.L. |
Dossier A-16-24 |
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Nicolas Cloutier Al-Nawaz Nanji Dominic Bédard-Lapointe Robert Celac |
POUR L’APPELANTE HUSKY ENERGY INC. |
Pascal Tétrault Montano Cabezas |
POUR L’INTIMÉ SA MAJESTÉ LE ROI |
AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :
Shalene Curtis-Micallef Sous-procureur générale du Canada |
POUR L’APPELANT / L’INTIMÉ SA MAJESTÉ LE ROI |
Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l. Toronto (Ontario) |
POUR L’INTIMÉE HUTCHISON WHAMPOA LUXEMBOURG HOLDINGS S.À R.L. |
Aird & Berlis LLP Toronto (Ontario) |
POUR L’INTIMÉE L.F. MANAGEMENT AND INVESTMENT S.À R.L. |
McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l. Toronto, Ontario |
POUR L’APPELANTE HUSKY ENERGY INC. |