Dossier : A-217-23
Référence : 2025 CAF 41
[TRADUCTION FRANÇAISE]
CORAM : |
LE JUGE BOIVIN LE JUGE RENNIE LE JUGE LASKIN |
ENTRE : |
ANNETTE LANCE |
demanderesse |
et |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
défendeur |
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 19 février 2025.
Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 19 février 2025.
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE RENNIE |
Date : 20250219
Dossier : A-217-23
Référence : 2025 CAF 41
CORAM : |
LE JUGE BOIVIN LE JUGE RENNIE LE JUGE LASKIN |
ENTRE : |
ANNETTE LANCE |
demanderesse |
et |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
défendeur |
MOTIFS DU JUGEMENT
(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 19 février 2025.)
LE JUGE RENNIE
[1] La demanderesse, Annette Lance, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale, qui a infirmé une décision de la division générale. La division d’appel a jugé que la division générale avait commis une erreur dans l’application du critère de l’inconduite et a donc conclu que, compte tenu de la situation de la demanderesse, cette dernière était exclue du bénéfice des prestations au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi).
[2] La demanderesse travaillait à l’hôpital Huron Perth Healthcare Alliance, à Stratford, en Ontario. Le 17 août 2021, en vertu de l’article 77.7 de la Loi sur la protection et la promotion de la santé, L.R.O. 1990, ch. H.7, le médecin hygiéniste en chef de l’Ontario a émis une directive qui exigeait que tous les employés de la santé publique se fassent vacciner contre la COVID‑19. En conséquence, l’hôpital a mis en œuvre une politique qui exigeait que tous les employés se fassent vacciner. La demanderesse, qui était entièrement au fait de la politique de l’hôpital et des conséquences du non‑respect de celle‑ci, a refusé de s’y conformer. Elle n’a pas demandé d’être exemptée de la politique de vaccination de l’hôpital. Elle a d’abord été suspendue de son emploi, puis congédiée. Pendant sa suspension, elle a demandé des prestations au titre de la Loi. Conformément aux articles 29 à 31 de la Loi, la Commission a rejeté sa demande parce qu’elle avait été suspendue de son emploi en raison de son inconduite.
[3] La division générale a accueilli l’appel au motif que ni la convention collective ni le contrat de travail de la demanderesse n’exigeaient, expressément ou implicitement, qu’elle se fasse vacciner. La division générale a également conclu qu’aucune loi n’obligeait les employés de l’hôpital à se faire vacciner, et que cette obligation avait simplement été imposée par l’employeur.
[4] La Commission a sollicité et obtenu la permission de porter la décision de la division générale en appel.
[5] Lors de l’audience relative à la permission d’en appeler, la demanderesse a fait valoir que le membre de la division générale n’était pas impartial, car il avait exprimé des doutes quant au bien-fondé de la décision de la division générale et avait déjà rendu des décisions dans des affaires concernant la perte d’emploi pour non‑respect de la politique de vaccination d’un employeur. Le membre a refusé de se récuser et a accordé la permission. La demanderesse a ensuite convaincu le vice‑président du Tribunal d’ordonner la constitution d’un comité formé de trois membres. En règle générale, les appels sont tranchés par un seul membre. Nous mentionnons cet élément uniquement parce que la demanderesse fait valoir devant notre Cour que la division d’appel a fait montre de partialité.
[6] En ce qui concerne le fond de la demande dont notre Cour est saisie, il convient de noter que la division d’appel peut infirmer une décision de la division générale s’il y a eu manquement à l’équité procédurale, si la décision est fondée sur des conclusions de fait qui ont été tirées sans tenir compte des éléments de preuve ou si la décision est entachée d’une erreur de droit (Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34, art. 55 et para. 56(1)). À notre avis, il était justifié d’intervenir dans les circonstances.
[7] C'est la Loi qui régit l’admissibilité des personnes sans emploi au bénéfice des prestations et non pas les contrats de travail des employés. La Loi dispose que des prestations sont versées seulement si la perte d’emploi est involontaire (articles 29 à 31). Le terme « inconduite »
n’est pas défini dans la Loi elle‑même. Il a été défini par le Tribunal de la sécurité sociale et notre Cour, qui a déclaré qu’il y a inconduite lorsque l’employé adopte délibérément une conduite de nature à entraver l’exécution de ses obligations (Mishibinijima c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 36, au para. 14).
[8] Par conséquent, la seule question en litige est de déterminer si l’employée connaissait ou aurait dû connaître la politique de l’employeur et les conséquences du non‑respect de celle‑ci et si elle a eu une conduite qui, de manière objective, pouvait entraîner la perte de son emploi. Les questions relatives, notamment à la nature abusive ou injustifiée du congédiement, au bien-fondé de la politique, à l’existence d’autres solutions que le congédiement et à la conformité de la politique ou du congédiement à la convention collective sont sans pertinence pour déterminer si la prestataire est admissible au bénéfice des prestations (Cecchetto c. Canada (Attorney General), 2024 CAF 102, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 41441 (13 février 2025); Kuk c. Canada (Attorney General), 2024 CAF 74, aux paras. 8 et 9; Sullivan c. Canada (Attorney General), 2024 CAF 7, au para. 4; Zhelkov c. Canada (Attorney General), 2023 CAF 240, au para. 3).
[9] La division générale s’est concentrée à tort sur le bien‑fondé de la politique de l’hôpital Huron Perth et sur le contrat de travail de la demanderesse plutôt que sur sa conduite. Elle a commis une erreur de droit en examinant si la politique de l’hôpital était équitable ou légale, si elle était conforme à la Charte ou si elle contrevenait aux droits de la personne de l’employée ou aux modalités d’une convention collective. La seule question que la division générale aurait dû trancher était de déterminer si l’employée connaissait ou aurait dû connaître la politique et les conséquences du non‑respect de celle‑ci et si elle a volontairement choisi de ne pas s’y conformer.
[10] La division d’appel a déterminé que la demanderesse avait été informée de la politique de l’employeur, qu’elle connaissait les conséquences du non‑respect de celle‑ci et qu’elle avait délibérément choisi de ne pas s’y conformer. En appliquant correctement le droit, la division d’appel a conclu que la perte d’emploi de la demanderesse était volontaire et que cette dernière était exclue du bénéfice des prestations suivant les articles 29 à 31 de la Loi. Nous ne percevons aucune erreur dans cette analyse.
[11] Devant notre Cour, la demanderesse a de nouveau fait valoir que la division d’appel a fait montre de partialité. Disons simplement que cet argument n’est pas étayé par la preuve. Le fait que la division d’appel a appliqué le droit conformément à sa jurisprudence antérieure ne suscite pas de crainte de partialité.
[12] La demande sera donc rejetée avec dépens.
« Donald J. Rennie »
j.c.a.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
A-217-23 |
INTITULÉ : |
ANNETTE LANCE c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
LIEU DE L’AUDIENCE : |
OTTAWA (ONTARIO) |
DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 19 FÉVRIER 2025 |
MOTIFS DU JUGEMENT : |
LE JUGE BOIVIN LE JUGE RENNIE LE JUGE LASKIN |
PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR : |
LE JUGE RENNIE |
COMPARUTIONS :
Annette Lance |
POUR SON PROPRE COMPTE |
Rebekah Ferriss |
POUR LE DÉFENDEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Shalene Curtis-Micallef Sous-procureure générale du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |