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Date : 20240627


Dossier : A-166-23

Référence : 2024 CAF 103

CORAM :

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LOCKE

LA JUGE WALKER

 

 

ENTRE :

 

 

MONA KIAME

 

 

demanderesse

 

 

et

 

 

SYNDICAT DES EMPLOYÉS ET EMPLOYÉES NATIONAUX/AFPC

 

 

défendeur

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 3 juin 2024.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 juin 2024.

MOTIFS DU JUGEMENT DE :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LOCKE

LA JUGE WALKER

 


Date : 20240627


Dossier : A-166-23

Référence : 2024 CAF 103

CORAM :

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LOCKE

LA JUGE WALKER

 

 

ENTRE :

 

 

MONA KIAME

 

 

demanderesse

 

 

et

 

 

SYNDICAT DES EMPLOYÉS ET EMPLOYÉES NATIONAUX/AFPC

 

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GLEASON

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) rendue le 25 mai 2023 (2023 CCRI LD 5019).

[2] Dans ladite décision, le Conseil a rejeté la plainte déposée par la demanderesse en vertu de l’article 37 et du paragraphe 97(1) du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le Code) contre le Syndicat des employées et employés nationaux/Alliance de la fonction publique du Canada (le Syndicat) au motif que la demanderesse n’a pas établi une preuve suffisante à première vue d’un manquement au devoir juste de représentation de la part du Syndicat.

[3] Dans sa plainte, la demanderesse allègue que le Syndicat a manqué à son devoir de représentation juste, en vertu de l’article 37 du Code, puisque le Syndicat n’a pas déposé un grief individuel, libellé comme la demanderesse le voulait, contestant la politique sur la vaccination contre la COVID-19 que son employeur a adoptée. Son employeur, le Conseil des Arts du Canada (le CAC), a suivi la politique sur la vaccination contre la COVID-19 du Conseil du Trésor, qui s’appliquait à la plupart des fonctionnaires fédéraux.

[4] La demanderesse voulait que le Syndicat conteste le bien-fondé de ladite politique, croyant que les vaccins contre la COVID-19 étaient expérimentaux et possiblement dangereux et qu’un employeur ne pouvait pas mettre ses employés à pied sans solde s’ils refusaient d’être vaccinés contre la COVID-19. La demanderesse soutenait également que la Charte canadienne des droits et libertés interdisait l’adoption d’une telle politique par le CAC et voulait que le Syndicat fasse valoir cet argument. Elle recherchait en plus d’être dédommagée pour la période de sa mise à pied en raison de son choix de ne pas être vaccinée.

[5] La demanderesse a été mise à pied le 15 novembre 2021 en raison de son refus d’être vaccinée contre la COVID-19, mais a seulement demandé au Syndicat le 11 avril 2022 de déposer un grief contestant la politique sur la vaccination contre la COVID-19 du CAC.

[6] Lors des discussions par courriel entre la demanderesse et les représentants du Syndicat, ces derniers ont avisé la demanderesse que le Syndicat accepterait de déposer un grief contestant sa mise au pied et ses pertes reliées, mais n’accepterait pas les amendements que la demanderesse voulait faire au projet de grief rédigé par le procureur du Syndicat. Le Syndicat a fourni à la demanderesse des raisons pour ce refus. Un des représentants du Syndicat a également avisé la demanderesse que le Syndicat avait déposé un grief de principe contre la politique de vaccination du Conseil du Trésor le 22 mars 2022. De plus, un autre représentant du Syndicat a expliqué à la demanderesse qu’elle ne pouvait obtenir de dommages-intérêts pour la période antérieure au délai pour le dépôt d’un grief individuel sauf si elle pouvait établir qu’elle était incapable de déposer un grief plus tôt. Bien que la demanderesse ait prétendu souffrir d’une telle incapacité, elle n’a fourni aucune preuve médicale au Syndicat, et le dossier devant le Conseil ne contentait que deux billets médicaux, autorisant l’absence du travail de la demanderesse seulement jusqu’en décembre 2021.

[7] Dans son mémoire et devant la Cour, la demanderesse reproche au Conseil d’avoir commis des erreurs de fait et de droit et de ne pas avoir respecté les principes d’équité procédurale. Plus précisément, elle soutient que :

  • le Conseil a affirmé sans preuve que le Syndicat lui a expliqué pourquoi le Syndicat acceptait la nécessité des vaccins;

  • le Conseil n’a pas suivi les critères applicables pour déterminer si le Syndicat a agi de manière arbitraire, discriminatoire ou entachée de mauvaise foi dans la représentation d’un employé;

  • le Conseil n’a pas respecté les critères indiqués dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653 [Vavilov];

  • le Conseil l’a refusé le droit de faire valoir une partie des arguments qu’elle voulait soulever en rejetant une version amendée de la pièce P-4 présentée le 4 octobre 2022; et

  • le Conseil ne s’est pas acquitté de son devoir de prendre en considération tous les renseignements qui étaient pertinents pour arriver à une décision juste et équitable. Ce dernier argument met en cause le fait que le Conseil a choisi de ne pas tenir une audience pour examiner les arguments contenus dans la pièce P-4.

[8] La décision du Conseil de rejeter la plainte de la demanderesse doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable : Vavilov au para. 83; Watson c. Syndicat canadien de la fonction publique, 2023 CAF 48 au para. 16 [Watson]. En ce qui concerne les questions d’équité procédurale, par contre, le rôle de la Cour est de déterminer si la procédure adoptée par le Conseil en l’espèce était équitable compte tenu de toutes les circonstances : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, [2019] 1 R.C.F. 121 aux paras. 54-56.

[9] Dans le cadre d’une plainte en vertu de l’article 37 du Code, le rôle du Conseil n’est pas de se substituer au Syndicat et de réévaluer la décision de ne pas déposer un grief ni d’évaluer le bien-fondé du grief qu’un plaignant voulait que son syndicat dépose. Le rôle du Conseil est plutôt limité à évaluer si le syndicat a agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Comme le Conseil a écrit à la page 13 de sa décision en l’espèce, « le Conseil doit … se concentrer sur la conduite du syndicat, à savoir s’il a fait une enquête et s’il a sérieusement réfléchi aux faits et arguments présentés par le plaignant ».

[10] Dans sa décision, le Conseil a détaillé la preuve pertinente et a déterminé que la demanderesse n’a pas déposé de preuve suffisante à première vue pour soutenir sa plainte. En arrivant à sa conclusion, le Conseil a suivi ses décisions antérieures semblables, soit Watson c. Canadian Union of Public Employees, 2022 CCRI 1002 et Stevenson c. Teamsters Canada Rail Conference, 2022 CCRI 1020. Le Conseil a ajouté que notre Cour a maintenu la décision du Conseil dans l’affaire Watson.

[11] Le Conseil pouvait raisonnablement rejeter la plainte de la demanderesse puisque la preuve déposée démontrait que le Syndicat avait examiné les arguments de la demanderesse et lui avait expliqué pourquoi le Syndicat ne déposerait pas le grief que la demanderesse voulait poursuivre. En outre, il était loisible au Conseil de conclure que le Syndicat avait fourni des explications suffisantes à la demanderesse. Contrairement à ce que la demanderesse soutient, le Conseil a suivi la jurisprudence, a appliqué les critères pertinents pour déterminer si le Syndicat avait agi de manière arbitraire, discriminatoire ou entachée de mauvaise foi dans la représentation d’un employé, et est arrivé aux conclusions factuelles soutenues par la preuve. De plus, le Conseil a fourni des motifs détaillés à l’appui de sa décision. Ainsi, la décision du Conseil est raisonnable.

[12] Les arguments de la demanderesse par rapport aux manquements à l’équité procédurale sont également sans fondement.

[13] Le Conseil n’est pas tenu de tenir une audience chaque fois qu’on lui en fait la demande. L’article 16.1 du Code prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. La Cour a souvent reconnu le pouvoir du Conseil de trancher des dossiers sans tenir d’audience : Paris c. Syndicat des employés de Transports R.M.T. (Unifor-Québec), 2022 CAF 173 au para. 6; Watson aux paras. 50-52 (et les décisions qui sont citées dans lesdits paragraphes).

[14] En ce qui a trait à la version amendée de la pièce P-4, le Conseil a refusé de verser ce document au dossier parce que le document a été déposé de façon tardive, après que le dossier soit en délibéré devant un banc du Conseil. Il était loisible au Conseil de refuser le dépôt vu l’article 10 du Règlement 2012 sur le conseil canadien des relations industrielles, DORS/2001-520, qui prévoit que toute demande au Conseil doit comporter, entre autres, un exposé détaillé des faits et moyens invoqués à l’appui d’une demande.

[15] De plus, la pièce P-4 amendée ajoutait que des références supplémentaires à la jurisprudence. Seulement une des décisions ajoutées dans la version amendée de la pièce P-4 était pertinente à la plainte de la demanderesse, soit la décision du Conseil dans McRaeJackson, 2004 CCRI 290. Cependant, cette décision ne fait que résumer la jurisprudence du Conseil en matière de l’article 37 du Code, qui est bien connue et qui a été fidèlement suivie par le Conseil dans la décision en l’espèce. Donc, la pièce P-4 n’aurait rien apporté au dossier de toute façon.

[16] Durant l’audience devant notre Cour, la demanderesse soulève un nouvel argument qui n’a pas été soulevé dans son mémoire, soit que la décision du CAC aurait dû être contestée par le Syndicat puisque la politique sur la vaccination contre la COVID-19 du Conseil du Trésor ne s’appliquait pas au CAC. Mais, la demanderesse n’a pas soulevé cet argument devant le Conseil ni au Syndicat. Elle ne peut pas le faire valoir en contrôle judiciaire devant la Cour, car notre rôle n’est que de statuer sur le caractère raisonnable de la décision du Conseil et de déterminer si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances: McMaster c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 37 au para. 4; Andrews c. Alliance de la fonction publique, 2022 CAF 159 aux paras. 17-24; Kalonji c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 8 au para. 7.

[17] Je rejetterais donc la présente demande de contrôle judiciaire. Vu que le Syndicat ne recherche pas des dépens, je n’en accorderais pas.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

George R. Locke J.A. »

« Je suis d’accord.

Elizabeth Walker J.A. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-166-23

INTITULÉ :

MONA KIAME c. SYNDICAT DES EMPLOYÉS ET EMPLOYÉES NATIONAUX/AFPC

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 juin 2024

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LOCKE

LA JUGE WALKER

DATES DES MOTIFS :

LE 27 JUIN 2024

 

COMPARUTIONS :

Mona Kiame

 

en son propre nom

 

Me Zéni Andrade

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alliance de la Fonction publique du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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