Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20231222


Dossier : A‐229‐23

Référence : 2023 CAF 253

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE EN CHEF DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

LA JUGE GOYETTE

 

ENTRE :

JANSSEN INC. et JANSSEN PHARMACEUTICA N.V.

appelantes

et

APOTEX INC.

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 7 décembre 2023.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 décembre 2023.

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE EN CHEF DE MONTIGNY

LA JUGE GOYETTE

 


Date : 20231223


Dossier : A‐229‐23

Référence : 2023 CAF 253

CORAM :

LE JUGE EN CHEF DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

LA JUGE GOYETTE

 

 

ENTRE :

JANSSEN INC. et JANSSEN PHARMACEUTICA N.V.

appelantes

et

APOTEX INC.

intimée

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT

Il s’agit d’une version publique des motifs confidentiels du jugement remis aux parties. Les deux versions sont identiques, car aucun renseignement confidentiel n’a été divulgué dans les motifs de jugement confidentiels.

LE JUGE LOCKE

I. Contexte

[1] Janssen Inc. et Janssen Pharmaceutica N.V. (collectivement Janssen) interjettent appel d’une décision de la Cour fédérale (2023 CF 912, rendue par le juge Michael D. Manson), qui a rejeté la requête de Janssen en jugement sommaire dans quatre dossiers connexes en contrefaçon de brevets (nos T‐1121‐22, T‐1122‐22, T‐1248‐22 et T‐1249‐22, les actions sous‐jacentes) contre Apotex Inc., conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‐133 (le Règlement). Janssen a demandé que les réparations demandées dans les actions sous‐jacentes soient accordées au motif que le principe de la chose jugée fait obstacle aux moyens de défense d’Apotex, que ceux‐ci constituaient un abus de procédure et que le principe de l’exercice du choix l’empêchait d’invoquer ces moyens de défense. La Cour fédérale a refusé d’accorder un jugement sommaire pour l’un ou l’autre de ces motifs et a autorisé que les actions sous‐jacentes suivent leur cours. Un procès de cinq jours portant sur les actions sous‐jacentes doit commencer le 18 mars 2024.

[2] Aux fins du présent appel, seule la question de l’abus de procédure demeure en litige. Pour les motifs exposés ci‐dessous, j’accueillerais le présent appel, ainsi que la requête de Janssen en jugement sommaire comme la Cour fédérale aurait dû le faire.

[3] Les actions sous‐jacentes concernaient le brevet canadien de Janssen no 2 655 335 (le brevet 335) visant sa suspension de palmitate de palipéridone (commercialisé sous la marque INVEGA SUSTENNA) et préparé dans des seringues préremplies de 50 mg/0,5 ml, 75 mg/0,75 ml, 100 mg/1,0 ml et 150 mg/1,5 ml. Apotex demande un avis de conformité (AC) afin de lui permettre de commercialiser sa version générique d’INVEGA SUSTENNA. Dans le cadre du processus d’obtention de son AC, et conformément à l’article 5 du Règlement, Apotex a remis à Janssen des avis d’allégation (AA) alléguant que les revendications invoquées du brevet 335 sont invalides parce qu’elles comprennent des objets non brevetables, notamment les méthodes de traitement médical. Il n’est pas par ailleurs allégué dans ces AA que la version générique d’Apotex évitera la contrefaçon du brevet 335. Janssen a intenté les actions sous‐jacentes au titre de l’article 6 du Règlement, et Apotex s’est défendue sur le même fondement que celui invoqué dans les AA.

[4] La requête en jugement sommaire de Janssen et son appel devant la Cour reposent sur le fait que les actions sous‐jacentes n’étaient pas les premières actions en contrefaçon de brevet intentées au titre de l’article 6 du Règlement concernant le brevet 335 et les efforts d’Apotex pour mettre sur le marché sa version générique d’INVEGA SUSTENNA. En 2021, Janssen a intenté une autre action contre Apotex (no T‐124‐21, l’action antérieure) en réponse à un AA antérieur qu’elle avait reçu d’Apotex. Selon l’AA antérieure et les moyens de défense invoqués par Apotex contre l’action antérieure, sa version générique d’INVEGA SUSTENNA ne contreferait pas le brevet 335 parce qu’Apotex ne vendrait pas l’un des éléments essentiels de toutes les revendications de ce brevet : soit la dose de 75 mg. Apotex n’a pas allégué à l’époque que le brevet 335 était invalide. La Cour fédérale a tranché l’action antérieure à la suite d’un procès sommaire. Elle a conclu qu’Apotex contreferait le brevet 335 par incitation si elle mettait sur le marché sa version générique d’INVEGA SUSTENNA. La Cour fédérale a donc accordé diverses injonctions. Cette décision (2022 CF 107, 190 CPR (4th) 96) est en appel devant la Cour dans le dossier no A‐36‐22. Cet appel a été entendu et une décision de la Cour est actuellement en attente.

[5] Dans le présent appel, Janssen fait valoir que la Cour fédérale aurait dû conclure que l’allégation d’invalidité d’Apotex dans les actions sous‐jacentes constituait un abus de procédure parce que toute allégation de ce genre aurait pu et aurait dû être formulée dans le contexte de l’action antérieure. Janssen soutient qu’Apotex ne devrait pas être autorisée à [traduction] « faire valoir ses arguments de manière échelonnée » et aurait dû « mett[re] tout en œuvre pour établir la véracité de [ses] allégations » dans le cadre de l’action antérieure.

II. La décision de la Cour fédérale

[6] La Cour fédérale a évalué l’argument de Janssen concernant l’abus de procédure dans le contexte du Règlement. Elle a fait remarquer que le paragraphe 5(1) de celui‐ci exige « qu’un fabricant de médicaments génériques qui sollicite un avis de conformité doit inclure dans sa présentation les déclarations ou allégations prévues au paragraphe (2.1) » (voir le paragraphe 71 des motifs de la Cour fédérale). Parmi celles‐ci figurent des allégations visées à l’alinéa 5(2.1)c) selon lesquelles le brevet est invalide (sous‐alinéa 5(2.1)c)ii)), ou selon lesquelles « en fabriquant, construisant, exploitant ou vendant la drogue [...] la seconde personne ne contreferait pas le brevet [...] » (sous‐alinéa 5(2.1)c)iv)). La Cour fédérale a conclu que rien dans le Règlement n’empêche la production de plus d’un AA concernant le même brevet et, en fait, un nouvel AA serait requis lors du dépôt d’une nouvelle présentation.

[7] En l’espèce, Apotex a signifié quatre AA concernant deux présentations (présentations abrégées de drogue nouvelle ou PADN). La première paire d’AA a été suivie par une deuxième paire en raison d’arguments portant sur des irrégularités de procédure. Essentiellement, les PADN d’Apotex concernent les seringues préremplies de 50 mg/0,5 ml, 100 mg/1,0 ml et 150 mg/1,5 ml (no 233882, PADN no 1), et les seringues préremplies de 25 mg/0.25 ml et 75 mg/0.75 ml (no 239939, PADN no 2). La PADN no 1 a fait l’objet de l’AA d’absence de contrefaçon qui a donné lieu à l’action antérieure. En ce qui concerne la PADN no 2, Apotex avait accepté, à l’origine, de ne pas entrer sur le marché avant l’expiration du brevet 335, comme le prévoit l’alinéa 5(2.1)b) du Règlement et, par conséquent, aucune action antérieure n’a été intentée à cet égard. Apotex a signifié les AA qui font l’objet du présent appel après que la décision de la Cour fédérale dans l’action antérieure a été rendue.

[8] La Cour fédérale était d’avis que cela aurait constitué un abus de procédure si Apotex avait allégué un motif d’invalidité du brevet 335 dans son AA initial, puis un autre motif d’invalidité dans les AA subséquents. Toutefois, elle a conclu que les allégations d’invalidité d’Apotex à la suite de ses allégations initiales d’absence de contrefaçon étaient recevables. Elle a mis l’accent sur le fait que l’alinéa 5(2.1)c) du Règlement prévoit des allégations d’invalidité et d’absence de contrefaçon dans des sous‐alinéas distincts.

[9] La Cour fédérale a conclu que les AA ne constituaient pas un abus de procédure et, par conséquent, les actions sous‐jacentes et les moyens de défense fondés sur l’invalidité qui en ont découlé, déposés par Apotex, ne constituaient pas non plus un abus de procédure. De plus, la Cour fédérale a conclu que les arguments de Janssen concernant l’abus de procédure ne s’appliquaient pas à la PADN no 2 parce qu’elle n’avait pas été examinée auparavant par la Cour fédérale.

III. La doctrine de l’abus de procédure

[10] Les juges disposent, pour empêcher les abus de procédure, d’un pouvoir discrétionnaire résiduel inhérent : Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, [2003] 3 R.C.S. 77, au para. 35 (arrêt S.C.F.P.). La doctrine de l’abus de procédure fait intervenir [traduction] « le pouvoir inhérent du tribunal d’empêcher que ses procédures soient utilisées abusivement, d’une manière [...] qui aurait [...] pour effet de discréditer l’administration de la justice » ; arrêt S.C.F.P., au para. 37, citant Canam Enterprises Inc. c. Coles (2000), 194 DLR (4th) 648, 51 OR (3d) 481 (CA), au para. 55. C’est une doctrine souple qui ne s’encombre pas d’exigences particulières telles que la notion d’irrecevabilité : arrêt S.C.F.P., au para. 37. Les tribunaux canadiens ont appliqué la doctrine de l’abus de procédure pour empêcher la réouverture de litiges dans des circonstances où les exigences strictes de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée n’étaient pas remplies, mais où la réouverture aurait néanmoins porté atteinte aux principes d’économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d’intégrité de l’administration de la justice : arrêt S.C.F.P., au para. 37.

[11] Les raisons de principes étayant la doctrine de l’abus de procédure pour remise en cause sont les suivantes :

  1. qu’un litige puisse avoir une fin;

  2. que personne ne puisse être tracassé deux fois par la même cause d’action;

  3. la préservation des ressources des tribunaux et des parties;

  4. le maintien de l’intégrité du système judiciaire afin d’éviter les résultats contradictoires;

  5. la protection du principe du caractère définitif des instances si important pour la bonne administration de la justice (arrêt S.C.F.P., au para. 38).

[12] La doctrine de l’abus de procédure met davantage l’accent sur l’intégrité du processus décisionnel judiciaire comme fonction de l’administration de la justice que sur l’intérêt des parties : arrêt S.C.F.P., au para. 43.

[13] Il existe diverses circonstances dans lesquelles la remise en cause n’entraîne pas un abus de procédure. Dans l’arrêt S.C.F.P., la Cour suprême du Canada s’est exprimée comme suit :

52 [...] la remise en cause s’accompagne de graves effets préjudiciables et qu’il faut s’en garder à moins que des circonstances n’établissent qu’elle est, dans les faits, nécessaire à la crédibilité et à l’efficacité du processus juridictionnel dans son ensemble. Il peut en effet y avoir des cas où la remise en cause pourra servir l’intégrité du système judiciaire plutôt que lui porter préjudice, par exemple : (1) lorsque la première instance est entachée de fraude ou de malhonnêteté, (2) lorsque de nouveaux éléments de preuve, qui n’avaient pu être présentés auparavant, jettent de façon probante un doute sur le résultat initial, (3) lorsque l’équité exige que le résultat initial n’ait pas force obligatoire dans le nouveau contexte. [...]

53 Les facteurs discrétionnaires qui visent à empêcher que la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ne produise des effets injustes, jouent également en matière d’abus de procédure pour éviter de pareils résultats indésirables. Il existe de nombreuses circonstances où l’interdiction de la remise en cause, qu’elle découle de l’autorité de la chose jugée ou de la doctrine de l’abus de procédure, serait source d’inéquité. Par exemple, lorsque les enjeux de l’instance initiale ne sont pas assez importants pour susciter une réaction vigoureuse et complète alors que ceux de l’instance subséquente sont considérables, l’équité commande de conclure que l’autorisation de poursuivre la deuxième instance servirait davantage l’administration de la justice que le maintien à tout prix du principe de l’irrévocabilité. Une incitation insuffisante à opposer une défense, la découverte de nouveaux éléments de preuve dans des circonstances appropriées, ou la présence d’irrégularités dans le processus initial, tous ces facteurs peuvent l’emporter sur l’intérêt qu’il y a à maintenir l’irrévocabilité de la décision initiale. [Renvois omis]

[14] Comme la Cour suprême du Canada l’a décidé dans l’arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, [2001] 2 R.C.S. 460, au para. 18 (arrêt Danyluk), même s’il s’agissait d’une analyse du principe de la préclusion :

Le droit tend à juste titre à assurer le caractère définitif des instances. Pour favoriser la réalisation de cet objectif, le droit exige des parties qu’elles mettent tout en œuvre pour établir la véracité de leurs allégations dès la première occasion qui leur est donnée de le faire. Autrement dit, un plaideur n’a droit qu’à une seule tentative. [...] Une personne ne devrait être tracassée qu’une seule fois à l’égard d’une même cause d’action. Les instances faisant double emploi, les risques de résultats contradictoires, les frais excessifs et les procédures non décisives doivent être évités.

[15] L’obligation des parties de mettre tout en œuvre concerne non seulement les questions ou les faits distinctement mis en cause et directement réglés, mais elle vise les faits substantiels, les conclusions de droit ou les conclusions mixtes de fait et de droit à l’égard desquels un tribunal a nécessairement statué (même s’il ne l’a pas fait de façon explicite) dans le cadre de l’instance antérieure : arrêt Danyluk, au para. 24.

[16] Les lignes directrices supplémentaires suivantes proviennent de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Blencoe c. Colombie‐Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 R.C.S. 307, au para. 120 :

Pour conclure qu’il y a eu abus de procédure, la cour doit être convaincue que [traduction] « le préjudice qui serait causé à l’intérêt du public dans l’équité du processus administratif, si les procédures suivaient leur cours, excéderait celui qui serait causé à l’intérêt du public dans l’application de la loi, s’il était mis fin à ces procédures » (Brown et Evans, op. cit., à la p. 9‐68). Le juge L’Heureux‐Dubé affirme dans Power, précité, à la p. 616, que, d’après la jurisprudence, il y a « abus de procédure » lorsque la situation est à ce point viciée qu’elle constitue l’un des cas les plus manifestes. À mon sens, cela s’appliquerait autant à l’abus de procédure en matière administrative. Pour reprendre les termes employés par le juge L’Heureux‐Dubé, il y a abus de procédure lorsque les procédures sont « injustes au point qu’elles sont contraires à l’intérêt de la justice » (p. 616). « Les cas de cette nature seront toutefois extrêmement rares » (Power, précité, à la p. 616). Dans le contexte administratif, il peut y avoir abus de procédure lorsque la conduite est tout aussi oppressive.

[17] J’examine maintenant la jurisprudence dans laquelle la doctrine de l’abus de procédure a été examinée dans le contexte d’un litige en matière de brevets.

[18] Dans l’arrêt Sanofi‐Aventis Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2007 CAF 163, 282 DLR (4th) 476, aux para. 26 et 36 (arrêt Sanofi‐Aventis) et Pfizer Canada Inc. c. Amgen Inc., 2019 CAF 249, 311 ACWS (3d) 823, au para. 57 (arrêt Pfizer), la Cour a confirmé que les principes énoncés dans l’arrêt S.C.F.P. doivent éclairer l’analyse en ce qui concerne l’abus de procédure dans le contexte du Règlement.

[19] Dans la décision Apotex Inc. c. Merck & Co., [1999] A.C.F. no 575, 167 FTR 59 (CF 1re inst.) (décision Merck), Apotex a intenté une action en invalidité du brevet en litige après avoir essuyé un échec dans une action antérieure en contrefaçon de brevet dans laquelle elle n’avait pas soulevé la question de l’invalidité du brevet. Apotex avait également essuyé un échec à la suite de la présentation d’une requête visant à modifier le jugement en appel où les revendications en litige ont été déclarées valides. Merck a présenté une requête en radiation de la déclaration d’Apotex en tant qu’abus de procédure. La Cour fédérale, Section de première instance, a accueilli la requête au motif que la validité du brevet sous‐tendait implicitement la conclusion de contrefaçon dans l’action antérieure. Au paragraphe 25, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit :

[...] [l]’application du principe de l’autorité de la chose jugée ne dépend pas de la question de savoir si les parties ont effectivement soulevé ou non la ou les questions en litige dans le premier procès, mais si elles pouvaient le faire. Le plaideur qui décide de laisser tomber certaines questions pour des raisons notamment de tactique ou de stratégie règle son propre sort en ce qui concerne ces décisions. Les parties doivent invoquer tous leurs moyens et ne sont pas autorisées à plaider de manière fragmentée ou à la pièce. Le caractère définitif des décisions juridictionnelles est un principe de droit tout autant qu’un principe général (voir également l’arrêt Grandview c. Doering, [1976] 2 R.C.S. 621, aux pages 634 et 636). Les parties engagées dans un procès doivent pouvoir se fier au caractère définitif des jugements définitifs pour régler leurs actes et leurs affaires en conséquence.

[20] La Cour, dans l’arrêt Procter & Gamble Pharmaceuticals Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2003 CAF 467, [2004] 2 RCF 85 (arrêt Procter & Gamble), a également étendu le principe de la finalité aux questions qui auraient pu être soulevées, mais qui ne l’ont pas été, quoique dans le contexte de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. Dans cet arrêt, la Cour a conclu qu’une allégation fondée sur le Règlement selon laquelle le brevet en litige n’était pas admissible à l’inscription sur une liste de brevets avait été tranchée implicitement dans un litige antérieur en vertu du Règlement dans le cadre duquel une ordonnance d’interdiction avait été rendue.

[21] Dans la décision AB Hassle c. Apotex Inc., 2005 CF 234, [2005] 4 RCF 229, Apotex a envoyé un AA alléguant l’absence de contrefaçon et l’invalidité du brevet en litige après qu’un AA antérieur non retenu alléguant l’absence de contrefaçon n’a donné lieu qu’à une ordonnance d’interdiction. Au paragraphe 81, la Cour fédérale a conclu que l’allégation antérieure d’Apotex portant uniquement sur l’absence de contrefaçon indiquait qu’elle avait accepté la validité du brevet en litige et que la question d’invalidité avait effectivement déjà été tranchée. La Cour fédérale a donc conclu que l’AA ultérieur était interdit par la préclusion découlant d’une affaire déjà tranchée et qu’il constituait également un abus de procédure.

[22] En appel (AB Hassle c. Apotex Inc., 2006 CAF 51, [2006] 4 RCF 513 (arrêt AB Hassle)), la Cour a confirmé la conclusion d’abus de procédure de la Cour fédérale. Au paragraphe 24, la Cour a reconnu que plus d’un AA pour le même brevet peut, dans certaines circonstances, être approprié, mais elle a fait remarquer que le destinataire d’un second (ou subséquent) AA pourrait entamer une action en vertu du Règlement, puis faire valoir que l’AA est un abus de procédure. Au paragraphe 25, la Cour a fourni la liste non exhaustive suivante des circonstances dans lesquelles un second AA peut ne pas être un abus de pouvoir : s’il s’appuie sur de nouveaux faits, un procédé récemment découvert, une modification de la loi, une situation qui limite le champ ou l’application d’une ordonnance d’interdiction existante ou une nouvelle décision définitive concernant la validité ou l’interprétation du brevet. La Cour a également reconnu un pouvoir discrétionnaire résiduel pour trancher une demande même s’il est établi qu’elle constitue un abus de procédure. Au paragraphe 26, la Cour a conclu que la conclusion d’abus de procédure de la Cour fédérale au motif qu’Apotex aurait pu formuler ses allégations d’invalidité dans l’instance antérieure n’était entachée d’aucune erreur. La Cour a également refusé d’intervenir dans l’exercice par la Cour fédérale de son pouvoir discrétionnaire.

[23] Le principe énoncé dans l’arrêt AB Hassle selon lequel la segmentation des AA peut constituer un abus de procédure a depuis été réitéré par la Cour dans l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi‐Aventis, 2014 CAF 68, [2015] 2 RCF 828, au para. 76.

[24] Enfin, la Cour a fait remarquer que l’inconduite n’est pas un élément requis pour conclure à l’abus de procédure au Canada : arrêt Sanofi‐Aventis, au para. 43.

IV. Modifications apportées au Règlement en 2017

[25] D’importantes modifications apportées au Règlement sont entrées en vigueur en 2017. Fait particulièrement important dans le présent appel, l’approche antérieure à deux volets en matière de litige a été remplacée. Auparavant, le débat entre la première personne (habituellement, le propriétaire ou le porteur de licence du brevet en litige) et la seconde personne (habituellement, le fabricant de médicaments génériques) portait sur la question de savoir si le ministre de la Santé devrait être interdit de délivrer un AC à la seconde personne. La décision a été rendue en fonction de la question de savoir si la première personne avait réussi à établir que les allégations contenues dans l’AA de la seconde personne n’étaient pas justifiées. Dans l’affirmative, une ordonnance d’interdiction serait rendue. Dans la négative, le ministre de la Santé demeurerait libre de délivrer un AC à la seconde personne. Cette instance portant sur l’interdiction prenait la forme d’une demande, puis se déroulait sur support papier et sans témoignage en direct. Quelle que soit l’issue de l’instance portant sur l’interdiction, un litige portant sur la Loi sur les brevets, LRC 1985, ch. P‐4, (et échappant au champ d’application du Règlement) pourrait suivre. Si l’ordonnance d’interdiction était refusée et que l’AC avait été délivré à la seconde personne, la première personne pourrait intenter une action en contrefaçon au titre de l’article 55 de la Loi sur les brevets. D’autre part, si une ordonnance d’interdiction avait été rendue et que la seconde personne avait été empêchée d’entrer sur le marché, elle pourrait intenter une action au titre de l’article 60 de la Loi sur les brevets en vue de demander une déclaration selon laquelle le brevet en litige est invalide et/ou ne serait pas contrefait. Ces actions intentées en vertu de la Loi sur les brevets seraient tranchées en fonction des éléments de preuve recueillis lors du procès avec des témoignages devant la Cour et après l’interrogatoire préalable.

[26] Ce litige à deux volets a été autorisé parce que les questions dont était saisie la Cour étaient techniquement différentes – l’instance en vertu du Règlement ne visait pas à déterminer si le brevet en litige était valide ou s’il serait contrefait, mais si certaines allégations à cet égard étaient justifiées. Une autre lacune du Règlement avant 2017 était qu’une première personne n’ayant pas obtenu gain de cause pourrait ne pas avoir de droit d’appel pratique parce qu’un AC pourrait être délivré à la seconde personne peu après la décision de la Cour fédérale, et avant qu’un appel puisse être tranché. Un appel sur la question d’interdire au ministre de la Santé de délivrer l’AC deviendrait théorique dès la délivrance de l’AC.

[27] L’un des principaux objectifs des modifications apportées au Règlement en 2017 était d’éliminer la nature à deux volets des litiges portant sur des brevets de médicaments. Selon les modifications, la seconde personne signifie toujours un AA. Toutefois, la prochaine étape pour la première personne consiste maintenant à intenter une action plutôt qu’à présenter une demande. Comme auparavant, le début de l’instance empêche le ministre de la Santé de délivrer un AC à la seconde personne pendant une période de 24 mois (sous réserve de certaines conditions), et la première personne accepte la possibilité d’une responsabilité pour dommages‐intérêts envers la seconde personne si l’action est finalement rejetée. La différence importante est que l’action en vertu du Règlement, dans sa forme actuelle, tranche les questions soulevées dans l’AA (par exemple, la contrefaçon, l’invalidité) une fois pour toutes, tout comme une action ordinaire en vertu de la Loi sur les brevets. L’élimination de l’approche à deux volets en matière de litiges confère également un droit d’appel efficace pour une première personne qui n’a pas obtenu gain de cause. Même si la Cour fédérale statue en faveur de la seconde personne et que celle-ci obtient un AC pour son médicament générique, la première personne peut poursuivre un appel sans craindre que la question soit devenue théorique.

V. Les arguments des parties

[28] Janssen fait valoir que, tout comme dans le litige AB Hassle, le fait qu’Apotex ait signifié un AA antérieur alléguant seulement l’absence de contrefaçon du brevet 335, puis, après avoir essuyé un échec pour ce motif, qu’elle ait signifié d’autres AA alléguant l’invalidité du brevet 335, constituait un abus de procédure. Janssen soutient que l’AA antérieur, qui n’alléguait pas l’invalidité, constituait nécessairement une reconnaissance que le brevet 335 était valide, tout comme dans le litige AB Hassle. Elle fait valoir qu’Apotex n’invoque aucune exception à la règle générale selon laquelle les parties doivent mettre tout en œuvre pour établir la véracité de leurs allégations.

[29] Même si Janssen reconnaît que la décision et l’arrêt AB Hassle concernent le Règlement tel qu’il existait avant 2017, elle fait valoir que cette décision et cet arrêt s’appliquent avec encore plus de force dans le cadre du régime actuel dans lequel toutes les questions doivent être tranchées au cours d’une seule instance.

[30] Janssen soutient que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en décrivant incorrectement la question en litige comme étant celle de savoir si une seconde personne est autorisée à signifier plus d’un AA. Selon Janssen, un AA n’est que le début du processus d’instruction, permettant à la première personne d’intenter une action en contrefaçon. La véritable question consiste à savoir si l’AA subséquent constitue un abus de procédure parce que les questions soulevées dans la deuxième instance auraient pu avoir été soulevées dans la première.

[31] Janssen fait également valoir que la Cour fédérale a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas reconnu la distinction entre le présent litige, dans lequel Apotex aurait pu, mais n’a pas soulevé la question de l’invalidité en tant que question dans l’action antérieure, et le litige parallèle entre Pharmascience Inc. (PMS) et Janssen concernant le même brevet, dans lequel PMS a soulevé l’invalidité comme une question dans l’instance initiale. Cette instance (T‐1441‐20) a donné lieu à un procès sommaire concernant l’allégation d’absence de contrefaçon de PMS (2022 CF 62, 190 CPR (4th) 1, qui fait l’objet d’un appel devant la Cour, dossier nA‐69‐22, qui a été entendu et demeure en délibéré) et est passée au stade du procès sur la question restante de l’invalidité (2022 CF 1218, 198 CPR (4th) 329, qui fait l’objet d’un autre appel devant la Cour, dossier no A‐205‐22, qui a également été entendu et demeure en délibéré).

[32] Enfin, Janssen soutient que la Cour fédérale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que ses arguments concernant l’abus de procédure ne s’appliquaient pas à la PADN no 2. Janssen fait valoir que la PADN no 2 est liée à la PADN no 1 en ce qu’elles concernent toutes deux différentes doses de son produit de palipéridone palmitate. Selon l’argument d’absence de contrefaçon d’Apotex dans l’action antérieure (concernant la PADN no 1), elle n’inclurait pas la dose de 75 mg, qui est l’une des doses envisagées dans la PADN no 2.

[33] Pour sa part, Apotex fait remarquer que l’abus de procédure est un recours extraordinaire et discrétionnaire, et que son application en l’espèce doit être examinée dans le contexte du Règlement. Apotex soutient que la décision discrétionnaire de la Cour fédérale est particulièrement digne de respect en l’espèce parce que le même juge qui a tranché les requêtes en appel ici a également présidé des procès distincts visant Teva Canada Limited et PMS qui portaient sur le même médicament et le même brevet. Apotex fait valoir qu’aucun officier de justice n’est mieux placé pour évaluer si l’abus de procédure s’applique dans les actions sous‐jacentes.

[34] En ce qui concerne le contexte du Règlement, Apotex indique que les allégations d’invalidité sont traitées différemment des allégations d’absence de contrefaçon. Outre le fait qu’il figure dans un sous‐alinéa distinct sous l’alinéa 5(2.1)c), « l’énoncé du fondement juridique et factuel » qui doit accompagner une allégation « est détaillé dans le cas d’une allégation portant que le brevet [...] est invalide ou nul » (sous‐alinéa 5(3)b)(ii)). Il n’existe aucune exigence semblable pour les détails d’une allégation d’absence de contrefaçon.

[35] Apotex invoque également le paragraphe 55.2(5) de la Loi sur les brevets, qui prévoit ce qui suit :

Divergences

Inconsistency or conflict

55.2 (5) Une disposition réglementaire prise sous le régime du présent article prévaut sur toute disposition législative ou réglementaire fédérale divergente.

52.2(5) In the event of any inconsistency or conflict between

[EN BLANC]

(a) this section or any regulations made under this section, and

[EN BLANC]

(b) any Act of Parliament or any regulations made thereunder,

[EN BLANC]

this section or the regulations made under this section shall prevail to the extent of the inconsistency or conflict.

[36] Apotex fait valoir que le Règlement crée un régime complet dans lequel le traitement différent des allégations d’invalidité et d’absence de contrefaçon est délibéré compte tenu de la nature sommaire des instances intentées en vertu de ce Règlement, et qu’il est censé prévaloir. Dans ce contexte, Apotex soutient qu’il n’y a pas d’abus de procédure lorsqu’une seconde personne choisit d’alléguer uniquement l’absence de contrefaçon (en espérant qu’elle aura gain de cause sur cette question), puis qu’elle invoque plus tard l’invalidité si l’allégation d’absence de contrefaçon est rejetée. Apotex fait valoir qu’elle n’aurait pas avantage à retarder son allégation d’invalidité parce que cela aurait pour effet de retarder le moment où cette allégation serait examinée par le tribunal.

[37] Apotex va plus loin et fait valoir que les instances en vertu du Règlement ne se dérouleraient pas avec l’efficacité voulue si une seconde personne était autorisée à présenter une question d’invalidité dans sa défense qui n’a pas été soulevée dans son AA. Apotex laisse entendre que les secondes personnes seraient ainsi encouragées à ne pas faire état d’allégations d’invalidité dans leurs AA. Elle soutient également qu’exiger que toutes les allégations soient formulées dans un seul AA compliquerait inutilement les litiges en vertu du Règlement.

[38] Apotex souligne également que le Règlement n’interdit pas plus d’un AA à l’égard d’un médicament et d’un brevet en particulier. Elle fait valoir qu’une telle interdiction aurait facilement pu être prévue si cela avait été envisagé, et qu’il y a de bonnes raisons de ne pas compliquer les instances en vertu du Règlement en exigeant qu’une seconde personne soulève toutes les allégations possibles dans un seul AA. Étant donné que les AA en l’espèce n’étaient pas abusifs, Apotex affirme que les actions sous‐jacentes et ses moyens de défense en matière d’invalidité n’étaient pas abusifs non plus.

[39] Apotex soutient que le litige AB Hassle se distingue de l’espèce parce que les nouvelles allégations d’invalidité ont en fait donné lieu à une contestation indirecte des conclusions antérieures du tribunal sur l’interprétation des revendications.

[40] Apotex fait valoir en outre que l’argument de Janssen concernant l’abus de procédure, qui est fondé sur la remise en cause, ne peut pas être retenu parce que l’appel de la décision de la Cour fédérale dans l’action antérieure demeure en instance et n’est donc pas définitive.

[41] Enfin, Apotex conteste l’argument de Janssen selon lequel les modifications apportées au Règlement en 2017 visaient à ce que toutes les allégations soient tranchées dans une seule instance. Apotex fait valoir que l’objectif consistait à éviter l’approche inefficace à deux volets en matière de litiges dans le cadre de laquelle une question pouvait être débattue et tranchée au cours d’une instance en vertu du Règlement, puis remise en cause dans une instance ultérieure échappant au champ d’application du Règlement. Apotex soutient que, en l’espèce, elle cherche à soulever un argument qui n’a pas été examiné par la Cour.

VI. Analyse

[42] La norme de contrôle applicable dans le présent appel portant sur une question discrétionnaire est celle prévue dans Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. Les questions de droit sont examinées selon la norme de la décision correcte et les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit, où il n’existe aucune question de droit isolable, sont examinées selon la norme de l’erreur manifeste et dominante. En l’espèce, je conclus que la Cour fédérale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a appliqué le mauvais critère juridique pour conclure qu’il n’y avait pas d’abus de procédure.

[43] Même si le pouvoir de suspendre les instances pour abus de procédure est discrétionnaire, il doit être exercé conformément à la jurisprudence établie, et le défaut de le faire constitue une erreur de droit. À mon avis, la Cour fédérale a commis une erreur dans son examen de l’argument d’abus de procédure de Janssen en mettant l’accent sur la distinction dans le Règlement entre les allégations d’absence de contrefaçon et les allégations d’invalidité, ainsi que sur le bien‐fondé de la signification par Apotex de multiples AA. Étant donné que la doctrine de l’abus de procédure concerne le pouvoir inhérent de la Cour d’empêcher l’utilisation abusive de sa procédure, l’accent aurait plutôt été mis sur l’instance devant la Cour – en l’espèce, les actions sous‐jacentes.

[44] À mon avis, le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) qui accompagnait les modifications apportées au Règlement en 2017 (Gazette du Canada, Partie II, vol. 151, Édition spéciale no 1) indique clairement que l’objectif principal était d’éviter les instances multiples concernant les brevets sur les médicaments, que ces instances soient engagées ou non en vertu du Règlement. Le REIR comprend les éléments suivants :

[L]e Canada [...] remplaçant les demandes sommaires d’interdiction par des actions complètes donnant lieu à des décisions définitives sur les questions de contrefaçon et de validité des brevets. [page 32, voir également les pages 34 et 52 à effet semblable]

[...]

Il est mis fin à la pratique coûteuse et inefficace des doubles litiges, ce qui offre une certitude accrue sur les plans juridique et commercial. [page 34]

[...]

Plus généralement, le remplacement du régime de procédure sommaire actuel par un régime d’actions complètes améliorera l’efficacité globale du processus. En raison de ce changement, la Cour rendra des décisions définitives au sujet de la contrefaçon et de la validité des brevets. [page 35]

[...]

Les instances engagées en vertu du Règlement peuvent désormais viser toute revendication d’un brevet inscrit au registre des brevets, et non simplement les revendications relatives à un ingrédient médicinal [...] Ainsi, il n’est pas nécessaire d’introduire une procédure distincte pour examiner toutes les revendications d’un même brevet. [page 37]

[...]

L’AA doit fournir un fondement juridique et factuel à l’appui de toute allégation d’invalidité formulée dans la présentation ou le supplément, ce qui facilitera l’examen à une étape précoce des questions susceptibles d’être soulevées dans la procédure. Cette exigence ne limite aucunement les questions ou arguments qui peuvent être soulevés dans une procédure en vertu du Règlement. La portée de l’instance sera définie par les actes de procédure conformément aux règles et pratiques applicables, ce qui harmonisera les procédures introduites en vertu du Règlement avec celles engagées en vertu de la Loi [sur les brevets]. [page 40]

[45] Même si la mesure particulière prévue dans les modifications apportées au Règlement en 2017 visait à éliminer l’instance pouvant mener à une ordonnance d’interdiction contre le ministre de la Santé, le but d’éviter de multiples instances était au premier plan. Une instance intentée au titre de l’article 6 du Règlement, dans sa version modifiée en 2017, se déroulerait comme une « action en contrefaçon de brevet, assortie des garanties procédurales que sont l’interrogatoire préalable et les témoignages de vive voix, ainsi que les conclusions de fond concernant la validité et la contrefaçon » de sorte que « l’action intentée au titre de l’article 6 du Règlement modifié [...] est, pour ainsi dire, une instance identique à une action intentée au titre de l’article 55 » : voir l’arrêt Pfizer, aux para. 8, 83.

[46] Une autre indication qu’une action intentée au titre de l’article 6 du Règlement doit être intentée et avoir un effet semblable à une action normale en contrefaçon de brevet est qu’une seconde personne n’est pas limitée dans sa défense à ce qui est allégué dans l’AA. Le paragraphe 6(3) du Règlement prévoit que la seconde personne puisse faire une demande reconventionnelle et ne limite pas les questions qui peuvent y être soulevées. De plus, comme indiqué au paragraphe 44 ci‐dessus, le REIR précise, à la page 40, que l’exigence énoncée au sous‐alinéa 5(3)b)(ii) du Règlement selon laquelle l’AA doit inclure un énoncé du fondement juridique et factuel à l’appui de l’allégation « ne limite aucunement les questions ou arguments qui peuvent être soulevés dans une procédure en vertu du Règlement ». La Cour a confirmé la recevabilité des modifications aux actes de procédure dans une action intentée au titre de l’article 6 du Règlement qui présentent des questions qui ne sont pas soulevées dans l’AA sous‐jacent : Sunovion Pharmaceuticals Canada Inc. c. Taro Pharmaceuticals Inc., 2021 CAF 113, 183 CPR (4th) 167, confirmé dans 2021 CF 37, 328 ACWS (3d) 149.

[47] À la lumière de la jurisprudence qui précède, la Cour fédérale aurait dû se demander si un défendeur dans une action normale en contrefaçon de brevet intentée au titre de l’article 55 de la Loi sur les brevets qui se défend en invoquant l’absence de contrefaçon (sans contester la validité du brevet en litige) serait autorisé, après avoir essuyé un échec en fonction de ce moyen de défense, à intenter une action en invalidation distincte concernant le même brevet. En l’absence de circonstances particulières (par exemple, celles mentionnées aux paragraphes 13 et 22 ci‐dessus), une telle action subséquente constituerait habituellement un abus de procédure, à mon avis. Je ne vois aucune raison pour laquelle ce même raisonnement ne devrait pas s’appliquer dans le cas d’actions distinctes en vertu du Règlement.

[48] Je rejetterais l’argument d’Apotex selon lequel il y a de bonnes raisons de permettre des AA séquentiels soulevant chacun différentes allégations (voir le paragraphe 38 ci‐dessus). Le même raisonnement pourrait s’appliquer dans les actions normales en contrefaçon de brevet, mais une telle approche dans ce contexte serait incompatible avec la jurisprudence.

[49] Comme je l’ai mentionné au paragraphe 22 ci‐dessus, la Cour a déclaré dans l’arrêt AB Hassle (au paragraphe 24) que, même si un deuxième AA ou un AA subséquent est permis dans certaines circonstances, ce qui incite la première personne à entamer une action en vertu du Règlement, la première personne peut le faire, puis soutenir que l’AA est un abus de procédure. Cela indique que la signification d’un AA en bonne et due forme n’est pas nécessairement suffisante pour éviter une conclusion selon laquelle cet avis, ou la défense dans l’action subséquente, constitue un abus de procédure. À mon avis, cela s’applique tout autant aux termes du Règlement modifié en 2017.

[50] Je n’écarterais pas l’arrêt AB Hassle comme précédent comme le demande Apotex, au motif qu’il portait sur des questions d’interprétation des revendications qui avaient déjà été tranchées par le tribunal. Il ressort clairement des paragraphes 21 et 22 de l’arrêt de la Cour dans cette affaire que toutes les questions en litige ne portaient pas sur l’interprétation des revendications, et que la question principale consistait à savoir si les nouvelles allégations « aurai[en]t pu – et dû » avoir été formulées dans des instances antérieures.

[51] Je n’écarterais pas non plus comme précédent la décision Merck et l’arrêt Procter & Gamble (dont il est question aux paragraphes 19 et 20 ci‐dessus), comme le demande Apotex. À mon avis, ces deux jugements sont instructifs pour examiner l’abus de procédure dans le présent appel, et le fait que les circonstances soient différentes n’est pas un motif justifiant de les écarter.

[52] Je ne souscris pas aux arguments d’Apotex (mentionnés aux paragraphes 36 et 37 ci‐dessus) selon lesquels le fait de permettre à de secondes personnes de présenter des allégations d’invalidité qui ne sont pas mentionnées dans leur AA les inciterait à omettre de divulguer ces allégations dans l’AA, ce qui nuirait à l’efficacité du processus et irait à l’encontre de l’objet du Règlement. Je ne suis pas convaincu que les secondes personnes seraient encouragées à omettre de divulguer des allégations dans leur AA. La seconde personne sait que l’AA est le document que la première personne doit prendre en considération lorsqu’elle décide si elle i) doit intenter une action aux termes de l’article 6 du Règlement (et ainsi accepter la possibilité d’une responsabilité pour les dommages causés à la seconde personne si l’action est rejetée), ou ii) éviter la possibilité d’une telle responsabilité en ne faisant rien et en permettant à la seconde personne d’entrer sur le marché. Une allégation d’invalidité valable inciterait vraisemblablement une première personne à choisir la deuxième voie. Par conséquent, la seconde personne a une bonne raison de vouloir formuler une telle allégation dans l’AA. De plus, même si le fait de ne pas inclure une allégation d’invalidité dans un AA dispensait la seconde personne de l’obligation de fournir des détails sur l’allégation, il porterait également atteinte au droit de la seconde personne de demander à la première personne les renseignements visés au paragraphe 5(3.1) du Règlement, au moins jusqu’à l’interrogatoire préalable. Cela pourrait retarder la production de documents comme des cahiers de laboratoire et des rapports de recherche, ainsi que les coordonnées de l’inventeur ou des inventeurs. De plus, comme l’a reconnu Apotex, une allégation d’invalidité qui a été délibérément omise dans un AA pourrait être exclue d’une action subséquente intentée aux termes de l’article 6 du Règlement comme étant elle‐même un abus de procédure découlant du fait d’avoir omis de respecter les exigences du Règlement.

[53] À mon avis, l’objectif ici était de contraindre la seconde personne à formuler toutes ses allégations dans son AA de façon à ce qu’elle n’en garde pas en réserve si elle n’obtenait pas initialement gain de cause. Même si cela peut donner lieu à des instances plus compliquées, cela permettrait d’atteindre l’objectif explicite de trancher toutes les questions dans une seule action.

[54] Je suis également d’avis que le paragraphe 55.2(5) de la Loi sur les brevets, qui prévoit des incohérences ou des conflits entre le Règlement et une autre loi du Parlement ou tout règlement pris en vertu de celle‐ci, ne s’applique pas en l’espèce. Je ne vois aucune incohérence avec le Règlement dans l’application de la doctrine de l’abus de procédure dans les circonstances de la présente affaire.

[55] Je ne souscris pas non plus à l’argument d’Apotex selon lequel il ne peut y avoir aucun abus de procédure en l’espèce, car l’appel de la décision de la Cour fédérale dans l’action antérieure demeure en instance. En premier lieu, la doctrine de l’abus de procédure est souple et n’est pas limitée par l’exigence stricte du caractère définitif des décisions qui s’applique à la doctrine de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée : arrêt S.C.F.P., au para. 37. De plus, la question en litige dans l’appel concernant l’action antérieure n’a aucun lien avec la question de l’invalidité en litige dans les actions sous‐jacentes et dans le présent appel. La validité du brevet n’est pas en litige dans l’action antérieure.

[56] Le fait préoccupant qui subsiste dans le présent appel est qu’Apotex a décidé de faire valoir l’invalidité du brevet 335 seulement après avoir essuyé un échec dans l’action antérieure, alors qu’elle aurait pu formuler la question d’invalidité dans son AA ou dans le cadre de son moyen défense, mais a décidé de ne pas le faire. Il semble qu’Apotex ait tenté de scinder son litige et de fragmenter son procès d’une manière qui a été qualifié d'abus de procédure. Même si Apotex n’a pas soulevé l’invalidité comme question en litige dans l’action antérieure, celle‐ci a été implicitement examinée. Le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets prévoit qu’un brevet est réputé valide. De plus, le fait que la Cour fédérale a imposé des recours en injonction dans sa décision dans l’action antérieure suppose qu’elle a conclu que le brevet 335 est valide.

[57] En ce qui concerne le PADN no 2, je suis d’accord avec Janssen pour dire que la Cour fédérale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’abus de procédure ne s’appliquait pas parce qu’il s’agissait d’une PADN distincte (ayant trait à des doses différentes) qui n’avait pas été examinée auparavant par la Cour. Il s’agissait d’une approche trop rigide, qui ne permettait pas de reconnaître la souplesse de la doctrine de l’abus de procédure. Comme le soutient Janssen, la dose de 75 mg envisagée dans la PADN no 2 est la dose qui manquait dans la PADN no 1 pour servir de fondement à l’allégation d’absence de contrefaçon d’Apotex qui a été rejetée. À l’origine, Apotex a accepté qu’un AC ne soit pas délivré à l’égard de la PADN no 2 tant que le brevet 335 n’aurait pas expiré. Comme en ce qui concerne la PADN no 1, Apotex aurait pu alléguer que le brevet 335 est invalide, mais elle ne l’a pas fait. L’approche révisée d’Apotex alléguant l’invalidité à l’égard de la PADN no 2 semble faire partie de son plan de sauvegarde, au même titre que la PADN no 1, après qu’elle a essuyé un échec à l’égard de son allégation d’absence de contrefaçon. Il serait absurde d’interdire à Apotex d’alléguer l’invalidité du brevet 335 aux fins de la PADN no 1 en vertu de la doctrine de l’abus de procédure, mais de permettre la même allégation aux fins de la PADN no 2.

VII. Réparation

[58] Ayant conclu que la Cour fédérale a commis une erreur dans son examen de l’abus de procédure, j’examine maintenant la question de la réparation.

[59] Ni Janssen ni Apotex n’ont demandé que, si le présent appel est accueilli, la requête soit renvoyée à la Cour fédérale pour réexamen. Je suis d’accord pour dire qu’une telle approche serait déconseillée étant donné la date du procès à venir et le volume de travail qui est certainement accompli même maintenant en vue de sa préparation. Par conséquent, j’examinerais de nouveau la requête de Janssen et je prendrais une décision en l’espèce.

[60] Compte tenu des circonstances examinées ci‐dessus, je suis convaincu que les moyens de défense d’Apotex dans les actions sous‐jacentes sont suffisamment injustes pour être contraires aux intérêts de la justice. Permettre que les actions sous‐jacentes se poursuivent irait à l’encontre de l’objet du Règlement en permettant des litiges répétés entre les mêmes parties concernant le même brevet et les mêmes PADN au lieu d’avoir une seule instance pour trancher définitivement la question. Cela porterait atteinte à l’intégrité du processus décisionnel judiciaire et déconsidérerait l’administration de la justice. Je n’ai entendu aucune raison qui justifierait de ne pas appliquer la doctrine de l’abus de procédure en l’espèce. À mon avis, si Apotex avait voulu alléguer l’invalidité du brevet 335 dans le contexte de la PADN no 1 ou de la PADN no 2, elle aurait dû faire comme PMS l’a fait et l’a soulevée dans l’action antérieure.

[61] Janssen demande que la réparation demandée dans son avis d’appel soit accordée. Cette réparation est reproduite ici par souci de commodité :

  1. Accueillir le présent appel;

  2. Annuler le jugement et déclarer que les moyens de défense de l’intimée dans chacun des dossiers de la Cour fédérale nos T‐1121‐22, T‐11‐22, T‐1248‐22 et T‐1249‐22 constituent un abus de procédure;

  3. Accueillir les actions des appelantes dans chacun des dossiers de la Cour fédérale nos T‐1121‐22, T‐1122‐22, T‐1248‐22 et T‐1249‐22;

  4. Déclarer que la fabrication, la construction, l’exploitation ou la fabrication, la construction, l’exploitation ou la vente du produit APO‐palmitate de palipéridone en suspension injectable à libération prolongée, fourni sous forme de seringues préremplies contenant de la palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone conformément à la présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) no 233882, contreferait les revendications 1 à 63 du brevet canadien no 2 655 335 (le brevet 335);

  5. Déclarer que la fabrication, la construction, l’exploitation ou la fabrication, la construction, l’exploitation ou la vente du produit APO‐palmitate de palipéridone en suspension injectable à libération prolongée, fourni sous forme de seringues préremplies contenant de la palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone conformément à la PADN no 239939, contreferait les revendications 1 à 63 du brevet 335;

  6. Accorder une injonction jusqu’à l’expiration du brevet 335, le 17 décembre 2028, interdisant à Apotex, à ses filiales et sociétés affiliées, ainsi qu’à leurs dirigeants, administrateurs, employés, mandataires, licenciés, ayants cause, ayants droit et autres personnes sur lesquelles Apotex exerce une autorité légitime :

  • (a)de fabriquer, de construire, d’exploiter ou de vendre le produit de palmitate de palipéridone en suspension injectable à action prolongée APO‐PALIPERIDONE INJECTION au Canada conformément à la PADN no 233882 ou à la PADN no 239939;

  • (b)de mettre en vente ou de commercialiser le produit de palmitate de palipéridone en suspension injectable à action prolongée APO‐PALIPERIDONE INJECTION commercialisé au Canada conformément à la PADN no 233882 ou à la PADN no 239939;

  • (c)d’importer, d’exporter ou de distribuer le produit de palmitate de palipéridone en suspension injectable à action prolongée APO‐PALIPERIDONE INJECTION commercialisé au Canada conformément à la PADN no 233882 ou à la PADN no 239939;

  • (d)de contrefaire par ailleurs ou d’inciter à contrefaire le brevet 335.

  1. Au besoin, dans la mesure où les actions dans l’un ou l’autre des dossiers de la Cour nos T‐1121‐22, T‐1122‐22, T‐1248‐22 ou T‐1249‐22 ont été rejetés par la Cour fédérale avant que la Cour ne puisse entendre et trancher le présent appel, accorder une ordonnance annulant cette ou ces décisions;

  2. Accorder aux appelantes leurs dépens dans le présent appel et les requêtes sous-jacentes, avec intérêts;

  3. Ordonner le remboursement par l’intimée aux appelantes de tous les dépens payés par les appelantes à l’intimée relativement aux actions sous‐jacentes, avec intérêts;

  4. Accorder toute autre réparation que la Cour jugera équitable.

[62] Apotex fait remarquer que les déclarations de Janssen dans les actions sous‐jacentes ne visent pas à obtenir une déclaration selon laquelle l’argument de l’invalidité soulevé dans les AA d’Apotex et ses moyens de défense constituent un abus de procédure. Apotex soutient qu’il n’est donc pas approprié que Janssen demande une telle déclaration en l’espèce.

[63] Cet argument n’est pas fondé. Dans son avis de requête devant la Cour fédérale, Janssen demandait certaines des réparations figurant dans ses déclarations et se fondait en partie sur l’abus de procédure commis par Apotex. Je ne vois aucune raison pour laquelle l’omission de Janssen de soulever l’abus de procédure dans ses déclarations devrait faire en sorte qu’elle se voie refuser la réparation qu’elle demande. La requête de Janssen était de nature procédurale et non de fond.

[64] Apotex fait également valoir que l’injonction demandée par Janssen est trop générale, visant des activités qui ne relèvent pas des droits exclusifs accordés à l’égard d’un brevet, tels qu’ils sont énoncés à l’article 42 de la Loi sur les brevets, et qui peuvent englober des activités autorisées en vertu de l’article 55.2. Apotex fait particulièrement référence à l’injonction interdisant i) de mettre en vente, ii) de commercialiser, iii) de faire commercialiser, iv) d’importer, v) de faire importer, vi) de distribuer ou vii) de faire distribuer.

[65] Apotex a fourni peu d’explications sur la façon dont ces activités sont censées ne pas relever des droits exclusifs d’un breveté. Je souligne qu’une injonction de portée similaire a été accordée par la Cour fédérale dans sa décision concernant l’action antérieure (2022 CF 107, 190 CPR (4th) 96), et Apotex n’a pas contesté la portée de cette injonction dans son appel de cette décision. L’injonction est déjà en vigueur. La seule différence de fond que je peux voir entre la portée de l’injonction demandée dans le présent appel et celle accordée dans l’action antérieure est que cette dernière ne vise que la PADN no 1, alors que la première viserait à la fois la PADN no 1 et la PADN no 2.

[66] Je fais également remarquer que la Cour a confirmé les réparations de nature injonctive de la même portée que celles proposées dans le présent appel dans un procès distinct concernant le brevet 335 et Janssen contre Teva : Teva Canada Limited c. Janssen Inc., 2023 CAF 68, 2023 ACWS 3380, confirmant la décision 2020 CF 593, 321 ACWS (3d) 539. De plus, la Cour a déjà confirmé que le fait de « distribuer » et le fait d’ « offrir à la vente » constituaient des actes de contrefaçon dans la décision Nova Chemicals Corporation c. Dow Chemical Company, 2014 CF 844, 129 CPR (4th) 199, au para. 283, confirmé dans l’arrêt 2016 CAF 216, 142 CPR (4th) 339.

[67] Même si l’article 42 de la Loi sur les brevets fait particulièrement référence au fait que le breveté a « la faculté et le privilège exclusif de fabriquer, construire, exploiter et vendre à d’autres, pour qu’ils l’exploitent, l’objet de l’invention », il est clair que cela ne constitue pas une définition de la contrefaçon. Au contraire, comme la Cour suprême l’a indiqué dans l’arrêt Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, 2004 CSC 34, [2004] 1 RCS 902, au para. 34 (arrêt Schmeiser) :

L’article 42 a pour objet de définir les droits exclusifs du titulaire d’un brevet, à savoir le droit à la pleine jouissance du monopole conféré par le brevet. Par conséquent, l’interdiction s’applique à [traduction] « tout acte qui nuit à la pleine jouissance du monopole conféré au titulaire du brevet », s’il est accompli sans le consentement de ce dernier (H. G. Fox, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions (4e éd. 1969), p. 349; voir également Lishman c Erom Roche Inc., [1996] A.C.F. no 560 (QL) (1re inst.), par. 16.

[68] La majorité dans l’arrêt Schmeiser a ensuite discuté de l’étendue de ce qui est envisagé par le droit exclusif d’exploiter l’invention. Par exemple, elle a indiqué que « tout avantage commercial qui peut découler de l’invention appartient au titulaire du brevet » : arrêt Schmeiser, au para. 58. Il est précisé au même paragraphe que la possession dans le cadre d’un commerce donne naissance à une présomption d’exploitation réfutable.

[69] Je suis convaincu que le libellé proposé par Janssen pour la réparation de nature injonctive est approprié. Toutes les activités à inclure dans l’injonction et auxquelles Apotex s’oppose sont de nature commerciale, et seraient vraisemblablement faites pour un avantage commercial. Les activités de distribution et de faire distribuer sont essentiellement des ventes et constituent donc clairement une contrefaçon. Les autres activités concernent une exploitation commerciale de l’invention brevetée, comme envisagé dans l’arrêt Schmeiser, et constitueraient donc vraisemblablement aussi une contrefaçon. L’objectif principal de l’injonction est d’empêcher toute contrefaçon future des droits exclusifs accordés par le brevet 335. À mon avis, l’injonction proposée y parvient, et ce, en termes clairs.

[70] De plus, je ne suis pas convaincu que l’injonction proposée chevauche les exceptions à la contrefaçon prévues à l’article 55.2 de la Loi sur les brevets.

VIII. Conclusion

[71] Il s’ensuit de ce qui précède que j’accueillerais le présent appel et j’annulerais le jugement de la Cour fédérale sur la requête en jugement sommaire de Janssen. En rendant le jugement que la Cour fédérale aurait dû rendre, je déclarerais que les moyens de défense d’Apotex dans les actions sous‐jacentes constituent un abus de procédure, et j’accorderais à Janssen la réparation appropriée demandée dans son avis d’appel, y compris les déclarations, les injonctions et les dépens devant la Cour fédérale.

[72] Conformément à l’accord des parties, j’ordonnerais qu’Apotex verse les dépens du présent appel sous forme d’une somme globale de 10 000 $ à Janssen.

« George R. Locke »

j.c.a.

« Je souscris à ces motifs.

Yves de Montigny, j.c. »

« Je souscris à ces motifs.

Nathalie Goyette, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A‐229‐23

 

INTITULÉ :

JANSSEN INC. et JANSSEN PHARMACEUTICA N.V. c. APOTEX INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 décembre 2023

 

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE EN CHEF DE MONTIGNY

LA JUGE GOYETTE

 

DATE :

LE 22 DÉCEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Peter Wilcox

Marian Wolanski

Megan Pocalyuko

Oleyna Strigul

 

POUR LES APPELANTES

JANSSEN INC. et JANSSEN PHARMACEUTICA N.V.

 

Andrew Brodkin

Daniel Cappe

 

Pour l’intimée

APOTEX INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Belmore Neidrauer LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES APPELANTES

JANSSEN INC. et JANSSEN PHARMACEUTICA N.V.

 

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée

APOTEX INC.

 

 

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