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Date : 20230823


Dossier : A-52-23

Référence : 2023 CAF 179

Présent : LA JUGE GLEASON

ENTRE :

MUNICIPALITÉ DE CHELSEA

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Requête écrite décidée sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 23 août 2023.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20230823


Dossier : A-52-23

Référence : 2023 CAF 179

Présent : LA JUGE GLEASON

ENTRE :

MUNICIPALITÉ DE CHELSEA

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE GLEASON

[1] L’Union des municipalités du Québec (l’UMQ) demande l’autorisation d’intervenir dans cet appel, qui vise à infirmer le jugement de la Cour fédérale dans Chelsea (Municipalité) c. Canada (Procureur général), 2023 CF 103 (per Pamel J.). Dans ce jugement, la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la municipalité de Chelsea qui portait sur une décision de la Commission de la capitale nationale (la CCN). Cette décision a déterminé le montant des paiements en remplacement d’impôts payables à la municipalité pour les propriétés fédérales situées dans le parc de la Gatineau.

[2] L’UMQ est une personne morale, crée en 1919, ayant comme mission la représentation politique de près de 400 municipalités au Québec. Selon le paragraphe 2 de son Avis de requête, l’UMQ veut intervenir dans cet appel afin « d’éclaircir la Cour sur les enjeux soulevés par cet appel pour toutes les municipalités du Québec qui reçoivent des paiements de la Couronne fédérale au terme de la Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôts (L.R.C. (1985) ch. M-13 (la LIPR) ».

[3] Dans sa requête, l’UMQ ne fournit que peu de détails quant aux arguments que l’UMQ souhaiterait faire valoir si sa requête est accordée.

[4] La Cour accorde relativement rarement l’autorisation d’intervenir. En effet, le test pour l’octroi de cette autorisation étant plus restreint devant notre Cour que devant, par exemple, la Cour suprême du Canada.

[5] Les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 permettent à la Cour d’autoriser une intervention en vertu de l’article 109 qui prévoit :

Autorisation d’intervenir

Leave to intervene

109 (1) La Cour peut, sur requête, autoriser toute personne à intervenir dans une instance.

109 (1) The Court may, on motion, grant leave to any person to intervene in a proceeding.

Avis de requête

Contents of notice of motion

2) L’avis d’une requête présentée pour obtenir l’autorisation d’intervenir :

(2) Notice of a motion under subsection (1) shall

a) précise les nom et adresse de la personne qui désire intervenir et ceux de son avocat, le cas échéant;

(a) set out the full name and address of the proposed intervener and of any solicitor acting for the proposed intervener; and

b) explique de quelle manière la personne désire participer à l’instance et en quoi sa participation aidera à la prise d’une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l’instance.

(b) describe how the proposed intervener wishes to participate in the proceeding and how that participation will assist the determination of a factual or legal issue related to the proceeding.

Directives de la Cour

Directions

3) La Cour assortit l’autorisation d’intervenir de directives concernant :

(3) In granting a motion under subsection (1), the Court shall give directions regarding

a) la signification de documents;

(a) the service of documents; and

b) le rôle de l’intervenant, notamment en ce qui concerne les dépens, les droits d’appel et toute autre question relative à la procédure à suivre.

(b) the role of the intervener, including costs, rights of appeal and any other matters relating to the procedure to be followed by the intervener.

[6] Notre Cour a récemment examiné dans de nombreuses affaires les critères relatifs aux autorisations d’intervenir au titre de l’article 109 des Règles des Cours fédérales. Des formations complètes de la Cour ont examiné ce critère, par exemple, dans les affaires Métis National Council and Manitoba Métis Federation Inc. c. Varley, 2022 FCA 110, 2022 CAF 110, 2022 CarswellNat 1943 (WL Can); Gordillo c. Canada (Procureur général), 2022 CAF 23; Première Nation de Whapmagoostui c. McLean, 2019 CAF 187, 306 A.C.W.S. (3d) 500; et Sport Maska Inc. c. Bauer Hockey Corp., 2016 CAF 44, [2016] 4 R.C.F. 3; d’ailleurs, des juges siégeant seuls l’ont examiné dans les affaires Le-Vel Brands, LLC c. Canada (Procureur général), 2023 CAF 66; Smith c. Canada (Procureur général), 2022 CAF 146 [Smith]; Alliance for Equality of Blind Canadians v. Canada (Attorney General), 2022 CAF 131, 2022 CarswellNat 2708 (WL Can); Right to Life Association of Toronto and Area c. Canada (Emploi, Développement de la main-d’œuvre et Travail), 2022 CAF 67, 2022 CarswellNat 1052 (WL Can); Canada (Environnement et Changement climatique) c. Ermineskin Cree Nation, 2022 FCA 36, 2022 CAF 36, 2022 A.C.W.S. 286; Droits des voyageurs c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 201, 2021 CarswellNat 4867 (WL Can); Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Camayo, 2021 CAF 20, 338 A.C.W.S. (3d) 85; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Conseil canadien pour les réfugiés, 2021 CAF 13, 329 A.C.W.S. (3d) 518 [Conseil canadien pour les réfugiés]; Gordillo c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 198, 329 A.C.W.S. (3d) 233; et Canada (Procureur Général) c. Kattenburg, 2020 CAF 164, [2020] A.C.F. no 965.

[7] Tel que je l’ai noté dans Smith au paragraphe 10, toutes les causes précitées prennent pour point de départ la décision Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Canada (Procureur général), [1990] 1 C.F. 90, 1989 Can LII 9432 (CAF) [Rothmans] de notre Cour. Dans la décision Rothmans, plusieurs critères pertinents pour trancher une requête en autorisation d’intervenir ont été exposés, à savoir : 1) si l’intervenant éventuel est directement touché; 2) si la question relève de la compétence des tribunaux et si un intérêt public est véritablement suscité; 3) s’il semble n’y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour; 4) si la thèse de l’intervenant est défendue adéquatement par l’une des parties; 5) si l’intérêt de la justice est mieux servi par l’octroi de l’autorisation d’intervenir; et 6) si la Cour peut statuer sur l’affaire sans l’intervention éventuelle (à la p. 92).

[8] La jurisprudence mentionnée précédemment établit que les critères qui précèdent doivent s’appliquer avec souplesse et que les critères ne seront pas tous pertinents dans chaque affaire. Certaines affaires laissent planer un doute que certains des critères demeurent pertinents.

[9] Dans sa jurisprudence récente, la Cour a tendance à concentrer sur trois facteurs, soit, l’utilité de l’intervention par rapport aux questions que la Cour sera appelée à trancher, l’intérêt du requérant dans l’affaire, et l’intérêt de la justice. Le juge Stratas a utilement formulé les principes applicables dans Conseil canadien pour les réfugiés, au paragraphe 6, comme suit :

[...] le critère actuel relatif à l’intervention qui s’applique au titre de l’article 109 des Règles est le suivant :

I. La personne qui se propose d’intervenir fournira d’autres observations, précisions et perspectives utiles qui aideront la Cour à se prononcer sur les questions juridiques soulevées par les parties à l’instance, et non sur de nouvelles questions. Pour déterminer l’utilité, il faut poser quatre questions :

a) Quelles sont les questions que les parties ont soulevées?

b) Quelles observations l’intervenant éventuel a-t-il l’intention de présenter concernant ces questions?

c) Les observations de l’intervenant éventuel sont-elles vouées à l’échec?

d) Les observations défendables de l’intervenant éventuel aideront-elles la Cour à trancher les véritables questions en jeu dans l’instance?

II. La personne qui se propose d’intervenir doit avoir un véritable intérêt dans l’affaire dont la Cour est saisie de façon à ce que la Cour puisse être certaine que la personne qui se propose d’intervenir a les connaissances, les compétences et les ressources nécessaires et qu’elle les appliquera à la question devant la Cour;

III. Il est dans l’intérêt de la justice que l’intervention soit autorisée.

[10] En l’espèce, les critères qui précèdent penchent en faveur du rejet de la demande d’intervention.

[11] En ce qui a trait à l’utilité de l’intervention recherchée, l’UMQ n’a pas démontré comment ses observations éventuelles seront différentes de celles de l’appelante ni comment son point de vue sur les questions en litige sera utile à la Cour.

[12] Dans cet appel, la Cour sera appelée à examiner le caractère raisonnable de la décision de la CCN, qui soulève plusieurs questions uniquement applicables en l’espèce et sur lesquelles l’UMQ n’a rien à contribuer.

[13] La question qui sera peut-être la plus controversée concerne l’interprétation du paragraphe 16(3) de la Loi sur la Capitale nationale, L.R.C. (1985), ch. N-4, une question sur laquelle l’UMQ ne demande pas d’intervenir.

[14] En effet, l’UMQ ne cherche à intervenir que sur la question du caractère raisonnable de la décision de la CCN de s’écarter d’un avis rendu par le Comité consultatif sur le règlement des différends associés aux paiements en remplacement d’impôt (le Comité). Mais les parties reconnaissent qu’un tel avis ne lie pas l’office fédéral, en l’espèce de la CCN. Par conséquent, l’évaluation du caractère raisonnable de la décision d’écarter le rapport du Comité est hautement reliée au contexte factuel qui était devant la CCN et intrinsèquement liée à la nature du parc de la Gatineau et des règlements de zonage qui avaient été adoptés par la ville de Chelsea. Ceci limite davantage l’impact du jugement dans cet appel pour les autres municipalités au Québec.

[15] De plus, dans son mémoire, l’UMQ ne fournit que très peu de détails quant aux représentations qu’elle aimerait faire. Celles qui ont été exposées ne sont pas différentes des arguments de l’appelante contenus dans son avis d’appel.

[16] Ceci m’amène à conclure que l’UMQ n’a pas démontré qu’elle fournira d’autres observations, précisions et perspectives utiles qui aideront la Cour à se prononcer sur les questions juridiques soulevées par les parties à cet appel.

[17] En ce qui concerne l’intérêt de l’UMQ aux questions en litige, vu la nature des questions soulevées en l’espèce, je ne suis pas convaincue que l’UMQ a un véritable intérêt dans cet appel, notamment parce que l’appel ne soulève pas des enjeux concrets pour des villes autres que la ville de Chelsea.

[18] Cela m’amène à conclure que l’intérêt de la justice ne requiert pas l’octroi de l’autorisation recherchée.

[19] Cette requête sera ainsi rejetée sans dépens, vu la décision de l’intimé de ne pas en réclamer.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-52-23

INTITULÉ :

MUNICIPALITÉ DE CHELSEA c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

REQUÊTE ÉCRITE DÉCIDÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA JUGE GLEASON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 AOÛT 2023

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Me Paul Wayland

Me Simon Frenette

Pour l'appelante

Me Isabelle Mathieu-Millaire

Me Patrick Visintini

Pour l'intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DHC Avocats

Montréal (Québec)

Pour l'appelante

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Pour l'intimé

 

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