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Date : 20230717


Dossier : A-3-23

Référence : 2023 CAF 161

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

LA JUGE GOYETTE

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

DOMENIC BACILE

défendeur

Audience tenue le 27 juin 2023 à Ottawa (Ontario).

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 17 juillet 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GOYETTE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20230717


Dossier : A-3-23

Référence : 2023 CAF 161

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

LA JUGE GOYETTE

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

DOMENIC BACILE

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GOYETTE

[1] M. Bacile était camionneur. À la suite d’une restructuration de l’entreprise où il travaillait, il a perdu son emploi le 15 juillet 2021. Cette date correspondait aussi au dernier jour où son nom figurait sur la liste de paie de l’entreprise.

[2] Le 29 juillet 2021, M. Bacile a signé un avis de cessation d’emploi contenant les détails de l’indemnité de départ qui lui serait versée. Cet avis prévoyait, entre autres, que M. Bacile continuerait de toucher un salaire et de bénéficier d’une assurance pour soins de santé et soins dentaires jusqu’au 7 octobre 2021 inclusivement (la protection en matière de santé).

[3] Le 24 août 2021, M. Bacile a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi). Toutefois, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a avisé M. Bacile que sa période de prestations d’assurance-emploi ne commencerait que le 10 octobre 2021, car il continuait de toucher un salaire. Selon la Commission, étant donné que la période de prestations d’assurance-emploi de M. Bacile n’était pas comprise dans la période commençant le 27 septembre 2020 et se terminant le 25 septembre 2021, il avait droit à l’assurance-emploi pendant 20 semaines seulement, et non 50 : voir l’article 9 et les paragraphes 12(1) et (2.1) de la Loi.

[4] La division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (la division générale), dans la décision DB c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1451 (par A. Mitchell), en date du 6 avril 2022, a accepté l’argument de M. Bacile selon lequel l’arrêt de rémunération s’est produit le 15 juillet 2021, date à laquelle son emploi a pris fin. Elle a conclu que ni le salaire qu’il continuait à toucher ni la protection en matière de santé dont il continuait à bénéficier au titre de son indemnité de départ ne pouvaient modifier la date de prise d’effet de la cessation d’emploi : décision de la division générale aux para. 17 et 18. Par conséquent, la division générale a conclu que M. Bacile avait droit à 50 semaines de prestations d’assurance-emploi : décision de la division générale au para. 21.

[5] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (la division d’appel), dans la décision Commission de l’assurance-emploi du Canada c. DB, 2022 TSS 1450, en date du 12 décembre 2022 (par P. Lafontaine), a rejeté l’appel interjeté par la Commission de la décision de la division générale. Elle a accepté qu’en vertu des paragraphes 35(6) et 36(9) du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332 (le Règlement), « l’indemnité de départ reçue par [M. Bacile] est une rémunération payée ou payable en raison d’un licenciement ou d’une cessation d’emploi, de sorte qu’elle n’empêche pas [M. Bacile] de faire valoir un arrêt de rémunération » : décision de la division d’appel au para. 21. La division d’appel a confirmé la conclusion de la division générale selon laquelle l’arrêt de rémunération s’était produit le 15 juillet 2021 et M. Bacile avait droit au maximum de 50 semaines de prestations d’assurance-emploi en raison des mesures temporaires en vigueur liées à la pandémie : décision de la division d’appel au para. 27.

[6] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34, dans le cadre d’un appel d’une décision de la section de l’assurance-emploi de la division générale, la division d’appel ne peut intervenir que s’il existe un des trois moyens d’appel suivants : 1) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, 2) la division générale a commis une erreur de droit ou 3) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance : Uvaliyev c. Canada c. (Procureur général), 2021 CAF 222, 338 A.C.W.S. (3d) 295 au para. 7.

[7] En contrôle judiciaire, cette Cour doit examiner la décision de la division d’appel selon la norme du caractère raisonnable à la lumière de ces contraintes (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653 aux para. 23, 83 et 86 [Vavilov]; Canada (Procureur général) c. Hull, 2022 CAF 82 au para. 12 [Hull]. Cette norme s’applique également au contrôle de l’interprétation de la loi par la division d’appel : Hull au para. 12; Vavilov aux para. 115 et 124.

[8] La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir s’il était raisonnable pour la division d’appel de confirmer la décision de la division générale selon laquelle l’interruption de rémunération de M. Bacile s’est produite le 15 juillet 2021 ou, plus précisément, que la rémunération d’emploi de M. Bacile a cessé à cette date, conformément au paragraphe 14(1) du Règlement.

[9] Devant cette Cour, le procureur général du Canada (le demandeur) fait valoir que la décision de la division d’appel est déraisonnable parce qu’elle n’a pas tenu compte de la protection en matière de santé de M. Bacile conformément à l’alinéa 35(10)d) du Règlement. L’alinéa 35(10)d) dispose que « [p]our l’application du paragraphe (2), revenu vise notamment […] la valeur de la pension, du logement et des autres avantages accordés au prestataire à l’égard de son emploi par son employeur ou au nom de celui-ci ». Selon le demandeur, la protection en matière de santé ne peut constituer une rémunération à payer en raison d’un licenciement ou d’une cessation d’emploi en application des paragraphes 35(6) et 36(9) du Règlement. Par conséquent, l’interruption de rémunération ne se serait produite que le 7 octobre 2021, date à laquelle la protection en matière de santé a pris fin. Selon cette interprétation, M. Bacile n’aurait droit qu’à 20 semaines de prestations d’assurance-emploi.

[10] Le demandeur reconnaît que les paragraphes 35(6) et 36(9) du Règlement ont pour effet d’exclure de la rémunération le salaire que M. Bacile a continué à toucher à titre d’indemnité de départ. Toutefois, le demandeur estime que les paragraphes 35(6) et 36(9) du Règlement n’excluent pas la protection en matière de santé faisant partie de l’indemnité de départ de M. Bacile parce qu’elle est distincte du salaire et qu’elle prolonge son lien avec l’employeur.

[11] Je ne suis pas d’accord : rien dans le texte ou dans le contexte des dispositions ne justifie un traitement différent entre la protection en matière de santé et le salaire que M. Bacile continuait de toucher. Au contraire, le libellé de l’alinéa 35(10)d) précise que la protection en matière de santé constitue une rémunération pour l’application du paragraphe 35(2) du Règlement. Dès que cette rémunération est payée ou à payer en raison d’un licenciement ou d’une cessation d’emploi, ce qui est clairement le cas en l’espèce, les paragraphes 35(6) et 36(9) la soustraient, tout comme le salaire qui se continuait, de la rémunération afin d’établir l’arrêt de rémunération.

[12] La Cour présume l’harmonie, la cohérence et l’uniformité dans l’interprétation des dispositions d’un régime législatif et entre les lois traitant du même sujet : R. c. Ulybel Enterprises Ltd., 2001 CSC 56, [2001] 2 R.C.S. 867 au para. 52; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559 au para. 27. Rien dans le libellé ou le contexte du Règlement ne justifie qu’un traitement différent soit réservé à la protection en matière de santé par rapport à un salaire qui se continue, et le demandeur n’a pas été en mesure de présenter une justification ou une explication qui appuierait cette interprétation.

[13] J’ai passé en revue la jurisprudence invoquée par le demandeur. Je dirai simplement que, dans certaines de ces affaires, les employés ont reçu des paiements qu’on a appelés « indemnités de départ », alors qu’ils n’avaient pas été licenciés. D’autres de ces affaires ont été tranchées avant les modifications apportées au Règlement et l’ajout du paragraphe 35(6). L’une des affaires mentionnées par le demandeur ne porte pas sur l’arrêt de rémunération. Par conséquent, je conclus que ces affaires ne lui sont d’aucun secours.

[14] Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que la décision de la division d’appel est raisonnable. Par conséquent, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire, avec dépens.

« Nathalie Goyette »

j.c.a

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-3-23

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. DOMENIC BACILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 JUIN 2023

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GOYETTE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

DATE DES MOTIFS :

LE 17 JUILLET 2023

COMPARUTIONS :

Andrew Kirk

Ottawa (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Domenic Bacile

LE DÉFENDEUR

POUR SON PROPRE COMPTE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

POUR LE DEMANDEUR

 

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