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Date : 20230602


Dossier : A-70-22

Référence : 2023 CAF 124

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

TARIQ RANA

appelant

et

SECTION LOCALE 938 DE LA FRATERNITÉ INTERNATIONALE DES TEAMSTERS

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 31 mai 2023.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 2 juin 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE MONAGHAN

 


Date : 20230602


Dossier : A-70-22

Référence : 2023 CAF 124

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE LOCKE

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

TARIQ RANA

appelant

et

SECTION LOCALE 938 DE LA FRATERNITÉ INTERNATIONALE DES TEAMSTERS

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LOCKE

[1] Tariq Rana interjette appel de la décision par laquelle la Cour fédérale (sous la plume du juge James W. O’Reilly) a rejeté sa requête en révision de la taxation des dépens (2022 CAF 31, l’officier taxateur Garnet Morgan). Pour les motifs exposés ci-après, je rejetterais l’appel.

[2] L’élément central de l’argument de M. Rana est que l’officier taxateur n’a pas tenu compte d’une entente intervenue entre les parties, qui fixait les dépens à 2 500 $. L’officier taxateur a plutôt adjugé des dépens de 5 979,50 $ conformément au tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles).

[3] La Cour fédérale a conclu que, pour avoir gain de cause, M. Rana devait démontrer que l’officier taxateur avait commis une erreur de principe. L’intimée, la section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters (la Fraternité), est d’accord, et je ne vois aucune raison de ne pas souscrire à l’opinion de la Cour (voir l’arrêt Apotex Inc. c. Merck & Co. Inc., 2008 CAF 371, au para. 10). La Cour fédérale a également conclu que l’officier taxateur n’avait commis aucune erreur de principe lorsqu’il avait procédé à la taxation des dépens sans tenir compte de l’entente alléguée entre les parties. Notre Cour doit, par conséquent, décider si la Cour fédérale a commis une erreur en tirant cette conclusion.

[4] Les faits suivants sont pertinents en l’espèce :

  1. Le 4 novembre 2020, notre Cour a rejeté la demande de M. Rana, avec dépens payables à la Fraternité (2020 CAF 190).

  2. Dans une série de courriels échangés du 4 novembre 2020 au 9 décembre 2020, les parties ont réussi à négocier un calendrier de paiement des dépens de 2 500 $, au moyen de versements effectués à certaines dates s’échelonnant du 15 décembre 2020 au 1er décembre 2021.

  3. Bien que M. Rana le mette en doute, les parties ont aussi convenu, à sa demande, qu’il effectuerait les paiements par chèque (voir le dossier d’appel, p. 34, 35 et 105).

  4. Le 30 décembre 2020, le premier chèque de M. Rana n’ayant pas encore été encaissé, ce dernier a informé la Fraternité qu’il avait fait annuler les chèques parce qu’il s’inquiétait que les chèques demeurent longtemps en circulation (ce qui se serait produit auparavant), ce qui augmentait le risque qu’un chèque soit refusé par la banque. M. Rana a alors effectué un virement électronique au compte bancaire de sa personne-ressource à la Fraternité, Rick Davies, dont l’adresse courriel était liée à son compte bancaire personnel et dans lequel les fonds ont été déposés automatiquement.

  5. Le 5 janvier 2021, la Fraternité a informé M. Rana que son mode de paiement n’était pas acceptable et que M. Davies avait restitué les fonds.

  6. Le 2 février 2021, M. Rana a effectué un autre virement électronique au compte bancaire de M. Davies. En réponse, la Fraternité a de nouveau informé M. Rana que son mode de paiement n’était pas acceptable et que M. Davies avait restitué les fonds. M. Davies a également pris des dispositions pour que les virements électroniques effectués à son compte ne soient plus acceptés automatiquement.

  7. M. Rana a de nouveau tenté d’effectuer des virements électroniques au compte bancaire de M. Davies les 2 et 30 avril 2021, sans succès. Chaque fois, la Fraternité a rappelé à M. Rana que ce mode de paiement n’était pas acceptable. Il semble que M. Rana n’ait jamais répondu aux messages de la Fraternité au sujet du mode de paiement.

  8. Le 28 juin 2021, alors qu’aucun paiement n’avait été reçu sous une forme acceptable, la Fraternité a demandé une taxation des dépens. Elle a demandé l’adjudication de dépens de 2 500 $ payables immédiatement ou, subsidiairement, l’adjudication de dépens de 10 468,74 $ plus les intérêts, payables immédiatement, conformément au mémoire de dépens qu’elle a soumis.

  9. Dans sa réponse aux observations relatives aux dépens, M. Rana a reconnu l’existence d’une entente sur le montant des dépens et le calendrier de paiement, mais a toutefois nié que l’entente portait également sur le mode de paiement. En outre, il a fait valoir que M. Davies n’avait pas le droit de refuser les virements électroniques dans son compte bancaire.

  10. En réponse, la Fraternité a soutenu que le seul point de désaccord concernant les dépens était de savoir si M. Rana avait respecté l’entente sur les dépens, ce qu’il n’avait pas fait selon la Fraternité.

  11. L’officier taxateur a tenu compte des observations des parties, de même que de l’échange de courriels qui contenait les détails de l’entente, et il a fait remarquer qu’il était loisible à la Fraternité de demander la taxation des dépens parce que l’entente sur les dépens n’avait pas été respectée. L’officier taxateur a indiqué que, en effectuant la taxation des dépens, il était habilité à tenir compte d’une entente intervenue entre les parties, mais il semble avoir conclu à l’absence de preuve d’une entente valable. Faute d’entente, l’officier taxateur a procédé à la taxation des dépens conformément au tarif B des Règles.

[5] M. Rana fait valoir que la Cour fédérale a commis une erreur en ne tenant pas compte d’une lettre d’entente qui aurait été signée le 5 novembre 2020 et qui aurait réglé la question des dépens. Il soutient également que la Cour fédérale aurait dû tirer une conclusion défavorable du fait que la Fraternité n’avait pas fourni cette lettre à l’officier taxateur. Ces arguments doivent être rejetés pour au moins deux raisons. D’abord, je ne vois aucune raison de reprocher à la Fraternité de ne pas avoir soumis la lettre d’entente. M. Rana aurait très bien pu la présenter lui-même s’il estimait qu’il était important de le faire. Son omission de soumettre la lettre indique qu’il ne croyait pas lui non plus à son importance. De plus, comme la question dont nous sommes saisis est de savoir si l’officier taxateur a commis une erreur de principe, un document qui ne lui a pas été présenté pour examen n’est pas pertinent.

[6] M. Rana fait également valoir que l’officier taxateur a commis une erreur en établissant que l’entente sur les dépens n’avait pas été respectée. Pour étayer son argument, il renvoie de nouveau à la lettre d’entente du 5 novembre 2020, mais, n’ayant pas présenté ce document à l’officier taxateur, il ne peut l’invoquer comme constituant la source de l’erreur. Encore une fois, ce document n’est donc pas pertinent. Je fais également remarquer que la Fraternité soutient qu’elle n’avait jamais vu la lettre signée par M. Rana avant qu’elle ne soit présentée à la Cour fédérale lors de la révision de la taxation. En outre, bien que la signature de M. Rana figure sur la lettre d’entente du 5 novembre 2020, les courriels échangés avec la Fraternité durant cette période indiquent qu’il n’a pas signé la lettre à cette date. À l’époque, il avait mentionné avoir besoin de temps pour payer et avait demandé qu’on établisse un calendrier de paiement, ce qui n’a été fait que le 9 décembre 2020. De plus, les éléments de preuve révèlent que M. Rana n’a pas renvoyé de copie signée de la lettre d’entente à la Fraternité ni remis la lettre à l’officier taxateur. D’autres éléments indiquent que la lettre n’a été signée qu’après la taxation.

[7] Je suis d’avis que la lettre d’entente n’est pas la meilleure preuve de l’existence d’une entente entre les parties. L’échange de courriels entre les parties, dont il a été question précédemment, fournit de meilleurs éléments de preuve. Contrairement aux arguments avancés par M. Rana, cet échange de courriels contenait une entente selon laquelle les paiements seraient effectués par chèque. À cet égard, l’officier taxateur a tenu compte des observations des parties (y compris l’entente sur la somme et le calendrier de paiement, ainsi que le différend sur l’existence d’une entente relative au mode de paiement) et a conclu que l’entente n’avait pas été respectée en ce qui a trait au « moyen de paiement accepté par [la Fraternité] ». À mon sens, l’officier taxateur a jugé que, en n’effectuant pas les paiements à temps et de façon appropriée, M. Rana avait répudié l’entente sur les dépens conclue entre les parties. Je ne vois aucune erreur de principe dans l’analyse de l’officier taxateur ni dans sa conclusion selon laquelle il était loisible à la Fraternité de demander la taxation des dépens. Le fait que M. Rana a décidé unilatéralement de modifier le mode de paiement (qu’il avait lui-même proposé), son intransigeance face aux objections de la Fraternité et son refus apparent d’en discuter sont autant d’éléments qui viennent étayer la répudiation.

[8] M. Rana fait valoir que la Fraternité, grâce à la taxation, profite d’un gain fortuit inéquitable. Il est possible que la Fraternité ne voie pas les choses de cette façon. Elle préfèrerait peut-être « un tiens » — le paiement immédiat de 2 500 $ de la façon convenue — plutôt que deux « tu l’auras » — une taxation ultérieure plus importante qui serait ou non respectée. Je fais remarquer que le montant initialement convenu de 2 500 $ est toujours en souffrance deux ans et demi après la conclusion de l’entente en question. Pour autant qu’il est maintenant soumis à un fardeau inattendu du fait du montant de la taxation, M. Rana ne peut s’en prendre qu’à lui-même.

[9] En outre, selon M. Rana, il serait anormal que le mémoire de dépens annoté par l’officier taxateur lors de la taxation porte une date ultérieure au mémoire de dépens initialement soumis par la Fraternité dans sa demande de taxation. Je ne vois pas quelle conclusion la Cour devrait en tirer selon M. Rana. Après avoir consulté le dossier de la Cour concernant la taxation, je constate que les mémoires de dépens soumis à la Cour à ces deux dates sont identiques. Lors de l’audience du présent appel, M. Rana n’a pas étoffé ses observations sur cette question.

[10] Je rejetterais le présent appel. Comme la Fraternité ne demande pas de dépens relatifs au présent appel, je n’en adjugerais aucun.

« George R. Locke »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Richard Boivin, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

K. A. Siobhan Monaghan, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-70-22

 

INTITULÉ :

TARIQ RANA c. SECTION LOCALE 938 DE LA FRATERNITÉ INTERNATIONALE DES TEAMSTERS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 31 mai 2023

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LOCKE

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE MONAGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 juin 2023

 

COMPARUTIONS :

Tariq Rana

L’APPELANT

 

Alex St. John

 

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wright Henry LLP

Toronto (Ontario)

Pour l’intimée

 

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