Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20230602


Dossier : A-148-21

Référence : 2023 CAF 123

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

HEILTSUK HORIZON MARITIME SERVICES LTD.

et HORIZON MARITIME SERVICES LTD.

demanderesses

et

ATLANTIC TOWING LIMITED et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 2 juin 2023.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 


Date : 20230602


Dossier : A-148-21

Référence : 2023 CAF 123

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

HEILTSUK HORIZON MARITIME SERVICES LTD.

et HORIZON MARITIME SERVICES LTD.

demanderesses

et

ATLANTIC TOWING LIMITED et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE RENNIE

[1] La Cour est saisie de trois requêtes. La première est une requête déposée par Heiltsuk Horizon Maritime Services Ltd. et Horizon Maritime Services Ltd. (Heiltsuk) en application de la Règle 397(1)b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, en vue d’obtenir le réexamen du jugement prononcé par la Cour le 2 mai 2023. Dans ce jugement, la Cour a accueilli la demande présentée par Heiltsuk pour faire annuler la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) et a déclaré que la plainte déposée par Heiltsuk devant le Tribunal était fondée.

[2] Dans la deuxième requête, déposée par le Procureur général du Canada (PGC), ce dernier demande l’annulation de la requête en réexamen déposée par Heiltsuk; toutefois, si la Cour rejette sa requête en annulation, le PGC sollicite une prorogation du délai pour répondre à la requête de Heiltsuk et demande à la Cour de fixer une date et un endroit pour la tenue d’une audience relativement à la requête en réexamen. Dans la troisième requête, déposée par Atlantic Towing Limited (ATL), cette dernière demande également à la Cour d’annuler la requête en réexamen déposée par Heiltsuk.

[3] J’examinerai d’abord les requêtes en annulation.

[4] En règle générale, la partie défenderesse doit traiter du fond des questions soulevées par la requête (Sandpiper Distributing Inc. c. Ringas, 2020 CF 366, [2020] A.C.F. no 632 (QL) au para. 48). La présentation d’une réponse à une requête sous la forme d’une requête en annulation ne sert l’intérêt de personne; cela ne fait qu’imposer des frais et des retards inutiles aux parties, et une charge excessive sur les ressources administratives et judiciaires de la Cour. Il s’agit d’un type de pratique qui va à l’encontre de la démarche contemporaine en matière de litiges et de l’importance accordée par les tribunaux au traitement du fond de la question. La Cour suprême du Canada et notre Cour ont évoqué à maintes reprises la nécessité pour tous les participants au système judiciaire d’améliorer l’accessibilité et l’efficacité (Hryniak c. Mauldin, 2014 CSC 7, [2014] 1 R.C.S. 87 au para. 28; Sport Maska Inc. c. Bauer Hockey Ltd., 2019 CAF 204, [2019] A.C.F. no 817 (QL) au para. 32; Sweet Productions Inc. c. Licensing LP International S.À.R.L., 2022 CAF 111, [2022] A.C.F. no 862 (QL) au para. 43).

[5] Cela dit, les requêtes en annulation peuvent jouer et jouent un rôle utile dans le processus de règlement des litiges lorsqu’elles soulèvent véritablement une question préliminaire – un argument massue – qui permet de trancher la requête en fonction de la question préliminaire à elle seule (Viiv Healthcare Company c. Gilead Sciences Canada, Inc., 2021 CAF 122, [2021] 4 R. C. F. 289 au para. 20).

[6] Tel n’est pas le cas ici.

[7] Les requêtes en annulation dont la Cour est saisie constituent des réponses sur le fond à la requête en réexamen. Les observations écrites du PGC et d’ATL présentées avec leur requête renvoient aux principes et à la jurisprudence sur les requêtes en réexamen; en outre, tandis que le PGC et ATL présentent la mesure de redressement demandée comme une ordonnance demandant que la requête de Heiltsuk [traduction] « soit annulée », les observations écrites des parties auraient également pu présenter la mesure de redressement demandée comme une ordonnance demandant que la requête [traduction] « soit rejetée ». Bien qu’elles soient parfois formulées dans les termes d’une requête en annulation, les requêtes du PGC et d’ATL sont essentiellement des réponses à la requête déposée en application de la Règle 397 et seront traitées comme telles. Par conséquent, l’autorisation de déposer des observations écrites et orales supplémentaires ne sera pas accordée puisque ces observations n’ajouteraient rien au processus d’adjudication et ne mèneraient qu’à des répétitions, à des coûts additionnels et à des retards.

[8] La requête en réexamen devrait aussi être rejetée.

[9] Les parties ont présenté de nombreuses observations au Tribunal sur la question de la mesure de redressement à accorder si la plainte devait être jugée fondée, en fonction de facteurs énumérés au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.) (la Loi). Vu sa conclusion selon laquelle la plainte n’était pas fondée, le Tribunal n’a pas abordé la question de la mesure de redressement à accorder; la question demeure donc d’actualité. Même si le Tribunal ne s’est pas explicitement réservé compétence pour traiter la question de la mesure de redressement, il n’était pas nécessaire de le faire puisque l’instance a été en fait disjointe par la demande présentée dans l’intervalle – et qui a été accueillie – en vue de faire annuler la décision initiale du Tribunal concernant la question touchant la validité de la plainte. Comme le souligne Heiltsuk, le dédoublement des instances devant le Tribunal est une pratique routinière; le Tribunal détermine d’abord la validité de la plainte et, s’il est convaincu que la plainte est fondée, se penche ensuite sur la question de la mesure de redressement.

[10] La seule question soumise à notre Cour concernant la demande originale présentée par Heiltsuk avait trait à la légalité de la décision rendue par le Tribunal, qui a conclu que la plainte de Heiltsuk n’était pas fondée. Heiltsuk n’a présenté aucun argument concernant la mesure de redressement que le Tribunal aurait dû accorder s’il avait conclu que sa plainte était fondée; Heiltsuk n’a également demandé aucune mesure de redressement autre qu’une ordonnance annulant la décision du Tribunal, en plus d’une déclaration indiquant que la plainte était fondée ou d’une ordonnance renvoyant l’affaire au Tribunal pour une nouvelle décision. La raison en est bien évidente : le Tribunal, ayant conclu que la plainte de Heiltsuk n’était pas fondée, ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si Heiltsuk avait droit à une mesure de redressement. Par conséquent, la Cour rejette les observations présentées par le PGC et ATL dans leur requête en annulation de la requête en réexamen de Heiltsuk, selon lesquelles notre Cour, lorsqu’elle a tranché l’unique question dont elle était saisie, a empêché le Tribunal de se pencher sur la question de la mesure de redressement. La Cour a annulé la décision du Tribunal et déclaré que la plainte était fondée. Le jugement de la Cour parle de lui-même.

[11] Dans sa décision, conformément aux critères énoncés dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653, au paragraphe 142, la Cour n’a pas renvoyé la question de la validité de la plainte au Tribunal. Il n’y avait aucune raison de le faire. Renvoyer l’affaire au Tribunal n’aurait rien changé au résultat (Entertainment Software Association c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2020 CAF 100, [2021] 1 R.C.F. 374 aux para. 99 à 102; Canada (Commissaire de la concurrence) c. Rogers Communications Inc., 2023 CAF 16 au para. 11). Toutefois, cela ne signifie pas que le Tribunal n’a plus le mandat de se pencher sur la question du redressement.

[12] L’affirmation faite par ATL dans ses observations écrites, selon laquelle [traduction] « la question du redressement a été entièrement traitée » dans les motifs de notre Cour concernant la demande originale présentée par Heiltsuk, n’a pas de fondement factuel (observations écrites d’ATL, au paragraphe 6); ironiquement, elle ne peut pas non plus être conciliée avec l’argument du PGC selon lequel la seule question soumise à la Cour concernait la validité de la plainte. Une fois encore, la question du redressement à accorder, le cas échéant, dans l’éventualité où la plainte devait être déclarée fondée n’a pas été plaidée devant notre Cour dans le cadre de la demande présentée par Heiltsuk. C’est pourquoi ni les parties ni le Tribunal ne peuvent considérer le silence de la Cour sur la question comme une indication du droit qu’avait ou non Heiltsuk à une mesure de redressement. L’argument d’ATL est explicitement rejeté.

[13] Le droit, comme l’historique procédural de l’affaire, ne donne aucune raison de conclure que le fait que la question préliminaire de la validité de la plainte n’a pas été renvoyée au Tribunal pour un nouvel examen signifie que le Tribunal n’a pas compétence pour s’acquitter de la seconde moitié de son mandat et déterminer le redressement qui convient dans les circonstances. En fait, il est absurde de proposer qu’une partie est privée de la possibilité de demander une indemnisation au titre du paragraphe 30.15(2) de la Loi uniquement parce que le Tribunal n’a pas tranché cette question. Si c’est là l’essentiel de l’argument du PGC au paragraphe 40 de ses observations écrites, cet argument est également explicitement rejeté.

[14] Je rejetterais les requêtes en annulation et la requête en réexamen sans frais.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Le juge Stratas j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Le juge Webb j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-148-21

 

INTITULÉ :

HEILTSUK HORIZON

MARITIME SERVICES LTD. et autre

c. ATLANTIC TOWING LIMITED et autre

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE RENNIE

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

DATE DES MOTIFS :

Le 2 juin 2023

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Frank Metcalf

Seamus Ryder

Luke Hunter

pour les demanderesses

Paul R. Steep

Julie K. Parla

Akiva Stern

Pour la défenderesse

ATLANTIC TOWING LIMITED

Brendan F. Morrison

Veronica Tsou

Zachary Rosen

Pour le défendeur

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Metcalf & Company

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Pour les demanderesses

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse

ATLANTIC TOWING LIMITED

Lenczner Slaght LLP

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.