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Date : 20230515


Dossier : A-132-22

Référence : 2023 CAF 104

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE RIVOALEN

LA JUGE ROUSSEL

LA JUGE GOYETTE

 

 

ENTRE :

NADINE PERRIN ET D’AUTRES MEMBRES DE LA COMPOSANTE D’AIR CANADA DU SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE

demandeurs

et

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE et AIR CANADA

défendeurs

Audience tenue par vidéoconférence en ligne organisée par le greffe le 15 mai 2023.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 15 mai 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE ROUSSEL

 


Date : 20230515


Dossier : A-132-22

Référence : 2023 CAF 104

CORAM :

LA JUGE RIVOALEN

LA JUGE ROUSSEL

LA JUGE GOYETTE

 

 

 

 

 

ENTRE :

 

 

NADINE PERRIN ET D’AUTRES MEMBRES DE LA COMPOSANTE D’AIR CANADA DU SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

 

demandeurs

 

 

et

 

 

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE et AIR CANADA

 

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 15 mai 2023.)

LA JUGE ROUSSEL

[1] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 20 mai 2022 par le Conseil canadien des relations industrielles, qui a rejeté la plainte qu’ils avaient déposée contre le Syndicat canadien de la fonction publique (le Syndicat) pour manquement au devoir de juste représentation prévu à l’article 37 du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2.

[2] Dans leur plainte, les demandeurs soutiennent que le Syndicat a manqué à son devoir lorsqu’il a refusé de déposer un grief de principe pour s’opposer à la politique de vaccination obligatoire d’Air Canada. Les demandeurs sont un groupe d’agents de bord, de commissaires de bord et de directeurs de service à l’emploi d’Air Canada. Mme Perrin était chargée de déposer la plainte en leur nom.

[3] Dans sa décision, le Conseil a conclu que, puisque les considérations factuelles et l’argumentation juridique soulevées dans la plainte étaient à peu près semblables à celles qu’il avait tranchées dans sa décision récente Watson c. Syndicat canadien de la fonction publique, 2022 CCRI 1002 [Watson], il pouvait se fonder sur l’analyse et les motifs de cette décision. Dans la décision Watson, le Conseil avait conclu que le Syndicat n’avait pas manqué à son devoir de juste représentation en refusant de déposer un grief de principe relativement à la politique de vaccination obligatoire d’Air Canada. La décision du Conseil a depuis été confirmée par notre Cour dans l’arrêt Watson c. Syndicat canadien de la fonction publique, 2023 CAF 48 [Watson CAF].

[4] Dans la demande présentée à notre Cour, les demandeurs s’opposent au fait que le Conseil a invoqué la décision Watson pour rejeter leur plainte. Ils affirment que leur plainte différait de celle de Mme Watson en ce que leur plainte visait non seulement le refus du Syndicat de donner suite au grief de principe, mais également le défaut du Syndicat de déposer des griefs ordinaires à l’encontre des mesures disciplinaires découlant de l’application de cette politique. Selon eux, le Conseil n’a pas analysé un de leurs arguments.

[5] Les demandeurs reconnaissent que la décision du Conseil est susceptible de révision suivant la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653, par. 49 [Vavilov]; Watson CAF, par. 16; Paris c. Syndicat des employés de Transports R.M.T. (Unifor-Québec), 2022 CAF 173, par. 2 [Paris]).

[6] Dans sa décision, le Conseil a conclu qu’il pouvait s’appuyer sur l’analyse dans la décision Watson parce que les demandeurs faisaient partie de la même unité de négociation que Mme Watson et qu’ils étaient représentés par le même syndicat. Les questions qu’ils ont soulevées devant le Syndicat au sujet de la politique de vaccination obligatoire d’Air Canada sont essentiellement les mêmes que celles que le Conseil avait examinées dans la décision Watson et, en l’espèce, la conduite et les communications du Syndicat étaient les mêmes que celles examinées dans la plainte de Mme Watson. Le Conseil avait également examiné les communications entre Mme Perrin et le Syndicat dans l’affaire Watson. Le Conseil a tenu compte des allégations des demandeurs, mais a finalement conclu que ceux-ci n’avaient présenté aucun nouveau fait ou nouvel argument qui l’amenait à tirer une conclusion différente de celle à laquelle il était arrivé dans la décision Watson.

[7] Nous sommes d’avis que la distinction soulevée par les demandeurs concernant le défaut du Syndicat de s’opposer aux conséquences disciplinaires imposées aux personnes refusant d’être vaccinées est sans importance. Le Conseil a compris que les mesures disciplinaires prises en cas de non-conformité pouvaient entraîner des conséquences économiques. Il était également au courant de la position du Syndicat selon laquelle il examinerait toutes les mesures disciplinaires au cas par cas et qu’un grief individuel avait effectivement été déposé au nom de Mme Watson.

[8] Nous sommes également d’avis que le Conseil a examiné tous les autres éléments soulevés par l’avocat des demandeurs au cours de la présente audience.

[9] Dans leurs observations écrites, les demandeurs déplorent que le Syndicat n’ait pas communiqué à ses membres le second avis juridique obtenu sur les chances de succès d’une contestation de la politique de vaccination obligatoire par voie de grief. Ils affirment que le premier avis juridique a été obtenu à un moment où Air Canada n’avait mis en place aucune politique concrète et que cet avis ne constituait donc qu’une conjecture. Ils soutiennent que le Conseil n’a pas tenu compte de ce fait et qu’il a donc mal interprété les faits et le droit lorsqu’il a conclu que le Syndicat s’était acquitté de son obligation prévue à l’article 37 du Code par l’obtention d’un avis juridique. Ils soutiennent également que le Conseil n’a pas tenu compte de l’omission alléguée du Syndicat de les représenter de façon juste, c’est-à-dire que le Syndicat ne se serait pas occupé d’eux, qu’il aurait refusé de répondre à leurs préoccupations et qu’il aurait diffusé de fausses informations.

[10] Les demandeurs n’ont invoqué aucun fondement juridique selon lequel le Syndicat devrait leur fournir des copies du second avis juridique et n’ont pas démontré que les lacunes alléguées dans l’avis juridique rendaient les conclusions du Conseil déraisonnables. On a examiné puis rejeté cet argument dans l’arrêt Watson CAF (par. 37 à 41). En outre, contrairement à l’affirmation des demandeurs, le Conseil a examiné la conduite du Syndicat. Il a conclu que le Syndicat avait communiqué régulièrement avec ses membres au sujet de la mise en œuvre de la politique et qu’il s’était penché sur les questions soulevées par ses membres, y compris par ceux qui désapprouvaient la politique pour diverses raisons. Le Conseil n’était pas tenu de faire référence à chaque document du dossier, de répondre à chacun des arguments ou de faire des constatations explicites sur chaque élément menant à sa conclusion (Vavilov, par. 91 et 128; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708, par. 16). Aucun fondement ne permet de conclure que le Conseil a fait abstraction d’éléments de preuve ou qu’il a omis de tenir compte de questions soulevées par les demandeurs.

[11] Lorsqu’ils ont demandé au Conseil de joindre leur plainte à celle de Mme Watson, les demandeurs ont reconnu que les plaintes étaient similaires. Nous sommes d’avis que les demandeurs n’ont pas démontré que la décision du Conseil d’appliquer l’analyse et les motifs de la décision Watson était déraisonnable. Après avoir examiné le dossier et les motifs du Conseil, nous concluons que la décision du Conseil est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles il était assujetti (Vavilov, par. 85).

[12] Enfin, nous ne pouvons souscrire à l’argument des demandeurs voulant que le Conseil ait manqué à l’équité procédurale en refusant de leur accorder une audience. Ils soutiennent que le Conseil n’a jamais tenu compte des circonstances mentionnées dans leur plainte, qui justifiaient selon eux la tenue d’une audience, à savoir que leur plainte soulevait des [traduction] « doutes sur la bonne foi et les motifs personnels sous-tendant le défaut d’agir » et que la [traduction] « crédibilité des témoins » était un aspect important de l’évaluation du Conseil.

[13] Notre Cour a conclu à maintes reprises que le Conseil n’est pas tenu de tenir une audience chaque fois qu’on lui en fait la demande (Paris, par. 5; Ducharme c. Air Transat A.T. Inc., 2021 CAF 34, par. 19 et 21; Wsáneć School Board c. Syndicat des fonctionnaires provinciaux et de service de la Colombie‑Britannique, 2017 CAF 210, par. 33; Madrigga c. Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, 2016 CAF 151, par. 26 à 28). Dans le même ordre d’idées, les questions de crédibilité ne constituent pas nécessairement des circonstances exceptionnelles exigeant que le Conseil tienne une audience (Watson CAF, par. 51; Paris, par. 5). La décision du Conseil rendue en application de l’article 16.1 du Code appelle une grande retenue de la part de notre Cour (Watson CAF, par. 50; Paris, par. 5).

[14] Lorsqu’elle apprécie des questions d’équité procédurale, la Cour doit se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, par. 54 à 56. En l’espèce, les demandeurs ont déposé une plainte détaillée et y ont joint une volumineuse documentation de plusieurs centaines de pages. Ils n’ont pas démontré en quoi le défaut du Conseil de tenir une audience les a empêchés de présenter entièrement et équitablement leur plainte.

[15] Pendant les plaidoiries, les demandeurs ont invoqué un autre manquement à l’équité procédurale. Ils soutiennent que la procédure du Conseil était injuste en ce qu’on ne leur a pas donné la possibilité de présenter une réplique, droit qu’on avait accordé à Mme Watson. Bien qu’il s’agisse d’un nouvel argument, nous concluons qu’il est sans fondement. Compte tenu du dossier dont nous sommes saisis et des réponses fournies par l’avocat des demandeurs à l’audience, nous concluons qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale.

[16] Malgré les observations habiles de l’avocat, nous rejetterons la demande avec dépens.

« Sylvie E. Roussel »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Nathalie Ayotte, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-132-22

 

INTITULÉ :

NADINE PERRIN ET D’AUTRES MEMBRES DE LA COMPOSANTE D’AIR CANADA DU SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE c. SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE et AIR CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE EN LIGNE ORGANISÉE PAR LE GREFFE

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 mai 2023

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE RIVOALEN

LA JUGE ROUSSEL

LA JUGE GOYETTE

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE ROUSSEL

COMPARUTIONS :

Bruno-Pierre Allard

Pour les demandeurs

Devon Paul

Elizabeth Nurse

Ella Henry

Pour le défendeur

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE

Cristina Toteda

Pour la défenderesse

AIR CANADA


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

CHABOT médiateurs avocats

Laval (Québec)

Pour les demandeurs

Centre Air Canada, ZIP YUL 1276

Dorval (Québec)

Pour la défenderesse

AIR CANADA

Syndicat canadien de la fonction publique

Markham (Ontario)

Pour le défendeur

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

 

 

 

 

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