Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20230427


Dossier : A-93-22

Référence : 2023 CAF 85

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

MILANO PIZZA LTD., MAZEN KASSIS, MARWAN KASSIS,

MAHMOUD TABAJA, MILANO BASELINE et JOE KASSIS

appelants

et

6034799 CANADA INC., CHADI WANSA, YOUSSEF ZAHER

aussi connu sous le nom JOSEPH ZAHER et YOUSEF NASSAR aussi connu sous le nom JOE NASSAR

intimés

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 27 avril 2023.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 27 avril 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20230427


Dossier : A-93-22

Référence : 2023 CAF 85

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

MILANO PIZZA LTD., MAZEN KASSIS, MARWAN KASSIS,

MAHMOUD TABAJA, MILANO BASELINE et JOE KASSIS

appelants

et

6034799 CANADA INC., CHADI WANSA, YOUSSEF ZAHER

aussi connu sous le nom JOSEPH ZAHER et YOUSEF NASSAR aussi connu sous le nom JOE NASSAR

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 27 avril 2023.)

LE JUGE DE MONTIGNY

[1] Les appelants demandent une ordonnance annulant la décision de la Cour fédérale qui avait rejeté leur action intentée pour usurpation de la marque de commerce, commercialisation trompeuse et dépréciation de l’achalandage : Milano Pizza Ltd. c. 6034799 Canada Inc., 2022 CF 425 (décision de la Cour fédérale). Dans cette décision, la Cour fédérale a conclu que le dessin-marque enregistré des appelants était invalide au titre de l’alinéa 18(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi), pour absence de caractère distinctif. Dans sa décision, la juge s’est appuyée principalement sur sa conclusion que les appelants n’avaient pas établi qu’ils exerçaient un contrôle suffisant sur leurs licenciés pour que leur emploi de la marque de commerce soit réputé un emploi par le propriétaire de la marque conformément au paragraphe 50(1) de la Loi.

[2] Après avoir examiné avec soin les observations des parties, notre Cour est d’avis que le présent appel ne peut être accueilli.

[3] Les appelants soutiennent que la Cour fédérale a appliqué le mauvais critère juridique pour examiner le contrôle, au sens du paragraphe 50(1) de la Loi, que les appelants exerçaient sur leurs licenciés. Les appelants et les intimés conviennent que la détermination du critère juridique approprié est une question de droit, qui est susceptible de révision suivant la norme de la décision correcte : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 (Housen). Les appelants soutiennent que la juge a commis une erreur en exigeant que le contrôle exercé par les propriétaires de la marque de commerce sur leurs licenciés le soit d’une manière ou d’un niveau particulier, alors que, selon les appelants, il revient au propriétaire de la marque de commerce de déterminer la portée du contrôle, ainsi que la manière dont il est exercé, sur la nature ou la qualité des biens et des services. Les appelants soutiennent qu’ils exerçaient un contrôle sur leurs licenciés au moyen d’une obligation selon laquelle ces derniers devaient acheter les ingrédients, les boîtes de pizza et les boissons auprès des distributeurs autorisés (l’obligation d’achat) et au moyen d’une obligation selon laquelle aucune autre licence ne serait accordée pour un territoire donné sans le consentement du licencié (l’obligation relative au territoire) : décision de la Cour fédérale, au para. 17.

[4] La Cour fédérale a conclu que l’obligation d’achat et l’obligation relative au territoire ne suffisaient pas à assurer le contrôle prévu au paragraphe 50(1) de la Loi. Nous ne constatons aucune erreur de droit ou de fait dans cette conclusion. L’argument des appelants équivaut à affirmer que les cours n’ont pas le droit de déterminer le sens du contrôle prévu à l’article 50 de la Loi, mais qu’elles doivent prendre le propriétaire de la marque de commerce au mot qu’il exerce un contrôle adéquat sur le produit final ou les services.

[5] Un tel argument est difficilement compatible avec le fondement de la législation sur les marques de commerce, qui vise à assurer une qualité uniforme dans l’ensemble des produits ou des services portant une marque donnée. Il n’est possible d’atteindre une telle uniformité que si le propriétaire de la marque de commerce contrôle effectivement le produit ou le service fourni à un licencié qui utilise sa marque de commerce.

[6] Le contrôle exercé sur le produit fini ou le service est donc nécessaire pour que soit assurée une qualité uniforme par tous les licenciés : décision de la Cour fédérale, aux para. 91 à 93 et 99 à 101, Tommy Hilfiger Licensing Inc. c. Produits de Qualité I.M.D. Inc., 2005 CF 10, au para. 81, Empresa Cubana Del Tabaco Trading c. Shapiro Cohen, 2011 CF 102, aux para. 86 à 90, conf. par Cohen c. Empressa Cubana Del Tabaco, 2011 CAF 340. En l’espèce, la juge a décidé que le contrôle exercé par Milano était insuffisant. Contrairement à l’observation des appelants, la juge ne dictait pas la façon dont le propriétaire de la marque de commerce devait exercer le contrôle; elle a plutôt conclu, selon les faits en l’espèce, que ce contrôle était inexistant. Il ne s’agit absolument pas d’une erreur de droit. En effet, si n’importe quel type ou degré de contrôle était acceptable, cela reviendrait à faire fi du paragraphe 50(1).

[7] Les appelants soutiennent en outre que la Cour fédérale a également commis plusieurs erreurs mixtes de fait et de droit. La norme de contrôle applicable aux questions de fait ou aux questions où les faits prédominent est celle de l’erreur manifeste et dominante, une norme qui commande un degré élevé de retenue : Housen au para. 5; Benhaim c. St-Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, au para. 38. Aucune des erreurs alléguées ne satisfait à cette norme. Il est bien établi qu’il incombe au juge de première instance de tirer des conclusions de fait et d’évaluer la crédibilité des témoins, et que ces conclusions bénéficient d’un degré de retenue élevé en appel : Housen, au para. 10; F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 R.C.S. 41, au para. 72.

[8] En outre, les appelants soutiennent que la juge a commis une erreur de droit dans son analyse lorsqu’elle a pris en considération des éléments de preuve relatifs à des événements antérieurs à la date pertinente. Cet argument est de toute évidence sans fondement, car la juge a déterminé la date pertinente exacte et a ensuite remarqué qu’« il y a peu d’éléments indiquant que beaucoup d’autres choses avaient changé en ce qui a trait à l’exercice réel par [Milano] d’un contrôle sur la nature ou la qualité des services applicables » : décision de la Cour fédérale, au para. 100. En conséquence, la juge n’a commis aucune erreur de droit en déterminant la date pertinente et elle était certainement en droit d’examiner les éléments de preuve antérieurs à la date pertinente pour avoir une meilleure idée du comportement des parties à cette date. Les appelants n’ont présenté aucune jurisprudence pour appuyer leur allégation que l’évaluation de l’ensemble des éléments de preuve équivaut à une erreur susceptible de révision.

[9] Enfin, les appelants soutiennent que la juge a commis une erreur de principe en adjugeant les dépens, parce qu’elle les a adjugés alors qu’il y avait gain de cause de part et d’autre et qu’elle n’a pas tenu compte des mesures de réparation que chacune des parties avait demandées et du résultat ultime de sa décision. L’adjudication des dépens est très discrétionnaire (Règle 400(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106) et commande donc une grande retenue en appel. En l’absence d’erreur de droit ou de principe à l’égard de questions discrétionnaires, comme celle-ci, la norme de révision est celle de l’erreur manifeste et dominante : Hospira Health Care Corporation c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215. Nous ne constatons aucune erreur qui satisfait à cette norme élevée et n’interviendrons donc pas à l’égard de l’adjudication des dépens par la juge.

[10] Pour tous les motifs qui précèdent, la demande sera rejetée avec dépens.

« Yves de Montigny »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-93-22

 

 

INTITULÉ :

MILANO PIZZA LTD., MAZEN KASSIS, MARWAN KASSIS, MAHMOUD TABAJA, MILANO BASELINE et JOE KASSIS c. 6034799 CANADA INC., CHADI WANSA, YOUSSEF ZAHER aussi connu sous le nom JOSEPH ZAHER et YOUSEF NASSAR aussi connu sous le nom JOE NASSAR

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 avril 2023

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE MACTAVISH

 

RENDUS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE DE MONTIGNY

COMPARUTIONS :

Adam Tracey

Ashley Chu

 

Pour les appelants

 

Michael Andrews

 

Pour les intimés

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Macera & Jarzyna LLP

Ottawa (Ontario)

 

Pour les appelants

 

Andrews Robichaud PC

Ottawa (Ontario)

Pour les intimés

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.