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Date : 20230328


Dossier : A-330-21

Référence : 2023 CAF 70

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

 

ENTRE :

IMS INCORPORATED, faisant affaire sous la dénomination sociale RESTATS, aussi connue sous le nom de REALITY, et

LEON Y. D’ANCONA

appelants

et

LE TORONTO REGIONAL REAL ESTATE BOARD

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 6 octobre 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 mars 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

 


Date : 20230328


Dossier : A-330-21

Référence : 2023 CAF 70

CORAM :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

 

ENTRE :

IMS INCORPORATED, faisant affaire sous la dénomination sociale RESTATS, aussi connue sous le nom de REALITY, et

LEON Y. D’ANCONA

appelants

et

LE TORONTO REGIONAL REAL ESTATE BOARD

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GLEASON

[1] Les appelants, IMS Inc. et Leon Y. d’Ancona (collectivement, IMS), interjettent appel de l’ordonnance rendue par la juge Pallotta de la Cour fédérale (la juge saisie des requêtes) dans la décision Toronto Regional Real Estate Board c. IMS Incorporated, 2021 CF 1239. Dans cette ordonnance, la juge saisie des requêtes a infirmé une partie d’une ordonnance antérieure non publiée, rendue le 7 avril 2021 dans le dossier T-900-20 par la protonotaire Milczynski (que j’appelle la protonotaire, car c’était le titre applicable au moment où l’ordonnance en cause dans le présent appel a été rendue). Dans son ordonnance, la protonotaire, qui agissait en tant que juge chargée de la gestion de l’instance, a radié la déclaration de l’intimé, le Toronto Regional Real Estate Board (TRREB), avec l’autorisation de modifier certaines déclarations qui ne sont pas pertinentes pour le présent appel.

[2] Pour les motifs qui suivent, je ferais droit au présent appel en partie pour corriger un défaut technique dans l’ordonnance de la juge saisie des requêtes, mais je confirmerais sa décision d’annuler la partie de l’ordonnance de la protonotaire supprimant les revendications de droits d’auteur du TRREB sans autorisation de la modifier. Comme j’estime que le TRREB a obtenu gain de cause sur le fond du présent appel, je lui accorderais les dépens de l’appel.

I. Les faits

[3] La demande dans l’action sous-jacente dans la présente affaire concerne le système en ligne interagences Multiple Listing Service exploité par le TRREB, qu’il appelle le système MLSMD du TRREB dans sa déclaration.

[4] Dans sa demande, le TRREB a cherché à obtenir une déclaration selon laquelle il était [traduction] « [...] le créateur, l’auteur et le gardien d’un important système en ligne géré comme étant le système MLSMD du TRREB auquel ont accès les membres du TRREB et les membres des chambres immobilières partenaires du TRREB [...] » (alinéa 1a) de la déclaration).

[5] Le TRREB allègue en outre dans sa déclaration que le système MLSMD du TRREB donne accès à [traduction] « [...] plus de 100 services en ligne, y compris l’accès à des listes de ventes immobilières actives, des descriptions détaillées de propriétés uniques, des renseignements d’archives, des photographies uniques, des descriptions détaillées de quartiers indiquant les écoles et les caractéristiques de la communauté, et d’autres renseignements relatifs aux biens immobiliers, y compris, mais sans s’y limiter, les prix d’achat de propriétés situées dans la région du Grand Toronto [...] et dans d’autres parties de l’Ontario [...] » (alinéa 1a) de la déclaration).

[6] Le TRREB a poursuivi en affirmant dans l’alinéa de sa déclaration qu’il était le propriétaire ou le titulaire d’une licence exclusive sur les droits d’auteur associés au système MLSMD du TRREB et aux documents affichés par l’intermédiaire du système MLSMD du TRREB (qu’il appelle les renseignements MLSMD du TRREB). Le TRREB a en outre allégué au paragraphe 8 de sa déclaration ce qui suit :

[traduction]
L’ensemble unique de renseignements compilés et organisés par le TRREB et maintenus par le TRREB sous le nom de système MLSMD du TRREB est une œuvre protégée par des droits d’auteur [...] Le mode de compilation de toutes les données est original et créé et organisé de manière indépendante par le TRREB, qui s’appuie sur un degré élevé de compétence, de jugement et de travail dans la sélection et l’agencement globaux [...]

[7] Le TRREB a également allégué dans sa déclaration qu’IMS a obtenu un accès non autorisé et illégal au système MLSMD du TRREB et à son contenu exclusif en contournant les protections mises en place pour protéger le système MLSMD du TRREB, en violation de l’article 41 de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42 et a utilisé les renseignements ainsi obtenus pour commercialiser des rapports et monnayer par ailleurs ces renseignements (paragraphes 22 à 25 de la déclaration).

[8] Le TRREB a demandé, entre autres, les mesures de redressement suivantes :

[traduction]

  • une déclaration selon laquelle il est le propriétaire ou le titulaire de la licence exclusive sur les droits d’auteur du système MLSMD du TRREB et des renseignements MLSMD du TRREB;

  • une déclaration selon laquelle la « copie non autorisée, l’extraction de données, le téléchargement, la distribution, l’accès, la collecte de données, la compilation ou l’exploitation [...] » des renseignements MLSMD du TRREB par IMS constituait une violation des droits d’auteur du TRREB;

  • une déclaration selon laquelle l’accès au système MLSMD du TRREB et aux renseignements MLSMD du TRREB par tout moyen permettant de contourner les mesures de protection technologiques mises en place pour limiter ou interdire l’accès au système MLSMD du TRREB et aux renseignements MLSMD du TRREB constitue une violation de l’article 41 de la Loi sur le droit d’auteur;

  • des dommages-intérêts et des injonctions pour violation de ses droits d’auteur sur le système MLSMD du TRREB et sur les renseignements MLSMD du TRREB.

[9] Le TRREB a également allégué qu’IMS avait violé la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5 (LPRPDE), et d’autres droits de propriété non précisés que le TRREB a déclaré posséder à l’égard du système MLSMD du TRREB et des renseignements MLSMD du TRREB. Le TRREB a également demandé des mesures correctives pour ces violations supplémentaires alléguées.

[10] IMS a déposé une requête en annulation de la déclaration du TRREB dans son intégralité. Elle a fait valoir que la demande ne relevait pas de la compétence de la Cour fédérale, que les revendications de droits d’auteur ne révélaient aucune cause d’action valable aux termes de l’alinéa 221(1)a) des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106, ou constituaient autrement un abus de procédure au sens de l’alinéa 221(1)f) des Règles, et que les demandes relatives à la LPRPDE ne révélaient aucune cause d’action valable.

[11] Sa requête concernant les questions de droit d’auteur était fondée sur l’affirmation que notre Cour avait finalement décidé dans l’arrêt Toronto Real Estate Board c. Commissaire de la concurrence, 2017 CAF 236, [2018] 3 R.C.F. 563 (TREB c. Commissaire de la concurrence) que le Toronto Real Estate Board ne possédait aucun droit d’auteur sur son système MLS. Dans des observations incidentes ou une partie non contraignante de l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence, notre Cour a entériné la conclusion du Tribunal de la concurrence selon laquelle les éléments du système MLS du Toronto Real Estate Board en litige dans l’instance n’étaient pas assujettis au droit d’auteur parce qu’ils manquaient d’originalité.

II. Les décisions de la protonotaire et de la juge saisie des requêtes

[12] La protonotaire a radié les revendications de droits d’auteur et les demandes relatives à la LPRPDE, sans autorisation de modification. Elle a également annulé les demandes fondées sur la violation des droits de propriété, mais a autorisé le TRREB à modifier ce qu’elle a qualifié de [traduction] « vagues demandes de confidentialité et de droits de propriété » de la part du TRREB, dont elle ne pouvait pas déterminer de manière concluante qu’elles ne relevaient pas de la compétence de la Cour fédérale.

[13] En ce qui concerne les revendications de droits d’auteur, la protonotaire a déclaré que le TRREB n’avait pas plaidé qu’il était propriétaire des droits d’auteur ou qu’il n’avait pas expressément indiqué comment il y avait eu violation des droits d’auteur. Elle a noté que ces défauts pouvaient être corrigés par des modifications des actes de procédure ou par des précisions. Cependant, elle a déterminé que les revendications de droits d’auteur souffraient d’un défaut plus fatal parce que notre Cour a conclu dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence [traduction] « [...] que le droit d’auteur n’existe pas dans le contenu du système MLS du TRREB ». La protonotaire a donc radié les demandes relatives aux droits d’auteur, concluant que [traduction] « soit il y a des droits d’auteur, soit il n’y en a pas ». La protonotaire n’a pas précisé si elle avait fondé cette conclusion sur l’alinéa 221(1)a) ou sur l’alinéa 221(1)f) des Règles des Cours fédérales, mais elle a noté qu’[traduction] « [elle concluait] qu’il [était] évident et manifeste que ni les demandes fondées sur la Loi sur le droit d’auteur ni celles fondées sur la LPRPDE ne pouvaient être acceptées ».

[14] L’ordonnance de la protonotaire dispose que : [traduction] « [...] la requête est accueillie, avec dépens aux défendeurs, et la déclaration est radiée, avec autorisation de la modifier ».

[15] Le TRREB a interjeté appel de l’ordonnance, soutenant que la protonotaire avait commis une erreur en radiant ses revendications de droits d’auteur sans autorisation de modification. La juge saisie des requêtes a fait droit à l’appel du TRREB, a infirmé l’ordonnance de la protonotaire en ce qui concerne les revendications de droits d’auteur et a autorisé le TRREB à modifier ces revendications.

[16] La juge saisie des requêtes a conclu que la protonotaire s’était fondée sur l’alinéa 221(1)f) des Règles des Cours fédérales et qu’elle avait commis une erreur manifeste et dominante en s’appuyant sur l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence pour conclure que le TRREB remettait en litige la même question dans son action. Elle a également noté qu’elle aurait fait droit à l’appel si la protonotaire s’était fondée sur l’alinéa 221(1)a).

[17] La juge saisie des requêtes a estimé que la question de savoir si une œuvre atteint le seuil d’originalité pour le droit d’auteur est une question de droit et de fait. Elle a déclaré que la conclusion de la protonotaire selon laquelle la question du droit d’auteur avait déjà été tranchée, [traduction] « [...] et “qu’il y ait ou non un droit d’auteur”, suppose nécessairement que les œuvres en question [c’est-à-dire dans la présente action et dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence] sont les mêmes » (par. 29). Toutefois, la protonotaire ne disposait d’aucune preuve sur ce point. La juge saisie des requêtes a donc conclu que la protonotaire avait commis une erreur manifeste et dominante en supposant que les œuvres étaient les mêmes. Elle a affirmé ce qui suit au paragraphe 36 de ses motifs :

[traduction]
À mon avis, la [protonotaire] a commis une erreur manifeste et dominante en s’appuyant sur la décision de la CAF pour conclure que le TRREB remet en litige la même question dans le cadre de la présente action. La question de savoir si une œuvre atteint le seuil d’originalité est une conclusion de droit et de fait et dépend de l’application des faits à un critère juridique. La décision de la CAF à cet égard était fondée sur les conclusions factuelles du Tribunal de la concurrence, qui étaient elles-mêmes fondées sur les éléments de preuve précis dont il disposait. L’instance devant le Tribunal de la concurrence portait sur des « données en litige » de la base de données MLS, cinq ans avant la présente action. Le dossier de la CAF n’a pas été présenté à la [protonotaire] et il n’y a aucun moyen de savoir si la base probante de la décision de la CAF serait la même dans la présente action.

[18] En arrivant à cette conclusion, la juge saisie des requêtes a noté qu’il n’était pas approprié de s’appuyer sur la connaissance d’office pour conclure que les œuvres étaient les mêmes. S’appuyant sur l’arrêt R. c. Daley, 2007 CSC 53, 288 D.L.R. (4th) 1, au para. 86; Tsawwassen Indian Band v. Delta (1997), 149 D.L.R. (4th) 672, 37 B.C.L.R. (3d) 276, aux paras. 98 et 99; R. v. Levkovic, 2010 ONCA 830, 103 O.R. (3d) 1, au para. 48; R. v. Perkins, 2007 ONCA 585, 51 C.R. (6th) 116, au para. 38; et R. c. Spence, 2005 CSC 71, 259 D.L.R. (4th) 474, la juge saisie des requêtes a conclu qu’il n’est pas possible de prendre connaissance d’office de faits qui peuvent raisonnablement être mis en doute et que la prudence est de mise lorsque l’utilisation d’un précédent judiciaire permettrait à une partie de substituer le précédent à la preuve.

[19] La juge saisie des requêtes a également noté que plusieurs ordonnances judiciaires (dont deux de la Cour fédérale) ont été rendues dans lesquelles une injonction provisoire ou un jugement par défaut ou par consentement avait été accordé au TRREB en ce qui concerne ses revendications de droits d’auteur dans d’autres actions. Tout en estimant que ces ordonnances n’étaient pas déterminantes, la juge saisie des requêtes a déclaré qu’[traduction] « elles [faisaient] néanmoins partie des circonstances générales à prendre en compte » (au para. 37).

[20] La juge saisie des requêtes a conclu sur ces points comme suit au paragraphe 38 :

[traduction]
En tant que partie qui présente la requête en radiation, il incombait à IMS de prouver que le TRREB remettait en litige la même question. S’appuyer sur la décision rendue dans l’arrêt TREB c. [Commissaire de la concurrence] sans, au minimum, prouver que les mêmes œuvres étaient en litige dans les deux instances, a permis à IMS de [traduction] « substituer le précédent à la preuve ».

[21] La juge saisie des requêtes a poursuivi en estimant que, même s’il avait été démontré que le TRREB avait remis en litige la même question, la protonotaire n’avait pas correctement examiné la question de savoir si le fait de remettre en litige la même question que dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence constituerait un abus de procédure. Elle a noté que l’interdiction de remettre en litige la même question est discrétionnaire, comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, 232 D.L.R. (4th) 385, au para. 14. Elle a affirmé ce qui suit au paragraphe 42 de ses motifs :

[traduction]
L’ordonnance [de la protonotaire] n’indique pas que des considérations telles que la question de savoir si un nouveau litige améliorerait l’administration de la justice ou créerait une injustice dans cette affaire ont été prises en compte. Ces considérations peuvent inclure des différences dans la nature des instances, le fait qu’IMS n’était pas partie à l’instance antérieure et que le TRREB se défendait contre les allégations formulées à son encontre. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, la théorie de l’abus de procédure ne doit être invoquée que dans les cas les plus clairs : Boily [c. Canada, 2019 CF 323, 311 A.C.W.S. (3d) 556], au para. 70. À mon avis, l’ordonnance [de la protonotaire] n’aborde pas la question de savoir si la théorie doit être invoquée en l’espèce, et je ne suis pas persuadée qu’elle doive l’être.

[22] En raison des erreurs susmentionnées, la juge saisie des requêtes a rendu l’ordonnance suivante :

[TRADUCTION]

1. La présente requête aux termes de l’article 51 des Règles faisant appel de l’ordonnance du 7 avril 2021 [de la protonotaire] est accueillie;

2. L’ordonnance du 7 avril 2021 est annulée dans la mesure où elle radie les revendications de droits d’auteur sans autorisation de modification;

3. L’ordonnance du 7 avril 2021 accorde l’autorisation de modifier en partie la déclaration du TRREB, et cet aspect de l’ordonnance n’est pas modifié; en outre, le TRREB est autorisé à modifier sa déclaration en ce qui concerne les revendications de droits d’auteur;

4. Les dépens restent à déterminer.

III. Questions en litige

[23] IMS soutient que la juge saisie des requêtes a commis plusieurs erreurs susceptibles de révision, dont chacune justifierait l’annulation de sa décision.

[24] IMS fait d’abord valoir que la juge saisie des requêtes a commis une erreur en procédant à ce qui était essentiellement un examen de novo, et qu’elle n’a donc pas fait preuve d’une retenue suffisante à l’égard de la protonotaire. IMS invoque en particulier le paragraphe 42 des motifs de la juge saisie des requêtes comme preuve d’un tel excès de pouvoir. IMS ajoute que, lorsque l’ordonnance de la protonotaire est correctement comprise, il est clair que la protonotaire a examiné la question de savoir si un nouveau litige était approprié et a conclu qu’il ne l’était pas. Par conséquent, IMS fait valoir que la juge saisie des requêtes n’avait pas la possibilité de substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la protonotaire.

[25] IMS affirme ensuite que la juge saisie des requêtes a mal compris la nature de la décision de la protonotaire. Lorsqu’elle est lue correctement, contrairement à ce que la juge saisie des requêtes a déterminé, IMS affirme que la protonotaire s’est fondée sur l’alinéa 221(1)a) et non sur l’alinéa 221(1)f) des Règles des Cours fédérales parce que la protonotaire a conclu que les revendications de droits d’auteur ne révélaient pas de cause d’action valable. IMS soutient que la protonotaire aurait pu se fonder sur l’alinéa 221(1)a) des Règles pour radier les revendications à la lumière des décisions rendues dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence. IMS compare les répercussions de cet arrêt à ceux de toute autre décision réglant un point qui ne peut être remis en litige dans un différend ultérieur.

[26] IMS soutient en troisième lieu que la question de savoir si le TRREB possède un droit d’auteur sur le système MLSMD du TRREB a été définitivement tranchée dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence, que la protonotaire l’a conclu à juste titre et que la juge saisie des requêtes a commis une erreur en concluant le contraire. L’appelante affirme également qu’il incombait au TRREB de démontrer que le système MLSMD du TRREB n’était pas la même œuvre que celle en litige dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence, ce qu’il n’a pas fait. L’appelante affirme donc que l’ordonnance de la protonotaire radiant les revendications de droits d’auteur du TRREB sans autorisation de modification ne contient aucune erreur.

[27] IMS soutient en quatrième lieu que la juge saisie des requêtes a mal interprété la théorie de la connaissance d’office et a violé son droit à l’équité procédurale en invoquant l’inapplicabilité de la connaissance d’office, alors qu’aucune des parties n’avait présenté un tel argument ni renvoyé aux jugements sur lesquels la juge saisie des requêtes s’est appuyée.

[28] IMS affirme en outre que la juge saisie des requêtes a commis une erreur en renvoyant, dans ses motifs, aux injonctions provisoires et aux jugements de consentement et par défaut dans lesquels les revendications du TRREB relatives aux droits d’auteur ont été reconnues, notant que plusieurs de ces décisions ont été infirmées.

[29] IMS fait valoir enfin que l’ordonnance de la juge saisie des requêtes contient une erreur de raisonnement dans la mesure où elle a annulé l’ordonnance de la protonotaire annulant les revendications de droits d’auteur sans autorisation de modification, mais a ensuite ordonné que le TRREB soit autorisé à modifier les revendications de droits d’auteur.

[30] Les questions soulevées par IMS se recoupent dans une certaine mesure. Elles peuvent être utilement reformulées comme suit :

1. La juge saisie des requêtes a-t-elle commis une erreur en concluant qu’une partie nécessaire du raisonnement de la protonotaire consistait à déterminer que les œuvres en litige dans l’action étaient les mêmes que celles en litige dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence?

2. La juge saisie des requêtes a-t-elle commis une erreur en concluant que la protonotaire avait commis une erreur manifeste et dominante en estimant que les œuvres en litige dans l’action étaient les mêmes que celles en litige dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence?

3. La juge saisie des requêtes a-t-elle commis une erreur en concluant que la protonotaire avait agi conformément à l’alinéa 221(1)f) plutôt qu’à l’alinéa 221(1)a) des Règles des Cours fédérales?

4. La juge saisie des requêtes a-t-elle commis une erreur ou violé les droits d’IMS en matière d’équité procédurale en renvoyant à la notion de connaissance d’office et en s’appuyant sur la jurisprudence qu’elle a invoquée concernant cette notion?

5. La juge saisie des requêtes a-t-elle commis une erreur en appliquant une norme de contrôle incorrecte et en substituant indûment son opinion à celle de la protonotaire au paragraphe 42 de ses motifs?

6. La juge saisie des requêtes a-t-elle commis une erreur en renvoyant, dans ses motifs, aux injonctions provisoires et aux jugements de consentement et par défaut dans lesquels les revendications du TRREB relatives aux droits d’auteur ont été reconnues?

7. La juge saisie des requêtes a-t-elle commis une erreur dans la formulation de son ordonnance?

[31] Comme on le verra, les deux premières questions mentionnées ci-dessus sont en grande partie déterminantes pour le présent appel. Je les examinerai donc en détail et ne ferai que quelques remarques brèves sur les autres questions.

IV. Analyse

A. Norme de contrôle

[32] En examinant ces questions, il est utile de commencer par la description des normes de contrôle que la juge saisie des requêtes était tenue d’appliquer et celles que notre Cour doit appliquer à son ordonnance.

[33] En ce qui concerne la norme qu’elle devait appliquer, la juge saisie des requêtes l’a correctement cernée au paragraphe 11 de ses motifs, en renvoyant à l’arrêt Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, 402 D.L.R. (4th) 497, aux paras. 64 et 66 [arrêt Hospira]. Quant à notre Cour, nous devons appliquer une norme similaire : les décisions judiciaires rendues par la juge saisie des requêtes sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte, tandis que les conclusions de fait et les conclusions mixtes de droit et de fait ne comportant aucun point de droit isolable ainsi que l’exercice du pouvoir discrétionnaire ne sont susceptibles de contrôle que s’ils révèlent une erreur manifeste et dominante : arrêt Hospira, aux paras. 83 à 84; NOV Downhole Eurasia Limited c. TLL Oilfield Consulting Ltd., 2017 CAF 32, 275 A.C.W.S. (3d) 521, au para. 7; Marshall c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 31, 301 A.C.W.S. (3d) 683, au para. 6.

B. La juge saisie des requêtes a-t-elle commis une erreur en concluant qu’une partie nécessaire du raisonnement de la protonotaire consistait à reconnaître que les œuvres en litige dans l’action étaient les mêmes que celles en litige dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence?

[34] Le raisonnement de la juge saisie des requêtes était centré sur la reconnaissance que l’ordonnance de la protonotaire était fondée sur la conclusion que les œuvres auxquelles s’appliquait la déclaration du TREB étaient les mêmes que celles considérées dans l’arrêt TRREB c. Commissaire de la concurrence. Cette reconnaissance suppose implicitement plusieurs conclusions juridiques, à savoir que : (1) le droit d’auteur s’applique aux œuvres parce qu’il protège l’expression et non les idées; (2) le droit d’auteur peut s’étendre à une compilation de documents tirés d’autres sources si cette compilation est suffisamment originale; et (3) l’évaluation de la question de savoir si une œuvre particulière répond au critère d’originalité doit être effectuée par rapport à l’œuvre particulière en question. Je ne vois aucune erreur dans les conclusions qui précèdent, qui sont toutes si bien établies qu’elles en deviennent axiomatiques.

[35] À cet égard, il est incontestable que le droit d’auteur protège l’expression utilisée par un auteur ou un créateur, par opposition aux faits ou aux idées. Le droit d’auteur s’applique donc aux œuvres et non aux renseignements : John S. McKeown, Fox on Canadian Law of Canadian and Industrial Designs, 4e éd. (Toronto : Thomson Reuters Canada, 2023), aux paras. 1:1, 4:2 (ProView); Deeks v. Wells (1932), [1933], 1 D.L.R. 353, p. 358, 1932 CarswellOnt 119 (C.P. Ont.) (WL Can); British Columbia Jockey Club v. Standen (1985), 22 D.L.R. (4th) 467, p. 469, 8 C.P.R. (3d) 283 (BC CA); Nautical Data International Inc. c. C-Map USA Inc., 2013 CAF 63, 110 C.P.R. (4th) 317, aux paras. 11 et 14, demande d’autorisation de pourvoi rejetée, 2013 CarswellNat 2948, 464 N.R. 400 (note) (WL Can); Pyrrha Design Inc. c. Plum and Posey Inc., 2022 CAF 7, 190 C.P.R. (4th) 307, au para. 10.

[36] Aux termes de la Loi sur le droit d’auteur, le droit d’auteur subsiste sur les œuvres si elles sont originales et si leurs auteurs ou créateurs, à la date de la création des œuvres, résidaient habituellement au Canada ou dans un autre pays auquel s’étendent les droits prévus par la Loi (Loi sur le droit d’auteur, art. 5).

[37] En outre, il est incontestable que le droit d’auteur peut exister dans les compilations, comme le prévoit le paragraphe 2.1(2) de la Loi sur le droit d’auteur, qui dispose que :

L’incorporation d’une œuvre dans une compilation ne modifie pas la protection conférée par la présente loi à l’œuvre au titre du droit d’auteur ou des droits moraux.

The mere fact that a work is included in a compilation does not increase, decrease or otherwise affect the protection conferred by this Act in respect of the copyright in the work or the moral rights in respect of the work.

[38] En outre, il est clair que les compilations comprennent les œuvres résultant de l’agencement ou de la sélection de données, comme le prévoit la définition du terme « compilation » figurant à l’article 2 de la Loi sur le droit d’auteur, dont voici le texte :

compilation Les œuvres résultant du choix ou de l’arrangement de tout ou partie d’œuvres littéraires, dramatiques, musicales ou artistiques ou de données. (compilation)

compilation means

(a) a work resulting from the selection or arrangement of literary, dramatic, musical or artistic works or of parts thereof, or

(b) a work resulting from the selection or arrangement of data; (compilation)

[39] Dans l’arrêt CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut‑Canada, 2004 CSC 13, 236 D.L.R. (4th) 395 [arrêt CCH], la Cour suprême du Canada a estimé que les notes d’en-tête, les résumés de jurisprudence, les index analytiques et les compilations de décisions judiciaires publiées constituaient tous des œuvres originales protégées par le droit d’auteur. La Cour suprême a décrit le critère d’originalité au paragraphe 25 de l’arrêt CCH comme suit :

[...] une œuvre « originale » au sens de la Loi sur le droit d’auteur est une œuvre qui émane d’un auteur et qui n’est pas une copie d’une autre œuvre. Toutefois, cela ne suffit pas à rendre une œuvre originale. Elle doit en outre être le produit de l’exercice du talent et du jugement d’un auteur. Cet exercice ne doit pas être négligeable au point qu’on puisse le qualifier d’entreprise purement mécanique. Bien qu’une œuvre créative soit par définition « originale » et protégée par le droit d’auteur, la créativité n’est pas essentielle à l’originalité.

[40] En évaluant l’originalité des décisions judiciaires publiées en litige dans cette affaire, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt CCH, a déclaré ce qui suit aux paragraphes 33 à 35 :

Les décisions judiciaires publiées, considérées à juste titre comme une compilation du sommaire et des motifs judiciaires révisés qui l’accompagnent, sont des œuvres « originales » protégées par le droit d’auteur. Celui-ci protège l’originalité de la forme ou de l’expression. Une compilation consiste dans la présentation, sous une forme différente, d’éléments existants. Celui qui l’effectue n’a aucun droit d’auteur sur les composantes individuelles. Cependant, il peut détenir un droit d’auteur sur la forme que prend la compilation. [traduction] « Ce ne sont pas les divers éléments qui sont visés par le droit d’auteur, mais bien leur agencement global qui est le fruit du travail du demandeur » : Slumber-Magic Adjustable Bed Co. c. Sleep-King Adjustable Bed Co. (1984), 3 C.P.R. (3d) 81 (C.S.C.-B.), p. 84; voir également Ladbroke (Football) Ltd. c. William Hill (Football) Ltd., [1964] 1 All E.R. 465 (H.L.), p. 469.

Les décisions judiciaires publiées qui sont visées en l’espèce satisfont au critère d’originalité. Les auteurs ont agencé de façon particulière le résumé jurisprudentiel, les mots clés, l’intitulé répertorié, les renseignements relatifs aux motifs du jugement (les sommaires) et les motifs de la décision. L’agencement de ces différents éléments nécessite l’exercice du talent et du jugement. Considérée globalement, la compilation confère un droit d’auteur.

Cela dit, les motifs de la décision en eux-mêmes, sans les sommaires, ne constituent pas des œuvres originales sur lesquelles les éditeurs peuvent revendiquer un droit d’auteur. Les modifications apportées aux motifs de la décision sont relativement mineures; les éditeurs ne font qu’ajouter des données factuelles de base comme la date du jugement, le nom de la Cour et du ou des juges qui ont entendu l’affaire, le nom des avocats des parties, les décisions, lois, règlements et règles cités, ainsi que les références parallèles. Les éditeurs corrigent également les erreurs grammaticales mineures et les fautes d’orthographe. Le talent et le jugement susceptibles d’être mis à contribution pour apporter ces modifications et ces ajouts mineurs sont trop banals pour justifier la protection du droit d’auteur. Il est plus juste d’y voir une simple opération mécanique. Les motifs publiés, une fois dissociés du reste de la compilation — savoir le sommaire — ne sont donc pas visés par le droit d’auteur. La seule reproduction des motifs de la décision ne viole pas le droit d’auteur.

[41] Il ressort de ce qui précède que l’appréciation requise suppose la prise en compte de l’œuvre particulière en question et que l’originalité ne peut être déterminée qu’au cas par cas. Comme l’a noté notre Cour au paragraphe 185 de l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence, la question de savoir si une œuvre est suffisamment originale pour être protégée par le droit d’auteur « [...] dépend en grande partie du contexte et des faits ».

[42] Je conclus donc que la juge saisie des requêtes n’a pas commis d’erreur en concluant que la partie de l’ordonnance de la protonotaire en litige dans le présent appel était fondée sur la reconnaissance que les œuvres en litige dans la présente action étaient les mêmes que les œuvres en litige dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence.

C. La juge saisie des requêtes a-t-elle commis une erreur en concluant que la protonotaire avait commis une erreur manifeste et dominante en estimant que les œuvres en litige dans l’action étaient les mêmes que celles en litige dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence?

[43] J’en viens maintenant à l’évaluation par la juge saisie des requêtes de l’erreur commise par la protonotaire. Je suis d’accord avec la juge saisie des requêtes pour dire que la protonotaire a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que les œuvres en litige en l’espèce étaient les mêmes que celles en litige dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence, mais pas précisément pour les raisons invoquées par la juge saisie des requêtes.

[44] Contrairement à ce que la juge saisie des requêtes a indiqué dans ses motifs, une partie peut demander la radiation d’un acte de procédure qui, selon elle, soulève une question qui a été définitivement tranchée dans une instance antérieure aux termes de l’alinéa 221(1)a) ou de l’alinéa 221(1)f) des Règles des Cours fédérales (voir, par exemple, Apotex Inc c. Pfizer Ireland Pharmaceuticals, 2011 CAF 77, 93 C.P.R. (4th) 42; et Apotex Inc. c. Laboratoires Servier, 2007 CAF 350, 286 D.L.R. (4th) 1).

[45] L’alinéa 221(1)a) permet à la Cour de radier un acte de procédure lorsqu’il ne révèle aucune cause d’action valable, et l’alinéa 221(1)f) permet à la Cour de radier un acte de procédure lorsqu’il constitue un abus de procédure; dans les deux cas, avec ou sans autorisation de modification. Si la partie se fonde sur l’alinéa 221(1)a), selon le paragraphe 221(2) des Règles, aucune preuve n’est admissible, mais les éléments de preuve sont admissibles dans le cadre d’une requête en radiation d’un acte de procédure introduite en application de l’alinéa 221(1)f).

[46] Lorsque, comme en l’espèce, la Cour n’est saisie d’aucun élément de preuve, elle doit estimer si les mêmes questions ont été tranchées dans le litige antérieur en comparant ce qui a été décidé dans le litige antérieur avec ce qui est invoqué dans la déclaration. Cela nécessite parfois une évaluation des faits du litige précédent. Il ne s’agit pas tant de prendre connaissance d’office d’un fait, mais plutôt d’évaluer ce qui a été décidé dans une instance antérieure et de déterminer si la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’applique (Pfizer Canada Inc. c. Teva Canada Limited, 2016 CAF 161, 400 D.L.R. (4th) 723, aux paras. 79 à 80 (renvoyant à l’arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, 201 D.L.R. (4th) 193)).

[47] Dans le cas de la violation du droit d’auteur, l’évaluation requise d’une conclusion antérieure sur l’originalité exige nécessairement de déterminer si les œuvres en litige dans le litige précédent étaient les mêmes et, par conséquent, si ce qu’on tente de faire est de revenir sur une question déjà tranchée.

[48] Un examen attentif des motifs du Tribunal de la concurrence dans la décision Le Commissaire de la concurrence c. Le Toronto Real Estate Board, 2016 CACT 7 (Commissaire de la concurrence c. TREB) et ceux de notre Cour dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence indique que les œuvres en question dans ce litige n’étaient pas tout à fait les mêmes que celles décrites par le TRREB dans sa requête en l’espèce.

[49] À cet égard, la partie du système MLS du TRREB qui était en litige dans la décision Commissaire de la concurrence c. TREB et dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence a été décrite par notre Cour au paragraphe 5 de l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence comme étant : « [...] une base de données contenant des renseignements sur les propriétés, notamment l’adresse, le prix demandé, des photographies intérieures et extérieures, le temps écoulé avant la vente ainsi que l’état de l’inscription, par exemple si elle a été retirée ou a expiré ». Une description similaire figure dans les motifs du Tribunal de la concurrence aux paragraphes 72 et 75 à 78 de la décision Commissaire de la concurrence c. TREB.

[50] À l’inverse, le système MLSMD du TRREB décrit dans la déclaration du TRREB dans la présente affaire comprend des éléments supplémentaires, tels que ce que le TRREB allègue constitue des [traduction] « descriptions détaillées de propriétés uniques » et des [traduction] « descriptions détaillées de quartiers énumérant les écoles et les caractéristiques de la communauté ». En outre, plusieurs années se sont écoulées depuis que l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence a été rendu. Il n’y a donc pas lieu de conclure que les œuvres en litige dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence sont les mêmes que celles visées dans la déclaration du TRREB.

[51] De plus, les commentaires de la Cour dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence constituaient des observations incidentes et ne déterminent donc pas de façon concluante la question du droit d’auteur de manière à empêcher un nouveau litige (voir l’ouvrage de Donald J. Lange, The Doctrine of Res Judicata in Canada, 5e éd. (Toronto : LexisNexis Canada, 2021), p. 98).

[52] Pour ces motifs, je conclus que la juge saisie des requêtes n’a pas commis d’erreur en concluant que la protonotaire avait commis une erreur manifeste et dominante en estimant que les œuvres en litige dans l’affaire en instance étaient les mêmes que celles en litige dans l’arrêt TREB c. Commissaire de la concurrence. Cette conclusion étant le point central du raisonnement de la juge saisie des requêtes, il s’ensuit que je confirmerais son ordonnance.

D. Questions en litige 3 à 6

[53] Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire de commenter les questions 3 à 6, exposées ci-dessus, mais je le ferai brièvement par souci d’exhaustivité.

[54] En ce qui concerne l’évaluation par la juge saisie des requêtes du fondement de l’ordonnance de la protonotaire, je suis d’accord avec IMS pour dire qu’il n’y a aucune raison pour que la juge saisie des requêtes ait supposé que la protonotaire avait agi aux termes de l’alinéa 221(1)f) des Règles, mais il n’y a pas lieu de s’interroger sur ce point. Pour les motifs indiqués, il était possible de statuer sur la requête aux termes de l’alinéa 221(1)a) ou de l’alinéa 221(1)f) des Règles en l’espèce.

[55] En ce qui concerne l’invocation par la juge saisie des requêtes des limites de la théorie de la connaissance d’office, il n’y a pas lieu non plus de s’interroger sur ce point, étant donné que la discussion de la théorie par la juge saisie des requêtes n’était pas, à proprement parler, nécessaire à l’issue de cette affaire. Si tel avait été le cas, la juge saisie des requêtes aurait possiblement violé le droit des parties à l’équité procédurale. Un tribunal ne peut pas soulever dans sa décision une nouvelle question juridique qui n’a été soulevée par aucune des parties ou par déduction nécessaire sans avoir au préalable soulevé la question avec les parties et leur avoir donné le droit de présenter des observations : R. c. Mian, 2014 CSC 54, 377 D.L.R. (4th) 385, aux paras. 41 et 54; Première Nation Kahkewistahaw c. Taypotat, 2015 CSC 30, 384 D.L.R. (4th) 1, au para. 26; et Adamson c. Canada (Commission des droits de la personne), 2015 CAF 153, 255 A.C.W.S. (3d) 123, au para. 8). Cela dit, un tribunal a le droit de soulever et d’invoquer des jugements qui n’ont pas été invoqués par les parties et qui se rapportent aux questions soulevées par les parties, s’il les juge pertinents, comme l’a fait remarquer notre Cour dans l’arrêt Heron Bay Investments Ltd. c. Canada, 2010 CAF 203, 2010 D.T.C. 5126, au para. 22.

[56] Il s’ensuit que la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en mentionnant le fait qu’il existait des ordonnances d’injonction provisoires, ainsi que des jugements par défaut et de consentement, dans lesquels le droit d’auteur du TRREB sur le système MLS du TRREB était reconnu. En outre, contrairement à ce qu’affirme IMS, tous ces jugements n’ont pas été infirmés au point que l’on puisse dire que la question de savoir si le TRREB possède un droit d’auteur sur le système MLS de TRREB n’est plus en litige dans ces jugements. Par exemple, la question liée au droit d’auteur n’a toujours pas été tranchée dans le dossier T-898-20 dont a été saisie la Cour fédérale (Toronto Regional Real Estate Board c. R E Stats Inc. (Redatum), 2021 CF 735, 186 C.P.R. (4th) 462, au para. 13, infirmé seulement sur le jugement par défaut, 2021 CF 1193, 187 C.P.R. (4th) 237, au para. 46; Toronto Regional Real Estate Board c. RE Stats Inc. (Redatum), 2021 CF 30, 185 C.P.R. (4th) 106).

E. La juge saisie des requêtes a-t-elle commis une erreur dans la mesure de redressement qu’elle a accordée?

[57] J’en viens enfin à l’erreur alléguée dans l’ordonnance de la juge saisie des requêtes. Je suis d’accord avec IMS pour dire qu’elle contient une incohérence.

[58] Après avoir annulé l’ordonnance de la protonotaire dans la mesure où elle radiait la revendication de droits d’auteur du TRREB sans autorisation de modification, il n’était pas nécessaire que la juge saisie des requêtes rende une ordonnance accordant au TRREB l’autorisation de modifier sa revendication de droits d’auteur. TRREB avait et a le droit de modifier cette revendication, sans autorisation, jusqu’à ce qu’IMS dépose une défense aux termes de l’article 200 des Règles des Cours fédérales. Le paragraphe 3 de l’ordonnance de la juge saisie des requêtes est donc inutile et prête à confusion. Je ferais donc droit au présent appel, mais seulement dans la mesure où le paragraphe 3 de l’ordonnance de la juge saisie des requêtes est supprimé.

V. Dispositif proposé

[59] Je ferais par conséquent droit au présent appel dans la mesure où le paragraphe 3 de l’ordonnance de la juge saisie des requêtes est supprimé. Comme j’estime que le TRREB a largement obtenu gain de cause, je lui accorde les dépens de l’appel.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Anne L. Mactavish »

« Je suis d’accord.

K. A. Siobhan Monaghan »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-330-21

INTITULÉ :

IMS INCORPORATED, faisant affaire sous la dénomination sociale RESTATS, aussi connue sous le nom de REALITY, et LEON Y. D’ANCONA c. LE TORONTO REGIONAL REAL ESTATE BOARD

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 octobre 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

DATE DES MOTIFS :

Le 28 mars 2023

COMPARUTIONS :

Casey M. Chisick

Jessica Zagar

Kassandra Shortt

Pour les appelants

Kevin Fisher

Pour l’intimé

Carol Hitchman

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cassels Brock & Blackwell LLP

Toronto (Ontario)

Pour les appelants

Gardiner Roberts LLP

Toronto (Ontario)

Pour l’intimé

Sprigings Intellectual Property Law

Etobicoke (Ontario)

Pour l’intimé

 

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