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Date : 20230308


Dossier : A-85-22

Référence : 2023 CAF 52

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

JANINE JEFFERS

défenderesse

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 7 mars 2023.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 mars 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MONAGHAN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

 


Date : 20230308


Dossier : A-85-22

Référence : 2023 CAF 52

CORAM :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

LA JUGE MONAGHAN

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

JANINE JEFFERS

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE MONAGHAN

[1] Janine Jeffers a présenté une demande de prestations de maternité et de prestations parentales au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23. Son enfant est né le 31 mars 2021 et ses prestations parentales ont débuté le 25 juillet 2021.

[2] La Loi sur l’assurance-emploi dispose que le prestataire de prestations parentales « choisit » le nombre maximal de semaines de prestations, soit 35 semaines pour les prestations parentales standards et 61 semaines pour les prestations parentales prolongées, et que le choix est irrévocable dès lors que des prestations sont versées : par, 23(1.1) et (1.2). Mme Jeffers a choisi les prestations parentales standards dans sa demande.

[3] En octobre 2021, Mme Jeffers a communiqué avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) et lui a demandé de changer son choix pour des prestations parentales prolongées. La Commission a rejeté cette demande et l’a informée que le choix est irrévocable une fois les prestations versées. Mme Jeffers a demandé à la Commission de réexaminer sa décision, mais la Commission a maintenu sa décision.

[4] Mme Jeffers a interjeté appel avec succès de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a décidé que le choix de prestations parentales standards de Mme Jeffers au moment où elle a présenté sa demande était « provisoire » et qu’elle a fait son choix cinq mois plus tard lorsqu’elle a finalement décidé de prolonger son congé et a appelé la Commission pour modifier son choix.

[5] La Commission a interjeté appel de cette décision devant la division d’appel du Tribunal, soutenant que la division générale avait commis des erreurs de droit en n’appliquant pas le paragraphe 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi et qu’elle avait outrepassé sa compétence en modifiant le choix de Mme Jeffers après le versement des prestations.

[6] La division d’appel a convenu que la division générale avait commis une grave erreur lorsqu’elle a conclu que le choix que Mme Jeffers avait fait dans sa demande était à titre provisoire. Elle a conclu que son [traduction] « formulaire de demande indique clairement à la Commission qu’elle choisissait l’option de prestations standards ». Cependant, Mme Jeffers avait affirmé qu’en avril 2021, la Commission lui avait dit qu’elle pouvait changer son choix à tout moment.

[7] La division d’appel a conclu que le choix de Mme Jeffers était non valide parce qu’elle l’avait fait en se fondant sur des renseignements inexacts fournis par la Commission. Ainsi, a déclaré la division d’appel, Mme Jeffers pouvait maintenant choisir entre l’option de prestations standards et l’option de prestations prolongées. Comme elle avait clairement indiqué au cours des instances qu’elle souhaitait choisir l’option de prestations prolongées, la division d’appel, dans une décision datée du 25 mars 2022 (numéro du greffe AD-21-437), a annulé la décision de la Commission de verser des prestations parentales standards et rejeté l’appel.

[8] Le procureur général du Canada cherche maintenant à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision. La question dont nous sommes saisis est de savoir si la décision de la division d’appel est raisonnable : Stavropoulos c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 109, par. 11; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 83 et 86 [Vavilov]; Stojanovic c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 6, par. 34. Si c’est le cas, nous devons rejeter la demande de contrôle judiciaire.

[9] Même si l’avis de demande et d’autres documents ont été signifiés à Mme Jeffers conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, elle n’a pas déposé d’avis de comparution ni participé à l’audience relative au contrôle judiciaire.

[10] Pour être raisonnable, une décision doit « se justifier au regard des faits et du droit »; le « régime législatif applicable servira toujours à circonscrire les actes ainsi que les pouvoirs des décideurs administratifs » : [Vavilov], par. 86 et 68.

[11] Notre Cour a conclu que les paragraphes 23(1.1) et 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi ne permettent qu’une seule interprétation. Le mot « choisit » s’entend « du choix que la prestataire indique dans le formulaire de demande » et « aussitôt […] que les prestations commencent à être versées, il est impossible pour la prestataire, la Commission, la division générale ou la division d’appel de révoquer, de modifier ou de changer ce choix » : Canada (Procureur général) c. Hull, 2022 CAF 82, aux par. 62 à 64 [Hull].

[12] Bien que la division d’appel ait rendu sa décision avant que notre Cour ne rende la sienne dans l’arrêt Hull, cette décision est néanmoins déraisonnable pour les motifs énoncés dans l’arrêt Hull. Si Mme Jeffers avait demandé de modifier son choix à la suite de son appel téléphonique d’avril auprès de la Commission, mais avant le début du versement des prestations parentales, la Commission avait le pouvoir d’apporter le changement. Toutefois, une fois que le versement des prestations parentales a commencé, le régime législatif applicable interdit à Mme Jeffers, ainsi qu’à la Commission et au Tribunal de la sécurité sociale de modifier son choix.

[13] Par conséquent, je suis d’avis d’accueillir la demande de contrôle judiciaire du procureur général du Canada. Même s’il est vrai que les cours de justice devraient généralement respecter l’intention du législateur de confier des questions à des décideurs administratifs, la décision de ne pas renvoyer une affaire au décideur administratif peut également être appropriée lorsqu’il devient évident pour la cour qu’une issue particulière est inévitable : Canada (Procureur général) c. Burke, 2022 CAF 44, par. 115 à 117.

[14] À mon avis, compte tenu du droit et des conclusions de fait en l’espèce, il ne serait d’aucune utilité de renvoyer l’affaire à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale pour une nouvelle détermination, parce qu’elle ne pourrait tirer qu’une seule conclusion raisonnable. L’avocat du demandeur est du même avis. Par conséquent, j’annulerais la décision de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale datée du 25 mars 2022 et, rendant l’ordonnance qu’elle aurait dû rendre, j’accueillerais l’appel interjeté par la Commission concernant la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, le tout sans dépens.

« K.A. Siobhan Monaghan »

j.c.a.

« Je souscris à ces motifs.

J.B. Laskin, j.c.a. »

« Je souscris à ces motifs.

Anne L. Mactavish, j.c.a. »

 

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE CONCERNANT L’AUTORISATION D’INTERJETER APPEL DE LA DÉCISION DE LA DIVISION D’APPEL DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (LA DIVISION D’APPEL) DATÉE DU 25 MARS 2022, NO AD-21-437

DOSSIER :

A-85-22

 

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. JANINE JEFFERS

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ORGANISÉE PAR LE GREFFE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 mars 2023

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE MONAGHAN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :

Le 8 mars 2023

 

COMPARUTIONS :

Marcus Dirnberger

 

Pour le demandeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Pour le demandeur

 

 

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