Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20221215


Dossier : A-197-18

Référence : 2022 CAF 218

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE LEBLANC

LA JUGE GOYETTE

 

ENTRE :

TRACY ANNE DREW

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 1er décembre 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GOYETTE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE LEBLANC

 


Date : 20221215

Dossier : A-197-18

Référence : 2022 CAF 218

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE LEBLANC

LA JUGE GOYETTE

 

ENTRE :

TRACY ANNE DREW

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GOYETTE

[1] Mme Drew (l’appelante) interjette appel d’un jugement de la Cour fédérale (le juge Manson), 2018 CF 553, rejetant sa demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission). Dans sa décision, la Commission a rejeté la plainte de l’appelante contre le Service correctionnel du Canada (le SCC) en application du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C (1985), ch. H-6 (la Loi), car elle a conclu qu’étant donné les circonstances de la plainte, un examen plus poussé n’était pas justifié.

[2] L’appelante et sa conjointe étaient toutes les deux des agentes correctionnelles au SCC. En 2011, elles travaillaient dans la même unité à l’Établissement du Pacifique, au programme de soins pour les besoins complexes (l’unité du PSBC), mais selon des quarts de travail différents. Au cours de cette année, une demande a été faite pour affecter l’appelante et sa conjointe au même quart de travail afin d’adapter leur horaire à la routine familiale et à leur fillette de 9 ans. Le SCC a répondu à cette demande en mutant l’appelante au même quart de travail que sa conjointe, mais dans une unité différente de l’Établissement du Pacifique, l’unité Delta.

[3] En décembre 2014, l’appelante a déposé une plainte auprès de la Commission, alléguant qu’elle faisait l’objet de discrimination soutenue pour les motifs de son statut matrimonial et de sa situation familiale, en ce sens qu’elle avait été retirée de l’unité du PSBC parce que sa conjointe travaillait dans cette unité.

[4] Le 5 mai 2017, une enquêtrice de la Commission (l’ enquêtrice ) a rédigé un rapport concernant la plainte de l’appelante. Dans ce rapport, l’enquêtrice a conclu qu’il ne semblait pas y avoir de lien entre la décision du SCC d’affecter l’appelante à l’unité Delta et son statut matrimonial ou sa situation familiale.

[5] Dans une lettre à la Commission datée du 31 mai 2017, l’appelante a répondu au rapport de l’enquêtrice. Dans sa lettre, l’appelante contestait plusieurs des énoncés et des conclusions de fait du rapport. L’appelante a inclus dans sa lettre deux documents à l’appui : les décisions de premier et de deuxième niveau de la direction à l’égard de ses griefs concernant son retrait de l’unité du PSBC (les décisions sur les griefs).

[6] Dans une lettre datée du 8 août 2017, la Commission a avisé l’appelante qu’après avoir examiné le rapport de l’enquêtrice et [traduction] « toute(s) observation(s) déposée(s) en réponse au rapport », elle avait décidé de rejeter sa plainte en application du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi.

[7] Le 12 septembre 2017, l’appelante a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission à la Cour fédérale, soutenant qu’elle n’a pas bénéficié de l’équité procédurale, car l’enquête de la Commission n’avait pas été rigoureuse. L’appelante a également fait valoir que la décision de la Commission était déraisonnable en raison des erreurs contenues dans le rapport de l’enquêtrice.

[8] Pour appuyer sa demande de contrôle judiciaire, l’appelante souhaitait faire référence à des documents dont la Commission n’avait pas été saisie au moment de rendre sa décision. En appliquant la règle selon laquelle le dossier de preuve qui est soumis à une cour se limite aux dossiers dont disposait le décideur (Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency, 2012 CAF 22, 428 N.R. 297, aux para. 19 et 20) et en décidant que la situation de l’appelante ne correspondait pas aux exceptions prévues par cette règle, la Cour fédérale a conclu qu’elle ne pouvait pas tenir compte de ces documents.

[9] Relativement à l’équité procédurale, la Cour fédérale a conclu que l’enquête de la Commission avait été suffisamment rigoureuse. À cet égard, la Cour fédérale a noté que l’intervention d’une cour n’est justifiée qu’en présence de fautes d’enquête fondamentales si graves que des observations complémentaires présentées par les parties ne suffiraient pas à y remédier (Eadie c. MTS Inc., 2015 CAF 173, au para. 79; Canada [Procureur général] c. Sketchley, 2005 CAF 404, au para. 120 et 121). La Cour fédérale n’a constaté aucune faute du genre en l’espèce. Elle a également conclu qu’à la lumière de la preuve qu’elle avait obtenue, l’enquêtrice n’avait pas commis d’erreur en n’interrogeant pas un témoin qui, selon l’appelante, aurait dû être questionné. Par conséquent, la Cour fédérale a conclu que l’appelante avait bénéficié de l’équité procédurale.

[10] Se tournant à la question du caractère raisonnable de la décision de la Commission, la Cour fédérale a noté que les éléments de preuve principaux présentés par l’appelante pour appuyer ses allégations, soit les décisions sur les griefs, étaient d’une valeur limitée, car ils ne brossaient pas un tableau complet des faits. En revanche, l’enquêtrice avait interrogé toutes les parties concernées et avait examiné les éléments de preuve pertinents. La Cour fédérale a donc conclu que la Commission avait le droit de rendre sa décision en tenant compte des conclusions de l’enquêtrice ainsi que de la réponse de l’appelante à ces conclusions et que ladite décision était raisonnable.

[11] L’appelante a interjeté appel de la décision de la Cour fédérale devant notre Cour.

[12] En cas d’appel d’une décision de la Cour fédérale saisie d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour doit déterminer si la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée et, dans l’affirmative, si elle l’a correctement appliquée en examinant la décision contestée. Pour ce faire, la Cour doit « se mettre à la place » de la Cour fédérale et se concentrer effectivement sur la décision administrative examinée (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux para. 45 à 47).

[13] Les normes de contrôle applicables pour évaluer la décision de la Commission de renvoyer ou de refuser de renvoyer les plaintes en matière de droits de la personne au Tribunal canadien des droits de la personne pour examen plus poussé en application du paragraphe 43(3) de la Loi sont l’absence de déférence, parfois appelée la norme de contrôle de la décision correcte, pour examiner les questions d’équité procédurale, et la décision raisonnable en ce qui a trait au fond de la décision de la Commission (Canada (Procureur général) c. Ennis, 2021 CAF 95, au para. 43 à 46).

[14] Devant notre Cour, l’appelante a déposé une demande d’autorisation de présenter de nouvelles preuves, qui, à son avis, viendraient contester certaines des conclusions de l’enquêtrice. Dans une ordonnance datée du 22 novembre 2018, notre Cour a refusé la requête de l’appelante pour essentiellement les mêmes motifs que ceux de la Cour fédérale pour refuser d’examiner une preuve supplémentaire.

[15] Lors de l’audience, l’appelante a réitéré sa demande que la Cour tranche sur le fond et sur le caractère raisonnable de la décision de la Commission en tenant compte d’éléments de preuve dont la Commission n’avait pas été saisie au moment de rendre sa décision. Malheureusement pour l’appelante, la Cour ne peut pas acquiescer à sa demande.

[16] Comme je l’ai mentionné plus haut, la Cour fédérale et notre Cour ont décidé que les circonstances de la présente affaire ne justifiaient pas l’admission de preuves dont la Commission n’avait pas été saisie. Des explications détaillées ont été fournies pour appuyer ces décisions.

[17] En plus des arguments présentés dans son mémoire des faits et du droit, j’ai examiné les observations subséquentes de l’appelante présentées oralement au moment de l’audience, afin de m’assurer de bien comprendre sa thèse. Selon les documents dont notre Cour est saisie et pour les motifs exprimés par la Cour fédérale, je conclus qu’il n’existe aucun fondement pour modifier la décision de la Commission.

[18] À la lumière de ce qui précède, je rejetterais l’appel.

[19] L’appelante a demandé pourquoi elle, une contribuable, devait payer des dépens à la Couronne. Toutefois, la règle générale veut que des dépens soient adjugés à la partie qui obtient gain de cause, ce qui inclura la Couronne (Stubicar c. Canada, 2020 CAF 66). L’intimé demande une somme fixe de 1 500 $. Même si je suis d’avis que l’intimé a droit aux dépens, je les réduirais à la somme tout inclus de 750 $.

« Nathalie Goyette »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

René LeBlanc, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-197-18

(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE MANSON DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉ DU 29 MAI 2018, DOSSIER NO T-1381-17)

INTITULÉ :

TRACY ANNE DREW c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver
(Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er décembre 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GOYETTE

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

Le 15 décembre 2022

COMPARUTIONS :

Tracy Anne Drew

 

POUR SON PROPRE COMPTE

Courteney Landsiedel

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimé

 

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