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Date : 20221128


Dossier : A-298-21

Référence : 2022 CAF 206

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

HASSAN ALMREI

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 4 octobre 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 novembre 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

 


Date : 20221128


Dossier : A-298-21

Référence : 2022 CAF 206

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

HASSAN ALMREI

intimé

VERSION PUBLIQUE DES MOTIFS DU JUGEMENT

Il s’agit d’une version publique des motifs confidentiels du jugement remis aux parties. Cette version ne comporte aucun caviardage de la version confidentielle des motifs du jugement.

LE JUGE BOIVIN

I. Introduction

[1] Il s’agit d’un appel d’une ordonnance du juge Mosley de la Cour fédérale (le juge désigné) (2021 CF 1153) le 28 octobre 2021 qui a conclu, en tant que question de droit, que la communication de résumés d’informations protégées par le privilège des sources humaines en application de l’article 18.1 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23 (la Loi sur le SCRS) peut être autorisée par un juge de la Cour fédérale saisi d’une demande faite en application de l’alinéa 18.1(4)a) dans le cadre d’une instance civile, lorsque ce résumé ne contient pas d’informations qui identifieraient la source humaine ou permettraient de découvrir son identité.

[2] Le présent appel est interjeté par le procureur général du Canada (PGC) au motif que le juge désigné, en rendant l’ordonnance, a commis une erreur dans son interprétation de l’article 18.1.

[3] Pour les motifs exposés ci-après, j’accueillerais l’appel.

II. Contexte

[4] L’instance sous-jacente au présent appel est une action civile intentée par M. Hassan Almrei contre le gouvernement du Canada devant la Cour supérieure de l’Ontario. Dans le cadre de son action civile, M. Almrei demande des mesures de réparation pour des violations alléguées de ses droits que lui garantit la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11 (la Charte). Plus précisément, M. Almrei soutient que le gouvernement du Canada a commis un délit civil en faisant preuve de négligence, en menant une enquête et en effectuant un emprisonnement illégal.

[5] Les réclamations de M. Almrei contre le gouvernement du Canada ont été présentées à la suite d’instances en matière de certificat de sécurité introduites contre lui sous le régime de l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-27 et de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C., 2001, ch. 27 (la LIPR). Le premier certificat de sécurité a été délivré en 2001 et annulé plus tard par la Cour suprême du Canada lorsqu’elle a rendu l’arrêt Charkaoui, Re, 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350. Le deuxième certificat, délivré en 2008, a été jugé déraisonnable et annulé par la Cour fédérale dans la décision Almrei, Re, 2009 CF 1263, [2011] 1 R.C.F. 163. Entre-temps, M. Almrei a été détenu pendant près de huit ans.

[6] Au cours du processus de communication préalable de l’action civile sous-jacente devant la Cour supérieure de l’Ontario, M. Almrei a reçu des documents partiellement expurgés. M. Almrei a également reçu les transcriptions des audiences tenues à huis clos et ex parte au sujet du certificat de 2008, qui ont également été partiellement expurgées. Les suppressions apportées aux documents fournis à M. Almrei étaient fondées sur des allégations relatives à la sécurité nationale et au privilège des sources humaines.

[7] M. Almrei a par la suite demandé la communication des informations expurgées au moyen de deux demandes parallèles déposées devant la Cour fédérale. La première demande a été déposée en application de l’alinéa 38.04(2)c) de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5 (la LPC) dans le dossier DES-3-17. La deuxième demande a été déposée en application de l’alinéa 18.1(4)a) dans le dossier DES-1-18, par laquelle M. Almrei a demandé une mesure de réparation sous la forme de résumés d’information à l’égard de laquelle le privilège fondé sur l’article 18.1 a été revendiqué par le PGC. Sa demande ne visait pas à obtenir de l’information qui identifierait une source humaine ou qui permettrait de découvrir son identité.

[8] Le 12 janvier 2021, le juge désigné a ordonné que la demande en application de l’alinéa 18.1(4)a) soit entendue avant la requête relative à l’article 38 de la LPC.

[9] Les amici curiae ont déposé une requête en vue d’obtenir une déclaration selon laquelle l’article 18.1 permet la communication de résumés d’information protégée par le privilège en application de l’article 18.1 si ces résumés n’identifient pas la source humaine ou ne permettent pas de découvrir son identité (résumés non-identificateurs). Le PGC s’est opposé à cette requête. Le juge désigné a accueilli la requête des amici et a conclu que l’article 18.1 permettait à la Cour fédérale d’autoriser la communication de tels résumés.

[10] Le présent appel concerne uniquement la conclusion juridique du juge désigné à l’égard de la communication de résumés en application de l’article 18.1.

III. L’ordonnance du juge désigné

[11] Comme je l’ai mentionné, le juge désigné a conclu que l’article 18.1 permet la communication de résumés, dans le cadre d’une instance civile, qui ne communiquent pas l’identité d’une source humaine ou qui ne permettent pas de découvrir son identité.

[12] Ce faisant, le juge désigné a rappelé que le privilège relatif aux sources humaines comme le prévoit l’article 18.1 a pour objet de protéger la vie et la sécurité des sources humaines en préservant la confidentialité de leur identité. Bien que le juge désigné ait conclu, qu’à première vue, l’interdiction de communication d’informations identificatrices est absolue, il a souligné l’importance d’interpréter la Loi sur le SCRS dans son ensemble (aux para. 18, 19 et 44). S’appuyant sur le libellé du paragraphe 18.1(2), il était d’avis que le privilège relatif à la source humaine n’est pas véritablement un privilège absolu, car l’interdiction de communication ne s’applique que lorsque l’on demande la communication d’informations dans le cadre d’une instance devant une cour ou un tribunal et, par conséquent, elle « ne s’étend pas aux communications que fait le Service à d’autres fins » (par. 43 et 44).

[13] Le juge désigné a comparé l’article 18.1 à d’autres régimes législatifs qui, contrairement à l’article 18.1, prévoient explicitement la communication de résumés, comme l’article 38 de la LPC (aux para. 45 à 47). Par conséquent, le juge désigné a conclu que, contrairement à d’autres régimes législatifs, tant l’article 18.1 que l’article 38 de la LPC s’étendent aux instances devant d’autres tribunaux ou cours. Il était d’avis que la communication de ces résumés peut être d’une importance cruciale pour fournir à ces « cours de justice externes » le « maximum d’informations possible de façon à garantir une issue appropriée » (para. 47). Le juge désigné était en outre d’avis qu’une telle interprétation de l’article 18.1 favorisait l’intérêt de la justice et n’était pas contraire à l’objet de la Loi sur le SCRS.

[14] Le juge désigné a donc conclu qu’il était loisible d’interpréter l’article 18.1 de manière à préserver l’intention du législateur de protéger l’identité des sources humaines tout en permettant néanmoins la communication de résumés d’informations pour aider les tribunaux de première instance, dans le contexte des instances civiles, tant que ces résumés sont non-identificateurs :

[…] la Cour peut autoriser la communication d’informations qui sont tirées d’informations protégées par l’article 18.1 ou décrites ou résumées à partir de celles‑ci dans les cas où une demande est soumise à un juge en vertu de l’alinéa 18.1(4)a) de la Loi sur le SCRS et où ce juge décide qu’il ne s’agit pas d’informations qui communiquent l’identité d’une source humaine ou qui permettraient de découvrir cette identité.

(Décision du juge désigné, para. 52)

IV. Question en litige

[15] Il n’y a qu’une seule question en litige dans le présent appel : le juge désigné a-t-il correctement interprété l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS en concluant qu’il permet à un juge désigné de la Cour fédérale de communiquer des résumés dans le cadre d’instances civiles?

V. Norme de contrôle

[16] En l’espèce, le juge désigné était saisi d’une requête visant à donner une interprétation relativement à l’article 18.1. Il s’agit d’une question de droit et, à ce titre, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235).

VI. Texte législatif

[17] Les articles pertinents de la Loi sur le SCRS examinés dans le présent appel sont les suivants :

[…]

Définitions

Definitions

2 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2 In this Act,

[…]

source humaine Personne physique qui a reçu une promesse d’anonymat et qui, par la suite, a fourni, fournit ou pourrait vraisemblablement fournir des informations au Service. (human source)

human source means an individual who, after having received a promise of confidentiality, has provided, provides or is likely to provide information to the Service; (source humaine)

[…]

Objet de l’article — sources humaines

Purpose of section — human sources

18.1 (1) Le présent article vise à préserver l’anonymat des sources humaines afin de protéger leur vie et leur sécurité et d’encourager les personnes physiques à fournir des informations au Service.

18.1 (1) The purpose of this section is to ensure that the identity of human sources is kept confidential in order to protect their life and security and to encourage individuals to provide information to the Service.

Interdiction de communication

Prohibition on disclosure

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (8), dans une instance devant un tribunal, un organisme ou une personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production d’informations, nul ne peut communiquer l’identité d’une source humaine ou toute information qui permettrait de découvrir cette identité.

(2) Subject to subsections (3) and (8), no person shall, in a proceeding before a court, person or body with jurisdiction to compel the production of information, disclose the identity of a human source or any information from which the identity of a human source could be inferred.

Exception — consentement

Exception — consent

(3) L’identité d’une source humaine ou une information qui permettrait de découvrir cette identité peut être communiquée dans une instance visée au paragraphe (2) si la source humaine et le directeur y consentent.

(3) The identity of a human source or information from which the identity of a human source could be inferred may be disclosed in a proceeding referred to in subsection (2) if the human source and the Director consent to the disclosure of that information.

Demande à un juge

Application to judge

(4) La partie à une instance visée au paragraphe (2), l’amicus curiae nommé dans cette instance ou l’avocat spécial nommé sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés peut demander à un juge de déclarer, par ordonnance, si une telle déclaration est pertinente dans l’instance :

(4) A party to a proceeding referred to in subsection (2), an amicus curiae who is appointed in respect of the proceeding or a person who is appointed to act as a special advocate if the proceeding is under the Immigration and Refugee Protection Act may apply to a judge for one of the following orders if it is relevant to the proceeding:

a) qu’une personne physique n’est pas une source humaine ou qu’une information ne permettrait pas de découvrir l’identité d’une source humaine;

(a) an order declaring that an individual is not a human source or that information is not information from which the identity of a human source could be inferred; or

b) dans le cas où l’instance est une poursuite pour infraction, que la communication de l’identité d’une source humaine ou d’une information qui permettrait de découvrir cette identité est essentielle pour établir l’innocence de l’accusé et que cette communication peut être faite dans la poursuite.

(b) if the proceeding is a prosecution of an offence, an order declaring that the disclosure of the identity of a human source or information from which the identity of a human source could be inferred is essential to establish the accused’s innocence and that it may be disclosed in the proceeding.

[…]

Ordonnance de communication pour établir l’innocence

Order — disclosure to establish innocence

(8) Si le juge accueille la demande présentée au titre de l’alinéa (4)b), il peut ordonner la communication qu’il estime indiquée sous réserve des conditions qu’il précise.

(8) If the judge grants an application made under paragraph (4)(b), the judge may order the disclosure that the judge considers appropriate subject to any conditions that the judge specifies.

Prise d’effet de l’ordonnance

Effective date of order

(9) Si la demande présentée au titre du paragraphe (4) est accueillie, l’ordonnance prend effet après l’expiration du délai prévu pour en appeler ou, en cas d’appel, après sa confirmation et l’épuisement des recours en appel.

(9) If the judge grants an application made under subsection (4), any order made by the judge does not take effect until the time provided to appeal the order has expired or, if the order is appealed and is confirmed, until either the time provided to appeal the judgement confirming the order has expired or all rights of appeal have been exhausted.

[…]

VII. Discussion

A. Article 18.1 de la Loi sur le SCRS

[18] L’article 18.1 a été adopté après que la Cour suprême du Canada eut rendu l’arrêt intitulé Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harkat, 2014 CSC 37, [2014] 2 R.C.S. 33 (arrêt Harkat). Dans l’arrêt Harkat, la Cour suprême a conclu que le privilège de common law relatif aux indicateurs de police ne s’étend pas aux sources humaines du SCRS.

[19] Depuis son adoption, l’article 18.1 a fait l’objet d’un examen judiciaire dans trois jugements. Premièrement, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Almalki, 2016 CAF 195, [2017] 2 R.C.F. 44 (arrêt Almalki), notre Cour a conclu que l’article 18.1 crée un privilège générique absolu au profit des personnes ayant le statut de « sources humaines », qu’il ait été acquis avant ou après l’entrée en vigueur de l’article 18.1. Deuxièmement, dans la décision X (Re), 2017 CF 136, [2017] 4 R.C.F. 391 (décision X (Re)) la Cour fédérale (le juge Noël) a conclu que le privilège générique prévu à l’article 18.1 ne s’applique pas aux juges désignés. Il n’est donc pas interdit aux juges désignés de voir les informations protégées par cette disposition. Enfin, dans l’arrêt Article 18.1 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. 1985, ch. C-23, telle que modifiée (Re), 2018 CAF 161, [2019] 2 R.C.F. 333 (arrêt Article 18.1 de la Loi sur le SCRS Re), notre Cour a conclu qu’une cour de justice ne peut rendre, de son propre chef, une ordonnance de communication d’informations protégées par l’article 18.1. Une demande doit être présentée au titre du paragraphe 18.1(4).

[20] La question en litige dans le présent appel est l’interprétation de l’article 18.1 et, plus précisément, la question est de savoir s’il permet la communication de résumés, même non identificateurs. Cette question doit être tranchée en appliquant les principes d’interprétation des lois. L’approche adéquate à adopter est celle qui a été énoncée comme la méthode textuelle, contextuelle et téléologique unifiée : Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, 1998 CanLII 837 (CSC), para. 21; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, para. 10; Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, [2017] 2 R.C.S. 289, para. 23; Bayer Cropscience LP c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 77, 155 C.P.R. (4th) 99, para. 67. Selon cette méthode, il faut [traduction] « lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd., 1983), p. 87). Il convient de garder cette méthode à l’esprit en ce qui concerne les observations du procureur général et des amici. (arrêt Article 18.1 de la Loi sur le SCRS Re).

[21] Le PGC et les amici reconnaissent, comme il se doit, que cet article crée un privilège générique absolu pour les sources humaines du SCRS (arrêt Almalki, aux para. 38 et 39). Cependant, le PGC et les amici ne s’entendent pas sur la question de savoir si les résumés d’informations privilégiées sont autorisés en application de l’article 18.1 ou si de tels résumés équivaudraient à une exception au privilège générique. Le juge désigné a reconnu qu’il ressort d’« une simple lecture de la loi que la Cour ne peut pas autoriser la communication d’un résumé qui identifierait une source humaine ». À son avis, la question qui est « plus problématique » est soulevée lorsque « la Cour examine si une information expurgée qui, est‑il allégué, constitue une information dite identificatrice ‘permettrait de découvrir’ l’identité d’une source humaine’ » (décision du juge désigné, aux para. 19 et 20).

[22] À cet égard, le PGC soutient que la Loi sur le SCRS ne confère pas de compétence pour communiquer des résumés, même non-identificateurs, à moins qu’elle ne fasse expressément mention des « résumés », ce qui n’est pas le cas en ce qui concerne l’article 18.1. Le juge désigné, soutient-on, a commis une erreur en concluant que la Cour fédérale peut autoriser, dans le cadre d’une instance civile, la communication de résumés non-identificateurs qui peuvent être [traduction] « tirés d’informations protégées par l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS ou décrites ou résumées à partir de celles-ci » (mémoire des faits et du droit du PGC, para. 11).

[23] Pour leur part, les amici ne remettent pas en cause l’importance de garantir que l’identité d’une source humaine demeure confidentielle, mais insistent sur le fait qu’en demandant des résumés, ils ne demandent rien au-delà de ce qui est permis par la loi, soit la communication d’informations qui n’identifieraient pas directement ou indirectement une source humaine. En d’autres termes, ils recherchent, dans la mesure du possible, des résumés qui transmettraient la teneur des informations expurgées sans révéler de détails potentiellement identificateurs. Selon les amici, ces informations ne sont pas visées par le privilège et leur communication en application de l’alinéa 18.1(4)a) n’est pas interdite puisqu’elle se situe en dehors du champ du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur le SCRS (mémoire des faits et du droit des amici curiae, aux para. 15, 31, 32, 36 et 37).

[24] Il convient de rappeler que l’objet du privilège générique prévu à l’article 18.1 est de « préserver l’anonymat des sources humaines afin de protéger leur vie et leur sécurité et d’encourager les personnes physiques à fournir des informations au Service » (paragraphe 18.1(1)). En effet, les informations protégées par l’article 18.1 sont de nature exceptionnellement sensible et les risques posés par leur communication peuvent être fatals à une source humaine. Il s’ensuit que le spectre de la communication accidentelle de telles informations sensibles ne peut être sous-estimé et les tribunaux ont souligné à maintes reprises que même les détails les plus infimes peuvent permettre d’identifier un indicateur (R c. Leipert, [1997] 1 R.C.S. 281, 143 D.L.R. (4th) 38, aux para. 18 et 28; R v. Pilbeam, 2018 MBCA 128, 369 C.C.C. (3d) 437, para. 33; R v. McKay, 2016 BCCA 391, 342 C.C.C. (3d) 58, para. 152). Le législateur était manifestement conscient des risques associés à la communication d’information de source humaine et de l’importance de sa protection lorsqu’il a déposé de façon urgente le projet de loi C-44 (Loi modifiant la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et d’autres lois), quelques mois seulement après que la Cour suprême du Canada eut rendu l’arrêt Harkat.

[25] Une source humaine est définie à l’article 2 de la Loi sur le SCRS et désigne une « personne physique qui a reçu une promesse d’anonymat et qui, par la suite, a fourni, fournit ou pourrait vraisemblablement fournir des informations au Service ». Le privilège peut être levé si la source humaine et le directeur consentent tous les deux à la communication de l’identité de la source (paragraphe 18.1(3) de la Loi sur le SCRS).

[26] Selon le paragraphe 18.1(2), la communication d’informations protégées par le privilège est interdite. En outre, si le juge désigné conclut que l’information n’est pas assujettie au privilège, il peut en ordonner sa communication (alinéa 18.1(4)a)). De plus, si l’instance est une poursuite pour une infraction, l’information est assujettie au privilège, mais peut être communiquée, à certaines conditions, pour établir l’innocence de l’accusé (alinéa 18.1(4)b) et paragraphe 18.1(8)).

[27] En résumé, l’intention du législateur était claire lorsqu’il a adopté l’article 18.1 : un juge désigné saisi d’une demande en application de cette disposition peut soit (i) interdire la communication de l’information privilégiée; (ii) ordonner la communication de l’information, si elle n’est pas assujettie au privilège; et, (iii) dans le cadre d’une poursuite criminelle, l’information demeure sujette au privilège, mais peut être communiquée, à certaines conditions, afin d’établir l’innocence de l’accusé. Le libellé utilisé par le législateur à l’égard de l’article 18.1 est clair et conforme à son intention et à son objet, c’est-à-dire préserver l’anonymat des sources humaines afin de protéger leur vie et leur sécurité. En effet, en l’absence de garanties solides en matière de confidentialité, peu de personnes accepteraient de devenir une source humaine pour le Service (Résumé législatif du projet de loi C-44, Bibliothèque du Parlement, 2014).

[28] Notablement, l’article 18.1 était conçu pour être plus restrictif que l’article 38 de la LPC (arrêt Article 18.1 de la Loi sur le SCRS Re, para. 37). Dans l’arrêt Almalki, notre Cour a explicitement confirmé que l’article 18.1 ne permet plus l’application de l’article 38 de la LPC qui permettait une application plus libérale du privilège, car il comprenait une mise en balance de l’intérêt public :

Ainsi, lorsqu’on examine le contexte historique et l’évolution législative de l’article 38 de la LPC et de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS, il ne fait aucun doute que la nouvelle disposition prive les intimés du bénéfice de la version plus libérale du privilège découlant de l’application de l’article 38 de la LPC, qui régissait la question de l’identité des sources et des informations qui tendraient à découvrir leur identité jusqu’à présent.

(arrêt Almalki, para. 60)

[29] Il s’ensuit que, si le législateur avait eu l’intention de permettre à un juge désigné de communiquer des résumés d’informations en application de l’article 18.1, semblables à ceux visés à l’article 38 de la LPC, je suis d’avis qu’il l’aurait expressément mentionné dans la Loi sur le SCRS. Cependant, il a choisi de ne pas le faire.

[30] Je souligne que les amici soutiennent que l’absence d’une mention expresse des « résumés » au paragraphe 18.1(4)a), plutôt que la nature non identificatrice des informations, n’est pas, en soi, déterminante. Pour appuyer leur thèse, les amici soutiennent que le PGC en l’espèce fait valoir un point de vue qui est en fait contraire à ce qu’il a soutenu dans un litige antérieur. Plus précisément, les amici renvoient au paragraphe 18 de la décision X (Re). Le PGC, dans ce litige, répondant à un argument selon lequel l’article 18.1 était inconstitutionnellement rigide, a soutenu que l’article 18.1 « n’interdit pas la production de résumés des informations qui n’établissent pas l’identité de la source ». Les amici soutiennent donc que la thèse du PGC dans le présent appel est non seulement contradictoire, mais équivaut à un « demi-tour de 180 degrés » et que la Cour devrait en prendre note, car aucune explication n’a été fournie dans le mémoire des faits et du droit du PGC à l’égard de ce « volte-face ».

[31] Bien que cela puisse être le cas, il est du ressort et de la discrétion d’une partie de changer de thèse pour divers motifs qui sont invoqués dans le contexte d’un contentieux précis et une partie assume les risques et les conséquences inhérents qui peuvent en découler dans d’autres dossiers à la suite d’un changement de thèse. Lors de l’audience devant notre Cour, l’avocat du PGC a expliqué que l’argument avancé dans la décision X (Re) a été donné lors d’une plaidoirie en réponse à une question d’un juge désigné. L’avocat du PGC n’a pas tenté de justifier la thèse adoptée dans la décision X (Re) par rapport à celle devant notre Cour et a simplement reconnu que l’argument avancé en l’espèce représente bien un revirement de thèse par rapport à celle soutenue dans la décision X (Re), mais que sa thèse antérieure doit être examinée dans son contexte. En effet, la thèse antérieure avancée par le PGC sur la disponibilité des résumés en application de l’article 18.1 a seulement été soulignée et non avalisée par la Cour fédérale dans la décision X (Re) puisque la constitutionnalité de l’article 18.1 n’était pas en cause. En tout état de cause, les amici ont reconnu la nouvelle thèse du PGC et, de plus, la nouvelle thèse du PGC, qui marque une rupture avec sa thèse antérieure, n’a aucune incidence en l’espèce.

B. Les régimes dualistes de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS et l’article 38 de la LPC.

[32] À ce stade, il convient de rappeler que tant l’article 18.1, d’une part, que l’article 38 de la LPC, d’autre part, comportent un régime dualiste fondé sur une division des responsabilités entre la Cour fédérale et les autres tribunaux des provinces dans certains litiges. Plus précisément, dans l’arrêt R. c. Ahmad, 2011 CSC 6, [2011] 1 R.C.S. 110, la Cour suprême a confirmé que l’existence d’un tel « régime dualiste » est constitutionnelle.

[33] En l’espèce, le juge désigné a appuyé sa conclusion relative à l’article 18.1 sur l’application du régime dualiste tant à l’article 18.1 qu’à l’article 38 de la LPC. Le juge désigné a estimé que, si l’article 38 de la LPC envisage un régime dualiste et autorise la communication de résumés, le régime dualiste prévu à l’article 18.1 doit, de la même manière, autoriser la communication de résumés.

[34] En tirant cette conclusion, le juge désigné a d’abord souligné que l’article 38 de la LPC, plus précisément le paragraphe 38.06(2), habilite expressément un juge désigné à autoriser la divulgation de renseignements sous la forme de résumés. Il a également fait remarquer, à juste titre, qu’« il n’existe aucune disposition semblable à l’article 18.1 dans la Loi sur le SCRS » comparable à celles de la LPC (décision du juge désigné, par. 14). Pourtant, le juge désigné a tout de même formulé l’hypothèse suivante quant à l’effet de la dualité de l’article 18.1, d’une part, et de l’article 38 de la LPC, d’autre part : parce que les deux dispositions s’étendent aux instances devant d’autres tribunaux ou cours, en l’espèce devant la Cour supérieure de l’Ontario, le processus bifurqué des dispositions doit être interprété de la même manière. En d’autres termes, selon le juge désigné, l’article 18.1 devrait être appliqué comme l’article 38 de la LPC et autoriser la communication de résumés :

[…]. À mon avis, le fait que ces deux régimes étendent la compétence de la Cour à des cours de justice externes, notamment les cours supérieures provinciales qui, en d’autres circonstances, ont le pouvoir absolu de forcer la communication, signifie que les résumés peuvent être d’une importance plus cruciale en ce sens qu’ils procurent à ces tribunaux le maximum d’informations possible de façon à garantir une issue appropriée.

(Décision du juge désigné, para. 47)

[35] Je suis d’avis que le juge désigné a commis une erreur en formulant cette hypothèse. Comme l’a fait valoir le PGC, l’hypothèse et le raisonnement du juge désigné non seulement font fi des mots de l’article 18.1, mais pourraient également entraîner une importation, à l’article 18.1, de l’analyse de mise en balance entre l’utilité de l’information et l’intérêt public envisagés à l’article 38 de la LPC. Cette façon de faire est inappropriée vu la conclusion de notre Cour selon laquelle l’article 18.1 « prive les intimés du bénéfice de la version plus libérale du privilège découlant de l’application de l’article 38 de la LPC » (arrêt Almalki, para. 60).

C. Article 18.1 comparé à d’autres régimes législatifs

[36] L’intention du législateur de ne pas permettre à un juge désigné de communiquer des résumés dans le contexte de l’article 18.1 est également étayée par le fait que, lorsque le législateur envisage la communication de tels résumés dans une loi, dans le contexte de la sécurité nationale, il le fait expressément : par exemple, LIPR, al. 83(1)e); Loi sur la prévention des voyages de terroristes, L.C. 2015, ch. 36, art. 42, al. 4c) et 6c); Loi sur la sûreté des déplacements aériens, L.C. 2015, ch. 20, art .11, al. 16c) (les régimes législatifs). En l’espèce, le juge désigné était conscient du libellé exprès prévu dans plusieurs régimes législatifs concernant la communication de résumés. Le juge désigné a néanmoins tenté de sous-estimer les mentions expresses des « résumés » dans ces régimes législatifs en limitant son analyse à une comparaison avec l’article 38 de la LPC et les « quelques mesures », selon les propos du juge désigné, qu’il envisage :

[…] premièrement, [il] [l’article 38 de la LPC] exige une décision préliminaire quant à la pertinence des informations pour l’instance sous‑jacente. Deuxièmement, il faut avoir conclu que les informations sont susceptibles de porter préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales si elles sont communiquées. Le juge qui préside l’affaire peut ensuite examiner si l’intérêt public à l’égard de la communication l’emporte sur celui de la non-communication. Le tribunal peut ordonner, sous réserve de certaines conditions, que les informations soient divulguées en tout ou en partie ou sous la forme d’un résumé de celles‑ci ou d’un aveu écrit des faits qui y sont liés.

(Décision du juge désigné, par. 46)

[37] Ainsi, le juge désigné a établi une distinction entre la LPC et les différents autres régimes législatifs – qui comprennent des mentions expresses des résumés – en constatant que ces résumés sont d’une nature différente de ceux envisagés à l’article 38 de la LPC. Il a conclu qu’ils ne contiennent pas d’informations sensibles et prévoient tous « soit des demandes de contrôle judiciaire, soit des appels devant la Cour fédérale, relativement aux décisions prises par un ministre ou un autre haut fonctionnaire, et ils régissent la communication des informations lors de ces instances par souci d’équité » (décision du juge désigné, par. 47).

[38] Je suis d’avis que la distinction que le juge désigné a établie était mal fondée. En effet, le but de la communication de résumés dans les autres régimes législatifs en cause est d’informer les parties intéressées de la preuve du gouvernement qui pèse contre elles sans divulguer d’informations sensibles, tandis que la communication de résumés en application de l’article 38 de la LPC est subordonnée à la conclusion selon laquelle la divulgation des renseignements sous-jacents porterait préjudice à la sécurité nationale (paragraphe 38.06(2) de la LPC). Cette différence explique, à elle seule, l’absence du mécanisme des « quelques mesures » évoqué par le juge désigné à propos de l’article 38 de la LPC dans les autres régimes législatifs.

[39] Je souligne que les amici insistent sur le fait que la décision du législateur de ne pas prévoir expressément les possibilités de communication de résumés à l’article 18.1 ne signifie pas toujours que la communication de résumés ne peut être autorisée par des juges désignés. Par exemple, les amici renvoient à la LIPR, en faisant valoir que, bien que l’article 87 de la LIPR, contrairement à l’article 83, n’autorise pas explicitement un juge à fournir un résumé, la Cour fédérale a néanmoins conclu qu’elle peut exercer son pouvoir discrétionnaire en application de l’article 87 pour le faire (mémoire des faits et du droit des Amici Curiae, para. 43; Karahroudi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 522, [2017] 1 R.C.F. 167, para. 26; Soltanizadeh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 114, 289 A.C.W.S. (3d) 599, para. 34 (infirmée, 2019 CAF 202, mais pas sur ce point)).

[40] Cet argument ne me convainc pas. Contrairement à l’article 38 de la LPC, un résumé « non sensible », comme celui prévu dans le cadre de l’article 87 de la LIPR, vise à informer la personne physique de la nature des allégations du gouvernement. En d’autres termes, lorsque la Cour fédérale fournit un résumé « non sensible » en application de l’article 87, en l’absence d’une disposition expresse, elle le fait dans un souci d’équité, à l’instar des autres régimes législatifs. Cet argument ne peut pas non plus être retenu.

D. Exception expresse du législateur au privilège de l’article 18.1

[41] Bien que l’interdiction de divulguer l’identité d’une source humaine à l’article 18.1 soit absolue, le législateur a expressément envisagé une exception dans le cadre restreint des instances criminelles. Cette exception peut s’appliquer dans le contexte d’une demande présentée à un juge désigné au titre de l’alinéa 18.1(4)b) lorsque l’innocence d’un accusé est en jeu. En vertu du paragraphe 18.1(8), si le juge désigné accueille la demande, il a le pouvoir discrétionnaire d’ordonner la communication « qu’il estime indiquée sous réserve des conditions qu’il précise ». À mon avis, ce pouvoir discrétionnaire quant à la forme de communication pourrait inclure la communication de résumés.

[42] Le juge désigné a interprété l’interaction entre l’alinéa 18.1(4)b) et le paragraphe 18.1(8) comme un « énoncé clair » de l’intention du législateur de donner à la Cour fédérale le contrôle de la manière dont les informations peuvent être communiquées « même si elles sont susceptibles d’identifier la source » (décision du juge désigné, para. 38). De plus, le juge désigné a rejeté l’argument du PGC selon lequel les résumés, y compris la tentative pour ébaucher des résumés non-identificateurs, pourraient néanmoins poser aux sources humaines du SCRS un sérieux risque de préjudice ou de mort et, par conséquent, avoir une incidence sur la capacité du Service à recruter.

[43] Pour appuyer son raisonnement, le juge désigné a établi des parallèles avec les instances criminelles. Il a expliqué que les résumés d’informations protégées par le privilège de l’indicateur sont « ébauch[és] avec soins » par les tribunaux criminels sans nuire au privilège. La reformulation des informations expurgées dans un contexte criminel est réalisée par la Couronne avec l’aide de la police afin de garantir que les résumés n’identifient pas accidentellement l’indicateur (décision du juge désigné, para. 40). Le juge désigné a ensuite conclu que, dans une instance désignée, l’avocat du PGC, avec l’aide de membres du SCRS et des amici, pourrait parvenir au même résultat et fournir à la Cour fédérale des résumés non-identificateurs ébauchés avec soins, minimisant ainsi le risque de divulgation accidentelle (décision du juge désigné, para. 40). Les amici soutiennent que le juge désigné a eu raison de se reporter à l’expérience des tribunaux criminels dans des affaires mettant en cause le privilège relatif aux indicateurs pour appuyer son interprétation de l’article 18.1. Ils soutiennent en outre que l’utilisation de résumés d’informations protégées par le privilège de l’indicateur dans les instances criminelles démontre que le risque de divulgation accidentelle d’une source humaine est [traduction] « gérable ».

[44] En toute déférence, à mon avis, la comparaison que le juge désigné a faite avec les instances criminelles est encore une fois mal fondée : les résumés devant les tribunaux criminels mentionnés par le juge désigné sont fournis lorsque le droit d’un accusé de présenter une défense pleine et entière est en jeu. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Il existe des différences importantes dans les types d’intérêts en matière d’équité qui sont en jeu dans les instances civiles et criminelles, et les principes applicables dans les secondes ne devraient pas être simplement transférés dans les premières. En l’espèce, l’instance est civile et le droit à la divulgation est limité par l’article 18.1 et doit céder le pas au privilège prévu par le législateur. La comparaison que le juge désigné a faite doit donc être rejetée.

[45] À cet égard, je rappelle qu’en application de l’article 18.1, lorsqu’une instance sous-jacente est de nature civile, comme celle en l’espèce, [traduction] « les seuls recours dont dispose une partie qui dépose une demande en application de l’article 18.1 sont une déclaration selon laquelle (1) une personne physique n’est pas une source humaine, et (2) l’information n’est pas une information qui permettrait de découvrir l’identité de la source humaine » (alinéa 18.1(4)a) (mémoire des faits et du droit du PGC, para. 47)). Je réitère également que, comme il est mentionné ci-dessus, la seule exception envisagée par le législateur permettant à un juge désigné de décider de la forme de l’ordonnance est lorsque l’innocence est en jeu (alinéa 18.1(4)b) et paragraphe 18.1(8)).

[46] Enfin, je note que le juge désigné s’inquiétait du fait que « le défendeur [le PGC] cherchera à protéger de larges pans d’informations en se fondant sur ses allégations selon lesquelles toute communication tendrait à identifier des sources humaines si un observateur éclairé la lisait ». Cependant, l’article 18.1 comprend un mécanisme complet qui protège contre de tels abus (arrêt Article 18.1 de la Loi sur le SCRS Re et décision X (Re)).

[47] Avant de conclure, le juge désigné a fait référence à l’article 19 de la Loi sur le SCRS pour appuyer l’idée qu’une source humaine du SCRS ne jouit pas de l’anonymat absolu. Il a fait remarquer qu’en application de l’article 19, le directeur du SCRS conserve un large pouvoir discrétionnaire et peut, à des fins opérationnelles, communiquer l’identité d’une source. Sur ce point, il suffit de dire que l’échange d’informations dans le cadre d’opérations ne doit pas être assimilé au privilège générique prévu à l’article 18.1, qui s’applique dans le cadre d’une instance judiciaire. En effet, l’échange d’informations entre partenaires internationaux dans le cadre d’opérations se fait étant bien entendu qu’elles ne seront pas divulguées (Canada (Procureur général) c. Telbani, 2014 CF 1050, 251 A.C.W.S. (3d) 457) tandis que la divulgation d’informations dans le cadre d’une instance judiciaire entraînera une divulgation publique.

VIII. Conclusion

[48] En conclusion, le juge désigné a commis une erreur de droit en décidant qu’en application de l’article 18.1, la Cour fédérale peut autoriser la communication d’un résumé d’informations par le privilège relatif aux sources humaines dans le cadre d’une instance civile. Ce faisant, il a fait fi des mots et de l’objet de la loi ainsi que de l’intention du législateur.

[49] J’accueillerais donc l’appel et, rendant la décision que le juge désigné aurait dû rendre, je déclarerais que l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS ne permet pas la communication de résumés, notamment les résumés non-identificateurs, dans le cadre d’une instance civile.

[50] Ces motifs publics ont d’abord été publiés en version classifiée le 28 novembre 2022 afin d’assurer le respect des exigences en matière de sécurité nationale avant d’être rendus publics.

« Richard Boivin »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

René LeBlanc, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-298-21

 

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. HASSAN ALMREI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 octobre 2022

 

VERSION PUBLIQUE DES MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LEBLANC

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 NOVEMBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Nathalie Benoit

Jacques-Michel Cyr

 

Pour l’appelant

 

Gord Cameron

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

 

Pour l’appelant

 

Blake, Cassels & Graydon S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Ottawa (Ontario)

Pour l’intimé

 

 

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