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Date : 20220608


Dossier : A-170-21

Référence : 2022 CAF 109

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

RICHARD CORY STANCHFIELD

appelant

et

LE MINISTRE DE L’EMPLOI, DU DÉVELOPPEMENT DE LA MAIN-D’ŒUVRE ET DE L’INCLUSION DES PERSONNES HANDICAPÉES, POUR SA MAJESTÉ DU CHEF DU CANADA,

et

LA COMMISSION DE L’ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA,

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

et

PIERRE LALIBERTÉ, COMMISSAIRE DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES, COMMISSION DE L’ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA

intimés

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 8 juin 2022.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 8 juin 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20220608


Dossier : A-170-21

Référence : 2022 CAF 109

CORAM :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

RICHARD CORY STANCHFIELD

appelant

et

LE MINISTRE DE L’EMPLOI, DU DÉVELOPPEMENT DE LA MAIN-D’ŒUVRE ET DE L’INCLUSION DES PERSONNES HANDICAPÉES, POUR SA MAJESTÉ DU CHEF DU CANADA,

et

LA COMMISSION DE L’ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA,

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

et

PIERRE LALIBERTÉ, COMMISSAIRE DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES, COMMISSION DE L’ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 8 juin 2022.)

LE JUGE LOCKE

[1] M. Stanchfield interjette appel du rejet par la Cour fédérale (2021 CF 467, le juge Phelan) de sa demande de contrôle judiciaire d’une décision de refus, par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission), de révoquer son enregistrement et de retirer toute information le concernant du Registre d’assurance sociale (RAS), y compris son numéro d’assurance sociale (NAS).

[2] La Commission a statué qu’elle n’avait pas compétence pour faire ce que M. Stanchfield avait demandé. La Cour fédérale a souscrit à la décision de la Commission.

[3] M. Stanchfield affirme que la Cour fédérale a commis une erreur à plusieurs égards. Nous ne relevons aucune erreur.

[4] La norme de contrôle est celle que les intimés soutiennent. Nous devons déterminer si la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée pour son contrôle de la décision de la Commission, et si la Cour fédérale a appliqué la norme de contrôle correctement : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 RCS 559 au paragraphe 45.

[5] La Cour fédérale a choisi à juste titre la norme de contrôle de la décision raisonnable comme étant la norme de contrôle applicable. Nous ne souscrivons pas à l’argument de M. Stanchfield selon lequel la Cour fédérale aurait dû appliquer la norme de la décision correcte. Les erreurs alléguées portent sur l’interprétation par la Commission de sa loi constitutive, la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34 (la LMEDS) et plus précisément l’article 28.1 de celle-ci. Malgré l’importance de cette interprétation à M. Stanchfield (et possiblement à d’autres personnes), la question en litige ne fait partie d’aucune des exceptions prévues par la majorité de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, 441 D.L.R. (4th) 1 (arrêt Vavilov), à la présomption de contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable. Même si M. Stanchfield affirme que le présent appel touche d’autres institutions, rien ne suggère qu’elle concerne la délimitation des compétences entre deux organismes administratifs ou plus, ce qui commanderait la norme de la décision correcte. Par ailleurs, nous ne sommes pas d’accord pour dire que le présent appel soulève des questions d’importance centrale pour l’ensemble du système juridique comme c’était le cas dans l’arrêt Vavilov.

[6] En fin de compte, la norme de contrôle n’était pas importante aux yeux de la Cour fédérale, car elle a conclu dans sa décision qu’il n’y avait qu’une seule interprétation raisonnable.

[7] M. Stanchfield affirme que la Cour fédérale a commis une erreur en confondant sa demande de révocation d’enregistrement avec une demande de radiation. Il met également l’accent sur une distinction entre faire l’objet d’une demande d’enregistrement auprès de la Commission et être consigné dans le RAS. Nous ne sommes pas convaincus que la Cour fédérale était embrouillée d’une quelconque manière à propos de la mesure de réparation que demandait M. Stanchfield. Nous ne sommes pas non plus convaincus qu’il y ait une différence significative en ce qui concerne l’emploi, par la Cour fédérale, des termes « révocation de l’enregistrement » et « radiation ». Ou qu’il existe une distinction significative dans le présent appel entre demander la révocation de l’enregistrement auprès de la Commission et demander la radiation du RAS.

[8] M. Stanchfield affirme que la disposition de la LMEDS qui exige l’enregistrement (paragraphe 28.1(1)) sous-entend nécessairement un droit de faire révoquer l’enregistrement lorsque les exigences relatives à l’enregistrement (« exercer un emploi assurable » ou être « un travailleur indépendant ») ne s’appliquent plus. La Cour fédérale a conclu que cette interprétation était déraisonnable, car elle était fondée sur une simple lecture grammaticale de la disposition (et plus particulièrement du verbe « est » [dans la version anglaise]), et qu’elle ne tenait pas compte du régime, du contexte et de l’objet de la loi. La Cour fédérale a noté que la LMEDS prévoit explicitement l’obligation d’enregistrement, mais qu’elle ne contient pas de disposition permettant la révocation de l’enregistrement ou la radiation. La Cour fédérale a également mentionné des dispositions qui permettent l’annulation d’un NAS, mais seulement dans des circonstances limitées qui ne s’appliquent pas en l’espèce. La Cour fédérale a conclu que l’objectif du RAS est de servir de recueil gouvernemental dans lequel un seul numéro par personne est consigné pour assurer l’uniformité et la simplicité de l’administration du NAS, compte tenu des diverses lois fédérales applicables. La Cour fédérale a conclu qu’aucun pouvoir d’autoriser la radiation d’un NAS, qu’il soit explicite ou implicite, n’est conféré. Par conséquent, le titulaire d’un NAS n’a pas le droit de le faire radier.

[9] Nous ne percevons aucune erreur dans ces conclusions. À notre avis, la Cour fédérale a eu tout à fait raison de confirmer la conclusion de la Commission selon laquelle le législateur visait à prévoir un mécanisme d’enregistrement, et aucun mécanisme pour révoquer l’enregistrement.

[10] M. Stanchfield affirme que la Cour fédérale a commis une erreur en ne tenant pas compte de la version française des dispositions pertinentes. Nous avons examiné la version française et ne voyons rien dans celle-ci qui aurait pu modifier le résultat.

[11] M. Stanchfield assimile l’enregistrement auprès de la Commission en application de la LMEDS à la décision volontaire de conclure un contrat, lequel inclut implicitement un droit de se retirer du contrat. Il existe plusieurs raisons pour lesquelles cette analogie ne peut s’appliquer. Par exemple, elle est mal choisie puisque l’enregistrement aux termes de la LMEDS n’est pas volontaire. Comme M. Stanchfield lui-même l’a mentionné, la Commission peut enregistrer une personne contre son gré si elle est tenue d’avoir un NAS, mais qu’elle refuse de présenter une demande d’enregistrement : voir l’article 4 du Règlement sur le numéro d’assurance sociale, D.O.R.S./2013-82. Qui plus est, le fait de signer un contrat ne confère pas le droit de se retirer de ce contrat. Certains contrats permettent le retrait, mais d’autres non.

[12] M. Stanchfield affirme que la LMEDS devrait être interprétée de façon à respecter ses droits fondamentaux. Cet argument n’a pas été soulevé en bonne et due forme devant la Cour fédérale ou devant notre Cour. De plus, M. Stanchfield ne nous a pas convaincus que de tels droits sont menacés par l’interprétation de la LMEDS faite par la Commission.

[13] Pour les motifs qui précèdent, le présent appel sera rejeté avec dépens établis à 1 500 $, tout compris.

« George R. Locke »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-170-21

 

 

INTITULÉ :

RICHARD CORY STANCHFIELD c. LE MINISTRE DE L’EMPLOI, DU DÉVELOPPEMENT DE LA MAIN-D’ŒUVRE ET DE L’INCLUSION DES PERSONNES HANDICAPÉES, POUR SA MAJESTÉ DU CHEF DU CANADA, et COMMISSION DE L’ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA, et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, et PIERRE LALIBERTÉ, COMMISSAIRE DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES, COMMISSION DE L’ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 juin 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

LA JUGE ROUSSEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE LOCKE

COMPARUTIONS :

Richard Cory Stanchfield

Pour l’APPELANT

(pour son propre compte)

 

Adrienne Copithorne

 

Pour les intimés

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour les intimés

 

 

 

 

 

 

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