Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20220606


Dossier : A-39-22

Référence : 2022 CAF 102

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM : LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LOCKE

ENTRE :

BERNARD FIEDERER

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MARC GIROUX et LE CONSEIL CANADIEN DE LA MAGISTRATURE

intimés

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 juin 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20220606


Dossier : A-39-22

Référence : 2022 CAF 102

CORAM : LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LOCKE

ENTRE :

BERNARD FIEDERER

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MARC GIROUX et LE CONSEIL CANADIEN DE LA MAGISTRATURE

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GLEASON

[1] Les intimés, Marc Giroux et le Conseil canadien de la magistrature (collectivement, les parties qui présentent la requête), ont demandé une ordonnance en rejet sommaire du présent appel, affirmant qu’il n’a aucune chance d’être accueilli. Je suis d’accord et, pour les motifs qui suivent, je rejetterais le présent appel avec dépens.

[2] Il convient de situer le contexte brièvement.

[3] L’appelant a intenté une action devant la Cour fédérale, demandant 475 000 $ en dommages-intérêts aux intimés, découlant de ce qu’il alléguait être une faute lourde commise par M. Giroux lorsqu’il a rejeté des plaintes que l’appelant avait déposées auprès du Conseil canadien de la magistrature (le CCM) à l’égard de plusieurs juges de la Cour supérieure du Québec et de la Cour d’appel du Québec.

[4] Ces plaintes semblaient être liées au rejet d’une action que l’appelant a intentée au Québec contre un notaire et le Fonds d’assurance responsabilité professionnelle de la chambre des notaires du Québec. La Cour supérieure du Québec a rejeté l’action de l’appelant parce qu’elle était prescrite et sans fondement juridique (Fiederer c. Litvack, 2018 QCCS 3796 au para. 7). L’appelant a interjeté appel de la décision et la Cour d’appel du Québec a sommairement rejeté son appel, estimant qu’il ne présentait aucune chance raisonnable de succès et qu’il avait un caractère abusif (Fiederer c. Litvack, 2018 QCCA 2012). L’appelant a demandé la révocation de cette décision et la Cour d’appel du Québec a rejeté sa demande de révocation (Fiederer c. Litvack, 2019 QCCA 681). L’appelant a ensuite demandé la révocation de la décision de révocation. La Cour d’appel du Québec a rejeté sa deuxième demande de révocation et a déclaré l’appelant plaideur quérulent (Fiederer c. Litvack, 2019 QCCA 1095).

[5] Concernant le litige en instance devant la Cour fédérale, les parties qui présentent la requête ont déposé une requête en radiation de la demande de l’appelant en application du paragraphe 221(1) des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106.

[6] Dans le jugement porté en appel (Fiederer c. Canada (Procureur général), 2022 CF 48), la Cour fédérale (le juge Grammond) a radié la demande de l’appelant dans son intégralité, sans autorisation de la modifier. Elle a conclu que la demande ne révélait aucune cause d’action valable. Plus précisément, la Cour fédérale a conclu que le CCM, un organisme créé par la Loi sur les juges, L.R.C. 1985, c. J-1, bénéficie de l’immunité contre la responsabilité délictuelle ou extracontractuelle dans le traitement des plaintes déposées à l’égard des juges, à moins que le CCM n’agisse de mauvaise foi, et que M. Giroux bénéficie d’une telle immunité dans l’exercice de ses fonctions de directeur exécutif du CCM. Comme la déclaration de l’appelant ne soulevait aucune allégation de mauvaise foi, la Cour fédérale a conclu que la demande de l’appelant ne révélait aucune cause d’action. Vu cette conclusion, il n’était pas nécessaire que la Cour fédérale se prononce sur la requête du procureur général d’être mis hors de cause à titre de défendeur pour le motif qu’il avait été désigné à tort.

[7] L’appelant a interjeté appel du jugement de la Cour fédérale devant notre Cour. Dans son avis d’appel, l’appelant semble alléguer que la Cour fédérale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que sa déclaration ne contenait aucune allégation de mauvaise foi. Je ne vois aucune possibilité qu’un tel argument ait le moindre espoir de succès; à ce titre, je rejetterais sommairement le présent appel.

[8] En vertu de la compétence plénière de notre Cour de gérer le contentieux à régler, celle-ci peut rejeter sommairement un appel, soit sur requête d’un intimé soit de sa propre initiative, si l’appel est « manifestement voué à l’échec à cause d’un vice fondamental ou de l’absence de bien-fondé » (Bernard c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 144 au para. 10; voir également Dugré c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 8 aux paras. 22–23 [arrêt Dugré]). En effet, laisser un appel voué à l’échec demeurer sur le rôle « […] donn[e] lieu à un gaspillage de ressources judiciaires et entrav[e] l’accès à la justice pour ceux qui exercent des recours méritoires », comme l’a récemment fait remarquer le juge en chef de notre Cour dans l’arrêt Dugré au paragraphe 22.

[9] Dans la décision faisant l’objet de l’appel, la Cour fédérale a énoncé le principe juridique approprié selon lequel le CCM et ses employés, agissant dans le cadre de leurs fonctions, bénéficient d’une immunité contre des poursuites en responsabilité délictuelle ou extracontractuelle, à moins qu’ils n’agissent de mauvaise foi lors du traitement d’une plainte (Ernst c. Alberta Energy Regulator, 2017 CSC 1, [2017] 1 R.C.S. 3 aux paras. 50–51, 115–120, 171; Taylor c. Canada (Procureur général), 2000 CanLII 17120 (CAF), [2000] 3 CF 298 aux paras. 30–39, 41; Sirros v. Moore, [1974] 3 All ER 776 (C.A) à la p. 785; Morier c. Rivard, 1985 CanLII 26 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 716 aux pp. 737–45; Edwards c. Barreau du Haut-Canada, 2001 CSC 80 au para. 6). Par conséquent, la décision de la Cour fédérale ne comporte aucune erreur de droit.

[10] La Cour fédérale n’a pas non plus commis d’erreur manifeste et dominante lorsqu’elle a conclu que la déclaration de l’appelant ne comporte aucune allégation de mauvaise foi. Ni le fait que le CCM ait refusé d’enquêter sur les plaintes de l’appelant ni les allégations de négligence de l’appelant ne constituent de la mauvaise foi. De plus, comme notre Cour l’a fait remarquer dans l’arrêt Merchant Law Group c. Canada (Agence du revenu), 2010 CAF 184 au para. 34 :

[34] [...] Lorsqu’on plaide la mauvaise foi ou l’abus de pouvoir, il ne suffit pas d’utiliser des formulations laconiques et catégoriques telles que [traduction] « délibérément ou négligemment », « indifférence complète » ou « s’est procuré illégalement par le vol ou la fraude » : Zundel c. Canada, 2005 CF 1612, 144 A.C.W.S. (3d) 635; Vojic c. Canada (M.N.R.), [1987] 2 C.T.C. 203, 87 D.T.C. 5384 (C.A.F.). « La simple affirmation d’une conclusion sur laquelle la Cour est appelée à se prononcer ne constitue pas une allégation d’un fait essentiel » : Canadian Olympic Association c. USA Hockey, Inc. (1997), 74 C.P.R. (3d) 348, 72 A.C.W.S. (3d) 346 (C.F. 1re inst.). Faire des déclarations laconiques ou catégoriques qui ne reposent sur aucun élément de preuve constitue un abus de procédure : AstraZeneca Canada Inc. c Novopharm Limited, 2010 CAF 112, au paragraphe 5. Si l’exigence prévoyant qu’un acte de procédure doit contenir des faits substantiels ne figurait pas à l’article 174 des Règles ou si les tribunaux ne la faisaient pas respecter, les parties pourraient faire valoir les arguments les plus vagues sans aucun élément de preuve pour les étayer et lancer leur filet à l’aveuglette. Comme l’a affirmé notre Cour, « une action en justice n’est pas une enquête à l’aveuglette et une partie demanderesse qui intente des poursuites en se fondant sur le simple espoir qu’elles lui fourniront des preuves justifiant ses prétentions utilise les procédures de la Cour de façon abusive » : Kastner c. Painblanc (1994), 58 C.P.R. (3d) 502, 176 N.R. 68, au paragraphe 4 (C.A.F.).

[11] Par conséquent, le présent appel est voué à l’échec. Je le rejetterais donc avec dépens.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

George R. Locke, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-39-22

 

INTITULÉ :

BERNARD FIEDERER c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MARC GIROUX et LE CONSEIL CANADIEN DE LA MAGISTRATURE

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DU JUGEMENT :

La juge Gleason

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 6 juin 2022

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Bernard Fiederer

 

Pour l’appelant

 

Annie Flamand

Pascale-Catherine Guay

 

Pour l’intimé,

Procureur général du Canada

 

Mathieu Piché-Messier

Nadia Effendi

Amanda Afeich

Pour lES intiméS,

Conseil canadien de la magistrature et Marc Giroux

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

 

Pour l’intimé,

Procureur général du Canada

 

Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

Pour les intimés

Conseil canadien de la magistrature et Marc Giroux

 

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