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Date : 20220518


Dossier : A-69-21

Référence : 2022 CAF 88

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

SIGMA RISK MANAGEMENT INC.

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue par vidéoconférence organisée par le greffe, le 18 mai 2022.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 18 mai 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20220518


Dossier : A-69-21

Référence : 2022 CAF 88

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

SIGMA RISK MANAGEMENT INC.

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 18 mai 2022)

LE JUGE DE MONTIGNY

[1] Notre Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire par laquelle la demanderesse, Sigma Risk Management Inc. (Sigma), demande que soit rendue une ordonnance annulant la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), qui a refusé de mener une enquête sur la plainte qu’elle avait déposée relativement à une soumission pour la prestation de services d’assurances dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres. Le Tribunal a conclu que Sigma a déposé sa plainte 57 jours après s’être vu refuser réparation par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (Travaux publics), soit bien au-delà du délai de dix jours ouvrables prévu à l’article 6 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, DORS/93-602 (le Règlement). Le Tribunal a également conclu que la plainte ne démontrait pas, dans une mesure raisonnable, quelque manquement à l’accord commercial applicable, en l’occurrence l’Accord de libre-échange canadien (et plus précisément l’alinéa 507.3b)), comme l’exige l’article 7 du Règlement.

[2] Après avoir examiné avec soin les observations orales et écrites des parties, notre Cour est d’avis que la présente demande ne peut être accueillie.

[3] La décision du Tribunal ne soulève, entre les parties, aucune question en litige qui doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, 441 D.L.R. (4th) 1; Canada (Procureur général) c. L.P. Royer Inc., 2018 CAF 27, 2018 CarswellNat 196 (WL Can), par. 25.

[4] Sigma affirme que la question du dépôt tardif de la plainte relève de l’équité procédurale et qu’elle doit donc être examinée en regard de la norme de la décision correcte. Cependant, Sigma ne soutient pas que le Tribunal a manqué à son devoir d’équité procédurale, mais plutôt qu’il aurait dû retenir une autre interprétation des exigences relatives au délai prévues au paragraphe 6(2) du Règlement, à savoir que le délai n’aurait dû commencer à être calculé qu’au moment où Sigma a été informée de son droit de déposer une plainte. Cet argument pourrait plus justement être qualifié de contestation du caractère raisonnable de l’application que le Tribunal a faite de sa loi constitutive.

[5] Le Tribunal a tenu pour avéré le fait que Sigma a présenté son opposition auprès de Travaux publics le 4 décembre 2020 et que le ministère a confirmé son refus de réparation le 7 décembre 2020. Par conséquent, Sigma savait – ou aurait dû raisonnablement savoir – que la réparation demandée avait été rejetée à cette date, à partir de laquelle le délai prescrit de 10 jours a commencé à courir. Cette conclusion est parfaitement raisonnable eu égard aux faits, et elle est conforme à de nombreuses décisions antérieures du Tribunal.

[6] Sigma critique le fait que Travaux publics a attendu le 25 janvier 2021 pour l’informer de son droit de déposer une plainte auprès du Tribunal. Elle n’a toutefois pas invoqué cet argument devant le Tribunal. Cet élément suffit à lui seul pour statuer sur l’argument, car une cour de révision répugne, dans une instance en contrôle judiciaire, à entendre de nouveaux arguments qui auraient pu être présentés au décideur administratif, mais qui ne l’ont pas été : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, par. 23.

[7] Qui plus est, ni la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.), ni son Règlement, n’exigent que le ministère des Travaux publics informe les fournisseurs non retenus de leurs droits de recours. Comme l’a déclaré notre Cour dans l’arrêt IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd., 2002 CAF 284, 291 N.R. 262, par. 17, et l’a répété à maintes reprises le Tribunal, le temps représente une condition essentielle dans les affaires de marché public. Il incombe aux soumissionnaires et aux fournisseurs potentiels de faire preuve de prudence, de rester vigilants tout au long de la procédure de marché public et de réagir rapidement à toute lacune perçue dans la procédure. Ce devoir de vigilance comprend l’obligation de se renseigner sur les droits conférés par la loi relativement au processus d’appel d’offres, de comprendre ces droits et de déposer une plainte auprès du Tribunal.

[8] Sur le fond, le Tribunal a conclu que la disposition la plus pertinente de l’Accord de libre-échange canadien était l’alinéa 507.3b), qui prévoit que l’entité contractante « effectue son évaluation sur la base des conditions qu’elle a spécifiées à l’avance dans ses avis d’appel d’offres ou sa documentation relative à l’appel d’offres ». Sigma soutient que la ressource qu’elle proposait, qui ne comptait qu’une année d’expérience dans les services liés aux processus de gestion des risques, satisfaisait aux exigences énoncées dans les critères obligatoires de la demande d’offres à commandes, dans la mesure où l’exigence concernant les « trois ans d’expérience de travail connexe » ne faisait pas directement référence à trois années d’expérience en gestion des risques. Le Tribunal a toutefois jugé qu’il était loisible à Travaux publics de rejeter la soumission de la demanderesse pour défaut de satisfaire aux exigences incontournables, car, lorsqu’elles sont lues de manière conjonctive, les trois années d’expérience font référence à la fois au travail dans le domaine général des services liés aux processus de gestion des risques et à d’autres tâches dans lesquelles la ressource proposée devait avoir de l’expérience. Nous sommes d’avis qu’une telle interprétation de l’appel d’offres et de ses exigences était parfaitement raisonnable.

[9] Pour tous les motifs qui précèdent, la demande sera rejetée avec dépens.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-69-21

 

 

INTITULÉ :

SIGMA RISK MANAGEMENT INC. c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ORGANISÉE PAR LE GREFFE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 mai 2022

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE DE MONTIGNY

COMPARUTIONS :

Mike Cashion

 

Pour la demanderesse

 

Charles Maher

Gregory Tzemenakis

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cashion Legal

Calgary (Alberta)

 

Pour la demanderesse

 

A. François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

 

 

 

 

 

 

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